. ******************************************************* TO READ THIS FILE SAVE IT TO DISK FIRST; AND READ IT USING NOTEPAD OR ANY OTHER TEXT EDITOR. ******************************************************* . L'entrée au Milieu de Chandrakirti . d'après la version tibétaine de Patsab Nyima Dragpa et Tilakakalasha, l'Auto-commentaire de Chandrakirti et l'exégèse de Tsongkhapa intitulée l'Illumination de la Pensée traduction française établie sous la direction de Yonten Gyatso par Georges Driessens assisté de Michel Zaregradsky pour la version définitive . Sub-section titles are in the form: L#: […]. These can be used to regenerate the structure using a Word Processor. . Paragraph starting with '¢(i.e. ...' are usually added comments by me. . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L1: [CONTENTS] :L1 . L1: [CONTENTS] :L1 L1: [Table des matières] :L1 L1: [Préliminaires] :L1 L2: [Preface du Traducteur] :L2 L2: [Remerciements] :L2 L2: [Note technique] :L2 L2: [L'auteur] :L2 L3: [Oeuvres principales (de Chandrakirti)] :L3 L2: [Le traducteur tibétain et ses collaborateurs] :L2 L2: [La lignée de transmission de l'entrée au milieu] :L2 L2: [Les auteurs de la traduction française] :L2 L2: [L'entrée au milieu dans les langues occidentales] :L2 L2: [Les quatre systèmes philosophiques] :L2 L3: [Les particularistes] :L3 L3: [Les tenants des discours] :L3 L3: [Les idéalistes] :L3 L3: [Les tenants du milieu (Nagarjuna, Aryadeva, Chandrakirti, Shantideva, …)] :L3 L3: [Les autonomes (Bhavaviveka, Jnanagarbha ; Shantaraksita, Kamalashila, Vimuktisena, Haribhadra)] :L3 L3: [Les conséquentialistes (Buddhapalita, Chandrakirti, Shantideva)] :L3 L3: [Modes d'assertions de la personne et du non-soi selon les quatre écoles philosophiques] :L3 L3: [Mode d'abandon des extrêmes] :L3 L2: [Notes aux préliminaires] :L2 L2: [Abréviations] :L2 L1: [L'entrée au milieu] :L1 L3: [Hommage préliminaire de Tsongkhapa] :L3 L2: [1. Le sens du titre] :L2 L2: [2. Hommage des traducteurs] :L2 L1: [La Grande Compassion] :L1 L2: [3. Le sens du texte] :L2 L3: [31. Expression d'adoration, méthode d'introduction a la composition du traité] :L3 L4: [311. Louange a la grande compassion indifférenciée] :L4 L4: [312. Louange a la grande compassion en distinguant ses aspects] :L4 L5: [312.1. La grande compassion dirigée vers les êtres] :L5 L5: [312.2. La grande compassion dirigée vers les phénomènes et le non-appréhensible] :L5 L3: [32. Le corps du traité proprement dit] :L3 L4: [321. Niveau causal] :L4 L5: [321.1. Présentation de chacune des dix terres] :L5 L1: [Les cinq premières perfections] :L1 L3: [321.11. Explication de la première terre: très joyeuse] :L3 L4: [321.111. Bref enseignement sur sa nature] :L4 L4: [321.112. Explication détaillée de ses qualités] :L4 L5: [321.112.1. Qualités embellissant notre propre continuum] :L5 L5: [321.112.2. Qualités surpassant en splendeur le continuum d'autrui] :L5 L5: [321.112.3. Qualités de générosité supérieure de la première terre] :L5 L6: [321.112.31. Générosité des résidents en la première terre] :L6 L6: [321.112.32. Générosité des réceptacles inférieurs] :L6 L6: [321.112.33. Générosité des Héros pour l'éveil] :L6 L6: [321.112.34. Divisions de la perfection de générosité] :L6 L4: [321.113. Résumé et conclusion] :L4 L3: [321.12. Explication de la deuxième terre: immaculée] :L3 L4: [321.121. Pureté complète de l'éthique a ce niveau] :L4 L4: [321.122. Louange de l'éthique] :L4 L4: [321.123. Exemple de rejet des conditions contraires a l'éthique] :L4 L4: [321.124. Divisions de la perfection d'éthique] :L4 L4: [321.125. Résumé et conclusion] :L4 L3: [321.13. Explication de la troisième terre: illuminatrice] :L3 L4: [321.131. Description] :L4 L4: [321.132. Qualités de cette terre] :L4 L5: [321.132.1. Patience supérieure] :L5 L5: [321.132.2. Mode d'application à d'autres patiences] :L5 L5: [321.132.3. Divisions de la perfection de patience] :L5 L5: [4. Autres pures vertus de cette terre] :L5 L4: [321.133. Caractéristiques des trois premières perfections] :L4 L4: [321.134. Résumé et conclusion] :L4 L3: [321.14 Explication de la quatrième terre: radiance] :L3 L4: [321.141. Persévérance supérieure propre a cette terre] :L4 L4: [321.142. Description] :L4 L4: [321.143. Particularité d'abandon] :L4 L3: [321.15. Explication de la cinquième terre: difficile a vaincre] :L3 L4: [321.151. Description] :L4 L4: [321.152. Méditation supérieure et habileté dans les vérités] :L4 L3: [Notes] :L3 L1: [La perfection de sagesse] :L1 L3: [321.16. Explication de la sixième terre] :L3 L4: [321.161. Description et enseignement sur la perfection de sagesse supérieure] :L4 L4: [321.162. Louange de la perfection de sagesse] :L4 L4: [321.163. Enseignement sur l'aséité par laquelle est perçue la profonde production en dépendance] :L4 L5: [321.163.1. Promesse d'exposer le sens profond] :L5 L5: [321.163.2. Reconnaissance des supports pour l'enseignement du sens profond] :L5 L5: [321.163.3. Mode d'apparition en eux des qualités issues de cette exposition] :L5 L5: [321.163.4. Exhorter à l'écoute les récepteurs adéquats] :L5 L5: [321.163.5. Mode d'exposition de l'aséité de la production en dépendance] :L5 L6: [Position des autonomes] :L6 L6: [Positions des conséquentialistes] :L6 L6: [321.163.51. Établir la vacuité par le raisonnement] :L6 L7: [321.163.511. Établir par le raisonnement LE NON-SOI DES PHÉNOMÈNES] :L7 L8: [321.163.511.I. Réfutation d'une production au moyen des quatre extrêmes] :L8 L8: [321.163.511.2. Abandonner les objections] :L8 L8: [321.163.3. Manière de réfuter les conceptions erronées de saisie d'un extrême au moyen de la naissance par la production en dépendance] :L8 L8: [321.163.4. Reconnaître le fruit de l'analyse logique] :L8 L7: [321.163.512. Établir par le raisonnement le non-soi des personnes] :L7 L8: [321.163.512.1. Montrer que les aspirants à la libération doivent commencer par réfuter l'existence inhérente du je] :L8 L8: [321.163.512.2. Mode de réfutation de l'existence inhérente du je et mien] :L8 L6: [321.163.52. Explication des DIVISIONS DE LA VACUITÉ (13)] :L6 L7: [321.163.521. Enseignement résumé] :L7 L7: [321.163.522. Exposition détaillée de la division en SEIZE VACUITÉS] :L7 L8: [321.163.522.1. Les quatre vacuités: de l'intérieur, de l'extérieur, de l'intérieur et de l'extérieur et vacuité de la vacuité.] :L8 L8: [321.163.522.2. Les quatre vacuités: du grand, de l'ultime, du composé et de l'incomposé] :L8 L8: [321.163.522.3. Les quatre vacuités: de ce qui est au-delà des extrêmes, de ce qui est sans commencement ni fin, de ce à quoi il ne faut pas renoncer et de nature] :L8 L8: [321.163.522.4 Les quatre vacuités: de tous les phénomènes, des caractères spécifiques, du non-appréhensible et des non-choses] :L8 L7: [321.163.523. Exposition détaillée de la division en QUATRE VACUITÉS] :L7 L4: [321.164. Résumé et conclusion sous l'angle de l'expression des qualités de cette terre] :L4 L4: [NOTES] :L4 L1: [Les quatre dernières perfections] :L1 L3: [321.17 Explication de la septième terre: qui-va-loin] :L3 L3: [321.18. Explication de la huitième terre: immuable] :L3 L4: [321.181. Aspiration excellente et mode de sortie de la cessation] :L4 L4: [321.182. Élimination de toutes les perturbations] :L4 L4: [321.183. Obtention des dix pouvoirs] :L4 L3: [321.19. Explication de la neuvième terre: excellente intelligence] :L3 L3: [321.20. Explication de la dixième terre: nuage de la doctrine] :L3 L3: [321.2 Enseignement sur les qualités des dix terres] :L3 L4: [321.21. Qualités de la première terre] :L4 L4: [321.22. Qualités des six terres suivantes, de la deuxième à la septième] :L4 L4: [321.23. Qualités des trois terres pures] :L4 L1: [Le plein épanouissement] :L1 L3: [322. Niveau résultant] :L3 L4: [322.I. Mode d'acquisition du plein épanouissement] :L4 L5: [11. Sens proprement dit (2)] :L5 L5: [12. Abandon des objections] :L5 L6: [121. Assertion des opposants] :L6 L6: [122. Réfutation] :L6 L7: [1. Abandon de l'argument selon lequel il serait incorrect que l'aséité soit connue] :L7 L7: [2. Abandon de l’argument selon lequel il n'y aurait pas de connaissant] :L7 L4: [322.2. Présentation des Corps et des qualités] :L4 L5: [21. Présentation des Corps] :L5 L6: [211. Le corps de la loi] :L6 L6: [212. Le corps de complète jouissance] :L6 L6: [213. Le corps d'émanation] :L6 L5: [22. Présentation des qualités] :L5 L6: [221. Enseignement résumé des dix forces] :L6 L6: [222. Enseignement développé] :L6 L7: [1. La connaissance du possible et de l'impossible] :L7 L7: [2. La connaissance de la maturation des actions] :L7 L7: [3. La connaissance des diverses aspirations] :L7 L7: [4. La connaissance des diverses dispositions] :L7 L7: [5. La connaissance du degré des facultés] :L7 L7: [6. La connaissance des voies menant aux diverses destinées] :L7 L7: [7. La connaissance des perturbations et de la purification] :L7 L7: [8. La connaissance des anciennes résidences] :L7 L7: [9. La connaissance de la mort, du passage et de la renaissance] :L7 L7: [10. La connaissance de l'extinction des impuretés] :L7 L6: [223. Caractère ineffable des qualités] :L6 L6: [224. Bienfaits de connaître les deux qualités] :L6 L4: [322.3. Enseignement sur le Corps d'Émanation] :L4 L4: [322.4. Établissement d'un véhicule unique] :L4 L4: [322.5 Explication des moments de l'éveil manifeste et du séjour] :L4 L1: [Mode de composition du traité] :L1 L3: [33. Mode de composition du traité] :L3 L1: [Dédicace, Conclusion, Remarques Finales] :L1 L3: [34. Dédicace des vertus de la composition] :L3 L2: [4. Conclusion] :L2 L4: [41. À propos de l'auteur] :L4 L4: [42. À propos des traducteurs] :L4 L2: [Remarques finales] :L2 L2: [Notes] :L2 L1: [Hymne a la production dépendante] :L1 L2: [Avant-propos] :L2 L2: [Le cœur de l'éloquence: Hymne au seigneur silencieux ou Hymne à la production dépendante] :L2 L2: [Notes] :L2 L1: [ECONOMIE DU TEXTE] :L1 . . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L1: [Table des matières] :L1 . TABLE DES MATIÈRES DU LIVRE -- PRÉLIMINAIRES 13 -- Préface du traducteur 15 -- Remerciements 20 -- Note technique 21 -- L'auteur 22 -- Le traducteur tibétain et ses collaborateurs 27 -- La lignée de transmission de l'Entrée au Milieu 29 -- Les auteurs de la traduction française 30 -- L'Entrée au Milieu dans les langues occidentales 31 -- Les quatre systèmes philosophiques 33 -- Notes 56 -- Abréviations 60 . -- L'ENTRÉE AU MILIEU -- Hommage préliminaire de Tsongkhapa 63 -- Le sens du titre 65 -- Hommage des traducteurs 67 -- Le sens du texte 71 . -- LA GRANDE COMPASSION -- Expression d'adoration, méthode d'introduction à la -- composition du traité 71 -- Le corps du traité proprement dit 80 -- Niveau causal 80 -- Présentation de chacune des dix terres 80 . -- LES CINQ PREMIÈRES PERFECTIONS -- Explication de la première terre: Très joyeuse 85 -- Explication de la deuxième terre: Immaculée 106 -- Explication de la troisième terre: Illuminatrice 112 -- Explication de la quatrième terre: Radiance 122 -- Explication de la cinquième terre: Difficile à vaincre 124 -- Notes 126 . -- LA PERFECTION DE SAGESSE -- Explication de la sixième terre: Orientation 131 -- Description et enseignement sur la perfection de -- sagesse supérieure 131 -- Louange de la perfection de sagesse 132 -- Enseignement sur l'aséité par laquelle est perçue la -- profonde production en dépendance 133 -- Établir la vacuité par le raisonnement 144 -- Le non-soi des phénomènes 144 -- Réfutation d'une production au moyen des quatre -- extrêmes 144 -- Réfutation d'une production à partir de soi-même 145 -- Réfutation d'une production à partir d'autre chose 151 -- Réfutation d'une production à partir de soi-même et -- d'autres 246 -- Réfutation d'une production sans cause 247 -- Le non-soi des personnes 263 -- Explication des divisions de la vacuité 316 -- Résumé et conclusion 336 -- Notes 339 . -- LES QUATRE DERNIÈRES PERFECTIONS -- Explication de la septième terre: Qui va loin 343 -- Explication de la huitième terre: Immuable 345 -- Explication de la neuvième terre: -- Excellente intelligence 350 -- Explication de la dixième terre: Nuage de la Doctrine 352 -- Enseignement sur les qualités des dix terres 353 -- Niveau résultant 359 . -- LE PLEIN EPANOUISSEMENT -- Mode d'acquisition du plein épanouissement 359 -- Présentation des corps et des qualités 365 -- Établissement d'un véhicule unique 378 -- Explication des moments de l'éveil manifeste et du -- séjour 380 . -- MODE DE COMPOSITION DU TRAITÉ 385 -- DÉDICACE 391 -- CONCLUSION 393 -- REMARQUES FINALES 397 -- NOTES 398 . -- L'HYMNE A LA PRODUCTION DÉPENDANTE -- Avant-propos 401 -- Texte 402 -- Notes 411 -- Économie du texte 412 -- Glossaire français-sanscrit-tibétain 421 -- Noms de personnes, de déités et de lieux 439 -- Bibliographie des ouvrages cités 445 -- Bibliographie générale 452 -- Supplément à la bibliographie générale 460 -- Textes Tibétains 461 -- L'Entrée au Milieu -- Corrections au texte tibétain 482 -- L'Hymne à la Production Dépendante -- Corrections au texte tibétain 490 . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L1: [Préliminaires] :L1 L2: [Preface du Traducteur] :L2 . L'Entrée au Milieu, de Chandrakirti est une introduction générale aux Stances sur le Milieu ou Traité sur le Milieu, de Nagarjuna, œuvre de la première période de l'École du Milieu qui a servi de base à tous les développements ultérieurs de cette philosophie. C'est un commentaire à la deuxième Roue de la Loi — considérée par les docteurs de l'École du Milieu comme de sens ultime selon la méthode d'analyse détaillée dans l'introduction aux quatre systèmes philosophiques — exposant les non-soi des personnes et des autres phénomènes ainsi que l'aspect de la méthode. . Le texte se présente en dix sections ou «productions de l'esprit», chacune traitant de l'une des dix terres ou niveaux des Héros pour l'éveil et de la perfection qui lui est associée. Ces sections sont suivies d'une explication des qualités propres aux Héros pour l'éveil et aux Éveillés et d'une courte conclusion. . Dans la sixième, la plus étendue, dont le thème est la perfection de sagesse, Chandrakirti s'applique à démontrer l'absence d'être en soi et à établir la simple désignation dépendante des essences selon l'approche conséquentialiste qui constitue, pour lui et ses suivants, la pensée ultime de l'Éveillé Shakyamuni et de Nagarjuna. . Dans leur souci de mettre en lumière l'absence d'être en soi et le fait que tous les phénomènes sont de simples productions dépendantes, les Tenants du Milieu usent prioritairement de cinq formes de démonstrations: analyse de la nature des phénomènes, analyse de la cause, analyse du fruit, analyse de la cause et du fruit, analyse de tous les phénomènes (1). Les Tenants du Milieu usent prioritairement de cinq formes de démonstrations: analyse de la nature des phénomènes, analyse de la cause, analyse du fruit, analyse de la cause et du fruit, analyse de tous les phénomènes. . I. L'ANALYSE DE LA NATURE DES PHENOMENES. Elle comprend trois raisonnements: . 1) Le raisonnement en cinq points explicité par Nagarjuna dans son Traité. En prenant la personne comme sujet, il s'établit comme suit: -- a) La personne n'est pas les agrégats; -- b) La personne n'est pas distincte des agrégats; -- c) La personne n'est pas la base des agrégats; -- d) La personne n'est pas dépendante des agrégats; -- e) La personne ne possède pas les agrégats. . 2) Le raisonnement en sept points présenté par Chandrakirti dans l'Entré au Milieu (st. 164 à 221). Chandrakirti ajouta aux cinq points du Traité une investigation démontrant que: -- f) La personne n'est pas la figure ou configuration des agrégats; -- g) La personne n'est pas la collection des agrégats. . 3) Le raisonnement de l'identité et de la différence présenté principalement par Shantaraksita dans son Ornement du Milieu et Atisha dans la Lampe sur la Voie vers l'Éveil. -- On remarquera qu'il est constitué des deux premières démonstrations du raisonnement en cinq points. . II. L'ANALYSE DE LA CAUSE. Elle est formée de la démonstration intitulée «les éclats de diamant». Nagarjuna dans le Traité, Chandrakirti dans l'Entrée au Milieu (st. 51 à 146) et Atisha dans sa Lampe s'en font les avocats. La voici: -- Un phénomène n'est pas produit: -- a) de soi-même, -- b) d'autres, -- c) de soi-même et d'autres, -- d) sans cause (ni de soi-même ni d'autres). . III. L'ANALYSE DU FRUIT. On la trouve surtout dans l'Illumination du Milieu de Kamalashila; Chandrakirti la traite brièvement (st. 64). Elle s'articule comme suit: -- Un effet n'est pas -- a) existant, -- b) non existant, -- c) à la fois existant et non existant, -- d) ni existant ni non existant. . IV. L'ANALYSE DE LA CAUSE ET DU FRUIT. Elle comprend deux raisonnements: . 1) Le raisonnement des quatre extrêmes (voir III): -- Une cause produit un effet qui n'est -- a) ni existant, -- b) ni non existant, -- c) ni à la fois existant et non existant, -- d) ni existant ni non existant. . 2) Le raisonnement des quatre alternatives développé principalement par Kamalashila dans l'Illumination du Milieu et Jnanagarbha dans la Discrimination Entre les Deux Vérités. -- a) Un effet n'est pas produit par une cause, -- b) de nombreux effets ne sont pas produits par une cause, -- c) un effet n'est pas produit par de nombreuses causes, -- d) de nombreux effets ne sont pas produits par de nombreuses causes. . V. L'ANALYSE DE TOUS LES PHÉNOMÈNES. Elle comprend deux raisonnements: . 1) Le raisonnement de contradiction employé par Bhavaviveka dans sa Quintessence du Milieu (III. 26): -- Ici, la terre (et les autres éléments) -- Ultimement, n'ont pas de nature propre d'élément -- Car ce sont des composés, -- Ils ont des causes, etc., comme la conscience.* . 2) Le raisonnement de la production dépendante utilisé par Chandrakirti (157/9). C'est le roi des arguments, éliminant i) l'extrême de permanence et ii) l'extrême d'annihilation. Ainsi, -- Les phénomènes n'existent pas réellement (i) car ce sont des productions dépendantes (ii).**. . * S. lida, Reason and Emptiness, Tokyo, the Hokuseido Press, 1980, 82/3. . ** Pour une discussion des principaux arguments des Tenants du Milieu voir Hopkins, Méditation on Emptiness, London, Wisdom Publications, 1983, 127 à 173. . Ce sixième chapitre, ou sixième production de l'esprit ultime, comprend trois parties: i) l'établissement du non-soi des phénomènes, ii) l'établissement du non-soi des personnes, iii) une discussion des divisions de la vacuité. . i) Chandrakirti prouve l'absence de nature propre en utilisant le raisonnement dénommé «éclats de diamant», lequel réfute les quatre formes possibles de production: de soi, d'autres, de soi et d'autres, ni de soi ni d'autres (sans cause). Il discute les deux vérités, relative et ultime (st. 23 et suiv.) et critique les thèses idéalistes (st. 45 à 94). . ii) Usant du raisonnement en sept points et du raisonnement de la production dépendante, il réfute les théories des non-bouddhistes et des bouddhistes non conséquentialistes. . iii) II consacre cette partie à une explication détaillée des seize et vingt vacuités, lesquelles ne sont pas établies en prenant en compte la vacuité elle-même mais ses bases, les objets qualifiés par elle. . Notre propos n'est pas d'ajouter à l'exégèse déjà existante touchant l'École du Milieu; nous voulons simplement attirer l'attention du lecteur sur plusieurs points: . ~ Succédant à Buddhapalita, Chandrakirti a systématisé l'emploi de la conséquence nécessaire (prasanga, thal 'gyur) ou argument de réduction à l'absurde. A ce titre, il est considéré comme le véritable fondateur de l'école conséquentialiste qui doit son nom à cette forme de controverse. Le prasanga consiste à faire ressortir les effets indésirables de toute position ou thèse opérant sur l'idée d'une existence réelle. La proposition de l'objecteur se trouve ainsi ruinée sans pour autant que la thèse contraire soit acceptée par les Conséquentialistes. En effet, l'argument de conséquence est une pure négation sans aucune affirmation. . ~ Dans son commentaire au Traité sur le Milieu intitulé les Paroles Claires, Chandrakirti déclare (I, 1.24 et suiv.): . ~ Lorsque l'application d'une conséquence a pour simple résultat la négation de la thèse de l'adversaire rien de contraire à la conséquence ne peut apparaître. . ~ Par ailleurs, se basant sur la déclaration de Nagarjuna dans sa Réfutation des Objections où il dit (29): . ~ Si j'avais quelque assertion ~ Alors, je serais en faute, ~ Mais comme je n'ai pas d'assertion ~ Je suis absolument sans faute. . on a souvent assimilé les Tenants du Milieu, et en particulier les Conséquentialistes, aux Nihilistes. L'accusation est mal fondée, car dans le contexte d'une absence totale de nature propre les Conséquentialistes sont capables de présenter la simple existence nominale de tous les phénomènes du cycle et de l'au-delà des peines. Ils ont des thèses positives et négatives, notamment la production en dépendance pour les premières et la réfutation d'une production en raison des quatre extrêmes pour les secondes. Mais, au contraire de toutes les autres écoles bouddhiques pour lesquelles l'absence d'être en soi implique nécessairement la complète inexistence, les mots même de leurs thèses sont dépourvus d'existence réelle, inhérente. Comme le dit M. Yonten Gyatso: «Les Conséquentialistes cherchent et trouvent la non-existence inhérente des personnes et des autres phénomènes, ce qui leur permet d'accéder à la délivrance. Les autres écoles cherchent et trouvent autre chose... pour quels fruits?» . Ensuite, il faut clairement distinguer le relatif et l'ultime afin de comprendre les implications de la production en dépendance, l'essence de la parole de l'Éveillé (chap. VI, st. 23 et suiv.). Une vérité relative est un objet dont le mode d'apparence semble être son mode d'existence pour les consciences des êtres ordinaires qui perçoivent une nature propre dans les phénomènes. Une vérité ultime est un objet dont le mode d'apparence est son mode d'existence, un vide de nature propre. Selon les Conséquentialistes toutes les consciences des êtres ordinaires sont fausses en ce sens que les objets leur apparaissent réels; elles constituent néanmoins des connaissances valides qui appréhendent correctement leurs objets, vases, maisons, personnes, et autres dans la mesure où ceux-ci sont déterminés sans erreur au plan relatif. . Les deux vérités sont étroitement liées: elles forment une seule entité et se différencient nominalement (2). Les objets du plan relatif, vrais pour une conscience ignorante, servent de support à l'enseignement du plan ultime, l'approche de la vacuité ne pouvant se passer de l'expression du monde. La critique systématique de chaque vue et la mise à jour de ses conséquences nécessaires est une méthode, un exercice tendant à introduire à la juste relation entre les deux vérités. Il faut noter à ce propos que Nagarjuna, Chandrakirti et les autres propagateurs du système du Milieu n'ont pas écrit pour les seules élites crudités, mais surtout en vue d'une pratique et d'une réalisation. Leur éristique même est un passage obligé vers l'achèvement de la vie spirituelle. . Remarquons enfin que les enseignants tibétains ne cessent d'affirmer l'absolue nécessité de «reconnaître le voleur avant de l'arrêter», c'est-à-dire de consacrer un temps suffisant — qui s'étendra parfois sur des mois ou des années — à déterminer ce qu'est l'objet de négation dans la théorie du non-soi — l'être en soi ou nature propre, l'existence réelle, intrinsèque, inhérente, objective — tout en s'efforçant de comprendre l'existence conventionnelle des essences. Il ne faut pas perdre de vue que les causes et les effets opèrent parfaitement dans le cadre d'une simple désignation dépendante, sinon le danger est grand de se fourvoyer et de chuter dans l'extrême consistant à nier le plan relatif d'existence, la vérité de surface. On restera conscient, toutefois, que cette dernière n'est vraiment perçue qu'après la réalisation intuitive, directe, de la vacuité. . Ceci est la première traduction française intégrale de l'Entrée au Milieu. Le texte fondamental, le propre commentaire de Chandrakirti et celui de Tsongkhapa nous furent transmis au cours de l'été 1980 par M. Yonten Gyatso, un lettré tibétain résidant et enseignant en France, formé à la philosophie bouddhique aux monastères de Labtang Tachikil (bLa-brang bkra-shis-'khyil) et Drépoung ('Bras-spungs). Nous avons aussi utilisé avec profit la traduction partielle de l'œuvre de Chandrakirti et son auto-commentaire effectuée par Louis de la Vallée Poussin. . Le commentaire de Tsongkhapa (1357-1419), fondateur de la tradition Géloug du bouddhisme tibétain, explicite à la fois le sens des mots et du texte. Quoique plus long que l'exégèse de Chandrakirti, il ne la reprend pas toujours dans son entier, laissant notamment de côté certaines citations des Écritures (3). . Pour l'Entrée au Milieu et son auto-commentaire nous avons utilisé l'édition publiée en 1968 par le Council of Cultural and Religious Affairs of His Holiness the Dalai Lama, Dharamsala, Himachal Pradesh, Inde. L'ouvrage de Tsongkhapa, l'Illumination de la Pensée (4), est une publication moderne également imprimée à Dharamsala. Elle comporte un certain nombre d'erreurs qui, cependant, n'altèrent pas le sens du texte. . Hormis pour les stances du texte fondamental de Chandrakirti, les passages versifiés, citations de Discours et Traités, qui ont été traduits intégralement, le présent commentaire est, dans sa majeure partie, une paraphrase résumée des exégèses de Chandrakirti et Tsongkhapa comprenant la glose de M. Yonten Gyatso sur des points de détail. En outre, une vérification comparative quant au sens a été effectuée sur la base de notes prises en 1977 à Dharamsala lors de la transmission de ce texte par le Geshe Ngawang Dhargyé. Les divisions du texte suivent fidèlement l'économie établie par Tsongkhapa quoique, pour faciliter la lecture, nous l'ayons allégée. . Nous avons fait précéder le texte proprement dit d'une brève introduction aux quatre systèmes philosophiques du bouddhisme afin que les controverses qui apparaissent au fil de l'ouvrage prennent ainsi toute leur saveur. . On lira en appendice l'Hymne à la Production Dépendante (5), composé par Tsongkhapa immédiatement après sa réalisation directe de la nature ultime des phénomènes. Ces strophes d'allégresse illustrent admirablement le fait que la philosophie du Milieu, dont les subtilités semblent parfois s'écarter de l'essentiel, n'est en rien un système aride refermé sur lui-même, mais donne accès à la délivrance du cycle et, après que le disciple ait engendré la grande compassion et l'esprit d'éveil, à la pleine illumination, unique source du bonheur pour les êtres. . Nous ne possédons ni le savoir ni les compétences des savants ayant travaillé sur la philosophie du Milieu. Ce livre est destiné avant tout aux personnes lassées de l'interminable errance dans le cycle, en quête du chemin menant à la plénitude. . Ainsi que l'exprime Chandrakirti (st. 161 ab): . ~ Dans le Traité, Nagarjuna ne discute pas par amour de la controverse. Il montre l'aséité en vue de la libération. . C'est pourquoi sa critique est à distinguer de la simple sophistique. Quant aux erreurs, elles nous sont imputables. Nous les déclarons devant les maîtres compatissants. . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L2: [Remerciements] :L2 . Notre reconnaissance va au Professeur Jacques May pour avoir mis à notre disposition ses articles sur la philosophie du Milieu et l'Idéalisme; à Geneviève Morgan et Patrick Chagnard, ainsi qu'à Michael Currier, dont l'engagement personnel a permis la publication de ce travail. . Notre gratitude s'adresse tout particulièrement à Véronica Paulence-Zaregradsky et à Danièle Perroton; leur présence et leur soutien au cours de ces années sont difficilement appréciables. . Nous voulons aussi associer à ce témoignage toutes celles et ceux qui, par leurs encouragements, nous ont aidé dans l'accomplissement de cette entreprise. . Qu'ils en partagent le mérite! . Enfin et surtout, rien de ce qui suit n'aurait pu être mené à bien sans notre maître, Yonten Gyatso. Nous nous inclinons devant sa bienveillance, sa patience à enseigner, la précision et la clarté de ses explications. A travers lui nous honorons avec sincérité tous les amis spirituels. Puissions-nous ne jamais être séparés d'eux! . G. DRIESSENS M. ZAREGRADSKY . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L2: [Note technique] :L2 . Dans le but d'éviter les signes diacritiques et d'aider à la lecture du tibétain nous avons adopté la forme de transcription décrite par T. Wylie dans le Harvard Journal of Asiatic Studies (Cambridge, Massachusetts, E.U.) du 22 décembre 1959. . La phonétique choisie s'efforce de rendre au mieux la prononciation du dialecte de Lhasa. . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L2: [L'auteur] :L2 . On sait peu de choses de la vie de Chandrakirti. Il naquit au VIe siècle à Samanta, dans le sud de l'Inde, d'une famille de brahmanes. Un astrologue prophétisa que s'il entrait dans la Doctrine du Vainqueur il en deviendrait un tenant fameux. Il maîtrisa préalablement la science des brahmanes, mais son inclination naturelle l'entraîna vers la loi bouddhique. A l'université de Nalanda l'abbé Chandranatha lui conféra l'ordination de novice puis celle de moine. Il étudia le triple canon, les quatre classes de Tantras, les œuvres de Nagarjuna et devint un maître éminent dans les systèmes philosophiques du bouddhisme et de l'hindouisme. Ses commentaires au Tantra de l'Assemblée Secrète (6) et au Traité sur le Milieu de Nagarjuna sont considérés comme le soleil et la lune de ce monde. Il devint abbé de Nalanda. Les maîtres des Tantras disent qu'il obtint la réalisation suprême: le corps d'arc-en-ciel d'un Éveillé. Dans la lignée de transmission du Tantra de l'Assemblée Secrète il succède à Nagarjuna de qui il fut l'élève sur la fin de sa vie. Voici quelques épisodes de la vie de Chandrakirti: . ~ A Nalanda, il méditait nuit et jour l'esprit d'éveil ultime. Pourtant, aux yeux du commun il ne semblait concerné que par trois sortes d'activité: manger, dormir et satisfaire aux besoins de la nature. Des moines s'en irritèrent: «Ce Chandrakirti ne se préoccupe pas de l'étude, de la contemplation ni de la méditation; il n'accomplit aucun des devoirs qui incombent aux membres de la Communauté, se contentant de manger et dormir. Autrefois, il faisait partie des non-bouddhistes et son rejet de leurs vues n'est qu'un simulacre; il nous nuira sans doute, il faut l'exclure de notre monastère.» Mais l'abbé Chandranatha, qui connaissait les réalisations de Chandrakirti et s'en réjouissait, le nomma économe afin d'apaiser la communauté et de l'empêcher de se nuire à elle-même. Une partie de sa tâche consistait à prendre soin du bétail. Tout en laissant le troupeau paître librement dans les prés Chandrakirti fournissait néanmoins en abondance le lait à la Communauté. Son assistant, intrigué, observa ses allées et venues et découvrit que le produit de sa traite provenait d'une vache dessinée sur un mur! . En une autre occasion, apprenant que les forces Turushka n'étaient qu'à quinze jours de marche de Nalanda, les moines, effrayés, supplièrent les sages de mettre au point une méthode pour les repousser. Mais aucun n'était suffisamment puissant pour y parvenir. C'est alors que, du cœur de la statue du Protecteur de la Doctrine de Nalanda, surgit un corbeau qui indiqua qu'ils devaient placer leur confiance en Chandrakirti. Celui-ci leur demanda de sculpter un lion de pierre, conseillant aux bouddhistes de prier les Trois Joyaux et aux hindouistes de s'adresser au Seigneur Ishvara. On plaça le lion plusieurs dizaines de kilomètres au nord de Nalanda, mais cette manœuvre ne ralentit en rien l'avance des envahisseurs et la Communauté, désespérée, crut que Chandrakirti l'avait trompée. Il frappa alors par trois fois la tête du lion avec un bâton en bois de santal; au premier coup la fourrure du lion frémit au deuxième son corps trembla, au troisième il poussa un formidable rugissement qui mit en fuite les ennemis terrifiés. . En une autre occasion, Chandrakirti méditait dans une forêt qui prit feu. Informés qu'il était indemne les gens de Nalanda se rendirent sur les lieux et le trouvèrent assis en méditation. Il dit: . ~ «Grâce à mon maître Nagarjuna ~ Le feu non-né ~ A brûlé tout le combustible des essences ~ Et a consumé aussi l'abbé. ~ Moi-même, avec le feu non né ~ J'ai brûlé le bois des essences. ~ Comment leur feu pourrait-il me consumer?» . Kumara, un non-bouddhiste qui doutait des connaissances supérieures de Chandrakirti voulut le mettre à l'épreuve. Il lui demanda ce que faisait Indra — le chef des dieux — à ce moment précis. Chandrakirti répondit: «Le véritable Indra réside dans le paradis des Trente-trois tandis qu'une de ses émanations écoute la Doctrine enseignée par Maitreya dans la Terre Joyeuse.» Kumara ne le crut pas. D'un geste de la main Chandrakirti provoqua la venue du véritable Indra, mais comme Kumara ne pouvait le voir il répéta son geste et l'émanation d'Indra apparut devant eux. «Es-tu le véritable Indra» s'enquit Kumara. «Si tel était le cas je serais pourvu d'un millier d'yeux, mais je n'en ai que les empreintes» répondit l'émanation. Les voyant, Kumara eut foi dans la Doctrine. . A cette époque, seuls les érudits capables de débattre avec les non-bouddhistes enseignaient en dehors des murs du monastère. Tandis que Chandrakirti prêchait à l'extérieur, Chandragomin, le grand savant de l'Inde du Sud, arriva et se tint debout sans lui marquer aucun signe de respect, avec l'attitude d'une personne souhaitant disputer. Chandrakirti lui demanda d'où il venait et quel était son savoir. Il répondit avec humilité, mentionnant que ses connaissances se limitaient à trois œuvres: la grammaire de Panini, le Discours de la Perfection de Sagesse en Cent cinquante Moyens et la Litanie des Noms de Manjushri (7). Mais cette énumération impliquait qu'il possédait parfaitement les Discours et les Tantras. Chandrakirti ayant appris son nom déclara qu'un savant de son envergure devait être reçu avec tous les honneurs, l'invita à se retirer en attendant une invitation en bonne et due forme. Il réunit les savants de Nalanda et ordonna que deux chars soient apprêtés. Dans l'un serait placée une statue de Manjushri avec, à ses côtés, Chandragomin — lequel étant laïc ne pouvait, selon l'usage, être invité ni honoré par des religieux — dans l'autre se tiendrait Chandrakirti. Durant la procession Chandragomin ne cessa de louer Manjushri qui en fut ravi de sorte que le visage de la statue se tourna vers son adorateur. Chandragomin, au comble de l'émotion, en oublia de tenir la bride et son char dépassa celui de son hôte, ce qui apparut à ce dernier comme une marque évidente d'irrespect. Sur ce, Chandrakirti le défia en débat. Chandragomin défendait le système idéaliste d'Asanga et Chandrakirti l'interprétation de Buddhapalita des œuvres de Nagarjuna. La controverse se prolongea sans indiquer de vainqueur. Chandragomin se rendait chaque soir dans le temple d'Avalokiteshvara, le Seigneur de Compassion, et répondait aux questions de Chandrakirti le lendemain. Ce dernier en vint à se demander si son adversaire ne recevait pas une aide extérieure et le suivit en secret jusqu'au temple. Là, il vit la statue lui dispenser la Doctrine. . Désireux de bénéficier aussi de l'enseignement de la déité, Chandrakirti ouvrit la porte du temple mais la statue se figea aussitôt. La même nuit Avalokiteshvara lui apparut en rêve et dit: «Tu es un grand savant auquel Manjushri accorde sa grâce et tu n'as pas besoin de la mienne. Aussi ai-je conféré quelques bénédictions à Chandragomin.» Ceci mit fin à sept années de discussions. . Le jour suivant, à la requête répétée de Chandrakirti, Avalokiteshvara se manifesta de nouveau à lui. Chandrakirti le conjura de s'asseoir au-dessus de sa tête afin que tous puissent le voir. La déité répondit qu'en raison des voiles causés par leurs actions les gens en seraient incapables mais, sur l'insistance de son dévot, elle y consentit. Sa tête ainsi parée Chandrakirti se présenta aux regards de tous, disant: «Au sommet de ma tête réside Avalokiteshvara.» La plupart ne voyaient rien, quelques-uns perçurent un cadavre de chien, beaucoup pensèrent que l'abbé avait perdu la raison à la suite d'études trop intensives! Seule une négociante en vin eut la vision d'une jambe d'Avalokiteshvara et obtint, par là, des accomplissements ordinaires (8). . L3: [Oeuvres principales (de Chandrakirti)] :L3 . -- Commentaire aux Soixante-dix Stances sur la Vacuité (de Nagarjuna), Shunyatasaptativrtti, sTong pa nyid bdun eu pa'i 'grel pa (P 5268). -- Commentaire aux Soixante Stances de Raisonnement (de Nagarjuna), Yuktishastikavrtti, Rigs pa drug eu pa'i 'grel pa (P 5265). -- Commentaire Développé aux Quatre Cents Stances sur les Activités d'Union des Héros pour l'Éveil (de Aryadeva) Bodhisattvayogacharya-chatuhshatakatika, Byang chub sems dpa'i mal 'byor spyod pa bzhi brgya pa'i rgya cher 'grel pa (P 5266). -- L'Entrée au Milieu (Madhyamakavatara, dBu ma la 'jug pa) (P 5261/2). -- Commentaire à l'Entrée au Milieu (Madhyamakavatarabhasya, dBu ma la 'jug pa'i bshad pa) (P 5263). -- Les Paroles Claires, Commentaire au Traité sur le Milieu (de Nagarjuna) Mulamadhyamakavrttiprasannapada, dBu ma rtsa ba'i 'grel pa tshig gsal (P 5260). -- Les Soixante-dix Refuges (Trisharanasaptati, sKyabs 'gro bdun cu pa) (P 5366, 5478). -- La Lampe Éclatante, Commentaire Développé du Tantra de l'Assemblée Secrète Guhyasamajatantra, Pradipoddyotananamatika, sGron ma gsal bar byed pa zhes bya ba'i rgya cher bshad pa (P 2650). . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L2: [Le traducteur tibétain et ses collaborateurs] :L2 . Le Kadampa (bKa'-gdams-pa) Nyima Drag (Nyi-magrags) ou Patsab, ou le Traducteur de Patsab (Pa-tshab lotsa-ba) est né dans le district de Patsab au Phenyul ('Phanyul), nord de Lhasa, en 1055, l'année même de la mort d'un autre grand traducteur, Rinchen Zangpo (Rin-chen bzangpo), et un an après la disparition d'Atisha. Il est l'initiateur au Tibet d'une lignée D'enseignement selon le système Conséquentialiste de Chandrakirti s'appuyant sur deux de ses œuvres Les Paroles Claires, un commentaire au Traité, et l'Entrée au Milieu et son Commentaire (9). . Il se rendit au Kashmir dans sa jeunesse et y reçut la Doctrine de la part de nombreux maîtres. Il étudiera vingt-trois ans avant de retourner au Tibet et d'y propager par ses traductions et son apostolat la philosophie du Milieu et le Tantra de l'Assemblée Secrète. Avec ses collaborateurs cachemiriens il fournit un travail considérable. . Voici leurs principales traductions: . Outre l'Entrée au Milieu et son Commentaire (10), avec Tilakakalasha ils remanièrent la traduction du Traité effectuée par Krishnapada et Tsultim Gyelwa (Tshul-khrims rgyal-ba), traduisirent des Hymnes attribués à Nagarjuna ainsi que le Shriguhyasamajamandalopayikavimshavidhi de Nagabodhi, un texte sur le cycle de l'Assemblée Secrète selon la tradition de Nagarjuna. . Avec Kanakavarman il corrige ses propres traductions des Paroles Claires (effectuée en compagnie de Mahasumati) de l'Entrée au Milieu, ainsi que celle du Commentaire sur l'Esprit d'Éveil de Nagarjuna, qui traite du Tantra de l'Assemblée Secrète. Ensemble, ils traduisent le commentaire de Purnavardhana sur le Trésor de Métaphysique (11) de Vasubandhu, intitulé Lakshananusarini, la Guirlande Précieuse de Conseils au Roi de Nagarjuna, le Pratisthavidhisamksepa de Shraddhakaravarman, et le Ratnasukosa de Nagarjunagarbha. . Avec Jayananda et Dodebar (mDo-sde-'bar) Nyima Drag traduisit un Compendium de Discours attribué à Atisha. La version tibétaine des Paroles Claires est due à sa collaboration avec Mahasumati, et celle des Quatre Cents, d'Aryadeva et leur Commentaire par Chandrakirti à son travail avec Suksmajana. Avec Muditashri il révisa plus de trois cents stances dans la première partie du Commentaire aux Soixante Stances de Raisonnement (de Nagarjuna) de Chandrakirti. Enfin, avec Loden Chérab (bLo-ldan shes-rab) et le Traducteur de Yarlung (Yar-klungs lo-tsa-ba) Patsab traduisit l'Ultime Continuum du Grand Véhicule de Maitreya et son Commentaire par Asanga. . Dans le domaine des Tantras il révisa d'excellente façon la traduction par Rinchen Zangpo de la Lampe Éclatante de Chandrakirti, un commentaire de l'Assemblée Secrète, et traduisit de nombreuses parties de ce même Tantra (12). . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L2: [La lignée de transmission de l'entrée au milieu] :L2 . Selon le Senyig (gSan yig, vol. VI) de Akou Chérab Gyatso (A khu shes-rab rgya-mtsho, 1803-1875), la lignée de l'Entrée au Milieu est la suivante: . Shakyamuni(13), Nagarjuna, Aryadeva, Buddhapalita, Bhavaviveka, Chandrakirti puis, de Chandrakirti jusqu'à Patsab Nyima Dragpa; de Patsab jusqu'à Rendawa (Remda'-ba) et Tsongkhapa; de Tsongkhapa jusqu'à Jétsun Losang Gyatso (rje-btsun blo-bzang rgya-mtsho) et Jamyang Chépa CJam-dbyangs bzhad-pa), et de ce dernier jusqu'à Akou Chérab Gyatso. Celui-ci transmit le texte à Alag Détang Tsang (A-lags bde-thang-tshang) lequel, ainsi que d'autres enseignants, le passa à Yonten Gyatso. . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L2: [Les auteurs de la traduction française] :L2 . Monsieur Yonten Gyatso est né en 1933 dans la province tibétaine de l'Amdo. Placé à sept ans au monastère de Lamo Détchen (La-mo bde-chen) (14) il y étudie jusqu'à l'âge de dix-sept ans. Il se rend alors à Labtang Tachikil (15) où il poursuit sa formation en philosophie, en dialectique et d'autres disciplines comme la grammaire et la poésie. En 1955 il quitte cette institution pour Drépoung (16), au Tibet central. . 1959 est l'année de l'invasion chinoise. Yonten Gyatso s'exile en Inde. Accueilli par le gouvernement indien à Buxa (17) (Bengale), il approfondit ses études tout en enseignant la philosophie et la dialectique à des étudiants d'obédience Géloug et Sakya. . 1964 voit son arrivée en France. Depuis 1969 il participe à des travaux d'érudition avec des savants occidentaux. Il enseigne la doctrine bouddhique en France depuis une dizaine d'années. . Georges Driessens est né à Paris en 1944. Étudiant le bouddhisme depuis 1969 auprès de maîtres tibétains en Inde, au Népal et en France, il s'est associé à la traduction d'une douzaine d'ouvrages sur cette tradition et le Tibet. . Né à Paris en 1938, Michel Zaregradsky est un étudiant du bouddhisme depuis 1975. Fondateur avec Georges Driessens des Éditions Dharma il a co-signé une dizaine de traductions ayant trait au bouddhisme et au Tibet. . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L2: [L'entrée au milieu dans les langues occidentales] :L2 . -- LA VALLÉE POUSSIN Louis de: Madhyamakavatara, Introduction au Traité du Milieu de l'Acarya Candrakirti, avec le commentaire de l'auteur, traduit d'après la version tibétaine; Le Muséon 8 (1907), 249-317; 11 (1910), 271-358; 12 (1911), 235-328; (chapitres 1 à 6, st. 165). -- GESHE RABTEN: Echoes of Voidness. Part two, S. Batchelor: A Guide to the Middle Way, a translation of the sixth chapter of Chandrakirti's Madhyamakavatara, 46-91. Wisdom Publications, London, 1983. -- HOPKINS J.: Compassion in Tibetan Buddhism. Part two: Way of Compassion. A translation of Tsong-ka-pa's Illumination of the Thought, an Extensive Explanation of Chandrakirti's Supplément to the Middle Way. (Chapitres 1 à 5), 93-230. Rider, London, 1980. -- FRAUWALLNER E.: Die Philosophie des Buddhismus. 2. unverând. Aufl. Berlin, 1956 (249-254). -- NEWLAND G.: Compassion: a Tibetan Analysis. A Buddhist Monastic Textbook (Un commentaire aux stances d'hommage de l'Entrée au Milieu). Wisdom Publications, London, 1984. -- TAUSCHER H.: Chandrakirti: Madhyamakavatarah und Madhyamakavatarabhasyam (Kapitel VI, Vers 166-226). Ubersetzt und kommentiert. Universitat Wien, Wien, 1981. . Nombreuses stances du chapitre six traduites dans: -- HOPKINS J.: Méditation on Emptiness. Wisdom Publications, London, 1983. -- THURMAN R.A.F.: Tsong Khapa's Speech of Gold in the «Essence of True Eloquence». Reason and Emptiness in the Central Philosophy of Tibet. Princeton University Press, Princeton, New Jersey, 1984. -- WAYMAN A.: Calming the Mind and Discerning the Real. Buddhist Méditation and the Middle View. From the Lam rim chen mo of Tson-kha-pa. Columbia University Press, New York, 1978. . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L2: [Les quatre systèmes philosophiques] :L2 . Les quatre traditions philosophiques bouddhiques des Particularistes (Vaibhasika), Tenants des Discours (Sautrantika), Tenants de la Seule Pensée (Chittamatrin), et Tenants du Milieu (Madhyamika) ont pour origine différents modes d'exégèse de la parole de l'Éveillé, le Silencieux des Shakya. En général, celle-ci est divisée de nombreuses façons: triple canon de la Discipline (vinaya), des Discours (sutra) et de la Métaphysique (abhidharma); double canon, du Petit (hina) et du Grand (maha) Véhicule (yana), etc., selon les thèmes traités et les disciples auxquels s'adresse la prédication. . Chaque système philosophique s'appuie sur l'une des Roues de la Loi (dharmachakra) ou cycles d'enseignements du Maître. L'année au cours de laquelle il montra la pleine illumination l'Éveillé mit en marche à Varanasi, à l'intention des «cinq excellents disciples» — Ajnata Kaundinya, Vaspa, Bhadrika, Mahanaman et Ashjavit — la Roue de la Loi des Quatre Nobles Vérités (aryasatya): la souffrance (duhkha), son origine (samudaya), la cessation (nirodha) et la voie (marga). La même année, sur le Pic des Vautours à Rajagrha (Rajgir) il tourna la Roue de la Loi de la Perfection de Sagesse (prajnaparamita), appelée aussi Roue d'Absence de Caractéristiques, et révéla les Tantras à Dhanyakataka (Amaravati, district de Guntur, Madras). Finalement, à Vaishali et en d'autres lieux, il tourna la Roue de la Loi d'Excellente Discrimination dont l'un des principaux enseignements est le Discours sur l'Explication de l'Intention Cachée. Cette présentation des troies roues est acceptée par la plupart des philosophes indiens et tibétains. . «Philosophie» traduit le sanscrit siddhanta (tib. grubmtha'), qui signifie littéralement «limite établie»: le sens d'une assertion se trouve déterminé au moyen de l'Écriture et du raisonnement et cette assertion ne sera pas abandonnée pour une autre. . Les Particularistes et les Tenants des Discours s'appuient sur la première Roue de la Loi. Acceptant les prédications de ce cycle ils établissent une présentation de la base, des voies et de leurs fruits (voir p. 41-42). Les Tenants de la Seule Pensée et du Milieu acceptent aussi les quatre vérités mais n'admettent pas une explication littérale de leur teneur. Ainsi, les systèmes plus étroits — du Petit Véhicule — et plus vastes — du Grand Véhicule — ont une interprétation divergente de ce cycle. . Les Tenants de la Seule Pensée ou Idéalistes s'appuient sur la troisième Roue de la Loi pour établir leur présentation de la base, des voies et de leurs fruits. Enfin, les Tenants du Milieu exposent base, voies et fruits en se fondant sur la Roue de la Loi d'Absence de Caractéristiques, la seconde. . Les Particularistes et les Tenants des Discours ont développé des philosophies propres au Petit Véhicule. En effet, le cycle initial de la Loi constitue le canon des Auditeurs (shravaka). Les Idéalistes et les Tenants du Milieu professent des systèmes propres au Grand Véhicule, les seconde et troisième Roues de la Loi constituant le canon des Héros pour l'éveil (bodhisattva). Petit et Grand Véhicule se distinguent donc par leur mode d'établissement de la base, des voies et de leurs fruits et non par le simple fait d'admettre ou de refuser les Tantras ou d'adopter certaines postures physiologiques. Quoique la grande majorité des lettrés considèrent que les quatre écoles sont contemporaines de l'Éveillé leur origine historique est surtout liée aux trois conciles, dont les dates sont très controversées. Le premier concile aurait été organisé à Rajagrha durant la retraite d'été, l'année même de la mort du Maître, le roi Ajatashatru étant donné comme son bienfaiteur. En présence de cinq cents Destructeurs de l'ennemi (arhan) le noble (arya) Ananda récita le canon des Discours, le noble Upali récita le canon de la Discipline et le noble Kashyapa celui de la Métaphysique. . Cent dix ans après le passage du Maître eut lieu à Vaishali le second concile. Sept cents Destructeurs de l'ennemi se réunirent pour juger du caractère licite ou illicite de dix règles promulguées par des religieux de cette cité. . Le troisième concile se réunit cent trente-sept ans (cent seize selon certains) après le trépas de l'Éveillé. A cette époque les quatre maîtres de la Communauté (samgha) s'exprimaient dans des langues différentes. Il en résulta des compréhensions divergentes de la part de leurs élèves. Quatre traditions se formèrent, puis éclatèrent jusqu'à se scinder en dix-huit écoles. Il est dit que, se rappelant que le Maître avait prophétisé ces dissensions ils convoquèrent le troisième concile dans une tentative de réunification de la Loi. Les Particularistes et les Tenants des Discours prédominaient, l'influence des systèmes du Grand Véhicule étant alors pratiquement nulle. . Les doctrines idéalistes, quoique contemporaines de l'Éveillé, ne se répandirent largement qu'avec la venue d'Asanga, lequel distingua dans la parole du Maître ce qui est de sens définitif et de sens indirect. La plupart des philosophes indiens et tibétains s'accordent pour le situer environ neuf siècles après la mort de l'Éveillé (18). Selon Asanga, qui suit la Roue de la Loi d'Excellente Discrimination, les première et deuxième Roues sont de sens indirect et la troisième de sens certain. Il explique que le cycle des quatre vérités enseigne l'existence réelle de tous les phénomènes, tandis que dans le cycle d'absence de caractéristiques le Maître déclare qu'ils en sont dépourvus. Le fondateur de la philosophie idéaliste n'accepte aucune de ces propositions. Pour lui, il y a deux sortes de phénomènes: existant et inexistant en soi. Tous sont inclus dans trois catégories ou natures: l'imaginaire (parikalpita), le dépendant (paratantra) et le parachevé (parinispanna) (voir p. 45). Celles-ci se retrouvent chez les Tenants du Milieu avec une autre acception. Pour son exposé des sens certain et indirect Asanga se conforma au Discours sur l'Explication de l'Intention Cachée. Ce texte pose comme de sens définitif l'existence réelle du dépendant et du parachevé et la non-existence réelle des phénomènes imaginaires. Il faut bien savoir, toutefois, que si Asanga a professé la doctrine de l'Esprit Seul celle-ci ne constitue nullement sa pensée ultime qui est celle d'un Tenant du Milieu. Asanga est un maître de l'Idéalisme sans être lui-même idéaliste. En effet dans son Commentaire à «l'Ultime Continuum du Grand Véhicule» il explique les citations des Discours intitulés les Questions du Roi Dharanishvara et l'Essence de Ceux Ainsi-Allés selon l'optique conséquentialiste (19). L'Explication de l'Intention Cachée affirme que les deux premières Roues de la Loi ne sont pas de signification définitive. Malgré cela, les Tenants du Milieu ont démontré à l'aide des Écritures et du raisonnement que l'intention profonde de l'Éveillé est bien la révélation de la Doctrine du Milieu qui enseigne l'absence totale de nature propre. . Cette doctrine, également contemporaine de l'Éveillé, se développa sous l'impulsion des écrits et de l'activité du Protecteur Nagarjuna. Il y a encore des désaccords à propos de la date de son avènement. Néanmoins, le Silencieux des Shakyas ayant prophétisé qu'il apparaîtrait quatre cents ans après lui, la majorité des érudits admettent que Nagarjuna naquit environ un siècle avant l'ère chrétienne. De quelle manière établit-il la Doctrine du Milieu? En s'appuyant sur le Discours intitulé l'Enseignement d'Aksayamati pour lequel les première et troisième Roues de la Loi sont de sens provisoire et la deuxième de sens définitif. Ce Discours affirme que les textes traitant principalement de la vérité de surface (samvrtisatya) sont à interpréter et que tout Discours traitant principalement de la vérité ultime (paramarthasatya) est de sens certain. Tel est le mode d'exégèse de Nagarjuna. Ainsi, puisqu'à partir de la parole du Maître, Asanga et Nagarjuna ont contribué à la systématisation et à la propagation des philosophies de la Seule Pensée et du Milieu, ils sont renommés comme leurs fondateurs. . Ce qui est de sens provisoire fut enseigné en conformité avec les dispositions des disciples dans l'intention de les guider. C'est la raison pour laquelle un grand nombre de déclarations du Maître paraissent contradictoires. Pour les Tenants du Milieu ce n'est pas — comme le font les Idéalistes — sous l'angle de la possibilité ou de l'impossibilité d'admettre littéralement une proposition que l'on distingue les sens indirect et certain. Le simple fait d'accepter la littéralité d'un Discours n'en fait pas un texte de sens définitif. Un Discours sera déclaré tel après qu'une investigation juste ait permis de déterminer si la signification du thème dont il traite est un mode d'être ultime. Dans le cas contraire le texte est de sens provisoire. Par exemple, on lit les énoncés suivants: «Tous les composés sont impermanents», «toutes les choses impures sont souffrance». Ils ne constituent pas des déclarations définitives. Pourquoi? L'impermanence des composés est un mode d'être des composés, mais leur manière d'être finale, l'absence de nature propre, est plus profonde. . Donc, les textes enseignant principalement la vérité ultime, c'est-à-dire le mode d'être ultime des choses, sont de sens certain. Les autres, qu'on accepte littéralement ou non leur contenu, sont de sens provisoire, révélant en priorité la vérité conventionnelle. Pour les Idéalistes ce qui est acceptable littéralement est de sens certain et ce qui ne l'est pas de sens indirect. . Les deux sens sont déterminés au moyen des quatre confiances, des quatre raisonnements, des quatre intentions et des quatre pensées indirectes. . Quelles sont les quatre confiances? Celles de la Doctrine, du sens, du sens définitif, de la sagesse fondamentale, leurs opposés étant respectivement l'individu, les mots, le sens provisoire, les consciences. . L'Éveillé a dit: . ~ Ne vous appuyez pas sur la personne mais sur la doctrine ~ Ne vous appuyez pas sur les mots mais sur leur signification ~ Ne vous appuyez pas sur le sens indirect mais sur le sens certain ~ Ne vous appuyez pas sur les consciences mais sur la sagesse fondamentale. . 1) «Personne» se rapporte à tous les individus, depuis les êtres ordinaires jusqu'aux Éveillés, et «doctrine» à la parole du Maître et à ses commentaires aussi bien qu'à tous les autres enseignements. On adoptera une théorie dans la mesure où elle résiste à cette analyse, sans prendre en compte la seule bonté du prédicateur. L'Éveillé dit encore dans l'Ornement des Discours du Grand Véhicule: . ~ Ô moines et savants, n'acceptez pas ma parole ~ Par respect, mais après l'avoir examinée ~ Comme (on éprouve) l'or ~ En le chauffant, le coupant et le frottant. . 2) Pour les Idéalistes «signification» au deuxième vers se rapporte à un sens littéral qui n'est pas contredit par une connaissance valide (pramana) (20), alors que pour Ceux du Milieu ce terme correspond à ce qui traite principalement de la vérité ultime. . 3) Au troisième vers, «sens indirect» consiste pour les Idéalistes en les Discours et Traités qu'on ne peut admettre littéralement. Pour les Tenants du Milieu c'est ce qui enseigne principalement le relatif. . 4) Enfin, au quatrième vers «consciences» se réfère aux cinq connaissances sensorielles (visuelle, auditive, etc.), des êtres ordinaires en quête du sens profond, ainsi qu'à la connaissance mentale et autres cognitions erronées quant à la manière d'être des choses. «Sagesse fondamentale» indique la connaissance non conceptuelle des Supérieurs et ses causes: les sagesses analysant l'aséité. . Ainsi, grâce à ces quatre confiances, lors de la phase d'écoute de l'enseignement le disciple aspire à la profonde Loi et s'exerce à la profonde pensée puis, lors de la phase de réflexion il n'est pas sujet à l'erreur quant au sens des Écritures; enfin, sans se satisfaire du savoir né de l'audition et de la réflexion, il acquiert par la méditation la sagesse fondamentale non contaminée. . Comme l'exprime le Protecteur Maitreya dans son Ornement des Discours du Grand Véhicule: . ~ Avec l'aspiration, la pratique, ~ l'écoute correcte privilégiée (du Grand Véhicule) ~ Et la sagesse fondamentale indicible ~ Les confiances ne se dégradent pas. . Quels sont les quatre raisonnements? Ceux portant sur la dépendance, l'accomplissement d'activité, la démonstration logique, la nature des phénomènes. -- C'est l'analyse correcte du mode de dépendance des causes et conditions propres à l'apparition de chaque composé. -- C'est, par exemple, l'investigation juste de la manière dont un phénomène particulier accomplit l'activité qui lui est propre. Ainsi le feu dont l'activité est de brûler. -- C'est une investigation qui permet de découvrir si les phénomènes existent ou n'existent pas tels qu'ils apparaissent. Pour les Idéalistes il s'agit, entre autres, de la démonstration que toutes les choses sont simplement de la nature de l'esprit, et pour les Tenants du Milieu de celle révélant leur absence d'existence réelle. -- C'est l'analyse du mode d'être final des objets. Par exemple, dans le monde il est reconnu que le feu a la chaleur pour nature et l'eau l'humidité. Mais s'ils possèdent une nature profonde autre que celles mentionnées cette investigation se propose de la découvrir. . Quelles sont les quatre intentions? Celles relative à l'égalité, relative à un autre sens, relative à une autre période et relative aux dispositions des individus. -- Par exemple, ayant en pensée l'égalité de tous les Éveillés dans le Corps de la Loi (dharmakaya), le Maître a déclaré: «Je fus l'Éveillé Vipashyin.» -- C'est une déclaration telle que «Tous les phénomènes sont dépourvus d'entité propre.» -- C'est une déclaration telle que «En priant pour renaître dans la terre pure Félicité (Sukhavati) vous y renaîtrez.» -- Par exemple, aux yeux de certains disciples telles et telles racines de bien sont louables, aux yeux d'autres disciples les mêmes sont blâmables. . Quelles sont les quatre pensées indirectes? Celles relatives à la pénétration, aux caractéristiques, aux antidotes et à la transformation. -- On prendra comme exemple la déclaration d'un soi des personnes que l'Éveillé formula dans le but d'amener certains disciples à la Loi. -- Un exemple en est l'enseignement des trois caractéristiques: le dépendant, l'imaginaire et le parachevé, dont le propos est de conduire à la compréhension de l'absence de nature propre de tous les phénomènes. -- Par exemple, l'enseignement du Grand Véhicule dispensé en vue de remédier à des erreurs telles que jeter le discrédit sur la sainte Loi. -- Un exemple en est l'emploi, dans certains Discours, d'une langue vulgaire connue aux fins de révéler un sens profond qui ne l'est pas. . En conclusion, à défaut de distinguer les sens provisoire et définitif selon ces différentes approches il sera impossible de pénétrer vraiment la profonde vacuité enseignée par l'Éveillé, et par suite, de se délivrer du cycle. En vue de leur faire comprendre cette doctrine l'Éveillé la dispensa directement à certains de ses élèves, tandis que pour d'autres auxquels cette pédagogie ne convenait pas il professa divers thèmes en harmonie avec leurs dispositions et leurs capacités. Telle est la raison du nombre élevé de propos contradictoires que recèle sa parole. . N'affirme-t-il pas dans les Questions de Rastrapala: . ~ Les migrants errent, ne connaissant pas ~ Les modes du vide, de la paix, de la non-production. ~ Grâce à ma méthode compatissante ~ Je les y introduis au moyen de centaines de raisons. . En général, les bouddhistes (Ceux de l'intérieur) se distinguent des non-bouddhistes (Ceux de l'extérieur) en ce qu'ils prennent refuge du fond du cœur dans les Trois Joyaux (triratna), tandis que les non-bouddhistes s'en remettent à des déités qui s'inscrivent dans des destinées non entièrement exemptes des inconvénients propres au cycle des existences. Les Trois Joyaux sont l'Éveillé (buddha), sa Loi (dharma), les vérités de la cessation et de la voie, et la Communauté (samgha), un minimum de quatre moines ou nonnes ou bien un supérieur (arya). . En particulier, un philosophe bouddhiste se distingue d'un philosophe non bouddhiste par trois traits: . ~ II suit un guide — l'Éveillé — qui a éliminé toutes les fautes et accompli toutes les excellences et dont l'enseignement ne nuit pas aux êtres; il professe l'absence d'un soi permanent, un et indépendant. Les vues des philosophes non bouddhistes en sont exactement l'opposé: leurs maîtres n'ont pas épuisé toutes les fautes, certains de leurs enseignements nuisent aux êtres, ils professent un soi permanent, un et indépendant. . En outre, un philosophe bouddhiste est une personne qui accepte les quatre sceaux: . ~ Tous les composés sont impermanents ~ Toutes les choses contaminées sont souffrance ~ Tous les phénomènes sont dépourvus d'un soi ~ L'au-delà des peines (nirvana) est la paix. . ******************************************************* ******************************************************* . L3: [Les particularistes] :L3 . Les Particularistes doivent leur nom au fait qu'ils professent les trois temps comme des caractères distinctifs d'entités substantielles, ou encore parce qu'ils suivent principalement la Grande Exposition Détaillée un ouvrage expliquant la signification des sept Sections de Métaphysique lesquelles commentent la première promulgation de la Loi: . ~ 1) l'Agrégat de la Loi de Shariputra, ~ 2) le Traité des Désignations de Maudgalyayana, ~ 3) le Groupe des Connaissances de Devasharman, ~ 4) l'Entrée dans la Sagesse Fondamentale de Katyayana, ~ 5) le Groupe des Éléments de Purna, ~ 6) la Description de Vasumitra, et ~ 7) l'Énumération Bien Exprimée de Mahakausthila. . Quelques divergences subsistent en ce qui concerne l'identification de l'auteur de certains de ces textes. . Les Particularistes se sont divisés en dix-huit écoles à partir d'un noyau original d'une, deux, trois ou quatre traditions, selon les interprétations. . En bref, l'actualisation des fruits de la pratique dépend de la mise en œuvre de la voie dont la connaissance repose sur une réalisation progressive des thèmes qui font l'objet de la présentation de la base. La base comprend l'exposition des deux vérités, conventionnelle et ultime, celles des agrégats (skandha), des éléments (dhatu) et des sources de la connaissance (ayatana), des phénomènes contaminés et non contaminés, des cinq connaissables fondamentaux: les formes, les consciences premières, les facteurs mentaux, les formations dissociées de la pensée et des facteurs mentaux, l'inconditionné, ainsi que l'exposé relatif aux trois temps. . Les objets de la voie sont les seize attributs des quatre vérités: l'impermanence, la souffrance, le vide et le non-soi pour la vérité de la souffrance; la cause, l'origine, le fort développement et la condition pour la vérité de l'origine; la cessation, la pacification, le bon augure et la sortie pour la vérité de la cessation; enfin, la voie, la logique, l'accomplissement et l'émancipation pour la vérité de la voie. . Les Particularistes acceptent trois véhicules ou moyens de progression: des Auditeurs, Réalisateurs solitaires (pratyekabuddha) et Héros pour l'éveil, avec cinq sentiers (marga) d'accumulation (sambhara), de préparation (prayoga), de vision (darshana), de méditation (bhavana) et au-delà de l'étude (ashaiksa) pour chacun des trois véhicules. Chaque Véhicule est considéré comme final en ce sens que, selon ce système, le continuum de la conscience des trois sortes de saints s'arrête lorsque ceux-ci entrent dans la transcendance de la douleur sans résidu. . ******************************************************* ******************************************************* . L3: [Les tenants des discours] :L3 . Parce qu'ils suivent en priorité les Discours du Maître ils sont dénommés Tenants des Discours (Sautrantika), ou encore, parce qu'ils dévoilent leurs doctrines au moyen d'exemples ils sont aussi connus comme «Ceux qui enseignent par comparaisons» (Darstantika). Kumaralata, Shrilata, Bhadanta sont quelques-uns des maîtres de cette tradition. . Les textes des Sautrantika n'ont pas été traduits au Tibet, néanmoins leurs vues sont détaillées dans des ouvrages tels que le Commentaire au Trésor de Métaphysique de Vasubandhu, le Compendium de Métaphysique d'Asanga et les sept Traités sur la Connaissance Valide de Dharmakirti. . Les Tenants des Discours sont de deux sortes: Adeptes des Écritures, c'est-à-dire en premier lieu, du Trésor de Métaphysique et Adeptes du Raisonnement qui s'appuient surtout sur le Compendium de Connaissance Valide de Dignaga, et les sept Traités sur la Connaissance Valide. . Leur présentation de la base consiste en les deux vérités, les caractères généraux et spécifiques aux objets, les phénomènes positifs et négatifs, le manifeste et le caché, les trois temps, l'unique et le différent, le permanent et l'impermanent, etc. Leur doctrine est très proche de celle des Particularistes, mais ils s'en distinguent notamment dans leur refus d'admettre la substantialité des trois temps, et dans une présentation de l'impermanence qui s'accorde avec les écoles du Grand Véhicule. Les Particularistes affirment que la production, la durée, le vieillissement et la destruction des choses composées sont causées par quatre agents, entités substantielles distinctes de ces choses. Pour les Tenants des Discours la production est l'avènement de ce qui n'existait pas, la durée la persistance d'une série semblable à celle qui précède, le vieillissement la dissemblance d'un objet d'un moment antérieur à un moment ultérieur, et la destruction la cessation d'un composé au second moment suivant le présent. La désintégration des composés instant après instant fait partie de leur nature même. Aucune autre cause que leur production n'est nécessaire à leur transformation et disparition. . Les présentations des voies et de leurs fruits sont sensiblement équivalentes chez les Tenants des Discours et les Particularistes. Ces deux écoles sont du Petit Véhicule dans la mesure où elles s'appuient sur la première Roue de la Loi, un cycle au cours duquel l'Éveillé s'est abstenu d'enseigner en détail la progression vers la pleine illumination. D'ailleurs, la plupart de leurs défenseurs ne considèrent pas les Discours du Grand Véhicule comme la parole même du Maître. . ******************************************************* ******************************************************* . L3: [Les idéalistes] :L3 . Parce qu'ils professent que tous les phénomènes des trois ondes sont juste de la nature de l'esprit ou pensée ils sont appelés Tenants de l'Esprit Seul, de la Seule Pensée ou Idéalistes. Certains sots, voire même des lettrés, ont affirmé que pour les Idéalistes les phénomènes sont pensée. Il s'agit d'une incompréhension manifeste. La pensée est connaissance, il serait absurde de soutenir que les choses inanimées possèdent cette qualité. Asanga, Dharmapala, Dharmakirti, Dignaga, Suvarnadvipa, Shantipa, Sthiramati sont quelques-uns des maîtres de cette tradition. Il est dit également que la pensée ultime de Dharmakirti n'est pas celle d'un Tenant de ce système, et aussi que Vasubandhu commença par professer les doctrines particularistes, puis devint un Tenant des Discours pour finalement adopter les thèses idéalistes. . En dehors du Discours sur l'Explication de l'Intention Cachée les principales sources de ces philosophes sont le Compendium de Connaissance Valide de Dignaga, les sept Traités sur la Connaissance Valide de Dharmakirti: -- 1) le Commentaire au «Compendium de Connaissance Valide», -- 2) la Détermination de la Connaissance Valide, -- 3) la Goutte de Raisonnement, -- 4) la Goutte de Raisons, -- 5) la Démonstration d'Autres Continuums, -- 6) l'Analyse des Relations, -- 7) les Raisons pour la Disputation, . ainsi que leurs commentaires et sous-commentaires. Trois des cinq ouvrages de Maitreya: l'Ornement des Discours du Grand Véhicule, la Distinction Entre les Phénomènes et la Nature des Phénomènes et la Distinction Entre le Milieu et les Extrêmes, dont il existe nombre d'exégèses indiennes et tibétaines, font également partie de leurs sources (21). . La pensée idéaliste s'est scindée en deux courants principaux: Adeptes des Écritures et du Raisonnement. Les premiers suivent les cinq traités sur les terres d'Asanga: -- 1) la Réalité des Terres, qui comprend les Terres Multiples, connu aussi sous le nom de Terres de la Pratique d'Union, les Terres des Auditeurs, et les Terres des Héros pour l'Éveil, -- 2) le Compendium des Décisions, -- 3) le Compendium des Bases, -- 4) le Compendium d'Énumérations, -- 5) le Compendium d'Explications. . Les seconds suivent les sept Traités sur la Connaissance Valide de Dharmakirti. Les Adeptes des Écritures sont les seuls bouddhistes à accepter huit consciences à savoir: les cinq consciences sensorielles et la conscience mentale, la conscience souillée (klishtamanas) et la conscience base de tout (alayavijnana). L'objet d'appréhension de la conscience souillée est la conscience base de tout qu'elle voit comme un je ayant une existence substantielle. Elle est contaminée par quatre facteurs: attachement à un soi, obscurcissement à propos d'un soi, orgueil d'un soi et vue d'un soi. Les cinq facultés sensorielles et leurs objets respectifs ainsi que les empreintes (vasana) apparaissent à la base de tout, mais cette dernière est incapable de les identifier ou de conduire une autre conscience à le faire. Son entité est neutre — ni vertueuse ni non vertueuse — et non contaminée car elle n'est associée à aucune perturbation. . Les Idéalistes incluent tous les connaissables dans trois natures: le dépendant, l'imaginaire et le parachevé. Tous les composés sont dépendants; un imaginaire est ce qui n'existe pas ultimement mais existe pour la pensée. Tous les phénomènes permanents — hormis la vacuité — sont des imaginaires. Il en existe deux sortes: existants et inexistants; les objets de connaissance sont un exemple des premiers et l'existence substantielle d'un soi de la personne et des phénomènes un exemple des seconds. Le parachevé est la vacuité d'un soi de la personne et des phénomènes. . Dans leur présentation de la base ils exposent également les deux vérités, conventionnelle et ultime. Les objets des cinq sens ne sont pas extérieurs mais produits dans une conscience en vertu du pouvoir d'empreintes placées sur la conscience base de tout à la suite d'actions variées. Les formes, les sons, etc., semblent extérieures en raison de prédispositions accumulées par une accoutumance sans commencement à nommer les objets. . Les objets de la voie sont les seize attributs des quatre vérités et les objets d'abandon le voile à la libération (kleshavarana) dans ses formes grossière — la conception d'une personne permanente, une et indépendante — et subtile — la conception d'une personne auto-suffisante — et le voile à l'omniscience (jneyavarana) — la conception que les phénomènes sont naturellement des bases pour une désignation et la conception de l'objet et du sujet comme des entités différentes. . L'école de l'Esprit Seul présente cinq sentiers pour chacun des trois véhicules. C'est une tradition du Grand Véhicule qui, à ce titre, accepte les dix terres des Héros pour l'éveil et les trois Corps d'un Éveillé: Corps de la Loi (dharmakaya), Corps de Jouissance (sambhogakaya), et Corps d'Émanation (nirmanakaya). Le premier constitue la perfection personnelle et les autres la perfection des activités pour le bien d'autrui. . ******************************************************* ******************************************************* . L3: [Les tenants du milieu (Nagarjuna, Aryadeva, Chandrakirti, Shantideva, …)] :L3 . ÉTYMOLOGIE: Parce qu'ils se tiennent dans une voie du milieu éloignée des extrêmes de permanence et d'annihilation ils sont appelés Tenants du Milieu. . DÉFINITION: Un Tenant du Milieu est un philosophe bouddhiste qui maintient qu'aucun phénomène, pas même les atomes, n'a d'existence réelle. Nagarjuna, Aryadeva, Bhavaviveka, Buddhapalita, Chandrakirti, Vimuktisena, Haribhadra, sont quelques-uns des maîtres de ce système. . Les Tenants du Milieu suivent les six Collections de Dialectique de Nagarjuna: -- 1) le Traité sur le Milieu intitulé aussi Sagesse: Stances Fondamentales sur le Milieu, -- 2) les Soixante-dix Stances sur la Vacuité, -- 3) la Réfutation des Objections, -- 4) les Soixante Stances de Raisonnement, -- 5) le Traité Intitulé «Finement Tissé», -- 6) la Guirlande Précieuse de Conseils au Roi. . Il existait huit commentaires indiens aux Stances Fondamentales sur le Milieu. Quatre ont été traduits en tibétain: -- Protégé par l'Éveillé (Buddhapalita) par l'auteur du même nom, -- les Paroles Claires de Chandrakirti, -- la Lampe de Sagesse de Bhavaviveka, dont l'élève Avalokitavrata fit une exégèse le Commentaire à «la Lampe» pour «la Sagesse» (de Nagarjuna) — connu aussi sous son nom l'Avalokitavrata — -- enfin, Aucune Peur de Nulle Part faussement attribué à Nagarjuna. . Les œuvres d'Aryadeva, le Traité en Quatre Cents Stances, l'Etablissement du Raisonnement et de la Logique Réfutant l'Erreur, et la Longueur d'un Bras font aussi partie des Écritures de ce système. . Parmi les œuvres des maîtres de l'école du Milieu citons -- la Quintessence du Milieu et son auto-commentaire, -- les Flammes d'Argumentation — dans lequel figure une explication détaillée des courants non bouddhistes — de Bhavaviveka, -- l'Entrée au Milieu — objet de la présente parution — et son auto-commentaire, de Chandrakirti, -- la Discrimination Entre les Deux Vérités et son commentaire, de Jnanagarbha, -- l'Ornement du Milieu de Shantaraksita, -- l'Illumination du Milieu et les Étapes de la Méditation de Kamalashila, -- l'Entrée dans la Conduite des Héros pour l'Éveil et le Compendium des Entraînements de Shantideva. . Tous ces traités sont traduits en tibétain. . ******************************************************* ******************************************************* . L3: [Les autonomes (Bhavaviveka, Jnanagarbha ; Shantaraksita, Kamalashila, Vimuktisena, Haribhadra)] :L3 . Dans la pensée du Milieu deux mouvements se sont formés: les Autonomes (Svatantrika) et les Conséquentialistes (Prasangika), tous deux acceptant l'autorité des œuvres de Nagarjuna et Aryadeva. . DÉFINITION: Un Autonome est un Tenant du Milieu qui professe l'absence d'être en soi et accepte que, conventionnellement, les phénomènes existent en raison de leur nature propre. . ÉTYMOLOGIE: Parce qu'ils réfutent l'être en soi en prenant appui sur des raisons correctes dont les trois aspects existent objectivement ils sont appelés Autonomes. Une raison correcte doit avoir trois aspects: être une qualité du sujet; être toujours imprégnée par le prédicat (attribut, ce qui à prouver); l'opposé du prédicat doit être imprégné par l'opposé de la raison. Par exemple, dans le syllogisme suivant: «La personne n'existe pas réellement parce que c'est une production dépendante», «la personne» est le sujet, «n'existe pas réellement» le prédicat, et «production dépendante» le signe de la raison. La raison est un attribut du sujet car les personnes sont toujours des productions dépendantes, le prédicat compénètre la raison car toutes les productions dépendantes sont dépourvues d'existence réelle, enfin, pouvoir dire que tout ce qui n'est pas produit en dépendance existerait réellement est la contre-imprégnation ou contraposition. Les Autonomes affirment que les membres du syllogisme existent de manière inhérente, c'est-à-dire que leur mode d'existence est établi à partir de leur apparence à l'esprit (22). . On distingue deux écoles dans la philosophie autonome: -- Les Tenants des Discours (Sautrantika-svatantrika) et -- les Pratiquants de l'Union (Yogachara-svatantrika). . DÉFINITION DES PREMIERS: Un Tenant du Milieu qui n'admet pas la conscience se connaissant elle-même et affirme que les objets extérieurs existent selon leur nature propre. Bhavaviveka, Jnanagarbha sont des exemples de leurs partisans. . ÉTYMOLOGIE: Parce qu'ils maintiennent que les conditions en tant qu'objet des consciences sensorielles sont des objets extérieurs, agrégations d'atomes, ils sont en harmonie avec la présentation propre aux Tenants des Discours. . DÉFINITION DES SECONDS: Un Tenant du Milieu qui accepte la conscience se connaissant elle-même et nie les objets extérieurs. Shantaraksita, Kamalashila, Vimuktisena, Haribhadra sont des maîtres de ce système. . ÉTYMOLOGIE: Parce qu'ils font une présentation des connaissables qui s'accorde avec celle des Idéalistes acceptant, comme eux, une simple conscience vide d'objets extérieurs, ils sont dénommés Pratiquants de l'Union. . Les deux écoles autonomes acceptent que la conception d'un soi de la personne qui serait permanent, un et indépendant, est le voile grossier à la libération, et la conception d'une personne auto-suffisante son aspect subtil. La conception de l'existence réelle des phénomènes est le voile subtil à l'omniscience. Seuls les Pratiquants de l'Union présentent un aspect grossier de ce dernier: la conception des sujets et objets comme des entités différentes. . Hormis le fait que les Autonomes Pratiquants de l'Union, en raison de leur doctrine proche des Idéalistes, exposent une vacuité qui est une absence de dualité entre connaissant et connu, les deux écoles autonomes sont sensiblement identiques dans leur présentation de la base, de la voie et de ses fruits. Pour tous deux les choses existent nécessairement par leur nature propre car, quand on recherche un phénomène désigné, celui-ci est obligatoirement découvert comme étant l'ensemble de ses parties. Être en soi, existence en raison de ses caractéristiques propres, existence objective, etc., sont des termes synonymes. . Les connaissables sont divisés sous l'angle des deux vérités, conventionnelle et ultime. Ils présentent trois véhicules avec cinq sentiers pour chacun d'eux et soutiennent que les Destructeurs de l'ennemi du Véhicule Inférieur entreront finalement dans le Grand Véhicule. Comme les Idéalistes ils acceptent les différents Corps d'un Éveillé. . ******************************************************* ******************************************************* . L3: [Les conséquentialistes (Buddhapalita, Chandrakirti, Shantideva)] :L3 . DÉFINITION: Un Tenant du Milieu qui nie l'être en soi des phénomènes, même conventionnellement. Buddhapalita, Chandrakirti, Shantideva sont des maîtres de cette doctrine. Rien n'existe en soi, de par sa nature propre. En effet, tous les phénomènes sont simplement désignés par la pensée, le mot «simplement» excluant un être en soi. . ÉTYMOLOGIE: Parce qu'ils affirment qu'une conscience d'inférence qui comprend la thèse d'absence d'être en soi peut être produite dans la série mentale d'un contradicteur par le seul emploi de conséquences, ils sont appelés Conséquentialistes. Ainsi les noms, Autonomes et Conséquentialistes dérivent des moyens mis en œuvre par l'un et l'autre pour engendrer chez autrui la vue que les choses sont dépourvues d'existence réelle. . Les objets sont classifiés selon le manifeste et le caché et en les deux vérités. Un objet manifeste est ce qui est connu directement, par exemple, au moyen des connaissances sensorielles. Un objet caché est connu par inférence, en usant de la raison. Une vérité conventionnelle est un objet trouvé par une connaissance valide distinguant une convention. Il n'y a pas de division des conventions en vraies et fausses, car le relatif est nécessairement faux: il apparaît d'une manière et existe d'une autre. Étant une vérité pour une conscience ignorante c'est uniquement sous l'angle d'une conscience ordinaire mondaine que le relatif est classé en réel et irréel. Une vérité ultime est un objet trouvé par une connaissance valide distinguant un phénomène ultime, c’est-à-dire une vacuité. Les deux vérités ne sont pas des entités distinctes, mais une seule entité. Elles ne diffèrent que nominalement. . Les consciences sont de deux sortes: valides et invalides. Les premières sont aussi de deux types: directes et d'inférence. Toutes les consciences sensorielles des êtres — c'est-à-dire des personnes qui n'ont pas encore atteint le statut d'un Éveillé — sont erronées, en ce sens que les objets leur apparaissent comme s'ils existaient réellement. Néanmoins, ceci ne les empêche pas de déterminer correctement toutes les essences. . Les Conséquentialistes présentent les cinq sentiers propres à chacun des trois véhicules ainsi que les dix terres des Héros pour l'éveil. La conception d'une personne autosuffisante constitue l'aspect grossier du voile à la libération et la conception de l'existence réelle des personnes et des phénomènes son aspect subtil. L'apparence d'existence réelle et les traces de la conception des deux vérités comme des entités distinctes forment le voile à l'omniscience. Les Auditeurs et Réalisateurs solitaires se délivrent seulement des voiles à la libération et obtiennent l'éveil propre à leur voie. Les Héros pour l'éveil, abandonnant le voile à l'omniscience, obtiennent simultanément les Corps d'un Éveillé. . ******************************************************* ******************************************************* . L3: [Modes d'assertions de la personne et du non-soi selon les quatre écoles philosophiques] :L3 . Pour certains Particularistes, les Sammitiya, la personne est l'ensemble des agrégats physiques et mentaux; les Particularistes du Kashmir et les Tenants des Discours Adeptes des Écritures affirment que la personne est le continuum des agrégats; elle est la conscience mentale pour les Tenants des Discours Adeptes du Raisonnement, les Idéalistes Adeptes du Raisonnement et les Autonomes Tenants des Discours; c'est la conscience base de tout pour les Idéalistes Adeptes des Écritures et le continuum de la conscience mentale pour les Autonomes Pratiquants de l'Union. Quant aux Conséquentialistes, la personne est le je simplement désigné sur la collection des agrégats, sa base de désignation. . La principale raison des différents modes d'établissement de la personne ou soi chez les non-Conséquentialistes est la nécessité de fournir une base ininterrompue — ce qui transmigre de vie en vie — à l'interaction des actions et de leurs effets. Sans se satisfaire de la simple désignation pratique d'un soi en dépendance des agrégats, ils posent comme étant la personne ou bien un des agrégats ou leur ensemble, le continuum de l'un deux ou de leur collection. Recherchant la personne — l'objet désigné — ils la trouvent dans une de ses bases de désignation ou dans leur ensemble, et considèrent qu'à défaut de l'identifier comme l'un ou l'autre de ces éléments ils chuteraient nécessairement dans l'extrême d'une vue d'annihilation. Par contre, pour les Conséquentialistes, ne pas trouver la personne après investigation ne la rend pas pour autant inexistante, car ils sont à même de l'établir par la simple appellation «personne» sur la collection des agrégats. Donnons un exemple: un chariot n'est pas ses parties, ni leur collection mais on ne peut dire qu'il est inexistant; un chariot est accepté comme simplement désigné sur elles. . Tous les systèmes bouddhiques font une nette distinction entre le soi et le soi de la personne. Tous acceptent que le simple soi est le support reliant les actions et leurs effets, mais rejettent un soi de la personne, quoique leurs divergences quant aux modes de réfutation du second et d'établissement du premier soient nombreuses. . L'objet d'observation ou base de la conception innée d'un soi est le simple je, lequel semble exister sans dépendre des agrégats pris individuellement, de leur collection ou de leur continuum. Le je paraît être le maître, le patron des agrégats, et ceux-ci les serviteurs, ses employés. L'objet d'une telle conception innée est appelé «soi de la personne»; à l'opposé, son absence est le non-soi de la personne. Le continuum homogène de cette intelligence hallucinée engendre le désir et d'autres perturbations à partir desquelles des actions sont accumulées, actions qui font errer dans l'existence cyclique. Cette intelligence erronée est donc la racine du cycle. Telle est l'explication commune aux non-Conséquentialistes. Les Conséquentialistes considèrent que cette vue d'un soi est artificielle — acquise au contact de philosophies. Pour eux, dans la conception innée d'une personne auto-suffisante la personne apparaît comme un chef des ventes et les agrégats comme des vendeurs. Contrairement à la relation entre un patron et ses ouvriers un chef des ventes, tout en dirigeant les vendeurs, appartient néanmoins à la catégorie «vendeur». De même, la personne est de la catégorie ou nature des agrégats, quoique paraissant en être le contrôleur, et inversement, les agrégats, comme les vendeurs, semblent dépendre de la personne laquelle, pareille au chef des ventes, semble en être indépendante mais ne l'est pas. Ainsi, dans la conception innée d'un soi de la personne celle-ci paraît exister de son propre chef, par elle-même, «de manière indifférenciée en relation avec le corps et l'esprit qui se trouvent également mêlés comme de l'eau dans du lait» ainsi que l'exprime le Ve Dalai Lama. . Les Idéalistes s'appliquent à démontrer qu'objet et sujet ne sont pas des entités distinctes bien qu'apparaissant ainsi à toute conscience, et que les objets ne sont pas naturellement les bases de leurs noms, c'est-à-dire qu'un connaissable n'est pas, par son mode d'être propre, la base de son nom mais que celui-ci dépend de la conscience désignative. Ceci est, pour eux, le non-soi subtil des phénomènes et l'objet principal de méditation des Héros pour l'éveil. . Les deux écoles du Milieu s'accordent dans leur manière de réfuter une existence réelle de tous les phénomènes. Pour les Autonomes un phénomène doit nécessairement exister objectivement: lorsqu'un objet désigné est recherché on doit le trouver. C'est ainsi qu'il ressort de l'investigation que la personne est la conscience mentale ou son continuum. Les Conséquentialistes, qui n'admettent pas l'existence objective, ne découvrent pas l'objet désigné. D'où leur définition particulière de la personne. Percevant que tous les phénomènes intérieurs et extérieurs ont un mode d'être établi à partir de leur apparence à l'esprit, Autonomes et Conséquentialistes affirment que l'objet de négation dans la théorie du non-soi est l'existence réelle. Pour tous deux la saisie d'une existence est la conception d'une existence vraie des essences, laquelle serait établie indépendamment de leur apparence à l'esprit. Les deux défenseurs du Milieu s'accordent aussi pour ce qui est du rejet, durant l'équilibre méditatif issu de la force de l'analyse, d'une existence qui ne serait pas établie par le pouvoir de l'esprit. Toutefois, les Autonomes maintiennent que durant la période d'obtention subséquente — ou période post-méditative — les phénomènes sont semblables à des illusions dans le contexte d'une existence en raison de leur caractère propre. Les Conséquentialistes, voyant que ce rejet de l'être en soi durant l'équilibre méditatif laisse néanmoins «quelque chose», affirment que ce «quelque chose» est la simple dénomination. C'est la différence la plus frappante entre ces deux écoles. Encore une autre distinction: les Autonomes nient l'existence réelle des phénomènes tout en leur concédant une existence du fait de leurs propres caractéristiques ou existence objective. Incapables de distinguer l'existence objective de la simple existence ils considèrent que refuser la première équivaut au rejet de toute forme d'existence. C'est la raison pour laquelle ils argumentent avec force contre les Idéalistes dont la position est que les phénomènes imaginaires sont privés d'existence objective. Les Conséquentialistes déclarent qu'existence réelle, existence objective, existence par ses caractéristiques propres ou sa nature propre, etc., sont des termes synonymes qu'ils rejettent en bloc pour n'accepter qu'une simple désignation. . En bref, toutes les philosophies bouddhiques réfutent un soi ou personne permanent, un et indépendant, c'est-à-dire, qui aurait un caractère distinct des agrégats. . Les Particularistes et les Tenants des Discours ne font pas de présentation des non-soi grossier et subtil des phénomènes car, selon eux, ceux-ci existent réellement. L'inexistence d'une personne permanente, une et indépendante est le non-soi grossier de la personne, et l'inexistence d'une personne auto-suffisante à l'existence substantielle est le non-soi subtil. Une personne auto-suffisante à l'existence substantielle serait une personne capable d'exister par elle-même, qui pourrait apparaître à l'esprit sans dépendre de l'apparence d'autre chose. Toutefois, parmi les dix-huit écoles particularistes, les cinq courants des Sammitiya acceptent un soi substantiel ni identique ni différent des agrégats. . La définition du non-soi de la personne des Idéalistes est identique à celle des deux traditions du Petit Véhicule. L'absence ou vacuité d'une existence par leur caractère propre des choses en tant que bases de noms, l'absence ou vide de dualité entre sujet et objet et l'absence d'objets extérieurs constituent pour eux le non-soi subtil des phénomènes. L'inexistence d'objets extérieurs formés d'une collection d'atomes sans parties est présentée comme le non-soi grossier des phénomènes. . La définition des non-soi grossier et subtil de la personne que donnent les Autonomes Pratiquants de l'Union est la même que celle des systèmes précédents. Le non-soi grossier des phénomènes correspond au non-soi subtil des phénomènes présenté par les Idéalistes. Le non-soi subtil est une vacuité d'existence réelle. Conventionnellement, tous les phénomènes ont une existence par leur caractère propre. Quoique n'acceptant pas une simple désignation par la pensée ou simple établissement nominal, ils présentent tous les phénomènes comme existant par la force de leur apparence à l'esprit. . La philosophie des Autonomes Tenants des Discours se distingue de celle des Pratiquants de l'Union pour ce qui est du non-soi grossier des phénomènes, lequel s'accorde avec la présentation idéaliste. Ils se différencient pourtant de ces derniers par leur acceptation d'objets extérieurs. . Les Conséquentialistes affirment que la vacuité d'une personne auto-suffisante à l'existence substantielle est le non-soi grossier de la personne, le non-soi subtil étant sa vacuité de nature propre. Le vide ou inexistence en tant qu'entités distinctes d'une collection grossière d'atomes et de la connaissance valide qui la saisit est le non-soi grossier des phénomènes. Le vide d'existence réelle des agrégats est le non-soi subtil des phénomènes. Les deux non-soi, de la personne et des phénomènes, sont différenciés sous l'angle de leurs bases et en aucune façon du point de vue de l'objet de réfutation, l'existence réelle. L'un et l'autre ont la même subtilité. . ******************************************************* ******************************************************* . L3: [Mode d'abandon des extrêmes] :L3 . Tous les philosophes bouddhistes proclament leur rejet des deux extrêmes d'éternalisme et de nihilisme. Tous affirment se tenir au centre ou milieu. . Pour les Particularistes l'extrême d'éternalisme réside dans la position qu'au moment de la cause d'un phénomène l'effet existe sans être manifeste, et l'extrême d'annihilation dans l'absence de nature propre des phénomènes. Ils évitent la première en affirmant qu'au moment de la production d'un effet sa cause cesse, et la seconde en affirmant qu'un effet naît à la suite d'une cause. . Pour les Tenants des Discours l'extrême de permanence est l'acceptation d'une personne auto-suffisante à l'existence substantielle, et l'extrême d'annihilation une non-existence établie du point de vue du mode d'être des objets, résistant à l'analyse et indépendante de la désignation par la pensée et les termes. Ils se dégagent de la première par l'assertion que les composés se désintègrent moment après moment, et de la seconde par celle que le continuum des composés est ininterrompu. . Selon les Tenants de l'Esprit Seul l'extrême de permanence est l'existence réelle des imaginaires et l'extrême d'annihilation l'absence d'existence réelle du dépendant et du parachevé. Ils évitent la première par l'affirmation de l'absence d'existence réelle des phénomènes imaginaires, et la seconde par celle de l'existence réelle du dépendant et du parachevé. . Pour les Autonomes l'existence réelle des phénomènes constitue l'extrême de permanence, et leur inexistence selon leur caractère propre celle d'annihilation. Ils dissipent la première grâce à l'acceptation de l'absence d'entité établie réellement, et la seconde en affirmant une existence qui est un simple établissement par le pouvoir de la pensée. . Pour les Conséquentialistes l'extrême de permanence est l'être en soi ou nature propre des phénomènes, et l'extrême d'annihilation leur inexistence en tant que simples conventions. Ils se tiennent éloignés de ces vues en admettant respectivement une simple existence nominale et une absence d'existence par son caractère propre. . Ces modes d'abandon des deux extrêmes s'étagent dans un ordre de progression qui va du plus grossier au plus subtil, les systèmes inférieurs faisant office de tremplins pour accéder aux systèmes supérieurs. La doctrine conséquentialiste reste considérée par la tradition bouddhique tibétaine comme la plus profonde. . ******************************************************* ******************************************************* . L2: [Notes aux préliminaires] :L2 . [note #1 :] Les Tenants du Milieu usent prioritairement de cinq formes de démonstrations: analyse de la nature des phénomènes, analyse de la cause, analyse du fruit, analyse de la cause et du fruit, analyse de tous les phénomènes. . I. L'ANALYSE DE LA NATURE DES PHENOMENES. Elle comprend trois raisonnements: . 1) Le raisonnement en cinq points explicité par Nagarjuna dans son Traité. En prenant la personne comme sujet, il s'établit comme suit: -- a) La personne n'est pas les agrégats; -- b) La personne n'est pas distincte des agrégats; -- c) La personne n'est pas la base des agrégats; -- d) La personne n'est pas dépendante des agrégats; -- e) La personne ne possède pas les agrégats. . 2) Le raisonnement en sept points présenté par Chandrakirti dans l'Entré au Milieu (st. 164 à 221). Chandrakirti ajouta aux cinq points du Traité une investigation démontrant que: -- f) La personne n'est pas la figure ou configuration des agrégats; -- g) La personne n'est pas la collection des agrégats. . 3) Le raisonnement de l'identité et de la différence présenté principalement par Shantaraksita dans son Ornement du Milieu et Atisha dans la Lampe sur la Voie vers l'Éveil. -- On remarquera qu'il est constitué des deux premières démonstrations du raisonnement en cinq points. . II. L'ANALYSE DE LA CAUSE. Elle est formée de la démonstration intitulée «les éclats de diamant». Nagarjuna dans le Traité, Chandrakirti dans l'Entrée au Milieu (st. 51 à 146) et Atisha dans sa Lampe s'en font les avocats. La voici: -- Un phénomène n'est pas produit: -- a) de soi-même, -- b) d'autres, -- c) de soi-même et d'autres, -- d) sans cause (ni de soi-même ni d'autres). . III. L'ANALYSE DU FRUIT. On la trouve surtout dans l'Illumination du Milieu de Kamalashila; Chandrakirti la traite brièvement (st. 64). Elle s'articule comme suit: -- Un effet n'est pas -- a) existant, -- b) non existant, -- c) à la fois existant et non existant, -- d) ni existant ni non existant. . IV. L'ANALYSE DE LA CAUSE ET DU FRUIT. Elle comprend deux raisonnements: . 1) Le raisonnement des quatre extrêmes (voir III): -- Une cause produit un effet qui n'est -- a) ni existant, -- b) ni non existant, -- c) ni à la fois existant et non existant, -- d) ni existant ni non existant. . 2) Le raisonnement des quatre alternatives développé principalement par Kamalashila dans l'Illumination du Milieu et Jnanagarbha dans la Discrimination Entre les Deux Vérités. -- a) Un effet n'est pas produit par une cause, -- b) de nombreux effets ne sont pas produits par une cause, -- c) un effet n'est pas produit par de nombreuses causes, -- d) de nombreux effets ne sont pas produits par de nombreuses causes. . V. L'ANALYSE DE TOUS LES PHÉNOMÈNES. Elle comprend deux raisonnements: . 1) Le raisonnement de contradiction employé par Bhavaviveka dans sa Quintessence du Milieu (III. 26): -- Ici, la terre (et les autres éléments) -- Ultimement, n'ont pas de nature propre d'élément -- Car ce sont des composés, -- Ils ont des causes, etc., comme la conscience.* . 2) Le raisonnement de la production dépendante utilisé par Chandrakirti (157/9). C'est le roi des arguments, éliminant i) l'extrême de permanence et ii) l'extrême d'annihilation. Ainsi, -- Les phénomènes n'existent pas réellement (i) car ce sont des productions dépendantes (ii).**. . * S. lida, Reason and Emptiness, Tokyo, the Hokuseido Press, 1980, 82/3. . ** Pour une discussion des principaux arguments des Tenants du Milieu voir Hopkins, Méditation on Emptiness, London, Wisdom Publications, 1983, 127 à 173. . Autres notes . (2) Sur ce point, voir E. Lamotte, l'Explication des Mystères (Samdhinirmochanasutra), Paris, Louvain, 1935, 175 et suivantes, et J. Hopkins, Méditation 405 et suivantes. . (3) Pour un court récit de sa vie voir Collection Maitreya, I, II, III, Dharma, 1983, ainsi que Life and Teachings of Tsong Khapa, éd. by Prof. R. Thurman, Library of Tibetan Works and Archives, Dharamsala, India, 1982, et Calming the Mind and Discerning the Real, from the Lam rim chen mo of Tson-khapa, transi, by A. Wayman, Columbia University Press, New York, 1978. . (4) Traduction partielle par J. Hopkins: Illumination of the Thought in Compassion in Tibetan Buddhism, London, Rider, 1980. . (5) Traduction par Geshe Wangyal in The Door of Liberation, New York, Girodias, 1973; R.A.F. Thurman in Tsongkhapa's Speech of Gold in the Essence of True Eloquence, Princeton, Princeton University Press, 1985. . (6) Traduction partielle par A. Wayman: The Yoga of the Guhyasamajatantra, Delhi, Motilal, 1977. . (7) Traduction par R.M. Davidson: The Litany of Names of Manjushri in Tantric and Taoist Studies in honour of R.A. Stein, vol. I, Bruxelles, Institut Belge des Hautes Études Chinoises, 1981. Traduction par A. Wayman: Chanting the Names of Manjushri, Boston, London, Shambala, 1985. . (8) D'après Biographical Dictionary of Tibet and Tibetan Buddhism, compiled by Khetsun Sangpo, vol. I, LTWA, Dharamsala, 1973, 223-233, et une transmission orale de Géshé Ngawang Dhargyé. . (9) Le système du Milieu fut introduit au Tibet dès le VIIIe siècle avec la venue de Padmasambhava, Shantaraksita et de son élève Kamalashila, mais la traduction des textes conséquentialistes date seulement du XIe siècle, lors de la seconde diffusion de la Loi. . (10) Une autre traduction de ces deux textes par le traducteur de Nagtso (Nag-tsho lo-tsa-ba tshul-khrims rgyal-ba) est aujourd'hui perdue. . (11) Vasubandhu: Le Trésor de Métaphysique (Abhidharmakosha) et bhasya. Traduction par L. de La Vallée Poussin: l'Abhidharmakosa de Vasubandhu, 6vol., Institut Belge des Hautes Études Chinoises, Bruxelles, 1980. . (12) Voir G.N. Roerich, The Elue Annals, Motilal Banarsidass, New Delhi, 1979, et J. Naudou, les Bouddhistes Kasmiriens au Moyen Age, PUF, 1968. . (13) Quoique ce texte ait été composé plus d'un millénaire après le passage de l'Éveillé Shakyamuni, celui-ci étant l'initiateur du Système du Milieu est considéré comme le premier maître de la transmission. . (14) Lamo Détchen fut fondé en 1680 par Ngawang Losang Tenpai Gyeltsen (Nga-dbang blo-bzang bstan-pa'i rgyal-mtshan, 1660-1727), dont les incarnations sont connues sous le nom de Lamo Chabdroung Karpo (La-mo zhabs-drung dkar-po). Dans ses existences précédentes il avait été l'élève des IIP et Ve Dalai Lama. Cette lignée de maîtres a continué de se manifester jusqu'à ce jour. Lamo Détchen abritait entre quatre et cinq cents moines. On y trouvait deux collèges, un pour l'étude des Discours, l'autre pour celle des Tantras. . (15) Labtang Tachikil fut fondé par l'Omniscient Jamyang Chépa ('Jamdbyangs bzhad-pa, 1648-1722) dont la sixième incarnation vit présentement dans le Dôme (mDo smad). Ce monastère, le plus important de la province d'Amdo, comptait environ trois mille cinq cents résidents. Outre les deux collèges destinés à l'étude de la philosophie et de la médecine, quatre autres étaient consacrés aux Tantras: le Bas Collège, le Haut Collège, celui de Kalachakra et celui de Heruka. . (16) Drépoung fut établi en 1416 par Jamyang Cheujé Tachi Pelden ('Jamdbyangs chos-rje bkra-shis dpal-ldan, 1379-1449) un élève éminent de Tsongkhapa. Comptant de sept à huit mille religieux, c'était la plus grande institution monastique du Tibet. Un collège était dédié aux Tantras et six à l'étude des Discours. La plupart des savants mongols ont été formés au collège de Gomang (sGo-mang) de ce monastère et la majorité des établissements religieux de Mongolie furent fondés par des maîtres sortant de ce collège. . (17) En 1959 les religieux Sakyapa, Gélougpa, Nyingmapa et Kagyupa venus du Tibet (au nombre d'environ mille deux cents) furent regroupés au Bengale, dans un lieu appelé Buxa, proche du Bhoutan. Ils se dispersèrent au cours des années suivantes vers différentes provinces de l'Inde pour reconstruire, selon le modèle architectural et le style d'étude tibétains, les monastères qu'ils avaient dû quitter. . (18) Notons les discussions sans fin concernant non seulement la date de sa mort mais aussi la chronologie subséquente. La raison en est qu'anciennement l'année indienne, selon les périodes, fut comptée comme comprenant six ou douze mois, ce qui contribua à créer la confusion quant aux dates, aussi bien chez les Indiens que chez les Tibétains et les Chinois. Sur la biographie de Shakyamuni voir en particulier E. Lamotte, Histoire du Bouddhisme Indien, Louvain, 1976, et A. Bareau, Recherches sur la Biographie du Bouddha, Paris, A. Maisonneuve, 3 volumes, 1963, 1970. . (19) mKhas grub rje (Khédrubjé), Fundamentals of the Buddhist Tantras, transi, by F.D. Lessing and A. Wayman, Mouton, the Hague, Paris, 1968, 97 et J. Hopkins, Méditation, 359. . (20) Dans tous les systèmes hormis les Conséquentialistes une connaissance valide est la cognition initiale correcte, non trompeuse, d'un objet. Pour les Conséquentialistes pramana indique qu'une conscience perçoit son objet principal d'une manière correcte, non trompeuse, qu'il s'agisse de son premier instant ou d'un moment subséquent. Pour une discussion détaillée voir Geshe Lhundup Sopa and J. Hopkins, Practice and Theory of Tibetan Buddhism, Rider, London, 1976. . (21) Les deux autres sont l'Ornement de Claire Réalisation et l'Ultime Continuum du Grand Véhicule. . (22) Sur la controverse entre Autonomes et Conséquentialistes voir J. Hopkins, Méditation, Sopa Hopkins, Pratice and Theory, A. Wayman, Calming the Mind and Discerning the Real, et D.S. Ruegg, The Literature of the Madhyamika School of Philosophy in India, O. Harrassowitz, Wiesbaden, 1981. . L2: [Abréviations] :L2 . ASANGA, Compendium: Le Compendium de la Super-Doctrine (philosophie) (Abhidharmasamuccaya) d'Asanga. Traduit et annoté par Walpola Rahula. École Française d'Extrême-Orient, Paris, 1971. . HOPKINS, Méditation: J. Hopkins, Méditation on Emptiness, Wisdom Publications, London, 1983. . LAMOTTE, Traité: Le Traité de la Grande Vertu de Sagesse de Nagarjuna (Mahaprajnaparamitasastra), Traduit et annoté par Etienne Lamotte, 5 vol., Institut Orientaliste, Louvain-la-Neuve, 1949-1980. . NAGARJUNA, Traité: Le Traité sur le Milieu ou «Sagesse», Stances Fondamentales sur le Milieu (Madhyamakasastra/ Prajnanamamulamadhyamakakarika). Pas de traduction française. Pour les traductions en d'autres langues occidentales voir dans la bibliographie générale: Pfandt, Mahayana Texts... . VASUBANDHU, Trésor: L'Abhidharmakosa de Vasubandhu. Traduit et annoté par Louis de La Vallée Poussin, Institut Belge des Hautes Études Chinoises, Bruxelles, 1980. . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L1: [L'entrée au milieu] :L1 L3: [Hommage préliminaire de Tsongkhapa] :L3 . ~ Avec grand respect, je me prosterne aux pieds du Vénérable Manjugosa, ~ du Supérieur (1) Nagarjuna et de ses fils spirituels. ~ En eux je prends refuge. . ~ Puisse-je toujours être protégé par le Puissant Seigneur, Soleil des Orateurs, ~ Trésor de toutes les bonnes explications vastes et profondes, ~ Ami inaccoutumé du monde entier, ~ Œil qui révèle la voie excellente aux migrants des trois plans (2). . ~ Puisse-je toujours recevoir la grâce du maître Manjugosa, ~ Source du profond dans l'entourage de Vainqueurs innombrables, ~ Sans égal dans la proclamation du discours juste et suprême, ~ Le rugissement du lion. . ~ Je m'incline du fond du cœur devant Nagarjuna le prophétisé ~ Qui commenta, telle qu'elle est, la voie de la production en dépendance, ~ Le milieu séparé des extrêmes, ~ L'essence de l'esprit de Ceux Allés-en-la-joie (3) des trois temps. ~ Secourez-moi avec le crochet de la compassion! . ~ Je m'incline aux pieds du glorieux Aryadeva ~ Qui, grâce aux instructions de ce protecteur, accéda à un rang élevé ~ Puis, ayant gagné la maîtrise du discours qui montre la bonne voie, ~ Élucida sa réalisation pour les migrants. . ~ Je m'incline aux pieds de Buddhapalita ~ Qui accomplit la parole du Vénérable Manjugosa, ~ Illumina la pensée ultime du Supérieur Nagarjuna ~ Et se rendit dans un lieu de Détenteurs de la Connaissance (4). . ~ Je m'incline aux pieds de Chandrakirti et Shantideva ~ Qui ont parfaitement révélé ~ La totalité de la voie du Grand Sage, subtile et difficile à comprendre, ~ Les essentiels du système hors du commun de Nagarjuna. . ~ Avec l'œil de l'intelligence immaculée, ayant vu clairement ~ L'entière signification des essentiels extraordinaires ~ Dans la philosophie de Nagarjuna et Aryadeva ~ Et les commentaires des trois grands conducteurs (5), . ~ Afin de dissiper les corruptions dues aux taches des interprétations ~ De la plupart de ceux qui ont cherché à exposer ce système ~ Et parce que d'autres m'en ont fait la requête, ~ Je vais expliquer au long, parfaitement et dans son entier, l'Entrée au Milieu. . ~ Cette explication, conforme à l'Auto-Commentaire de Chandrakirti, comprend quatre parties: ~ 1) Le sens du titre ~ 2) L'hommage des traducteurs ~ 3) Le sens du texte ~ 4) La conclusion . ******************************************************* ******************************************************* . L2: [1. Le sens du titre] :L2 . En sanscrit, une des quatre langues indiennes: Madhyamakavatara; en tibétain: Oumala Djoukpa (dBu-ma-la 'jugpa); en français: l'Entrée au Milieu (6). Ici, le milieu (madhya, dBu-ma) c'est l'ouvrage intitulé Sagesse: Stances Fondamentales sur le Milieu ou Traité sur le Milieu de Nagarjuna. . Quelqu'un a dit que le Traité n'explique pas en détail les natures conventionnelle et ultime et que Chandrakirti aurait composé l'Entrée au Milieu en vue de remédier à cette lacune. Ceci est incorrect, car les raisonnements pour établir l'aséité (tattva, De-kho-na nyid, De-nyid) — le mode d'être ultime des choses — présentés par Nagarjuna sont bien plus nombreux que ceux exposés par Chandrakirti. Selon nous, le mode d'entrée (avatara, 'jug-pa) au Traité s'effectue de deux façons: du point de vue du vaste et du profond. . L'entrée par la porte du profond: elle se rapporte à une présentation de l'aséité qui n'est pas partagée par les Tenants du Milieu Autonomes et à une réfutation approfondie du système idéaliste qui n'est analysé en détail ni par Nagarjuna dans son Traité ni par Chandrakirti dans son ouvrage les Paroles Claires, un commentaire du Traité. Chandrakirti indique que l'Entrée au Milieu a pour but d'établir sans erreur l'aséité du Traité car, faute de la comprendre, la profonde Doctrine de l'Éveillé serait abandonnée. . L'entrée par la porte du vaste: selon le Supérieur Nagarjuna, le Grand et le Petit Véhicule ne sont pas différenciés sous l'angle de la présence ou de l'absence de la sagesse qui réalise la profonde aséité, mais sous celui de la méthode, l'ampleur de la motivation et de l'activité qui en découle. Le Traité n'explique pas l'accession au fruit du plein épanouissement au moyen des dix terres des Héros pour l'éveil. Mais, bien qu'il n'enseigne que le profond et non les caractères du vaste dans le Grand Véhicule, il appartient néanmoins à celui-ci car le non-soi des phénomènes y est révélé à l'aide d'un grand nombre de raisonnements accessibles uniquement à ses adeptes. En effet, le Véhicule des Auditeurs ne présente que sommairement le non-soi des phénomènes. . Comme le dit Chandrakirti dans son Autocommentaire: . ~ «II est vrai que le Grand Véhicule fut enseigné afin de clarifier le non-soi des phénomènes, parce que l'Éveillé souhaitait l'exposer largement. Dans le Véhicule des Auditeurs le non-soi des phénomènes est seulement illustré en bref.» . Nous verrons ce point en page 100. Ainsi Chandrakirti complète le Traité grâce aux instructions essentielles de Nagarjuna, telles qu'on les trouve dans la Guirlande Précieuse et le Compendium de Discours en dégageant -- 1) trois pratiques accomplies au plan des êtres ordinaires, -- 2) dix terres propres aux Étudiants Supérieurs, -- 3) la terre résultante, et -- 4) la méditation de la vision pénétrante — un examen de l'aséité des non-soi des personnes et des phénomènes au moyen de la sagesse analytique — par une progression sur les cinquième et sixième terres sur la base du calme continu dont la nature est la concentration. . ******************************************************* . L2: [2. Hommage des traducteurs] :L2 . \ ### \ Hommage à Manjushri le Juvénile . En tibétain Manjushri se dit Jampel ('Jam dpal), Jam signifiant «doux», car l'esprit de Manjushri est adouci par le complet abandon des deux voiles, et pel «glorieux», car il a obtenu l'omniscience éclatante. Juvénile (kumara) se dit Cheunou (gZhon-nu); il apparaît sous la forme d'un jeune homme de seize ans, symbole du caractère inaltérable du plein éveil. . Les règles édictées par le roi Ti Ralpachen (Khri ral-pa-can, 815-838) pour la traduction du canon bouddhique en tibétain précisent que la salutation sera faite à Manjushri pour les textes portant sur l'entraînement en sagesse que l'on trouve principalement dans la division de la Métaphysique, à l'Éveillé Shakyamuni pour ceux traitant de l'entraînement en éthique et qui appartiennent à la division de la Discipline, à l'Éveillé et aux Héros pour l'éveil en ce qui concerne l'entraînement en absorptions méditatives que l'on trouve surtout dans la division des Discours. En dépit de cette règle, certains traducteurs marquèrent leur vénération par un hommage personnel. . Parce que le présent texte a pour principal sujet l'entraînement en sagesse, hommage est rendu à Manjushri, manifestation de la sagesse des Eveillés. . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L1: [La Grande Compassion] :L1 L2: [3. Le sens du texte] :L2 L3: [31. Expression d'adoration, méthode d'introduction a la composition du traité] :L3 L4: [311. Louange a la grande compassion indifférenciée] :L4 . \ ### \ 1. Les Auditeurs et les Éveillés intermédiaires naissent des Puissants Seigneurs, \ Les Éveillés sont issus des Héros pour l'éveil, \ L'esprit de compassion, l'intelligence exempte de dualité \ Et l'esprit d'éveil sont les causes des Fils des Vainqueurs. . \ ### \ 2. Comme seule la compassion est (semblable à) une graine pour l'excellente moisson d'un Vainqueur, \ A l'eau pour la croissance \ Et à la maturation dans un séjour de longue jouissance, \ Je commence par louer la compassion. . Les Auditeurs sont ainsi dénommés parce qu'ils écoutent et reçoivent d'autrui les instructions, les mettent en œuvre puis obtiennent le fruit de leurs méditations: l'état de Destructeur de l'ennemi. Ensuite, ils proclament leur réalisation: «J'ai fait ce qu'il y avait à faire, je ne connaîtrai pas d'autre naissance». Le terme sanscrit Shravaka peut signifier aussi écouter et proclamer: ils entendent de la bouche des Éveillés ce qu'est le fruit du plein épanouissement ou la voie qui y mène et proclament ce fait à ceux qui possèdent la lignée du Grand Véhicule et s'y appliquent. Les Éveillés intermédiaires ou Réalisateurs solitaires ont pénétré l'aséité au même titre que les Auditeurs et les Vainqueurs. Bien que le mot Éveillé (buddha) soit traduit en tibétain par «éveillé et épanoui», comme il est employé également dans les expressions «lotus épanoui» et «éveil du sommeil» il n'est pas nécessaire de l'appliquer exclusivement à Ceux Ainsi-ailés. Les Réalisateurs solitaires ont accumulé le mérite et la sagesse durant cent périodes cosmiques; ils ont donc des qualités supérieures aux Auditeurs. Par contre, comme ils ne possèdent ni les collections complètes de mérite et sagesse, ni la grande compassion constamment tournée vers les êtres, ni l'omniscience des parfaits Éveillés, ils leur sont inférieurs. Pour ces raisons ils sont appelés «intermédiaires» ou «moyens». . «Puissants Seigneurs» se dit en tibétain Toubwang (thub-dbang), Toub signifiant «capable», et wang «pouvoir» ou «domination». Les Auditeurs et réalisateurs solitaires, qui ont vaincu les perturbations, reçoivent le premier qualificatif, l'épithète complète de Puissants Seigneurs étant réservée aux Éveillés. Pourquoi? Parce qu'ils possèdent des qualités que les Auditeurs, Réalisateurs solitaires et même les Héros pour l'éveil n'ont pas, qu'ils les dominent dans la sphère de la Doctrine et que ces trois types d'adeptes dépendent d'eux pour leur ascèse et leurs réalisations. . Si les Auditeurs et Réalisateurs solitaires sont issus des Éveillés d'où ceux-ci proviennent-ils? Les parfaits Éveillés naissent des Héros pour l'éveil. . Comment peut-on dire, si les Héros pour l'éveil naissent de l'enseignement dispensé par les Éveillés — et que, de ce fait, ils reçoivent le nom de Fils des Vainqueurs — que les Éveillés en sont eux-mêmes issus? Un père naîtrait-il de son fils? . Il est certain que les Héros pour l'éveil sont fils des Éveillés. Toutefois, les premiers sont la cause des seconds pour deux raisons. Tout d'abord, par rapport au niveau: le plein épanouissement est le fruit de l'état de Héros pour l'éveil développé sur la voie de l'étude. Ensuite, notre Maître . Shakyamuni ainsi que d'autres Vainqueurs engendrèrent initialement l'esprit d'éveil (bodhichitta) à l'incitation de Manjushri en tant que Héros pour l'éveil. . Les Éveillés louent les Héros pour l'éveil — les Grands Êtres — parce que ceux-ci sont leurs causes principales. Quatre raisons président à cette louange: i) cette excellente cause de la pleine illumination est très profonde et très précieuse; ii) en louant la cause — les Héros pour l'éveil — le fruit — les Éveillés — est adoré implicitement; iii) de même que celui qui a vu les pousses, le tronc, etc., d'un arbre médicinal producteur de fruits sans nombre protège et prend soin des feuilles encore jeunes et tendres, de même on devrait chérir et prendre soin du stade initial, celui de Héros pour l'éveil débutant, car il est la pousse de l'arbre de l'éveil parfait qui nourrit tous les êtres; iv) lorsque les Fils des Vainqueurs sont loués en présence de personnes établies dans les trois Véhicules, il n'est pas douteux que ces personnes entreront définitivement dans le Grand Véhicule. Comme il est dit dans l'un des Discours du cycle de l'Amas de Joyaux: . ~ Ô Kashyapa, c'est ainsi: par exemple, on s'incline devant la nouvelle lune et non pas devant la pleine lune; de même, ô Kashyapa, ceux qui ont une grande foi en moi devraient s'incliner devant les Héros pour l'éveil et non pas devant Celui-Ainsi-allé. Pourquoi cela? Ceux Ainsi-ailés naissent des Héros pour l'éveil. Tous les Auditeurs et Réalisateurs solitaires naissent de Ceux Ainsi-ailés. . Si les Auditeurs et Réalisateurs solitaires naissent des Éveillés et ceux-ci des Héros pour l'éveil, d'où proviennent ces derniers? De trois causes principales: l'esprit de compassion, l'intelligence ou sagesse qui connaît la non-dualité, c'est-à-dire est libre des deux extrêmes d'éternalisme et de nihilisme, et enfin l'esprit d'éveil. Ce que recouvre le concept de compassion sera exposé plus loin. La définition complète de l'esprit d'éveil est le désir d'obtenir l'illumination incomparable (objet de réalisation personnelle) pour le bien de tous les êtres (les objets de l'intention). La seule pensée «J'obtiendrai la pleine illumination pour le bien de tous les êtres» est une formulation verbale et, bien que recevant le nom «esprit d'éveil», n'en est qu'un substitut. L'esprit d'éveil véritable est l'expérience particulière née d'un entraînement assidu conforme aux instructions essentielles. La différence est semblable à celle que l'on trouve entre le goût douceâtre de l'écorce et la saveur sucrée de l'intérieur d'une canne à sucre. . L'esprit de non-dualité n'est pas l'absence d'apparence duelle du connaissant et de ce qui est connu, mais la séparation d'avec les deux extrêmes. Cette sagesse peut être possédée par des personnes n'ayant pas encore accédé au statut d'un Grand Être. . On distingue deux types de Héros pour l'éveil: ceux dotés de facultés aiguës ou faibles. Les premiers analysent en profondeur l'existence cyclique et les moyens propres à s'en délivrer. Ils comprennent que la saisie d'une existence réelle des personnes et des autres phénomènes est une hallucination que chaque être a la possibilité d'éliminer, mettant ainsi fin à la cause d'une errance indéfinie. Les seconds s'engagent avec enthousiasme dans la voie, s'appliquant en priorité au développement de la compassion et de l'esprit d'éveil. Le présent texte correspond principalement aux êtres de facultés aiguës. . La compassion, étant la source de l'esprit d'éveil et de la sagesse de non-dualité, est la plus importante des trois causes présidant au rang de Héros pour l'éveil. La compassion est, par nature, une racine de bien d'absence de haine, son caractère distinctif étant le désir de protéger les êtres de la souffrance. De grande importance au début de l'entraînement en vue de l'excellente moisson d'un Vainqueur, elle est semblable à une graine. Incitant le disciple à l'exercice des perfections, elle est également capitale durant la phase intermédiaire de progression sur la voie. A ce titre, elle est analogue à l'eau nourrissant la graine. Enfin, source de jouissance pour les migrants, elle s'apparente à la maturation d'un fruit. En effet, grâce à la grande compassion les Éveillés demeurent indéfiniment dans le cycle des existences pour le bien des êtres. Du fait de ce caractère essentiel, plutôt que de rendre hommage aux Éveillés, Héros pour l'éveil, Auditeurs ou Réalisateurs solitaires, Chandrakirti introduit son traité en louant la grande compassion. Le mot «seule» indique qu'en ces trois moments, au début, au milieu et à la fin, elle est l'unique cause de la moisson d'un Vainqueur. . Comment s'explique l'analogie avec la graine pour montrer son importance au commencement? Les compatissants réfléchissent ainsi: «Afin de protéger tous les êtres tourmentés je les tirerai hors des souffrances du cycle et les établirai en le complet épanouissement (ceci est l'esprit d'éveil ayant le bien d'autrui pour objet) et, voyant que cette aspiration ne sera actualisée que par ma réalisation de cet état, je dois absolument l'atteindre» (ceci constitue l'esprit d'éveil ayant l'illumination incomparable pour objet). Parce qu'ils sont également conscients de ne pouvoir parvenir à ce but sans s'exercer aux six perfections de générosité, d'éthique, de patience, de persévérance, de méditation et de sagesse, la dernière et la principale, ils s'engagent dans ces pratiques. Ainsi, l'esprit d'éveil et la sagesse de non-dualité étant activés par la compassion, celle-ci est semblable à une graine. . Comment s'explique l'analogie avec l'eau pour montrer l'importance de la compassion au cours de l'entraînement? La graine de la compassion produit initialement la pousse de l'esprit d'éveil; si, ultérieurement, celui-ci n'est pas sans cesse fécondé par la compassion, les deux collections qui sont les causes de l'illumination ne seront pas amassées, et seul l'au-delà des peines d'un Auditeur ou d'un Réalisateur solitaire sera manifesté. . Comment l'importance de la compassion à la fin est-elle analogue à la maturation? Dans le cas où l'état de maturation de la compassion serait absent dans le plein épanouissement, l'activité ininterrompue des Éveillés pour les êtres jusqu'à la fin du cycle serait impossible et rien ne distinguerait leur réalisation de celle d'un saint du Véhicule Inférieur. . En conclusion, cette stance depuis «Comme seule la compassion...» renferme quatre significations: -- qui désire réaliser le Grand Véhicule doit commencer par engendrer la grande compassion; -- puis, en dépendance de cela produire un esprit d'éveil complet; -- s'engager dans la conduite générale des Héros pour l'éveil; -- en particulier, pénétrer la vue profonde. . L4: [312. Louange a la grande compassion en distinguant ses aspects] :L4 L5: [312.1. La grande compassion dirigée vers les êtres] :L5 . \ ### \ 3. Je m'incline devant cette compassion pour les êtres \ Impuissants et pareils, dans leur course, à un seau dans un puits. \ Ils adhèrent initialement à un soi, disant «je». \ Puis, produisant l'attachement aux essences, proclament «ceci est mien». . La vue considérant une collection destructible comme un je produit la vue de cette même collection en tant que mien. Les êtres commencent donc par saisir un je en tant que réalité. La vue appréhendant un je réel conduit à penser que le je a une existence en raison de sa nature propre alors qu'il en est dépourvu. Ensuite, sous l'influence de cette fiction, en adhérant au mien naît l'attachement à la chose possédée en tant que réalité, faisant penser «ceci est mien» à propos de choses autres que le je telles que les formes. De ce fait, les êtres impuissants errent dans le cycle en un mouvement analogue, dans leur course perpétuelle, à celui d'un seau dans un puits, et Chandrakirti rend hommage à l'état d'esprit éprouvant de la compassion envers eux. . Comment s'explique cette analogie? Au moyen de six caractéristiques: -- Les êtres sont étroitement liés par leurs actions et leurs perturbations; -- le processus de l'existence cyclique dépend de l'esprit comme le mouvement du seau de celui qui l'actionne; -- les êtres passent sans interruption du Sommet de l'existence à l'Enfer intolérable; -- ils tombent naturellement et sans efforts dans des états infortunés et remontent très difficilement jusqu'à des positions fortunées; -- ils sont soumis aux perturbations de l'ignorance, de la soif et de la saisie, aux actions que sont l'existence et les formations, ainsi qu'aux sept autres facteurs de la production dépendante (7), sans qu'aucune certitude préside à leur ordre de manifestation. En effet, l'étude permet de voir leur enchaînement se dérouler sur une, deux ou trois vies plus ou moins éloignées; -- ils sont journellement brisés par les trois formes du malheur: la souffrance des souffrances, celle du changement et celle imprégnant toute chose. . Ces six points ne sont pas exposés uniquement afin de faire comprendre la façon dont les êtres errent dans le cycle. Bien que l'on ait montré précédemment que la compassion est une nécessité première pour qui désire pénétrer dans le Grand Véhicule, la manière de la cultiver n'a pas été expliquée. Ici, la grande compassion est développée en méditant sur le mode d'errance des êtres impuissants dans le cycle. Quel est l'agent introducteur au cycle? L'esprit indiscipliné et inapaisé. Quels sont les lieux possibles d'errance? Tous les domaines depuis le Sommet de l'existence jusqu'à l'Enfer intolérable dans lesquels les êtres sont projetés sans interruption. Quelles sont les causes du cycle? Les actions contaminées et les perturbations mentales. Les actions non méritoires et les perturbations qui leur sont associées conduisent aux conditions douloureuses; les actions méritoires et immuables — ces dernières ainsi appelées en raison de la certitude d'une naissance conforme à l'état d'absorption méditative réalisé — et les perturbations qui les accompagnent mènent aux conditions heureuses. Comme les enchaînements de production dépendante créés par les perturbations se suivent continûment, les êtres ne cessent d'endurer les trois formes de souffrance. . Il est impossible pour un débutant d'engendrer la compassion universelle sans réfléchir préalablement à sa situation personnelle dans le cycle. C'est seulement après en avoir pris conscience qu'il pourra se tourner vers ses semblables. La grande compassion est-elle produite uniquement en méditant sur la souffrance des êtres dans le cycle et sur sa source? Notre attitude à l'égard des trois catégories de personnes que nous rencontrons — amies, ennemies et étrangères — étant par trop partiale, il convient de cultiver à tout prix un sentiment d'amour à l'endroit de tous, car la force de la compassion sera fonction de cet état d'esprit. Selon la méthode de Chandrakirti, Chandragomin et Kamalashila ceci est accompli en pensant que, depuis un temps sans commencement, les êtres sont nos amis et parents. Une seconde méthode — l'échange de soi pour autrui — est exposée par Shantideva. On se reportera à ses œuvres pour la connaître. . Ainsi, chérir profondément les êtres et prendre intensément en compte la manière dont ils tournent et souffrent dans le cycle sont les deux portes d'accès au développement de la grande compassion (8). . L5: [312.2. La grande compassion dirigée vers les phénomènes et le non-appréhensible] :L5 . \ ### \ 4 ab. (Je m'incline devant la compassion) pour les êtres, \ qui les voit changeants et vides de \ nature propre, \ Telle la lune dans l'eau turbulente. . «Je m'incline devant la compassion percevant l'impermanence des êtres, détruits en un instant tels le reflet de la lune dans l'eau agitée par la brise.» Ceci est la compassion ayant les phénomènes pour objet. . «Je m'incline devant la compassion percevant les êtres vides de nature propre, quoiqu'il en semble, tels le reflet de la lune dans l'eau.» Ceci est la compassion ayant le non-appréhensible pour objet. . La compassion dans les trois formes dont il est question ici se distingue par ses objets d'observation et non par son aspect qui est toujours le souhait de séparer les êtres du malheur. La compassion dirigée vers les phénomènes considère les êtres sous l'angle de leur impermanence et leur désintégration instant après instant. Avec cette conviction de leur caractère éphémère, la croyance en une existence permanente, une et indépendante des êtres est stoppée et il devient possible de s'assurer que leur nature ne peut être distincte des agrégats qui les composent. Connaissant alors qu'ils sont désignés exclusivement sur la collection de ces agrégats, on prendra pour objet de méditation les êtres imputés sur les seuls phénomènes que sont les agrégats. Telle est la compassion orientée vers les êtres. . Voir Fimpermanence des êtres n'est qu'une illustration, car observer les êtres dénués d'une existence substantielle auto-suffisante est également appelé «observation des phénomènes». Donc, l'expression «compassion orientée vers les phénomènes» signifie «orientée vers les êtres désignés sur la base phénoménale qui les compose.» . La compassion orientée vers le non-appréhensible ou sans-objet n'est pas appliquée exclusivement aux êtres, mais plus précisément aux êtres vides d'être en soi. Qu'entend-on par «non-appréhensible»? L'absence de réalité ou inexistence de l'objet conçu par une conscience saisissant des caractéristiques d'existence réelle. Ainsi, la compassion tournée vers les êtres qualifiés par une absence d'être en soi est nommée «compassion non appréhensible» ou «orientation vers le non-appréhensible». . Lorsque ces trois types de compassion sont dirigés vers l'un des trois objets d'observation leur aspect est le désir de protéger les êtres de toute souffrance; elles sont donc infiniment plus vastes que la compassion des Auditeurs et Réalisateurs solitaires. Au moment où les disciples les font naître: «Je dois absolument obtenir la parfaite illumination pour le bien de tous les êtres» on dit qu'alors ils produisent l'esprit d'éveil. . Les trois types de compassion peuvent-ils tous être cause du statut de Héros pour l'éveil lorsque celui-ci pénètre initialement dans la voie? Il existe deux sortes d'adeptes: ceux de la famille du Grand Véhicule qui suivent la doctrine commencent par rechercher une compréhension de l'aséité puis, s'appuyant sur la production de la grande compassion, développent l'esprit d'éveil et s'engagent dans la conduite des Fils des Vainqueurs. Ceux de la famille du Grand Véhicule qui s'appuient sur la foi, n'étant pas capables de prime abord de connaître l'aséité, produisent l'esprit d'éveil et s'entraînent dans les pratiques des Fils des Vainqueurs tout en cherchant à pénétrer la signification de l'ultime. Il y a donc des cas où les trois formes de compassion existent sur le courant de conscience avant que l'on devienne un Héros pour l'éveil. Même ceux qui ont précédemment engendré une compréhension de l'aséité doivent, lorsqu'ils s'entraînent dans les activités propres au Grand Véhicule, cultiver et déterminer avec certitude sa signification. . Le thème général de l'Entrée au Milieu est le vaste et le profond. L'intention particulière a été expliquée plus haut (pp. 65-66). L'intention essentielle temporaire va de l'approfondissement du texte à la réalisation des quatre premiers sentiers du Grand Véhicule: accumulation, préparation, vision et méditation. L'intention finale est l'obtention de l'épanouissement incomparable. . ******************************************************* ******************************************************* . L3: [32. Le corps du traité proprement dit] :L3 L4: [321. Niveau causal] :L4 L5: [321.1. Présentation de chacune des dix terres] :L5 . Lorsque la pure sagesse fondamentale des Héros pour l'éveil unie à la compassion et d'autres excellences, se subdivise, chaque partie est dénommée «terre» car c'est un lieu de vertus. Les terres sont dites «production de l'esprit ultime» — et non conventionnel — car le Grand Être est établi en la sagesse non conceptuelle. Quelle est la nature de cette pure sagesse? Dans notre système conséquentialiste une conscience maculée par l'ignorance — la saisie d'une existence réelle — ou par ses empreintes, est appelée impure, et la sagesse séparée de ces empreintes, pure. A part celle d'un Éveillé, la conscience qui n'est pas entachée par ces souillures adventices n'est autre que la sagesse non conceptuelle atteinte lors de l'établissement méditatif des Supérieurs, car en dehors de cette absorption ils en portent toujours l'impression. L'ignorance est présente jusqu'à la septième terre incluse. à partir de la huitième ainsi que chez les Auditeurs et Réalisateurs solitaires Destructeurs de l'ennemi, l'ignorance liée aux perturbations étant épuisée, ses imprégnations seules demeurent. . Bien que la sagesse de l'établissement méditatif des Héros pour l'éveil, Auditeurs et Réalisateurs solitaires Supérieurs soit semblable, en ce que tous trois connaissent directement la réalité et ne sont plus marqués par les traces de l'ignorance, le plan d'un Héros pour l'éveil se distingue par la présence de la grande compassion, les pouvoirs de douze cents vertus et la suite. Du reste, et comme on l'a dit plus haut, à l'occasion des sentiers d'accumulation et de préparation il y a cette différence entre l'emploi (par les Héros pour l'éveil) et le non-emploi (par les Auditeurs et Réalisateurs solitaires) d'un grand nombre de raisonnements pour maîtriser la compréhension de l'aséité des deux non-soi. . La pure sagesse fondamentale imprègne uniformément les dix terres, néanmoins cette division est établie en fonction des moments antérieurs et ultérieurs de cette sagesse. Chacune de ces dix terres ultimes est une sagesse non conceptuelle. Les terres sont présentées individuellement selon un quadruple point de vue: -- La première est dotée de douze groupes de cent qualités, la deuxième de douze groupes de mille, la troisième de douze de cent mille, et ainsi de suite, le nombre de qualités augmentant à chaque terre. Quelles sont ces douze dans le contexte d'un instant de la première terre et en dehors de l'établissement méditatif? 1. Voir cent Éveillés; 2. recevoir l'influence spirituelle de cent Éveillés; 3. se rendre sur cent terres d'Éveillés; 4. illuminer cent continents; 5. ébranler cent univers de quatre continents; 6. vivre pendant cent périodes cosmiques; 7. voir avec sagesse cent périodes cosmiques passées et futures; 8. entrer et sortir de cent absorptions méditatives; 9. ouvrir cent différentes portes de doctrine; 10. porter cent êtres à maturation; 11. créer cent émanations de son propre corps; 12. entourer chacune de ces émanations de cent Héros pour l'éveil. -- Augmentation de la force de purification des taches propres à chaque terre et des capacités de progrès sur leurs voies. -- La première terre correspond à une pratique spéciale de la générosité, la deuxième de l'éthique, la troisième de la patience, etc. -- Cette dernière caractéristique se rapporte à une élévation progressive du statut par fructification des mérites: à la première terre le Héros pour l'éveil naît comme roi de ce monde, à la deuxième comme roi des quatre continents, et ainsi de suite. La division en dix niveaux est donc fondée sur le fait que les capacités de la sagesse non conceptuelle varient considérablement d'une terre à une autre. Les qualités subséquentes à l'établissement méditatif étant incluses dans chaque plan, il faut comprendre que les terres ne sont donc pas uniquement déterminées sous l'angle de l'établissement méditatif. . Il n'existe pas de division arrêtée en fonction des objets d'observation relatifs à ces terres ultimes. . Le Discours sur les Dix Terres le confirme: . ~ De même que les sages ne peuvent nommer ni voir ~ La trace d'un oiseau dans le ciel, ~ De même, puisque toutes les terres des Fils des ~ Vainqueurs sont indicibles, . Comment entendrait-on (un exposé à leur sujet)? Les sages du monde ne peuvent décrire par la parole ni voir en esprit la trace du vol de l'oiseau dans le ciel; de même, bien que les terres ultimes — semblables à l'oiseau — progressent dans l'espace de la nature des choses, leur mode de déplacement tel qu'il est expérimenté par les êtres nobles ne peut être exprimé même par un être noble. Comment la manière dont il est perçu pourrait-elle donc être reçue par ceux qui écoutent? . L1: [Les cinq premières perfections] :L1 L3: [321.11. Explication de la première terre: très joyeuse] :L3 L4: [321.111. Bref enseignement sur sa nature] :L4 . \ ### \ 4 c 5 b. L'esprit de ce Fils des Vainqueurs sous le pouvoir de la compassion \ Visant la complète libération des êtres, \ Qui dédie (ses vertus) au moyen des aspirations de Celui-qui-est-Toute-Bonté \ Et séjourne en la joie, est appelé premier. . Le Fils des Vainqueurs résidant en la première terre connaît les êtres, objets de sa compassion, comme dépourvus d'être en soi, et pour tous, quels qu'ils soient, son esprit éprouve une compassion visant à leur totale libération. Il dédie ses vertus au moyen de la prière de Celui-qui-est-Toute-Bonté (Samantabhadra) appelée Aspiration à l'Excellente Conduite, qui figure dans la dernière partie du Discours Avatamsaka. L'esprit ultime du Héros pour l'éveil demeurant en la sagesse d'absence d'apparence duelle dénommée «Très Joyeuse» est orné des qualités qui en sont les fruits. Il reçoit le nom de «premier esprit supramondain». Cette première terre est la réalisation initiale manifeste de la vacuité; le sujet — la conscience connaissante — et l'objet — la vacuité — sont alors indissociablement mêlés, comme de l'eau versée dans de l'eau. Elle correspond à l'entrée sur le sentier de vision du Grand Véhicule. L'Aspiration à l'Excellente Conduite contient les dix grandes résolutions dont il est question dans le Discours sur les Dix Terres ainsi que les innombrables prières des Fils des Vainqueurs de la première terre. La prière est ce qui est offert et la dédicace l'application du mérite à la pleine illumination ou d'autres desseins, cette dernière assurant l'indestructibilité des racines de bien accumulées. . L4: [321.112. Explication détaillée de ses qualités] :L4 L5: [321.112.1. Qualités embellissant notre propre continuum] :L5 . \ ### \ 5 cd. Dès ce moment, en raison de son obtention \ II reçoit le nom de «Héros pour l'éveil» . A partir du moment où il est entré en la première terre le Fils des Vainqueurs qui a obtenu cet esprit ultime reçoit l'appellation de «Héros pour l'éveil ultime», car il est passé au-delà des plans des êtres ordinaires. Il devient donc un Héros pour l'éveil Supérieur. Il faut comprendre le texte de cette manière étant donné, qu'en général, le seul terme «Héros pour l'éveil» s'applique à une personne ayant développé initialement un esprit d'éveil stable et naturel c'est-à-dire, accédé au premier sentier (accumulation) du Grand Véhicule. . \ ### \ 6. Il est né dans la famille de Ceux Ainsi-ailés, \ A abandonné entièrement les trois entraves. \ Ce Héros pour l'éveil connaît une joie suprême \ Et peut ébranler de toutes parts cent univers. . Parce qu'il surpasse les gens du commun, les Auditeurs et Réalisateurs solitaires, et a produit en sa série mentale la voie par laquelle il est certain de progresser jusqu'à la complète illumination il est né dans la famille de Ceux Ainsi-ailés. Les Grands Êtres des premier et deuxième sentiers (de préparation) appartiennent aussi à la famille des Éveillés, néanmoins cette appellation lui est propre car, contrairement à eux, sa réalisation ne peut se dégrader. Il a perçu directement le non-soi, l'absence d'existence réelle de la personne, et les trois liens: la vue du transitoire (ou vue d'un je et mien réels), le doute et la surestimation de l'éthique et de l'ascétisme, sont entièrement abandonnées, ce qui veut dire que leurs graines étant brûlées ces liens ne réapparaîtront plus. Au sentier de vision seul l'aspect artificiel — acquis au contact de systèmes incorrects — de la vue relative au transitoire est détruit, et non son aspect inné, seulement éliminé au cours du sentier de méditation, le quatrième. . Bien d'autres objets sont abandonnés lors de la réalisation de la première terre, mais les trois précités sont les principaux obstacles au cheminement vers la délivrance, comme l'illustre l'exemple suivant: trois difficultés peuvent se présenter à celui qui désire se rendre à un endroit précis: l'absence du désir de partir, l'engagement sur une fausse route, et le doute quant à l'itinéraire à emprunter. Le premier obstacle est le non-engagement sur la voie par crainte de la libération; il est provoqué par la croyance au je. Le second, emprunter une voie erronée, et le troisième, hésiter concernant le parcours spécifique à suivre. . Le Héros pour l'éveil qui est entré avec certitude dans la lignée des Vainqueurs, a obtenu les vertus qui en sont le fruit et s'est séparé des objets d'abandon propres à cette terre, connaît alors des joies particulièrement nobles jamais expérimentées auparavant. C'est en raison de cela que ce stade est appelé Très Joyeux. . Il est aussi doté du pouvoir d'ébranler de toutes parts cent univers de quatre continents. . \ ### \ 7. Il passe de terre en terre et progresse vers les (stades) élevés; \ A ce moment, il a stoppé la totalité des voies menant aux états infortunés \ Et mis fin définitivement aux niveaux des êtres ordinaires. \ Il est indiqué qu'il est pareil au huitième Supérieur. . Il éprouve un grand enthousiasme pour passer de la première à la deuxième terre et accédera aux stades élevés. . Dès la première terre le Héros pour l'éveil ferme toutes les voies menant aux états inférieurs d'existence. . Pourquoi serait-il nécessaire de mentionner à ce point que tous les mauvais chemins sont barrés alors qu'il est dit que, avec l'obtention du stade d'acquiescement du sentier de préparation, une naissance misérable par le pouvoir des actions est impossible (9)? Parce qu'ici, contrairement au stade d'acquiescement, les graines y conduisant sont détruites. . En outre, à ce moment chez le Héros pour l'éveil tous les stades des êtres ordinaires sont épuisés. Il est le premier des huit Supérieurs — quatre progressant vers leur fruit respectif: Entrée-dans-le-courant, Qui-ne-revient-qu'une-fois, Qui-ne-revient-plus, Destructeur de l'ennemi, et quatre demeurant en ces fruits — c'est-à-dire Progressant-vers-le-fruit-d'entrée-dans-le-courant. Ses qualités de réalisation des vertus et d'abandon des imperfections sont en harmonie avec celles de ce Supérieur. . L5: [321.112.2. Qualités surpassant en splendeur le continuum d'autrui] :L5 . \ ### \ 8. Même ceux qui demeurent en le premier esprit d'éveil parfait \ L'emportent par l'accroissement de leurs mérites sur les Éveillés solitaires \ Et sur ceux nés de la parole du Puissant Vainqueur. \ Dans (la terre) Qui-va-loin il les domine par l'intelligence. . L'esprit d'éveil parfait de ceux qui demeurent en la première terre, sans parler des résidents des plans supérieurs, l'emporte, c'est-à-dire surpasse en splendeur les Éveillés solitaires ainsi que ceux nés de la parole des Puissants Vainqueurs — les Auditeurs — par la force des mérites de la compassion et de l'esprit d'éveil conventionnels, et leurs vertus s'accroissent plus encore que celles de ces deux adeptes. . Le Discours Libération de Maitreya dit: . ~ Ô fils d'excellente famille, c'est ainsi: par exemple, peu après sa naissance le fils d'un roi possède les marques royales et, par la grandeur de la nature de sa lignée surpasse l'assemblée entière des principaux anciens ministres; de même, le Héros pour l'éveil débutant, peu après avoir produit l'esprit d'éveil, naît dans la famille de Celui-Ainsi-allé roi de la Doctrine et, par la force de la compassion et de l'esprit d'éveil surpasse les conduites pures longuement exercées des Auditeurs et Éveillés solitaires. . ~ Ô fils d'excellente famille, c'est ainsi: par exemple, peu après sa naissance le petit du grand seigneur des aigles (l'oiseau garuda) a des qualités de vigueur des ailes et de pureté parfaite de l'œil qu'aucun des autres oiseaux, même adulte, ne possède; similairement, le Héros pour l'éveil qui a produit le premier esprit d'illumination a pris naissance dans la lignée de la famille de Celui-Ainsi-allé grand seigneur des aigles, et en tant qu'enfant du seigneur des aigles il domine les autres par la force de ses ailes pour engendrer l'aspiration à l'omniscience et possède la pureté parfaite de l'œil du vœu suprême. Ces facultés n'existent en aucun des Auditeurs et Éveillés solitaires qui ont renoncé depuis cent ou mille périodes cosmiques. . Dans ce passage, les références au «Héros pour l'éveil débutant» et «peu après avoir produit l'esprit d'éveil» se rapportent au développement d'un esprit ultime dirigé vers le non-appréhensible. Chandrakirti a expliqué (stance 6) que le Héros pour l'éveil de la première terre est «né dans la famille de Ceux Ainsi-ailés». Les exemples du texte fondamental — le huitième Supérieur — et du Discours — le prince et le petit du garuda — ont la même signification. Enfin, il est clair d'après l'Ornement des Discours du Grand Véhicule et de nombreux autres textes que le «pur vœu suprême» est l'esprit d'éveil de la première terre. . Le Héros pour l'éveil ordinaire qui a engendré l'esprit d'illumination ne surpasserait-il pas les Auditeurs et Réalisateurs solitaires? La Libération de Maitreya explique encore: . ~ Ô fils d'excellente famille, c'est ainsi: par exemple, l'éclat d'un diamant même brisé, surpasse tous les nobles ornements d'or, il ne perd pas le nom de «diamant» et est aussi le contraire de toute pauvreté. Ô fils d'excellente famille, pareillement, la production de l'aspiration à l'omniscience, semblable au diamant, même en l'absence de (tout autre) effort, dépasse en splendeur tous les ornements des qualités des Auditeurs et Réalisateurs solitaires; (pour celui qui la possède) l'appellation «Héros pour l'éveil» n'est pas perdue, et elle s'oppose également à toute la pauvreté du cycle. . Lorsqu'un Héros pour l'éveil arrive à la septième terre, Qui-va-loin, non seulement il l'emporte sur les Auditeurs et Réalisateurs solitaires par son esprit d'éveil relatif, mais aussi particulièrement, par la force de l'intelligence de la production de l'esprit ultime. Le Discours sur les Dix Terres dit: . ~ Ô Fils du Vainqueur, c'est ainsi: par exemple, en vertu du seul fait d'être né dans une famille royale, un prince possédant les marques royales l'emporte sur l'assemblée entière des ministres en raison de la splendeur du souverain, mais non par le pouvoir analytique de son intelligence. Lorsqu'il devient adulte et développe le pouvoir de son intelligence il dépasse de beaucoup toutes les activités des ministres. De même, ô Fils du Vainqueur, dès que le Héros pour l'éveil a développé l'esprit d'illumination il l'emporte par la grandeur de son vœu suprême sur la totalité des Auditeurs et Éveillés solitaires, mais non par le pouvoir de son intelligence analytique. (Par contre), le Héros pour l'éveil qui demeure en la septième terre des Héros pour l'éveil, par son séjour en la grandeur de la connaissance de son propre objet dépasse infiniment toutes les activités des Auditeurs et Éveillés solitaires. . «Dès que le Héros pour l'éveil développe l'esprit d'illumination» se réfère au pur vœu suprême de la première terre; «il dépasse infiniment toutes les activités des Auditeurs et Éveillés solitaires» signifie qu'il les surpasse en intelligence. Selon le Discours cité «le pouvoir de l'intelligence» c'est le «séjour en la grandeur de la connaissance de son propre objet», c'est-à-dire la grandeur de connaître la cessation, la sphère d'un Héros pour l'éveil. Concernant ce point, certains affirment: . ~ «Bien qu'il n'existe aucune différence de nature entre la sagesse des terres inférieures et celle de la septième, seule cette dernière a la capacité d'éliminer les voiles à l'omniscience. Il y a donc bien une distinction à faire, du point de vue de l'intelligence, entre le surpassement et son absence.» . Ceci est incorrect car les conceptions d'une existence réelle des personnes forment l'ignorance associée aux perturbations. Leur abandon définitif dépend de l'élimination de leurs graines et comme celle-ci est commune aux deux sortes de Destructeurs de l'ennemi, l'abandon des graines de la saisie d'une existence réelle ne constitue pas celui des voiles à l'omniscience. Les voiles à l'omniscience sont formés d'empreintes distinctes des graines de la conception d'une existence réelle et ne sont pas dissipés avec la réalisation de la huitième terre. Pour le système autonome fondé par Bhavaviveka la saisie d'une existence réelle est acceptée comme le voile à l'omniscience, mais telle n'est pas l'affirmation conséquentialiste. . D'autres disent: «A partir de la septième terre le Héros pour l'éveil est doté de la capacité de sauter certains niveaux d'absorption.» Ceci est également incorrect. «Sauter» signifie «étapes désordonnées», et aucune source scripturale ne permet d'affirmer que cette capacité est présente à l'occasion de la septième terre et absente lors des terres inférieures. . D'autres encore déclarent que l'intelligence de cette terre domine les Auditeurs et Éveillés solitaires car la sagesse approche manifestement de la huitième terre: Immuable. Ceci n'éclaircit pas la raison pour laquelle les Héros pour l'éveil surpassent les deux autres pratiquants à la septième terre et non au-dessous. . Il est expliqué que le caractère supérieur de l'intelligence lors de la septième terre réside en le pouvoir d'entrer et de sortir à chaque instant de l'aséité, alors que les résidents des plans inférieurs en sont incapables. Il n'est pas difficile, à l'occasion des sentiers d'accumulation et de préparation, d'entrer et de quitter en un court instant l'absorption de la vacuité en laquelle l'aséité et l'esprit n'ont pas un goût unique; mais pour un Supérieur qui a atteint le stade en lequel tous deux sont pareils à de l'eau versée dans de l'eau, ce mode d'entrée et de sortie est extrêmement difficile à répéter. . Pourquoi est-il besoin d'exposer cette qualité spéciale à l'intelligence des Héros pour l'éveil de la septième terre au moment de la présentation des vertus de la première? Notre explication s'appuie sur le Discours sur les Dix Terres où il est dit que les résidents en la première terre surpassent les Auditeurs et Réalisateurs solitaires par la production de l'esprit relatif mais non par celle de l'esprit ultime. Et, afin de répondre à la question: à quel stade les dominent-ils en intelligence? le texte montre que ceci ne se produit qu'à partir de la septième terre. Il est donc approprié d'en parler à ce point, car ce texte fait autorité. . Cet enseignement indique que les Auditeurs et Réalisateurs solitaires connaissent l'absence d'existence réelle des phénomènes car, toujours selon le Discours sur les Dix Terres, les réalisations de la sixième et au-dessous n'ont pas le pouvoir de dominer celles de ces disciples. Si tous deux ne possédaient pas ce genre de sagesse, même les Héros pour l'éveil de la première terre les domineraient par leur intelligence et, à l'instar des sages s'appuyant sur la voie mondaine qui n'est qu'un prolongement du calme continu et prend seulement en compte les aspects grossiers des niveaux inférieurs et paisibles des niveaux supérieurs, ces deux types de pratiquants ne pourraient atteindre que le Sommet de l'existence et donc ne se libérer que temporairement de l'attachement. Dans ce cas, ils n'abandonneraient pas toutes les perturbations des trois domaines ainsi que leurs graines. Ceci signifie qu'à défaut de comprendre la vacuité cette élimination sera impossible et la voie empruntée ne différera pas de la voie mondaine avec ses aspects grossiers et paisibles. . Celui qui est séparé de la réalisation de la vacuité concevra l'existence réelle des agrégats des formes, sensations, discriminations, formations, consciences et une compréhension exhaustive du non-soi lui fera défaut. Il n'aura pas, en effet, réfuté l'objet conçu par un esprit appréhendant faussement l'existence réelle des agrégats qui servent de base de désignation du soi ou personne. Ne surmontant pas la croyance à l'objet de la conception d'une nature propre par rapport aux agrégats — base de désignation — il ne surmontera pas la croyance en l'objet de la conception d'une nature propre de la personne — le phénomène désigné — et l'absence d'existence réelle de la personne n'étant pas réalisé, les caractéristiques complètes du non-soi ne le seront pas non plus. . Certains déclarent: «Les disciples principaux, après avoir établi validement les seize attributs des quatre vérités — l'impermanence, le non-soi et la vacuité, etc. — ces deux derniers se référant à la vacuité d'une personne auto-suffisante existant substantiellement comme identique ou distincte des agrégats — se familiarisent avec ceux-ci. Au sentier de vision ils perçoivent directement le non-soi de la personne et abandonnent les perturbations artificielles; puis, par l'exercice du sentier de méditation — qui est l'accoutumance au non-soi déjà perçu — ils abandonnent entièrement les perturbations innées. Ainsi, même sans la réalisation de la vacuité l'élimination des perturbations des trois domaines et de leurs graines ou potentialités est possible, car les abandons propres aux sentiers de vision et de méditation exposés ici constituent le mode d'abandon d'une voie supramondaine. Il est donc établi que l'on peut mettre fin à toutes les perturbations en parcourant uniquement la voie de méditation des seize attributs des quatre nobles vérités.» . Nous, Conséquentialistes, ne disons pas qu'au moyen de cette voie la réalisation du non-soi grossier n'est pas obtenue, mais que la réalisation complète du non-soi est impossible. Nous affirmons que cette approche n'est pas acceptable en tant que chemin supramondain, les abandons des sentiers de vision et de méditation ne permettant pas alors l'élimination des graines des perturbations. Selon nous, les explications selon lesquelles ces sentiers conduisent à l'abandon des perturbations artificielles et innées ainsi que leurs graines et à la réalisation de l'état d'un Destructeur de l'ennemi constituent une présentation de sens indirect, et comme telles, sont à interpréter. . Selon le Compendium de Métaphysique de Asanga, les perturbations sont abandonnées par l'application mentale au non-soi, les autres aspects étant des moyens d'entraînement de l'esprit. . Et aussi, d'après le Commentaire au «Compendium de Connaissance Valide» (de Dignaga) de Dharmakirti: . ~ La libération est obtenue par la vue de la vacuité; ~ Les méditations restantes sont (accomplies) pour cela. . Certains maîtres indiens se sont mépris sur l'expression «vue de la vacuité» en considérant qu'elle se rapporte à une conscience réalisant l'aséité, alors qu'elle se réfère à une vacuité d'existence substantielle auto-suffisante de la personne (10). Il est impossible par cette voie — semblable à celle aux aspects grossiers et paisibles — d'abandonner les perturbations et leurs graines, bien que leurs aspects manifestes puissent être stoppés. . Par ailleurs, dans son Entrée dans la Conduite des Héros pour l'Éveil Shantideva, citant l'opinion d'un contradicteur, dit (IX. 40 ab): . ~ «On se libère par la vision des vérités; ~ Que fera-t-on d'une vision de la vacuité?» . Si, par la voie de la perception des seize attributs des quatre vérités la délivrance des perturbations était obtenue, la vision de la vacuité, absence d'existence réelle, ne serait pas nécessaire. La réponse est: (40 cd): . ~ «Les Écritures disent qu'en l'absence de cette voie ~ II n'y a pas d'éveil.» . En l'absence de la voie permettant de connaître la vacuité d'une existence en raison d'une nature propre aucun des trois éveils (celui d'un Auditeur, d'un Réalisateur solitaire ou d'un Vainqueur) n'est possible. Les textes de la perfection de sagesse disent que ceux qui ont la conscience d'une existence réelle ne parviennent pas à la libération et que, dans les trois temps, tous les saints, depuis ceux Entrés-dans-le-courant jusqu'aux Réalisateurs solitaires se sont appuyés sur cette perfection de sagesse. Ainsi, la parole de Shantideva ne s'applique pas uniquement à l'éveil incomparable. . L'au-delà des peines ne peut être obtenu par une voie associée à la conception d'une existence inhérente. En l'absence de la réalisation de la vacuité la seule méditation sur d'autres objets met bien un terme temporaire aux perturbations manifestes mais ne les supprime pas définitivement, et elles réapparaîtront. . C'est ce que déclare Shantideva (IX. 48 cd): . ~ «Bien que les perturbations soient absentes ~ On voit (qu'ils renaissent) par le pouvoir des actions.» . Ce qui signifie: malgré l'absence temporaire des perturbations manifestes les personnes qui s'appliquent à cette voie des seize attributs reprennent naissance en raison du pouvoir contraignant d'actions impures passées. . Suite à la déclaration «on voit qu'ils renaissent par le pouvoir des actions», l'adversaire répond: «Ces voies éliminent l'attachement, cause des renaissances; il est donc certain que ces personnes ne renaîtront pas par le pouvoir des actions.» . Shantideva affirme alors: (IX. 46 cd): . ~ «Bien que cet attachement ne soit pas associé aux ~ perturbations ~ Pourquoi n'est-il pas semblable à l'ignorance?» . L'adversaire accepte deux types d'ignorance: associée et dissociée des perturbations, ainsi que l'expliquent les Métaphysiques. Mais dans notre système, cet attachement est dit associé aux perturbations car il est occasionné par la conception d'une existence réelle. L'affirmation de Shantideva signifie: bien que l'attachement manifeste occasionné par la conception d'une existence substantielle auto-suffisante de la personne soit temporairement abandonné, pourquoi n'y aurait-il pas d'attachement occasionné par la conception de l'existence réelle de la personne? . Pour indiquer que l'abandon des autres perturbations par d'autres voies ne permet pas de surmonter l'attachement, Shantideva dit encore (IX. 50 ab): . ~ «L'attachement a pour cause les sensations ~ Et ces (personnes) ont des sensations.» . En l'absence de réalisation de l'aséité la conception de l'existence réelle des sensations n'est pas annihilée; une sensation agréable est accompagnée du désir de ne pas en être séparé et une sensation désagréable du désir d'en être séparé. Selon Shantideva l'attachement aux sensations est surmonté par la compréhension de l'absence d'existence réelle des sensations et de celui qui les éprouve. . En résumé, la conception de l'être en soi de la personne est une conception d'un soi de la personne, et il est impossible d'éliminer toutes les perturbations tant qu'elle ne l'a pas été. . Les Discours du Petit et du Grand Véhicule ainsi que les traités de Nagarjuna attestent que les Auditeurs et Réalisateurs solitaires connaissent l'absence d'existence réelle des phénomènes. . Dans les Questions de Adhyashaya, un Discours du Grand Véhicule, le Maître dit: . ~ «Par exemple, au cours d'un spectacle magique un homme voit une femme créée par un magicien. Une pensée de désir naît en lui, et l'esprit soumis à cette pensée de désir, effrayé et honteux devant son entourage, il se lève de son siège, part, et plus tard considère que cette femme est laide, impermanente, misérable, vide et dépourvue de soi. Ô fils d'excellente famille, qu'en penses-tu? Cet homme agit-il correctement ou agit-il incorrectement? . ~ Ô Vainqueur transcendant, cet homme qui s'efforce à considérer une femme non existante comme laide, impermanente, misérable, vide et dépourvue de soi a tort. . ~ Le Vainqueur transcendant dit: «Ô fils d'excellente famille, tu devrais regarder de la même manière ces moines, nonnes, laïcs et laïques qui considèrent comme laids, impermanents, misérables, vides et dépourvus de soi les phénomènes non produits et non nés. Je ne dis pas que ces gens stupides cultivent la voie, j'affirme qu'ils pratiquent incorrectement.» . Cet exemple d'une femme imaginaire dont on considère l'impermanence etc., après avoir conçu son existence réelle démontre clairement que cette surimposition empêche la libération. Il réfère à la conception de l'existence réelle des agrégats et à leur examen ultérieur sous l'angle de leurs qualités d'impermanence, et autres, ce qui est insensé. En effet, on ne peut observer l'impermanence ou le non-soi d'agrégats existant réellement car de tels objets ne sont pas établis validement. . Ceci ne signifie pas qu'il ne puisse y avoir de nombreux cas d'examen de l'impermanence ou du non-soi d'agrégats non qualifiés par des caractères de vérité ou de fausseté et de production, par la méditation, de voies en relation avec la signification des seize attributs, sans qu'aucune considération d'existence réelle ait lieu. . Dans un autre Discours, l'Avarice du Méditant, l'Éveillé dit que les êtres ne sont pas libérés faute de connaître les quatre nobles vérités telles qu'elles sont. Ils pensent: «Je transcenderai le cycle et atteindrai l'au-delà des peines» en concevant l'existence réelle de ces deux choses. Puis, lorsqu'ils ont médité sur l'impermanence et les autres caractéristiques: «Je connais la souffrance, j'ai abandonné ses sources, j'ai actualisé la cessation, j'ai cultivé la voie, je suis un Destructeur de l'ennemi et j'ai éliminé toutes les perturbations», alors qu'ils ont seulement abandonné pour un temps les perturbations manifestes. Manjushri demande alors de quelle manière les quatre nobles vérités devraient être connues pour échapper aux renaissances, et le Maître d'affirmer: . ~ Manjushri, celui qui voit que tous les phénomènes ne sont pas produits connaît parfaitement la souffrance; celui qui voit que tous les phénomènes sont sans origine connaît parfaitement l'origine de la souffrance; celui qui voit que tous les phénomènes sont définitivement au-delà des maux a actualisé la cessation; celui qui voit que tous les phénomènes ne sont absolument pas produits cultive la voie. . Ceci, parmi de nombreuses autres sources du Grand Véhicule, indique que la libération est obtenue au moyen de la réalisation de l'absence d'existence réelle des quatre vérités et non par la voie de la seule connaissance des seize attributs. . Pareillement, dans sa Guirlande Précieuse (35/37) Nagarjuna dit que celui auquel fait défaut la vue de l'aséité ne peut éliminer totalement la conception d'une collection destructible en tant que je et mien: . ~ «Aussi longtemps que les agrégats sont conçus (faussement) ~ Aussi longtemps persiste la conception (fausse) d'un je; ~ Avec la conception d'un je ~ II y a actions, et de ces actions, naissance. ~ Avec ses trois voies sans commencement, milieu et fin, ~ Ce cercle des existences, ~ Tourne par causalité mutuelle, ~ Comme le cercle que forme un tison. ~ Parce qu'il n'est pas obtenu dans les trois temps ~ A partir de soi, d'autre ou des deux, ~ La conception d'un je cesse ~ Et, en vertu de cela également, les actions et la naissance.» . Les deux premières lignes enseignent qu'aussi longtemps que l'on conçoit l'existence réelle des cinq agrégats apparaîtra la vue relative à une collection destructible par laquelle est imaginé un je existant réellement, et que pour éliminer cette vue complètement, il est nécessaire de se débarrasser de la saisie d'une existence réelle des agrégats. Ainsi, il ne fait aucun doute que les Auditeurs et Réalisateurs solitaires Destructeurs de l'ennemi abandonnent entièrement la conception de l'existence réelle des agrégats. . Les deux lignes suivantes enseignent que la présence de la vue du transitoire entraîne l'accumulation d'actions qui lient à l'existence cyclique et contraignent aux renaissances. . Les «trois voies» mentionnées dans la seconde stance sont les trois groupes d'hallucinations: les perturbations (ignorance, soif et appropriation), les actions (formations et existence) et les productions (les sept autres facteurs de la production dépendante: la conscience, les nom et forme, les six bases de connaissance, le contact, les sensations, la naissance, le vieillissement et la mort). Ces trois voies n'ont ni commencement, ni milieu ni fin, ce qui signifie que les actions sont issues des perturbations et les souffrances des actions; d'autres tourments de type semblable s'élèvent à partir de ces souffrances ainsi que des perturbations et activités, tout ceci se produisant en dépendance mutuelle et sans ordre défini dans le temps et les existences. . Cette production en dépendance de l'existence cyclique n'est pas née de soi-même, d'autre chose, ni de soi et d'autre. De plus, une production existant par sa nature propre n'est obtenue, c'est-à-dire, n'est connue dans aucun des trois temps, le passé, le présent, le futur. De ce fait, l'errance dans le cycle est stoppée au moyen de l'extinction de la vue du destructible concevant un je réel, l'ignorance. Afin qu'ils soient à même de dissiper les perturbations, dans un Discours destiné aux Auditeurs les produits sont examinés comme n'existant pas par leur nature propre au moyen de cinq exemples: . ~ «Les formes sont semblables à des flocons d'écume; ~ Les sensations sont semblables à des bulles d'eau; ~ Les discriminations sont semblables à des mirages; ~ Les formations sont semblables à des bananiers; ~ Les consciences sont semblables à des créations ~ magiques; ~ Ainsi l'a déclaré l'Ami du Soleil.» . Les Discours du Grand Véhicule enseignent une vacuité qui est une absence de production en raison d'une nature propre, et ceux du Petit Véhicule une vacuité qui est une extinction des produits. La signification est la même. En quoi est-elle identique? En ce que l'extinction des produits dont il est question dans les textes du Petit Véhicule est une extinction naturelle, un au-delà des peines qui est une cessation naturelle. De même, l'absence de nature propre dont parle le Grand Véhicule est une qualité dont les essences ont toujours été imprégnées. Ceci est expliqué par Nagarjuna dans sa Guirlande Précieuse et ailleurs. . Selon l'Autonome Bhavaviveka, si le non-soi des phénomènes est enseigné dans les Discours du Petit Véhicule alors la doctrine du Grand Véhicule devient inutile. Bhavaviveka veut-il dire qu'en général la doctrine du Grand Véhicule serait inutile ou que l'enseignement, dans le Grand Véhicule, du non-soi des phénomènes serait superflu? Nous allons voir que ces deux points de vue sont contraires aux Écritures et à la raison. . La loi du Grand Véhicule n'enseigne pas seulement le non-soi des phénomènes mais encore les terres des Héros pour l'éveil, la pratique des six perfections, les grandes vagues d'aspiration et de dédicace, la compassion universelle, les deux collections de mérite et sagesse, le merveilleux pouvoir de l'esprit d'éveil ainsi que la réalité du Corps de la Loi d'un Éveillé, inconcevable pour les êtres ordinaires, les Auditeurs et les Réalisateurs solitaires. Tous ces sujets sont exclusifs au Grand Véhicule. . La Guirlande Précieuse (390 et 393) dit: . ~ Puisque les aspirations, les pratiques ~ Et les dédicaces des Héros pour l'éveil ~ Ne sont pas expliquées dans le Véhicule des Auditeurs, ~ Comment deviendrait-on un Héros pour l'éveil (selon ~ cette voie)? ~ Les sujets basés sur l'activité des Héros pour l'éveil ~ Ne sont pas exposés dans les Discours (du Petit Véhicule), ~ Mais le furent dans le Grand Véhicule. ~ C'est pourquoi les sages s'y attachent. . Ceci réfute la première possibilité: l'inutilité du Grand Véhicule. . Par ailleurs, le non-soi des phénomènes n'est enseigné que très brièvement dans le Petit Véhicule alors que le Grand Véhicule l'approche sous de nombreux angles et de manière détaillée. Même pour connaître l'absence d'existence réelle d'un seul phénomène le disciple du Grand Véhicule utilise nombre de raisonnements et son esprit acquiert une large compétence sur la question de l'aséité, tandis que l'élève du Petit Véhicule n'emploie qu'un bref raisonnement pour l'établir validement. Nagarjuna a donc posé une différence d'ampleur, de brièveté, de méditation complète ou incomplète du non-soi en se fondant sur le fait que pour les Auditeurs et les Réalisateurs solitaires qui ne recherchent que l'abandon des perturbations la connaissance succincte de l'aséité est suffisante, alors que pour les Héros pour l'éveil qui s'efforcent à l'élimination des voiles à l'omniscience une vaste sagesse ouverte sur la vacuité d'existence inhérente est nécessaire. Ceci fait justice de la seconde alternative, à savoir que le Grand Véhicule serait inutile puisque l'enseignement du non-soi des phénomènes existe déjà dans le Petit Véhicule (11). . Ainsi sont expliquées les qualités d'embellissement du continuum d'un Héros pour l'éveil et leurs différences par rapport à celles des Auditeurs et Réalisateurs solitaires. . L5: [321.112.3. Qualités de générosité supérieure de la première terre] :L5 L6: [321.112.31. Générosité des résidents en la première terre] :L6 . \ ### \ 9. Alors, pour lui prédomine la générosité, \ Première cause de l'éveil parfait. \ Son zèle à offrir même sa propre chair \ Est une raison d'inférer ce qui n'apparaît pas. . A l'occasion de l'obtention de la première terre, parmi les dix perfections le Héros pour l'éveil possède seulement la générosité supérieure. Ceci ne signifie pas que les autres lui fassent défaut, mais qu'il a réalisé la générosité supramondaine, la première cause de l'éveil complet, et que la force de cette pratique prédomine en lui. Comment? Il n'est pas le moins du monde entravé par l'attachement empêchant soit le don d'objets extérieurs soit celui de son propre corps. . De manière générale, les perfections ultérieures dépassent les perfections antérieures; c'est pourquoi l'éthique de ce Héros pour l'éveil n'est pas encore du niveau de celle des résidents en la deuxième terre qui, même en rêve, ne succombent pas à une éthique erronée. . Ses réalisations ne sont pas visibles aux yeux d'autrui, toutefois, comme la fumée surgissant du versant caché d'une colline indique la présence d'un feu, son zèle à offrir même sa propre chair — sans parler des objets extérieurs — est susceptible d'amener chez autrui l'intuition de ses réalisations intérieures. . Notons que, dans son Entrée dans la Conduite des Héros pour l'Éveil, Shantideva explique que le Fils des Vainqueurs, considérant son corps comme un légume, peut l'offrir librement. Ce n'est qu'avec l'obtention de la première terre que le corps apparaît ainsi. Il est donc évident que le don de sa propre chair n'est pas une chose aisément réalisable, même chez un Héros pour l'éveil. . L6: [321.112.32. Générosité des réceptacles inférieurs] :L6 . \ ### \ 10. Toutes les personnes désirent le bonheur, \ Mais le bonheur humain n'est pas connu en l'absence de ressources. \ Sachant que ces jouissances sont issues de la générosité, \ Le Puissant l'a mentionnée en premier. . Tous les individus souhaitent obtenir les joies d'être libres de la faim et de la soif, de la maladie et des souffrances du chaud et du froid, c'est-à-dire tirer plaisir des objets désirés ou jouissances telles que boissons ou nourritures variées, vêtements et habitations agréables et la guérison des maux. Mais ces bonheurs humains n'apparaissent pas en l'absence des actions qui en sont l'origine; ils sont issus de l'accumulation des mérites nés de la générosité passée. Sachant cela le Puissant qui connaît la pensée des êtres a commencé par parler de la générosité car c'est une méthode aisée à accomplir. . \ ### \ 11. Même pour les êtres extrêmement rudes, de compassion médiocre \ Et qui ne s'appliquent qu'à leur propre bien, \ Les jouissances désirées naissent de la générosité, \ Causant l'apaisement des souffrances. . Est-il nécessaire de s'appliquer au don de manière convenable? Non, car certains marchands fortunés, par exemple, qui souhaitent avant tout de vastes richesses en rétribution de dons minimes et aspirent encore plus aux jouissances que des mendiants, s'exercent à la générosité avec zèle. Malgré leur recherche exclusive d'un bien personnel et leur rudesse envers les êtres — contrairement à la générosité des Héros pour l'éveil accomplie dans un esprit de totale abnégation — même pour eux le don a pour résultats l'extinction des souffrances de la faim, et autres, et de merveilleuses jouissances. . \ ### \ 12. En outre, à l'occasion (de l'exercice) du don \ Ils rencontreront sans tarder des individus supérieurs, \ Trancheront ensuite parfaitement la continuité de l'existence cyclique. \ Et progresseront vers la paix, fruit de cette rencontre. . A l'occasion de l'exercice de la générosité, ces êtres à l'attitude égoïste rencontreront sans tarder des individus supérieurs. Instruits par eux, ils comprendront les inconvénients du cycle, réaliseront par eux-mêmes la voie immaculée des êtres nobles et abandonneront l'ignorance. Ayant alors grâce à cette rencontre avec ces personnes sublimes, parfaitement tranché la continuité du cycle sans commencement de naissances et de morts ininterrompues, ils passeront en la paix, l'au-delà des peines d'un Auditeur ou d'un Réalisateur solitaire. . L6: [321.112.33. Générosité des Héros pour l'éveil] :L6 . \ ### \ 13. Ceux qui portent en esprit la promesse d'aider les êtres \ Obtiendront par la générosité le bonheur avant longtemps. \ Par conséquent, tant pour les compatissants que pour les non-compatissants \ Le discours sur la générosité est essentiel. . Les êtres qui ne sont pas des Héros pour l'éveil satisfont les demandeurs par leurs dons, mais il n'est pas certain qu'ils goûtent immédiatement le bonheur résultant de leurs actes. Ainsi, comme ils n'en perçoivent pas manifestement les fruits, il est possible qu'ils ne s'engagent pas dans la générosité. Par contre, les Héros pour l'éveil qui font le serment d'aider tous les êtres en leur offrant des joies temporaires et des bienfaits durables, tirent une satisfaction extrême du don. Non seulement ils exaucent dans l'instant les désirs des autres mais éprouvent aussi le fruit de leur libéralité: le bonheur. C'est pourquoi leur enthousiasme à perpétuer cette activité en tous temps ne faiblit jamais. . Par conséquent, pour les Fils des Vainqueurs dont la nature est compassion comme pour ceux qui ne la possèdent pas, toutes les joies des statuts élevés et du bien définitif ont cette noblesse de cœur pour principe directeur. . Comme l'explique Nagarjuna dans sa Lettre à un Ami (6), le discours sur la générosité est essentiel: . ~ Sachant que les jouissances sont instables et sans ~ essence, ~ Exerce-toi correctement à la générosité ~ Envers les moines, les brahmanes, les pauvres et les ~ amis, ~ Car il n'est de meilleur compagnon qu'elle pour le ~ futur (12). . \ ### \ 14. Les Puissants demeurant en la quiétude ne connaissent pas une joie (semblable) \ A celle éprouvée par un Fils des Vainqueurs \ Lorsqu'il entend et réfléchit à la parole «Donne». \ Est-il besoin de mentionner (la joie de) tout donner? . Quelle est l'intensité de la joie éprouvée par le Grand Être à l'occasion de ses actes de libéralité? Lorsqu'il réfléchit à la requête d'un demandeur il ressent une joie renouvelée. Si cette exaltation est inconnue des puissants Destructeurs de l'ennemi qui demeurent dans la sphère de quiétude transcendant la douleur et ne peuvent entendre une telle requête, que dire alors de celle s'élevant chez le Héros pour l'éveil quand, par son offrande de toutes les choses extérieures et intérieures, il satisfait les solliciteurs? Les Destructeurs de l'ennemi du Petit Véhicule, plongés dans la félicité inhérente à l'au-delà des peines, sont oublieux du sort d'autrui, alors que les Héros pour l'éveil, l'esprit exalté par la joie décrite, voient leur abnégation renforcée. . \ ### \ 15. Par l'intermédiaire des souffrances personnelles de la mutilation et du don de son corps, \ Avec savoir il participe des maux d'autrui \ Dans les enfers et ailleurs, \ Et s'efforce au plus vite de les éliminer. . Lorsqu'il prodigue à autrui les choses extérieures et intérieures et, en particulier sa propre chair, le Héros pour l'éveil souffre-t-il dans son corps? S'il a obtenu une terre il n'éprouve aucune souffrance physique; c'est comme si l'on coupait des parties d'objets sans conscience, tels des arbres. S'il n'a pas atteint une terre il est certain que la douleur physique est présente. Toutefois, il s'appuie sur cette expérience pour s'engager plus avant dans l'accomplissement du bien d'autrui en réfléchissant aux tourments ininterrompus des êtres des enfers, des animaux et des esprits affamés, mille fois plus intenses que ceux qu'il pourrait connaître en mutilant sa chair. Alors, sans tenir compte de la douleur éprouvée en tranchant son corps pour le donner, mais plutôt en prenant comme raison celle-ci même, il s'efforce au plus vite de supprimer les souffrances des états malheureux. . Avec une telle force de pensée il peut faire don de son corps. Ceci implique que cet acte est également accompli même lorsqu'une terre n'a pas encore été obtenue. . L6: [321.112.34. Divisions de la perfection de générosité] :L6 . \ ### \ 16. Le don vide de l'objet donné, du donateur et du receveur \ Est dénommé perfection supramondaine. \ Lorsqu'est produit l'attachement à ces trois \ II est dit perfection mondaine. . Le don de celui dont la pensée de libéralité est associée à la sagesse pure, vide de la considération de l'existence réelle de l'objet donné, du donateur et du receveur, est dénommé perfection supramondaine. En l'absence de cette pure sagesse connaissant la non-existence inhérente de ces trois «cercles» — don, donateur et bénéficiaire — la générosité est dite mondaine. Néanmoins, comme elle est semblable à la perfection de générosité en ce qu'elle est dédiée au grand éveil, elle reçoit le vocable de «perfection» ou «transcendance» (paramita: parvenu à l'autre rive par-delà l'océan du cycle, l'illumination libre des deux voiles). . Les Discours enseignent que la générosité associée à la production de la saisie d'une existence réelle, c'est-à-dire à l'attachement aux trois cercles, est dite perfection mondaine. . L4: [321.113. Résumé et conclusion] :L4 . \ ### \ 17. Ainsi, établie en l'esprit du Fils des Vainqueurs, \ Embellissant par sa lumière ce sublime support, \ Cette (terre) Très Joyeuse, pareille à une pierre de lune, \ Dissipe et triomphe de toutes les ténèbres épaisses. . Ce niveau dit Très Joyeux est comme le disque lunaire, joyau de cristal de l'onde (chandrakanta, Nor-bu chu-shel). Il est pareil à la lune de triple façon: tout d'abord, participant de l'esprit de celui qui réside en la première terre, il est établi en une voie élevée, étant ainsi analogue à la localisation de la lune haut dans le ciel. Le premier stade fait partie de l'esprit du Héros pour l'éveil et, à ce titre, on dit qu'il demeure en son esprit comme les yeux dans la tête. . La lumière de la sagesse embellit son esprit — le sublime support en lequel est établi l'esprit ultime de la première terre. Ceci s'apparente à la lumière blanche de la lune embellissant son support: l'espace. . En troisième lieu, puisque la première terre a triomphé des objets d'abandon propres au sentier de vision, elle est pareille au clair de lune dissipant les épaisses ténèbres. . Ceci conclut l'exposition du premier chapitre ou première production de l'esprit ultime de l'Entrée au Milieu. . ******************************************************* ******************************************************* . L3: [321.12. Explication de la deuxième terre: immaculée] :L3 L4: [321.121. Pureté complète de l'éthique a ce niveau] :L4 . \ ### \ 18. Comme il possède les qualités immaculées et l'excellence de l'éthique, \ Même en rêve il abandonne les taches d'une moralité douteuse. \ En raison de la pureté de l'activité de son corps, de sa parole et de son esprit \ II accumule l'ensemble des dix voies d'action sublimes. . Comme ce résident en la deuxième terre est en possession des pures qualités et des excellences de l'éthique, durant l'état de veille aussi bien que dans son sommeil il n'est pas souillé par, ou abandonne, les taches d'immoralité. Ceci ne se réfère pas seulement à l'élimination de l'éthique mauvaise des fautes naturelles et des chutes fondamentales mais également à celle de toutes les violations des règles fixées par l'Éveillé. . II a éteint le feu du repentir quant aux transgressions de ces règles, et les perturbations entraînant une discipline erronée cessent; aussi est-il dit que ce Héros pour l'éveil a «obtenu la fraîcheur». En effet, l'éthique se dit en sanscrit shila, shi signifiant «frais» et lati «obtention». . Quelle est la sublimité de l'éthique de ce Fils des Vainqueurs? Son activité du corps, de la parole et de l'esprit étant libre, durant l'éveil comme dans le rêve, de la moindre faute, il accomplit, c'est-à-dire accumule pleinement l'ensemble des dix voies d'action vertueuse admirables: trois du corps, les abandons du meurtre, du vol et de l'inconduite sexuelle, quatre de la parole, le mensonge, la calomnie, les propos futiles et injurieux, et trois de l'esprit, la malveillance, la convoitise et les vues fausses. . \ ### \ 19. Pour lui la totalité de ces dix voies du bien \ Est extrêmement pure. \ Pareil à la lune d'automne, il est toujours immaculé, \ Embelli par ses actes, serein et éclatant. . Serait-ce donc qu'un résident de la première terre n'accomplirait pas pleinement les dix actes vertueux? Il ne fait aucun doute qu'il les accumule également; pourtant, l'exercice des dix voies d'action vertueuse est incomparablement plus pur chez le Héros pour l'éveil de la deuxième terre, celle-ci se caractérisant par une éthique spéciale. De quelle manière? De même que la lune d'automne apaise les chaleurs de l'été et illumine de sa blanche clarté, de même, celui qui est continuellement établi en un comportement parfait a l'esprit apaisé par la garde des sens et un corps brillant d'un éclat particulier. Par là, il en est embelli. . \ ### \ 20. S'il concevait la nature propre de la pureté de son éthique \ Alors, celle-ci ne serait pas pure. \ Aussi est-il toujours parfaitement libre \ Du mouvement d'un esprit dualiste envers les trois. . Certains moines observant les règles de la discipline se contrôlent parfaitement; malgré cela, s'ils n'abandonnent pas la conception de l'existence réelle des phénomènes leur éthique reste impure, c'est-à-dire fausse. Ici, il ne s'agit pas . de l'aspect commun de la vue relative à une collection destructible, mais de la saisie du je et mien comme existant de manière inhérente. . Le résident en la deuxième terre n'est pas affecté par la conception de l'existence réelle de ce triple ensemble: celui qui préserve l'éthique, l'éthique elle-même, et les êtres pour lesquels elle est préservée. Il et est toujours entièrement libre d'une activité dualiste attribuant une existence réelle aux phénomènes produits et non produits. . L4: [321.122. Louange de l'éthique] :L4 . \ ### \ 2l. Pour l'individu séparé des fondements de l'éthique \ Les jouissances du don se produisent dans des états douloureux. \ La masse des biens et ce qui la crée étant complètement épuisés \ II sera sans ressources dans le futur. . Nous venons de mentionner l'excellente discipline morale des Héros pour l'éveil; montrons à présent qu'elle est le support de toutes les qualités découlant, entre autres, de la générosité. . Si le donateur possède une bonne moralité, sa générosité sera une cause pour les jouissances supérieures des hommes et des dieux. Au contraire, s'il vient à perdre les bases de l'éthique, autrement dit, en l'absence d'une conduite correcte, il en résultera diverses jouissances dans des états infortunés tels que les enfers de moindres tourments, les existences animales en tant que esprit-serpent, singe, éléphant, cheval, ou parmi les esprits affamés doués de pouvoirs magiques. Ainsi, afin d'éviter une maturation de la libéralité dans des conditions défavorables, le maintien d'une juste moralité s'impose. . En raison de leur stupidité, ces êtres qui connaissent les effets du don au cours d'une naissance infortunée, cessent alors de s'y exercer. Ceci entraîne le complet épuisement de leurs ressources et, par là, le manque de jouissances futures. . A l'opposé, l'homme qui a semé quelques graines, récolte de nombreux fruits et, une fois la récolte terminée, ensemence de nouveau son champ, verra ses bénéfices augmenter régulièrement, alors que s'il se contente de les consommer entièrement il sera dans l'impossibilité d'en jouir ultérieurement. . \ ### \ 22. Si, tant qu'il est indépendant et dans une situation favorable, \ II n'agit pas pour se maintenir (hors des états infortunés), \ Lorsque, tombé dans ces abîmes, il sera sous le pouvoir d'autrui, \ Comment s'en extirpera-t-il? . Non seulement l'accroissement continuel de bienfaits est fort malaisé lorsque les fondements de l'éthique sont brisés, mais il est également très difficile de s'extirper des existences inférieures une fois qu'on y est tombé. En effet, dans ces domaines l'accomplissement du bien est rare et la chute dans l'erreur fréquente. Pour cette raison les êtres passent sans répit d'un état douloureux à un autre. Pendant que vous avez la possibilité d'agir à votre guise et résidez dans les contrées harmonieuses des hommes et des dieux, saisissez cette opportunité pour échapper aux existences malheureuses en cultivant une excellente éthique. . \ ### \ 23. C'est pourquoi, après avoir discouru sur la générosité, \ Le Vainqueur parla de son accompagnement, l'éthique. \ Lorsque les vertus croissent dans le champ de la moralité \ Leurs fruits sont savourés sans interruption. . L'impureté de conduite mène donc aux existences inférieures et est le lieu de nombreux inconvénients; par conséquent, le Vainqueur qui a anéanti toutes les fautes, après avoir instruit ses disciples en la générosité, leur a parlé du contrôle de soi afin que les bienfaits de la générosité ne soient pas perdus. Pour quelle raison? Parce que l'éthique est le support ou le champ dans lequel croissent toutes les vertus. Lorsque la générosité et d'autres observances, en tant que . causes, s'y développent, les fruits d'un corps et de possessions excellentes sont recueillis et savourés de manière continue. . \ ### \ 24. Pour les êtres ordinaires, Ceux nés de la parole, \ Ceux déterminés par nature à l'éveil solitaire \ Et les Fils des Vainqueurs, il n'y a pas, hors l'éthique, \ D'autre cause pour les statuts élevés et le bien définitif. . Le support physique de conditions élevées ainsi que la jouissance des fruits de la générosité reposent tous deux sur la juste conduite. Comme l'obtention du bien définitif — la libération et l'omniscience — en est également dépendant, il n'y a pas d'autre cause que l'éthique pour les statuts supérieurs des êtres ordinaires encore extérieurs à la voie, le bien définitif des Auditeurs nés de la parole du Puissant, ceux que leur penchant naturel fait s'établir sur la voie de l'éveil des Réalisateurs solitaires et les Fils des Vainqueurs. Ceci ne veut pas dire que la morale est l'unique cause de ces diverses réalisations, mais qu'elle y participe de manière essentielle. . Bien que l'éthique soit exposée ici à l'occasion de la deuxième terre, les Héros pour l'éveil novices devraient également s'y exercer avec effort. Les sources telles la Lettre à un Ami et le Discours sur les Dix Terres éclairent ce point. . L4: [321.123. Exemple de rejet des conditions contraires a l'éthique] :L4 . \ ### \ 25. De même qu'il y a incompatibilité entre l'océan et un cadavre, \ Et entre la prospérité et la calamité, \ De même, le Grand Être soumis à l'éthique \ Ne souhaite pas vivre avec (une discipline) mauvaise. . Par exemple: de même que dans le grand océan les esprits-serpents à l'extrême propreté n'acceptent pas la présence d'un cadavre et le rejettent vers le rivage en agitant les eaux, et que les merveilles de la fortune sont incompatibles avec les calamités de l'infortune, de même, le Héros pour l'éveil de la deuxième terre ne souhaite pas vivre inconsidérément. . L4: [321.124. Divisions de la perfection d'éthique] :L4 . \ ### \ 26. S'il y a préhension des trois \ — Abandon par qui, de quoi, pour qui — \ L'éthique est expliquée comme étant une perfection mondaine. \ Celle qui est vide d'attachement aux trois est supramondaine. . Cette éthique accomplie sans que son pratiquant soit en mesure d'annihiler les graines de la préhension d'une existence réelle des trois cercles: la personne qui abandonne, l'objet d'abandon et les êtres pour lesquels l'abandon est réalisé, est expliquée comme étant une perfection mondaine. Et quand l'éthique est maintenue avec la sagesse pure qui réalise le non-appréhensible, c'est-à-dire lorsque vide de l'attachement à l'existence réelle de ces trois cercles, elle devient une perfection transcendante. . L4: [321.125. Résumé et conclusion] :L4 . \ ### \ 27. Issue de cette lune qu'est le Fils des Vainqueurs, la (terre) Immaculée \ N'est pas dans le devenir mais en est la gloire. \ Comme la lumière de la lune d'automne \ Elle dissipe la douleur de l'esprit des êtres. . Comme l'exprime Tsongkhapa: De même que la clarté dénuée d'impureté de la lune automnale dissipe l'inconfort . des êtres en ce qu'elle les rafraîchit et apaise leurs tensions, de même, l'éthique lumineuse et libre de taches issue de cette lune qu'est le Fils des Vainqueurs établi en la deuxième terre dénommée «Immaculée», chasse en les êtres la détresse née d'une mauvaise éthique. Il n'est pas dans le devenir car il ne fait pas partie de ceux qui errent dans le cycle, mais il en est la gloire parce qu'il possède les merveilleuses qualités d'un Héros pour l'éveil et, animé par la force de ses grandes prières en faveur des êtres, il réunit les causes spéciales permettant de devenir un monarque universel maître des quatre continents. . Ceci conclut l'exposition du deuxième chapitre ou deuxième production de l'esprit ultime de l'Entrée au Milieu. . ******************************************************* ******************************************************* . L3: [321.13. Explication de la troisième terre: illuminatrice] :L3 L4: [321.131. Description] :L4 . \ ### \ 28. Parce que s'élève la lumière du feu qui consume \ Tout le combustible des objets de connaissance \ Cette troisième terre (est appelée) «Illuminatrice» \ A ce moment apparaît au Fils de Ceux Allés-en-la-joie \ Une clarté cuivrée semblable au soleil. . Pour quelles raisons la troisième terre est-elle dénommée «Illuminatrice»? Parce qu'avec son obtention toute pensée discursive d'apparence dualiste est pacifiée et la lumière de la sagesse qui consume le bois des objets de connaissance commence à se manifester. Néanmoins, cette sagesse qui permettra finalement de dissiper les voiles à l'omniscience n'est pas encore pleinement produite. . De quelle manière se manifeste-t-elle au Fils des Vainqueurs? Comme l'apparence rougeâtre, semblable au cuivre, du ciel à l'aurore. Dans la période suivant l'établissement méditatif s'élève une clarté tout embrassante de lumière rouge ou orange. . L4: [321.132. Qualités de cette terre] :L4 L5: [321.132.1. Patience supérieure] :L5 . \ ### \ 29. Si quelqu'un, troublé sans motif, \ Arrache longuement et par le menu \ La chair et les os de son corps, \ II produit une extrême patience pour son mutilateur. . Les Grands Êtres des première et deuxième terres sont dotés respectivement d'une générosité et d'une éthique spéciales; celui qui réside en la troisième possède une patience suprême. Il protège l'esprit d'autrui et est exempt de tout mouvement du corps, de la parole et de la pensée qui pourrait susciter chez les autres un motif de lui nuire. Et même lorsqu'il est l'objet d'une haine féroce il ne tombe jamais sous l'empire de la colère. Ainsi, s'il arrive que certains, saisis d'une fureur irraisonnée, découpent la chair et les os de son corps en menus morceaux pendant longtemps et sans interruption, il n'est pas perturbé et n'éprouve pas la moindre animosité à leur égard. Tout au contraire, considérant les tourments affreux auxquels ses bourreaux seront soumis, en raison de cette action, dans les enfers et d'autres états comparables, il fait naître à leur endroit une patience encore plus grande. Il faut savoir que les Héros pour l'éveil des deux premières terres ne sont pas non plus troublés lorsque leur corps est supplicié, mais la patience spéciale dont il est question ici ne survient pas avant ce troisième plan. . \ ### \ 30. Aussi, puisque le Héros pour l'éveil connaissant le non-soi \ Perçoit chacun de ces phénomènes comme semblable à un reflet, \ Qui, par qui, comment et quand serait-il coupé? \ Pour cette raison, il demeure patient. . Parce que ce Fils des Vainqueurs perçoit clairement que les phénomènes des trois cercles — celui qui torture le corps d'un Héros pour l'éveil connaissant le non-soi, ce qui est découpé, la manière de le faire et à quel moment — sont semblables à des reflets, et aussi parce qu'il est libre de la conscience fausse relativement au je et mien, il accepte cette situation avec impassibilité. . L5: [321.132.2. Mode d'application à d'autres patiences] :L5 . \ ### \ 31. Si l'on s'emporte contre celui qui nous a nui \ Le ressentiment fera-t-il que ce qui est fait soit défait? \ Par conséquent, dans ce cas le ressentiment est absolument insensé \ Et défavorable pour les vies futures. . Non seulement la patience convient aux Héros pour l'éveil résidant en les terres, mais c'est aussi une cause prévenant la détérioration des qualités des personnes qui n'y sont pas établies. Le ressentiment contre l'auteur d'une offense influera-t-il de quelque manière sur le mal déjà fait? Certainement pas, et ici une riposte quelconque s'avère insensée. Céder à la colère est également défavorable aux vies futures car sa maturation ne peut mener qu'à des résultats douloureux après la mort. Seule la patience, gardienne de toutes les qualités, est rationnelle. . \ ### \ 32. Comment celui qui aime déclarer qu'il épuise \ Les effets des actions non vertueuses perpétrées antérieurement \ Peut-il semer des graines de souffrance \ En blessant autrui et en s'emportant? . Alors que les diverses souffrances qu'ils connaissent du fait d'autrui sont les effets de leurs actions néfastes, certains, par ignorance, pensent «Untel m'a nui». Incapables d'accepter ces inconvénients ils se dressent contre leur ennemi présumé et rendent le mal pour le mal. Ils espèrent ainsi remédier aux tourments physiques découlant du meurtre, dont le fruit de pleine maturation conduit aux trois existences infortunées. Et ce qui reste de cette action défavorable se manifestera sous la forme de situations pénibles dans un corps humain, celles-ci constituant un résultat en harmonie avec sa cause. Comment serait-il correct pour celui souhaitant affirmer qu'il épuise les fruits de la non-vertu passée de s'emporter contre un ennemi et semer ainsi les graines ou causes de souffrances futures bien supérieures à celles du moment? Donc, comme pour un médicament dont le goût est désagréable dans l'immédiat mais qui, à longue échéance, permet de guérir, mieux vaut endurer quelques désagréments présents pour éviter d'incalculables tourments à venir. . \ ### \ 33. Un instant de colère à l'égard de Fils des Vainqueurs \ Détruit les vertus nées de la générosité et de l'éthique \ Accumulées durant cent éons. \ Aussi n'existe-t-il pas pire faute que l'impatience. . C'est ce qu'exprimé aussi le Discours du Jeu de Manjushri . ~ Ô Manjushri, la colère détruit la vertu accumulée sur cent éons; c'est pourquoi on l'appelle colère. . Si pour quelque raison, un Héros pour l'éveil engendre une pensée coléreuse envers un autre et, ne serait-ce qu'un seul instant, attribue des fautes réelles ou supposées à ce Fils des Vainqueurs qui a produit l'aspiration à l'illumination, il détruit la collection de vertus issue de l'exercice des perfections de générosité et d'éthique au cours de cent périodes cosmiques. Que dire alors des effets de la colère envers un Grand Être engendrée par une personne dépourvue de l'esprit d'éveil? De même que l'on ne peut mesurer la quantité d'eau du grand océan, il est impossible de déterminer les limites de la souffrance résultant de l'irritation à l'endroit d'un Héros pour l'éveil. Donc, il n'existe pas de faute plus grave que-le manque de patience et la colère qui nuisent au bien et projettent dans des situations douloureuses. Il est clair d'après /'Auto-commentaire qu'ici l'objet de l'emportement et la personne irritée sont tous deux des Fils des Vainqueurs. . Par ailleurs, Ashvagosa et Shantideva (Entrée dans la Conduite des Héros pour l'Éveil, VI. 1) disent que la vertu accumulée sur mille éons est détruite. Comment expliquer cette différence? Bien que ces deux maîtres n'identifient ni l'objet de la colère ni la personne irritée, il est certain que seul un moment d'aversion dirigé contre un Héros pour l'éveil peut détruire les racines de bien accumulées sur cent ou mille éons. D'une manière générale, ici, celui qui s'emporte est un Héros pour l'éveil qui n'a pas atteint la première terre, mais l'objet de la colère peut en être un autre, résident ou non en une terre. On compte trois sortes de colères: celles d'un Fils des Vainqueurs de grand pouvoir envers un autre de moindre pouvoir, d'un Fils des Vainqueurs de moindre pouvoir envers un de grand pouvoir, et d'un Fils des Vainqueurs envers un autre de pouvoir égal. Dans le premier cas la vertu accumulée sur cent éons est annihilée; dans le deuxième le Grand Être devra s'exercer dans les six perfections pour un nombre de périodes cosmiques égal au nombre de fois qu'il aura engendré une pensée de haine. Dans le troisième cas, le Fils des Vainqueurs demeurera dans un enfer pour autant d'éons que d'instants d'exaspération. Ce qui n'exclut pas le fait qu'il détruit les racines de bien réunies au cours de nombreux éons. Enfin, lorsqu'une personne qui n'a pas développé l'esprit d'illumination s'irrite contre un Héros pour l'éveil, il est évident que la vertu de mille éons est anéantie. Il faut savoir également que les racines de bien sont perdues même si l'objet de la colère et la personne irritée ne sont pas des Fils des Vainqueurs. . Qu'entend-on par destruction des racines de bien? Il y a plusieurs interprétations. En bref, les effets néfastes sont de deux sortes: la capacité de faire naître rapidement une réalisation nouvelle est ruinée et la production de fruits tels que des existences fortunées se trouve minée. . Donc, une fois acquise la connaissance des conditions selon lesquelles les racines de bien sont détruites, il est de première importance d'éviter la colère, et en particulier celle dirigée contre des Héros pour l'éveil. En outre, on s'efforcera à la confession et à la mise en œuvre des antidotes à l'emportement car, même si celles-ci ne ravivent pas une voie affaiblie, elles purifient l'expérience de la fructification. . \ ### \ 34 ac. L'impatience donne un physique déplaisant, conduit à ce qui est vil \ Prive de la discrimination entre ce qui est correct et incorrect, \ Et projette rapidement vers des états infortunés. . L'absence de patience est nuisible à soi-même — lorsque l'on est sans pouvoir — comme à autrui — lorsque l'on est puissant et sans compassion. Elle donne une forme désagréable, conduit à ce qui est néfaste, prive de la force d'analyse qui permet de déterminer ce qui est juste et injuste et, après la mort, entraîne promptement vers des existences inférieures. En outre, le visage d'une personne furieuse est repoussant et cela ne conduit pas à ce qui est salutaire. Réfléchissant ainsi aux multiples inconvénients de la colère, ne la laissez se manifester à aucun prix. . \ ### \ 34 d. De la patience procèdent les vertus contraires (aux erreurs) exposées ci-dessus; . \ ### \ 35. Par la patience la beauté est obtenue, les êtres sublimes aimés, \ Et l'on devient versé dans la connaissance de ce qui est adéquat et inadéquat. \ Après cela (on prend) une naissance humaine ou divine \ Et les fautes s'épuisent. . Considérons à présent les vertus de la patience. Quelles sont-elles? L'opposé de toutes les négativités liées à l'irritation expliquées plus haut. Cultiver la patience permet l'obtention d'un physique plaisant, fait apprécier et aimer les êtres sublimes, distinguer avec sagesse le bien du mal et, après la mort, fait renaître parmi les hommes ou les dieux et s'épuiser les erreurs accumulées sous l'influence de l'emportement et d'autres perturbations. . \ ### \ 36. Les êtres ordinaires et les Fils des Vainqueurs, \ Connaissant les méfaits de la colère et les bienfaits de la patience, \ Après avoir abandonné l'impatience devraient sans tarder et à jamais \ S'appliquer à la patience louée par les êtres supérieurs. . Ainsi, avec la connaissance des inconvénients du courroux des personnes ordinaires et des avantages de la patience des Fils des Vainqueurs, ayant rejeté les premiers appliquez-vous sans attendre et à tous moments à la seconde, objet de louange de la part des êtres nobles. . L5: [321.132.3. Divisions de la perfection de patience] :L5 . \ ### \ 37. Même dédiée à l'éveil des parfaits Éveillés \ Si les trois sont appréhendés elle est mondaine. \ L'Éveillé a enseigné qu'en l'absence de cette saisie \ C'est une perfection supramondaine. . Même lorsque la patience est appliquée à la réalisation du plein épanouissement, tant que l'existence réelle des trois cercles — l'agent, le réceptacle et l'action — fait autorité, elle reste une perfection ordinaire. En l'absence de cette saisie elle devient transcendante. Ainsi l'a enseigné l'Éveillé. Comme lors des première et deuxième terres il n'y a aucune apparence d'existence réelle durant l'absorption méditative en la vacuité, et ce n'est que dans la période d'obtention subséquente que les choses conservent une apparence de réalité. . L5: [4. Autres pures vertus de cette terre] :L5 . \ ### \ 38. A cette terre le Fils des Vainqueurs (obtient) les recueillements et les connaissances supérieures. \ L'attachement et l'aversion sont éteints, \ Et il a aussi à tout moment la capacité de vaincre \ Le désir de jouissance des mondains. . Le Fils des Vainqueurs de la troisième terre, doté de la pure perfection de patience, obtient les quatre recueillements, les quatre plans du sans-forme: espace infini, conscience infinie, néant et pic de l'existence, les quatre infinis: amour, compassion, joie et équanimité, ainsi que les cinq connaissances supérieures: pouvoirs miraculeux, œil divin, perception de la pensée d'autrui, mémoire des vies passées, oreille divine, toutes ces obtentions étant également pures. Bien qu'il entre et quitte à volonté les recueillements et les plans du sans-forme, comme il souhaite percevoir le parfait accomplissement des causes de l'éveil il prend naissance par la force de la prière et non par celle de ces absorptions profanes (13). Tout ceci est déjà réalisé par les Héros pour l'éveil dès la première terre, mais ici l'entraînement méditatif est prééminent. . A ce stade, attachement et aversion sont éteints; le mot «et» au second vers implique qu'il en est de même de l'ignorance. «Éteints» ne se rapporte pas à une élimination complète de ces facteurs mais à leur diminution. Asanga, dans son ouvrage Terres des Héros pour l'Éveil explique que par la force des concentrations l'attachement manifeste aux trois domaines d'existence cesse. . Dans le Discours sur les Dix Terres il est dit que le désir, la haine et l'ignorance qui n'avaient pas diminué depuis des milliards d'éons cessent à cette troisième terre. Ceci réfère à l'abandon des graines, lequel abandon indique que, dans le contexte de l'élimination des six degrés — grossier et moyen — de perturbations innées au long du sentier de méditation de la deuxième à la septième terre, les objets de rejet propres à cette troisième terre sont anéantis. Dans le système conséquentialiste la conception d'une existence réelle est tenue pour une perturbation et ses graines ne sont pas détruites avant l'obtention de la huitième terre. Ce n'est qu'ultérieurement, au cours des trois terres pures qu'a lieu l'élimination du voile à l'omniscience — les prédispositions pour une apparence dualiste. . Pour ravir ses disciples encore attirés par les formes, le résident en cette terre assume l'aspect d'Indra, le chef des dieux, et est en tous temps capable de vaincre son propre attachement aux objets des sens ainsi que les désirs sensuels des êtres mondains. . L4: [321.133. Caractéristiques des trois premières perfections] :L4 . \ ### \ 39. Aux laïcs, Celui Allé-en-la-joie a principalement \ Loué ces trois pratiques de la générosité (de l'éthique et de la patience). \ Elles constituent la collection dite de mérite, \ La cause du Corps d'un Éveillé dont la nature est de forme. . Bien que les Héros pour l'éveil laïcs et religieux soient tous deux des supports pour l'exercice des perfections, celui de la générosité, de l'éthique et de la patience est le plus aisé pour les premiers. De ce fait, Celui Allé-en-la-joie leur en a fait la louange. . Parmi les deux collections, ces trois vertus transcendantes constituent ce qui est nommé mérite et est la cause des Corps de Forme des Eveillés — Corps de Jouissance et d'Incarnation. . La Guirlande Précieuse (399) dit: . ~ Alors (que tu es roi) médite fermement ~ Les pratiques du don, de l'éthique et de la patience ~ Qui ont la compassion pour essence. ~ Elles furent expliquées spécialement à l'intention des maîtres de maison. . La générosité des Héros pour l'éveil laïcs comprend le don matériel et celui de protection, leur éthique est celle convenant à leur état et leur patience l'endurance à surmonter les difficultés dans l'actualisation de la Loi. Pour les religieux l'application à la persévérance, à la méditation et à la sagesse est plus aisée. Ceci ne signifie nullement que laïcs et religieux omettent l'exercice des autres perfections. . La méditation et la sagesse forment la collection de sagesse qui est la cause principale du Corps de la Loi, et la persévérance est une cause commune aux deux collections. . L4: [321.134. Résumé et conclusion] :L4 . \ ### \ 40. Résidant en ce soleil qu'est le Fils des Vainqueurs \ Ayant commencé par dissiper entièrement ses ténèbres propres, \ La (terre) Illuminatrice aspire à anéantir l'obscurité des êtres. \ A ce plan (le Héros pour l'éveil) est d'une acuité extrême mais ne s'irrite pas. . Au sein du lumineux Héros pour l'éveil, la terre Illuminatrice, dès sa production initiale, dissipe entièrement l'obscurité de l'ignorance qui affligeait son propre continuum et empêchait son apparition. Par un tel enseignement, elle aspire ensuite à détruire totalement les ténèbres qui font obstacle à l'obtention de ce plan élevé par les autres êtres. Le Héros pour l'éveil est victorieux des fautes détruisant les vertus et possède l'acuité extrême d'un soleil, mais il ne s'irrite pas contre les personnes imparfaites car sa série mentale est profondément accoutumée à la patience et adoucie par la compassion. . Ceci conclut l'exposition du troisième chapitre ou troisième production de l'esprit ultime de l'Entrée au Milieu. . ******************************************************* ******************************************************* . L3: [321.14 Explication de la quatrième terre: radiance] :L3 L4: [321.141. Persévérance supérieure propre a cette terre] :L4 . \ ### \ 41 Toutes les vertus procèdent de la persévérance, \ La cause des deux collections de mérite et sagesse. \ Cette terre où la persévérance s'embrase \ Est la quatrième: Radiance. . A chaque terre correspondant une réalisation supplémentaire, la quatrième se caractérise par l'élévation particulière de la persévérance. En l'absence d'enthousiasme pour le bien il est impossible de s'engager dans aucune pratique ou de développer quelque vertu que ce soit. Les collections des excellences telles la générosité, déjà accumulées ou qui le seront, ont cette énergie pour cause. C'est pourquoi le texte dit que toutes les qualités en procèdent. La persévérance est la source de la collection de mérite comme de celle de sagesse. Le plan où elle s'embrase de façon extrême est le quatrième: Radiance. La force de l'absorption méditative fait s'élever une maniabilité qui chasse définitivement la paresse. . L4: [321.142. Description] :L4 . \ ### \ 42 abc. A (cette terre) s'élève chez le Fils de Ceux Allés-en-la-joie \ Une clarté née d'une méditation intense des (facteurs) orientés vers l'éveil parfait \ Surpassant la lumière cuivrée. . Pourquoi nomme-t-on cette terre «Radiance»? Parce qu'à ce stade le Fils des Vainqueurs approfondit plus encore que précédemment son accomplissement des trente-sept facteurs orientés vers l'éveil parfait et que, de cette intense méditation s'élève une sagesse lumineuse qui surpasse la lumière rougeâtre apparue à l'occasion de la troisième terre. . Quels sont ces trente-sept membres de l'éveil? -- 1 ) Quatre attentions étroites: aux sensations, au corps, à l'esprit et aux phénomènes, -- 2) Quatre abandons complets: produire les vertus non produites, accroître celles déjà produites, empêcher l'apparition de non-vertus non produites et abandonner entièrement celles déjà produites. -- 3) Quatre fondements ou pieds du pouvoir magique: aspiration, énergie, pensée et absorption méditative analytique. -- 4) Cinq pouvoirs: confiance, énergie, attention, absorption méditative et sagesse. -- 5) Cinq forces qui reçoivent les mêmes noms que les pouvoirs mais diffèrent par leur intensité. -- 6) Sept membres d'éveil: attention, discrimination des phénomènes, énergie, joie, maniabilité, absorption méditative et équanimité justes. -- 7) Huit facteurs de la voie noble: vue, compréhension, parole, action, moyens d'existence, effort, attention et absorption méditative justes. . Le premier groupe est la base de la pratique; le deuxième se rapporte à l'entraînement en éthique supérieure; le troisième à l'entraînement en méditation supérieure; les quatrième, cinquième et sixième à l'entraînement en sagesse supérieure (14). . L4: [321.143. Particularité d'abandon] :L4 . \ ### \ 42 d. La connexion avec la vue d'un soi est entièrement éliminée. . La vue d'un soi est la croyance subtile relative à une collection destructible, croyance qui précède les conceptions grossières d'un soi des personnes et de ce qui lui appartient, c'est-à-dire les conceptions de l'existence substantielle, se suffisant à soi-même, des êtres et des choses. Ces croyances en un soi des personnes et des phénomènes — l'adhésion à la réalité des agrégats, des éléments et des bases de connaissance (15) — sont entièrement éteintes. Éteintes ou éliminées se réfère seulement à l'abandon des graines des deux conceptions d'un soi constituant les objets à abandonner lors de la quatrième terre et non à toutes, car il y a encore l'aspect inné de la vue percevant le destructible en tant que je et mien dont le Héros pour l'éveil doit se défaire. . Ceci conclut l'exposition du quatrième chapitre ou quatrième production de l'esprit ultime de l'Entrée au Milieu. . ******************************************************* ******************************************************* . L3: [321.15. Explication de la cinquième terre: difficile a vaincre] :L3 L4: [321.151. Description] :L4 . \ ### \ 43 ab. Même la totalité des démons ne peut \ Triompher de ce Grand Être de la terre Difficile-à-vaincre. . Si aucun parmi tous les démons «fils de dieux» habitant la totalité de l'univers n'a la capacité de défaire le Grand Être qui réside dans la cinquième terre, comment les autres démons le pourraient-ils? C'est pourquoi cette terre est dénommée Difficile-à-vaincre. . L4: [321.152. Méditation supérieure et habileté dans les vérités] :L4 . \ ### \ 43 cd. Il acquiert une méditation supérieure et une grande habileté \ A comprendre la nature subtile des vérités de ceux d'excellente intelligence. . A l'occasion de cette cinquième terre la perfection de méditation devient suprême et le Héros pour l'éveil cesse définitivement d'être perturbé par les erreurs telles la distraction, contraires à cette vertu. Il obtient aussi une grande dextérité à pénétrer la nature subtile des quatre nobles vérités de ceux d'excellente intelligence: les Supérieurs. Le Discours sur les Dix Terres dit qu'à ce stade le Héros pour l'éveil est expert en les quatre vérités: la souffrance, son origine, sa cessation et la voie, et en les deux vérités: conventionnelle et ultime. Puisque la Rencontre du Père et du Fils et le Traité (XXIV. 8) de Nagarjuna déclarent qu'il n'y a que deux vérités, comment les quatre seraient-elles distinctes des deux? . Bien que toutes les vérités soient incluses dans la conventionnelle et l'ultime, les quatre sont établies pour indiquer que les choses impures à abandonner constituent l'origine ou cause et la souffrance ou fruit, et que les choses pures à accepter constituent la voie ou cause et la cessation ou fruit. De ce point de vue les trois premières vérités sont conventionnelles et la cessation est ultime. Notons toutefois que la question du caractère ultime ou relatif de la cessation a fait l'objet de beaucoup de controverses parmi les savants indiens et tibétains. . Ceci conclut le cinquième chapitre ou cinquième production de l'esprit ultime de l'Entrée au Milieu. . ******************************************************* ******************************************************* . L3: [Notes] :L3 . -- (1) Toute personne ayant accédé à la perception directe de la réalité ultime reçoit l'épithète de «Supérieur» (arya). -- (2) Les trois plans ce sont les trois niveaux: souterrain, terrestre et céleste, ou les trois mondes du désir, de la forme et du sans-forme. -- (3) En sanscrit: sugata, un qualificatif des Éveillés. -- (4) II prit naissance dans un lieu favorable à la pratique des tantras. -- (5) II s'agit des trois commentaires: Protégé par l'Éveillé, de Buddhapalita, la Lampe de Sagesse, de Bhavaviveka, et l'Entrée au Milieu. -- (6) Le tibétain djougpa ('jug pa) se réfère à la fois à l'action d'entrer et à son résultat. Nous l'avons traduit par «entrée». Néanmoins, comme nous allons le voir, le sens implicite est «supplément», «complément». -- (7) Sur la production en dépendance, voir Hopkins, Méditation, 275-283 et 659-676, ainsi que Lamotte, le Bouddhisme de Sakyamuni, Vandenhoeck & Ruprecht, Gôttingen, 1983, 98-102. -- (8) Sur la compassion voir également Kensur Lekden et J. Hopkins, Méditations d'un Supérieur de Collège Tantrique, Dharma, 1980. -- (9) Sur les cinq sentiers se reporter à Asanga, Compendium 104-130, Nagarjuna, la Lettre à un Ami. Dharma, 1981, Géshé Ngawang Dhargyé, Tibetan Tradition of Mental Development, LTWA, Dharamsala, 1974, 183-201, Hopkins, Méditation, 91-110. -- (10) La définition de l'objet nié et de l'objet à réaliser varie selon les écoles, ce qui conduit à de grandes différences quant aux fruits du chemin. La suite de ce texte nous permettra peu à peu de mieux comprendre ce point. -- (11) Pour Bhavaviveka la réalisation du non-soi des phénomènes fait défaut aux Auditeurs et Réalisateurs solitaires de famille certaine. Pour Buddhapalita et Chandrakirti, au contraire, tous deux connaissent les deux non-soi, des personnes et des phénomènes. En général, un adepte dont la famille (gotra, rigs) est certaine est une personne qui s'engage initialement dans une voie sans en changer jusqu'à ce qu'elle ait actualisé son fruit. Un Auditeur dont la famille est incertaine commence par pénétrer dans le Grand Véhicule, obtient le sentier d'accumulation puis, ayant pour quelque raison perdu l'esprit d'éveil, retombe dans le Véhicule Inférieur. Un Héros pour l'éveil de famille incertaine, s'étant appliqué à la voie du Véhicule Inférieur et ayant accédé au rang de Destructeur de l'ennemi, se tourne vers la pratique du Grand Véhicule. -- (12) Trad. G. Driessens assisté de M. Zaregradsky, sous la direction du Vénérable Géshé Ngawang Khyenrab: Dharma, 1981, La Lettre à un Ami du Supérieur Nagarjuna. -- (13) Multiples références sur les huit absorptions et les six connaissances supérieures. En particulier: Lati Rinbochay, Denma Locho Rinbochay, Leah Zahler, J. Hopkins, Méditative States in Tibetan Buddhism, Wisdom Publicalions, London, 1983, le Trésor de Vasubandhu et le Compendium d'Asanga, ainsi que Lamotte, Traité, tome III, 1233 et 1309 pour les premières, tome IV, 1809-1838 pour les secondes, et Sa Sainteté le XIVe Dalai Lama, La Lumière du Dharma, Seghers, 1973, 86 à 102. -- (14) Nombreuses références sur les 37 membres de l'éveil: Asanga, Compendium, 120 n. 2, Vasubandhu, Trésor, VI, 281 et suivantes, Lamotte, Traité, tome III, 1119 à 1207, Hopkins, Méditation, 205/6. -- (15) Voir Sa Sainteté le XIVe Dalai Lama, La Lumière du Dharma, Seghers, 1973, 53-58, Asanga, Compendium, 1 et suivantes, Vasubandhu, Trésor. I, Lamotte, Traité, tome IV, 1996, Hopkins, Méditation, 271-4. . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L1: [La perfection de sagesse] :L1 L3: [321.16. Explication de la sixième terre] :L3 L4: [321.161. Description et enseignement sur la perfection de sagesse supérieure] :L4 . \ ### \ 44. Fixé en un esprit d'établissement méditatif, \ Orienté vers les qualités d'un parfait Éveillé, \ Percevant l'aséité de la production dépendante \ Et par conséquent, établi en la sagesse, il obtient la cessation. . Lors de la sixième terre, Orientation, le Héros pour l'éveil s'appuyant sur la fixation en un esprit d'établissement méditatif suprême, perçoit la profonde aséité de la production dépendante. Il accède au séjour de la perfection de sagesse supérieure et obtient la cessation, réalisation impossible antérieurement avec les cinq premières perfections. Parce que grâce à cette sagesse supérieure la nature des choses pareilles à des reflets est rendue manifeste, parce qu'à la cinquième terre — cause spéciale de celle-ci — il a la vérité de la voie pour objet d'observation, et enfin, parce qu'il est tourné vers l'obtention des qualités d'un parfait Éveillé, cette terre est appelée «orientation». La seconde raison indique qu'un haut degré de pénétration des aspects grossiers et subtils des vérités ayant été atteint à la cinquième terre, la sagesse experte en ces vérités devient parfaite. La première raison montre que la réalisation de l'entraînement dans la sagesse qui excelle à saisir le processus de la production en dépendance dans son ordre d'apparition et son ordre inversé est accomplie. Sous l'angle du perfectionnement de ces deux entraînements en sagesse, les vérités et la production en dépendance sont rendues manifestes. . Ainsi, trois entraînements en connaissance sont parachevés. La perfection de sagesse à cette terre est atteinte grâce au support de la perfection de méditation de la terre précédente. Par suite, commence alors un établissement extraordinaire dans la cessation. . L4: [321.162. Louange de la perfection de sagesse] :L4 . \ ### \ 45. De même qu'un voyant conduit tout un groupe d'aveugles \ Jusqu'au pays désiré, \ De même, ici aussi, l'intelligence \ Élève les vertus dépourvues de vision \ (Au rang) d'un Vainqueur. . Pour conduire au fruit ultime les cinq premières perfections doivent reposer sur la perfection de sagesse. De même qu'un voyant conduit sans peine une troupe d'aveugles jusqu'au lieu souhaité, de même, ici aussi à l'occasion de la voie, l'intelligence de la perfection de sagesse prend les vertus que sont les autres perfections, la générosité et le reste, dépourvues de l'œil qui perçoit l'aséité et, pareille à un guide, mène au rang de Vainqueur parce qu'elle connaît le chemin correct et celui qui ne l'est pas. . L4: [321.163. Enseignement sur l'aséité par laquelle est perçue la profonde production en dépendance] :L4 L5: [321.163.1. Promesse d'exposer le sens profond] :L5 . \ ### \ 46. De la manière dont, à l'aide des Écritures et aussi du raisonnement, \ II a compris cette doctrine extrêmement profonde, \ De cette manière j'expliquerai (l'aséité) d'après et selon \ Le système établi dans les textes du Supérieur Nagarjuna. . Si l'on demande: «Lorsque les résidents en la sixième terre perçoivent la production en dépendance comment voient-ils l'aséité selon laquelle "en dépendance de cela ceci apparaît"?» Chandrakirti répond à cette interrogation en faisant remarquer que l'œil de son intelligence, couvert par l'épaisse pellicule de l'ignorance, n'a pas une telle portée, et que ce n'est pas à lui qu'il convient de s'adresser mais plutôt aux Éveillés et Héros pour l'éveil dont la vision de sagesse, débarrassée de cette pellicule, pénètre excellemment la vacuité. . N'est-il pas dit dans les Discours de la Mère (la Perfection de Sagesse) et le Discours sur les Dix Terres, entre autres, que les Héros pour l'éveil qui s'exercent en la perfection de sagesse perçoivent l'aséité de la production dépendante? Dans ce cas, ne faudrait-il pas l'exposer en suivant les Écritures? Comme il est difficile de pénétrer la pensée définitive des Écritures, des personnes telles que moi, Chandrakirti, ne peuvent prétendre enseigner l'aséité en s'appuyant sur elles. Mais il existe un maître dont les traités la révélant font autorité. Ce maître, le noble Nagarjuna, a perçu l'explication correcte de l'Écriture et défini avec certitude la pensée qu'elle contient. Il a réalisé telle qu'elle est cette doctrine très profonde, et dans son Traité sur le Milieu il a montré avec une grande clarté la nature des phénomènes, non seulement à l'aide des textes mais aussi du raisonnement. De ce fait, c'est exclusivement à partir de l'exposition de l'aséité telle qu'elle fut établie dans le système des œuvres de Nagarjuna que je vais l'exprimer. . Existe-t-il une certitude de la justesse de l'exégèse par Nagarjuna du sens définitif des Ecritures? Plusieurs Discours, parmi lesquels le Grand Nuage, le Grand Tambour, le Tantra Fondamental de Manjushri, et la Descente à Lanka prophétisent la venue de Nagarjuna. . Dans le dernier mentionné il est dit: . ~ Dans la région du Sud, au pays de Vidarbha, ~ Le moine Shriman, de grande réputation, ~ Appelé aussi «Naga», ~ Détruira les thèses d'existence et de non-existence. ~ Ayant exposé dans le monde ~ Mon véhicule, l'incomparable Grand Véhicule, ~ II réalisera la terre Très Joyeuse ~ Puis partira pour (le champ pur nommé) Félicité. . Il est donc établi que Nagarjuna a déterminé exactement le sens des Écritures, l'a pénétré et réalisé. Je me fie à lui pour mes explications. . L5: [321.163.2. Reconnaissance des supports pour l'enseignement du sens profond] :L5 . \ ### \ 47. Alors même qu'il n'est qu'un individu ordinaire, celui chez qui, à l'écoute de la vacuité \ S'élève de façon répétée une extrême joie intérieure, \ Dont les yeux se mouillent de larmes de bonheur \ Et dont les poils se dressent sur le corps. . \ ### \ 48 ac. Celui-là possède le germe de l'intelligence d'un parfait Eveillé \ Et est un support pour renseignement sur l'aséité. \ A lui on dispensera la vérité de sens suprême. . Les traités de sens définitif ne sont à expliquer qu'à ceux en lesquels sont placés les germes pour une réalisation de la vacuité, c'est-à-dire les personnes dont le continuum est accoutumé à ce sujet par suite d'un contact antérieur, et non . aux autres. En effet, même si ces derniers entendent les textes exposant la vacuité, comme ils sont affectés d'une pensée l'appréhendant de manière erronée il s'ensuivra pour eux de graves méprises. Certains rejetteront la vacuité, méprisant ou riant de cette approche, ou encore, en éprouveront un fort déplaisir qui les mènera à se détourner de la voie; d'autres, considérant sa signification — l'absence d'existence réelle — croiront faussement que les phénomènes sont inexistants. Produisant une vue inexacte relativement à la causalité ils ne sauront s'en défaire et leur erreur se renforcera. Afin d'éviter l'extrême de négation des conventions il est nécessaire de ne pas discréditer la causalité pareille à un reflet, et afin d'éviter l'extrême de surimposition d'une existence ultime, de voir la causalité dans la simple absence de nature propre des choses. Il est dit que s'écarter de ces deux modes de vision fait chuter dans les extrêmes d'éternalisme et de nihilisme dont les effets sont des conditions infortunées. Aussi est-il dangereux de s'attaquer à ce sujet très subtil et très profond par simple orgueil ou lorsqu'on est dépourvu de la capacité à le maîtriser. . Il est malaisé d'affirmer avec assurance: «A cette personne je n'exposerai pas la vacuité». Toutefois, il est des signes extérieurs dont la présence ou l'absence permettent de déterminer si un auditeur est ou non un récepteur adéquat pour cet enseignement. Quels sont-ils? Si, alors même qu'il n'est qu'un individu ordinaire et un débutant, se manifeste en l'auditeur une extrême joie intérieure, et ceci à maintes reprises, et que cette joie est telle que ses yeux se mouillent de larmes et que ses poils se dressent sur son corps, on dit qu'en cette personne est placé le germe pour la réalisation de la vacuité — graine de la sagesse non conceptuelle des parfaits Eveillés. Ces signes ne trompent pas. Lorsqu'ils sont absents mais que l'élève ne s'écarte pas des instructions du maître, celui-ci lui transmettra cette doctrine en tenant compte que certains, tout en l'approchant pour la première fois, sont capables de la comprendre. . L5: [321.163.3. Mode d'apparition en eux des qualités issues de cette exposition] :L5 . \ ### \ 48 d. Pour lui les qualités en découleront. . \ ### \ 49. Toujours, il maintient et reste fixé en une éthique parfaite, \ Offre des dons, s'applique à la compassion, \ Cultive la patience et, en vue de libérer les êtres, \ Dédie entièrement ces vertus à l'éveil. . \ ### \ 50 a. Il honore les parfaits Héros pour l'éveil. . Loin d'être stérile, pour ces auditeurs l'écoute des instructions sur la vacuité est porteuse de qualités. Comment cela? Pour celui qui la considère comme un véritable trésor cette vue ne faiblira pas au cours des existences suivantes; adoptant toujours une éthique sans faille avec la conscience qu'elle conduit à des statuts élevés et son contraire à des états douloureux, et par suite, à l'interruption de la pratique de la vue, il s'y maintient et se garde de laisser se dégrader ses engagements. Une éthique mauvaise n'est pas forcément liée à la violation de vœux mais aussi aux fautes naturelles. Considérant qu'un statut heureux est peu propice si l'on n'y dispose pas des biens nécessaires à l'existence — nourriture, boissons, vêtements, etc. — privations qui empêcheraient l'approfondissement de la vue, il offre des dons; comme la vue de la vacuité associée à la grande compassion mène à la plénitude, il cultive la compassion universelle sans discontinuer; conscient que la colère mûrit en des existences malheureuses il s'applique à la patience; sachant que si les vertus accomplies ne sont pas sans cesse dirigées vers l'omniscience les causes de l'illumination et les fruits de jouissances sans limites ne seront pas réunis, il dédie entièrement ses mérites à l'éveil afin que les êtres soient délivrés du cycle. Enfin, il voit que les Auditeurs et Réalisateurs solitaires ne peuvent enseigner la production dépendante comme les Héros pour l'éveil et il éprouve un immense respect pour ceux-ci. . L5: [321.163.4. Exhorter à l'écoute les récepteurs adéquats] :L5 . \ ### \ 50 bd. Puisque les individus experts aux modes vaste et profond \ Obtiennent progressivement la terre Très Joyeuse, \ En y tendant, écoutez cette voie! . Les individus experts en le vaste et le profond accumulent longuement la collection de vertus liée à ces deux pratiques lors des niveaux des êtres ordinaires et finissent par réaliser la terre Très Joyeuse. Aspirant vous-même à cet accomplissement, écoutez la voie que je vais expliquer! . Il est nécessaire de faire effort pour révéler cette doctrine suprême et de vastes mérites ne manquent pas d'être amassés lorsque l'enseignant la dispense correctement à des élèves dotés des qualités appropriées. De nombreux textes attestent l'importance de son exposition et de son écoute. . Ainsi, le Compendium de Discours de Nagarjuna, dit: . ~ Tous les mérites sont réunis en aspirant à la Doctrine profonde; jusqu'à la réalisation du plein épanouissement la totalité des excellences mondaines et supramondaines sera accomplie. . La personne confiante dans le fait que tous les phénomènes sont purs depuis le commencement, s'engage dans la doctrine du non-soi; même affligée des dix actions non vertueuses elle échappera aux existences infortunées. Pour obtenir les bienfaits de la diffusion de la Doctrine deux conditions s'imposent: pour le maître, une juste connaissance de sa signification et une motivation exempte du désir de réputation et d'honneurs; pour l'auditeur, une pure aspiration et la défiance d'une fausse compréhension. . L5: [321.163.5. Mode d'exposition de l'aséité de la production en dépendance] :L5 . Le Discours sur les Dix Terres dit: . ~ Le résident en la cinquième terre accédant à la sixième y pénètre par le moyen des dix égalités des phénomènes. Quelles sont-elles? C'est ainsi: 1. L'égalité de tous les phénomènes en tant qu'exempts de signes; 2. l'égalité de tous les phénomènes en temps qu'exempts de caractéristiques; de même, leur égalité en tant que 3. non nés, 4. non produits, 5. isolés, 6. purs depuis le commencement, 7. exempts de différenciation, 8. sans adoption ni rejet, 9. l'égalité de tous les phénomènes en tant que semblables à une magie, un rêve, une illusion d'optique, un écho, une lune dans l'eau, un reflet, une émanation; 10. tous les phénomènes sont égaux en tant que libres de la dualité essence non-essence. A présent, connaissant parfaitement la nature de tous les phénomènes, au moyen d'un acquiescement harmonieux et aigu il obtient la sixième terre des Héros pour l'éveil: Orientation (1). . Tsongkhapa explique ainsi ces dix égalités: -- 1) Les signes ou marques variés des apparences disparaissant dans l'établissement méditatif des êtres supérieurs, tous les phénomènes sont semblables ou égaux; -- 2) Tous sont égaux en ce qu'ils sont dépourvus d'une existence selon leurs propres caractéristiques; -- 3) non nés se réfère au futur et -- 4) non produits aux autres temps; -- 5) isolés, c'est-à-dire qu'ils ne naîtront ni ne sont nés, et aussi qu'ils sont vides de caractères propres sans que les Ecritures ou le raisonnement les rendent tels; -- 6) ils demeurent tels quels, parfaitement purs depuis toujours; -- 7) ils sont exempts des conceptions d'une apparence dualiste — ce qui se rapporte à la première analogie — et ne peuvent être exprimés par les mots et les concepts — ce qui est un caractère de la seconde; -- 8) ce dernier caractère s'applique également à la huitième analogie; -- 9) est constitué d'exemples déterminant le sens de ce qui vient d'être exposé; -- 10) tout phénomène, composé ou non composé, est dénué d'existence réelle. «Aigu» se réfère à la sagesse vive, et «harmonieux» signifie en accord avec l'acquiescement aux phénomènes non nés de la huitième terre. . De nombreux textes révèlent l'aséité des phénomènes, mais comme nous expliquons ici son mode de réalisation par la sagesse de la sixième terre, nous en avons cité un décrivant l'entrée dans cette terre sous l'angle des dix égalités. . Puisque le sixième chapitre s'ouvre sans préambule par la réfutation d'une production selon un des quatre extrêmes — de soi, d'autre, des deux et sans cause — discutons quelque peu du mode d'établissement de ce que serait une existence réelle ou inhérente et du mode de saisie des phénomènes en tant que réalités. En effet, dans l'ignorance de ces points il est très possible de s'égarer au cours du processus d'identification de la vue de l'aséité. . L'Entrée dans la Conduite des Héros pour l'Éveil (IX 139 ab) dit: . ~ Sans contacter l'existence réelle imaginée ~ Sa non-existence réelle ne sera pas appréhendée. . Sans reconnaître correctement l'existence en soi surimposée par l'esprit, son absence ne pourra être conçue, de même que sans penser au préalable au fils d'une femme stérile on ne saurait concevoir sa mort. Si l'objet de réfutation n'apparaît pas clairement à l'esprit son inexistence ne sera pas connue. Il est extrêmement important de bien identifier la saisie innée d'une existence en soi ainsi que l'existence en soi appréhendée par elle, toutes deux habitant les êtres depuis toujours, qu'ils aient été ou non formés dans les doctrines philosophiques. Il ne suffit pas de reconnaître cette double saisie telle qu'elle est imaginée par les doctrines inférieures. Car, même si l'objet de réfutation est nié par le raisonnement, la conception d'une existence en soi à laquelle nous acquiesçons depuis des temps sans commencement n'en sera nullement affectée. Ayant donc commencé par déterminer la saisie d'une existence intrinsèque de notre propre série nous devons, pour triompher de son objet, en connaître le mécanisme par des raisonnements directs et indirects, mais il y a fort peu de profit à considérer ceci de l'extérieur. Clarifions donc ce point au moyen de l'explication des modes d'identification d'une existence en soi propres aux systèmes Autonome et Conséquentialiste dont les vues divergent. . L6: [Position des autonomes] :L6 . La saisie d'une existence établie selon son propre mode d'être, qu'elle soit posée par l'intervention de la conscience ou sans qu'elle lui apparaisse, est la conception innée d'une existence réelle. Qu'est-ce qu'une existence établie ou non par le pouvoir de l'esprit? On comprendra ceci grâce à l'exemple du magicien créateur de chevaux et d'éléphants à partir de cailloux et de morceaux de bois, et de spectateurs dont certains ont une vision polluée et d'autres une vision saine. Le magicien perçoit une simple apparence de chevaux et d'éléphants mais ne s'y attache pas. Pour les spectateurs à la vision polluée il y a à la fois apparence et attachement, tandis que pour ceux de vision pure aucun de ces deux aspects n'est présent. Pour le magicien, la capacité de poser la base de la création magique en tant qu'apparence de chevaux et d'éléphants est établie par le pouvoir d'une telle apparence sur une conscience hallucinée. S'il n'en était pas ainsi la base de la création ne serait pas établie par la force de son mode d'être propre. Pour le spectateur halluciné l'apparence en tant que chevaux et éléphants n'est pas établie par la force de son esprit intérieur; là où apparaît la base il conçoit l'existence de chevaux et d'éléphants véritables occupant leur place. Pareils au spectateur à la vision polluée, devant l'apparence d'existence réelle des phénomènes intérieurs et extérieurs les êtres conçoivent une existence objective des phénomènes non établie par le pouvoir de leur apparence à la conscience. Telle est la conception innée d'une existence réelle dans laquelle s'impliquent les êtres depuis des temps sans commencement. . L6: [Positions des conséquentialistes] :L6 . Pour une pensée qui conçoit l'objet de réfutation selon le point de vue conséquentialiste cette présentation manque de finesse et ne décrit pas la forme la plus subtile de la conception innée d'une existence en soi. Lorsque l'existence réelle conçue par la saisie d'une existence réelle est réfutée par le raisonnement, les phénomènes internes et externes ne sont pas vus comme existant selon leur mode d'être propre indépendamment d'un établissement par le pouvoir de la conscience intérieure, mais bien comme ayant une simple existence posée en raison de la conscience, ainsi que c'est le cas pour le magicien. En outre, les phénomènes établis par le pouvoir d'une conscience qui n'est pas contredite par une connaissance valide sont acceptés comme existant conventionnellement, mais tout ce qui se trouve établi par le pouvoir de la conscience n'a pas pour autant d'existence conventionnelle. Enfin, quand la sagesse fondamentale non conceptuelle de l'égalité méditative est produite, toutes les apparences dualistes sont apaisées, comme dans le cas des spectateurs dont la vision est pure pour lesquels ne s'élèvent ni apparence ni attachement. . Les phénomènes sont simplement établis par le pouvoir de la pensée. Concevoir qu'ils existent réellement sans être établis par la pensée constitue la saisie d'une existence en soi. Par exemple, lorsqu'une corde enroulée est mal distinguée la pensée surgit: «Voilà un serpent!» Puisque, à ce moment, ni les parties ni l'ensemble de la corde ne présentent aucun des caractères d'un serpent, celui-ci est une simple désignation conceptuelle. De même, lorsqu'en dépendance des agrégats apparaît la pensée «je», ni la collection de leurs séries passées et futures ni leur collection à un moment précis ni leurs parties ne peuvent être posées comme exemples du je. Par conséquent, étant donné que le je ne peut absolument pas être postulé en tant qu'une base distincte de l'ensemble des agrégats ou de leurs parties, on dit qu'il est simplement . établi par la pensée en dépendance des agrégats et n'existe pas en soi. La Guirlande Précieuse (80) dit: . ~ «L'individu n'est pas la terre, ni l'eau, ~ Ni le feu, ni l'air, ni l'espace, ~ Ni la conscience, ni leur ensemble. ~ Quelle personne autre qu'eux y a-t-il?» . «Individu» signifie personne, être, je et soi. Le passage depuis «pas la terre» jusqu'à «ni la conscience» réfute que la personne est un des six constituants, et «ni leur ensemble» qu'elle est leur collection. Le dernier vers rejette l'idée qu'elle en est distincte. On voit donc que la personne n'est pas niée. Sous cet aspect, le mode d'établissement de toutes les choses internes et externes est semblable à la désignation du serpent sur la corde. Néanmoins, le serpent vu dans la corde et des phénomènes conventionnels comme un vase sont totalement dissemblables en ce qui concerne l'existence et la capacité de fonctionner du vase et la non-existence et l'incapacité d'agir en tant que serpent de la corde. Que ce qui est établi par la pensée soit à même d'accomplir la fonction qui lui est propre tel est le mode d'exégèse hors du commun de Buddhapalita, Chandrakirti et Shantideva parmi les nombreux commentateurs du noble Nagarjuna et de ses fils spirituels. C'est aussi le point crucial et ultime de la vue du Milieu. . Dans le même texte on lit (99/100): . ~ «Parce que les choses matérielles ne sont que des noms ~ L'espace aussi n'est qu'un nom. ~ Sans les éléments comment y aurait-il des formes? ~ Par conséquent, même les simples dénominations ~ n'existent pas. ~ Il faut considérer de la même manière les éléments et ~ le soi, ~ Les sensations, discriminations, ~ Formations et consciences. ~ Par suite, les six constituants sont dénués de soi.» . Et (114bcd): . ~ «Hormis comme convention ~ Quel existant ou non-existant ~ Y a-t-il pour le monde?» . Même les simples dénominations n'existent pas réellement, et en pratique rien n'existe en dehors de simples établissements par le pouvoir de la convention. . Avec cette compréhension on acquerra la certitude que tous les phénomènes sont établis en dépendance, désignés en dépendance, naissent en dépendance, qu'ils n'existent pas selon leur entité propre ni en tant qu'entités indépendantes d'un établissement en raison d'autres — noms et concepts — et que la réalité d'un phénomène est posée sans que l'objet désigné soit recherché. . La conception d'une existence qui ne serait pas établie en vertu du seul pouvoir de la désignation conventionnelle, c'est-à-dire, une existence réelle, ultime, vraie, existant par son entité propre, son caractère propre, sa nature propre, constitue la saisie innée d'une existence intrinsèque, et l'objet conçu par elle est la mesure de ce qui est à réfuter. Ainsi, une nature des phénomènes qui ne dépendrait pas de la pensée conventionnelle des sujets connaissants est ce qu'on appelle «soi». C'est l'objet de négation. La conception d'un soi — qui constitue l'ignorance enchaînant les êtres au cycle — est double: elle s'applique aux phénomènes et aux personnes. Telle est la racine du cycle, la cause des douze facteurs de la production dépendante. . Ainsi que le dit Nagarjuna dans ses Soixante-dix Stances sur la Vacuité: . ~ «Le Maître a déclaré ~ Que la conception de la réalité ~ Des choses nées de causes et conditions est l'ignorance, ~ Les douze facteurs en sont issus.» . Lorsque la complète inexistence de l'objet de réfutation — le double soi des personnes et des phénomènes — est réalisée, l'ignorance est abandonnée et la libération obtenue. . Les Quatre Cents (350) nous apprennent: . ~ «Quand le non-soi de l'objet est perçu ~ Les graines du cycle sont détruites.» . II est absolument nécessaire de déterminer l'inexistence de l'existence inhérente — la base de l'hallucination — telle qu'elle est conçue par rapport à notre série personnelle, sans quoi la réfutation du soi et l'établissement du non-soi après un examen superficiel n'auront aucune portée et seront analogues à la recherche d'un voleur inconnu dans la nuit noire. . L6: [321.163.51. Établir la vacuité par le raisonnement] :L6 L7: [321.163.511. Établir par le raisonnement LE NON-SOI DES PHÉNOMÈNES] :L7 L8: [321.163.511.I. Réfutation d'une production au moyen des quatre extrêmes] :L8 L9: [321.163.511.11. Présentation de l'assertion d'une absence de production par sa nature propre] :L9 . Pensant qu'enseigner par le raisonnement l'égalité des phénomènes qui consiste en leur non-production (la troisième égalité) faciliterait la compréhension des autres, le maître Nagarjuna dans la première stance du Traité dit: . ~ «Où que ce soit, quelles qu'elles soient, ~ Les essences ne sont jamais produites ~ A partir d'elles-mêmes, d'autres, ~ Des deux ou sans cause.» . «Jamais» signifie «en un temps quelconque»; l'expression «où que ce soit» a pour synonyme «n'importe où»; elle désigne le lieu, le temps et les systèmes philosophiques; «quelles qu'elles soient» exprime les choses extérieures et intérieures non produites selon aucune de ces trois modalités. Le sens est donc le suivant: II est impossible que les essences extérieures et intérieures soient produites à partir d'elles-mêmes, d'autres, à la fois d'elles-mêmes et d'autres, ou sans cause, nulle part, à aucun moment, d'après aucun système philosophique. Si une production en raison d'une nature propre existait il serait nécessaire d'accepter comme démonstration une production à partir de l'un des quatre extrêmes. . L'ouvrage de Chandrakirti Les Paroles Claires, un commentaire au Traité, dit: . ~ «L'existence des conventions est acceptée en vertu de la seule "relativité" et non du point de vue des assertions des quatre positions, sinon la déclaration d'essences dotées d'une nature propre s'ensuivrait. En affirmant la "relativité", comme cause et fruit sont en dépendance mutuelle, ils n'existent pas en eux-mêmes, et ainsi, les essences ne possèdent pas de nature propre.» . Revenons au texte. Reprenant la quadruple réfutation de Nagarjuna, Chandrakirti écrit: . \ ### \ 51 ab. Cela ne naît pas de soi-même; comment naîtrait-il d'autres? \ Cela ne naît pas non plus des deux; comment existerait-il sans cause? . L9: [321.163.511.12. Démonstration par le raisonnement] :L9 L9: [321.163.511.121. Réfutation d'une PRODUCTION À PARTIR DE SOI-MÊME] :L9 L9: [321.163.511.121.1. Réfutation du système SAMKHYA] :L9 . \ ### \ 51 cd. Il n'y a aucun avantage à ce que ceci naisse de ceci. \ Il est également inacceptable que ce qui est né naisse à nouveau. . \ ### \ 52. Si l'on admet que ce qui est produit naisse à nouveau \ On ne trouvera pas ici naissance de la pousse et autres, \ Et la graine serait produite indéfiniment. \ Comment ceci (la pousse) détruirait-il cela (la graine) . Parmi les nombreuses écoles non bouddhistes classifiées en six courants principaux — Samkhya, Vaishesika, Mimamsaka, Naiyayika, Vedanta, Jaina — dont les doctrines se résument en des vues de permanence ou d'annihilation, celles des Samkhyas est divisée en deux traditions: théiste et non-théiste. .... . Les Tenants de la première suivent Patanjali et considèrent le Seigneur Ishvara comme leur maître; ils affirment qu'à travers la dépendance mutuelle de la nature primordiale et d'Ishvara s'élèvent toutes les manifestations animées et inanimées, et que la destruction est la dissolution d'un effet dans sa propre nature. . Selon les seconds, dont les tenants suivent le sage Kapila, tous les produits existent au moment de leur cause et sont rendus manifestes en dépendance de diverses conditions. Tous les objets manifestes sont des transformations de la nature primordiale ou principe (prakrti). . L9: [321.163.511.121.11. Réfutation d'une production à partir d'une cause de même nature que la chose produite] :L9 . Après Buddhapalita, Chandrakirti réfute cette vue en soulignant deux conséquences illogiques. Pour quelles raisons les choses ne naissent-elles pas d'elles-mêmes? Dans le premier vers «ceci» désigne ce qui naît, ce qui accomplit l'action de naître, c'est-à-dire la pousse. Il n'y a aucun avantage à ce que la pousse naisse «de ceci» à savoir de sa propre nature, car elle a obtenu son entité de pousse au moment antérieur de sa cause et existait donc déjà. Pour les Samkhyas un fruit commun résulte de causes et conditions mutuellement différentes et distinctes; en outre, causes et conditions procèdent du principe de nature unique et toute entité de cause est une entité de conditions. De même, la nature de la pousse, comme de toutes les transformations, et celle de ses causes et conditions, sont acceptées comme non différentes les unes par rapport aux autres. Par suite, bien que l'assertion qui consiste à maintenir que pousse et graine sont différentes uniquement l'une par rapport à l'autre ne soit pas présentée comme une production de la pousse à partir d'elle-même, la pousse est dite naître de l'entité de la graine; dans ce cas, deux natures étant une, l'acceptation d'une production à partir de sa propre nature et de l'existence de la pousse au moment de sa cause constituent un mode d'assertion d'une naissance à partir de soi-même. Et les particularités de certains Samkhyas faisant valoir que la pousse est invisible au moment de sa cause et visible ultérieurement a strictement la même signification. . II est également inadmissible que ce qui est né naisse à nouveau, c'est-à-dire que sa production se répète. Le mot «également» signifie qu'une production à partir de sa propre nature n'est pas seulement inutile mais illogique. Si l'on admet qu'une graine naît à nouveau, pour quelles raisons cesserait-elle de se reproduire pour laisser place à la pousse? Quel obstacle y aurait-il pour empêcher sa reproduction et permettre l'apparition de la pousse? Jamais ici, dans ce monde, on ne pourrait trouver une production de pousses, troncs, tiges, et autres. En outre, la graine se produirait indéfiniment sans interruption, car ce qui est déjà né devrait à nouveau achever sa naissance, ce qui est absurde. Nous serions alors en présence d'une production continue de choses semblables à la catégorie de la cause et d'une non-production de choses semblables à la catégorie de l'effet. Le plus souvent Chandrakirti n'expose pas l'argumentation adverse: elle est sous-entendue, explicitée par le commentaire. . OBJECTION DES SAMKHYAS: les conditions utiles à la production de la pousse, l'eau, le temps, etc., transformant la graine font naître la pousse; et comme il est contradictoire que cette pousse existe en même temps que son producteur, la graine, elle met fin à celle-ci et apparaît. De ce fait, notre position est sans faute. En outre, comme la graine et la pousse ne sont pas des entités autres il y a production à partir de soi-même. . RÉPONSE: Ceci est incorrect, car ces deux entités étant, selon votre assertion, une en tous leurs aspects, comment la pousse détruirait-elle la graine? Elle ne la détruit pas, de même que la pousse ne se détruit pas elle-même. La connaissance courante sait que cela ne tient pas, c'est aussi pourquoi nous disons que la pousse n'anéantit pas la graine. . L9: [321.163.511.121.12. Réfutation de la nature unique de la cause et de l'effet] :L9 . \ ### \ 53. Pour vous il n'y aurait pas de différence entre la structure, \ Couleur, saveur, capacité et maturité de la pousse \ Et celles de la graine, sa cause productrice. \ Si, ayant abandonné son entité antérieure (la graine) devient d'une autre nature, \ Alors comment aurait-elle la nature de graine? . \ ### \ 54. Si pour vous, ici, la graine n'est pas autre que la pousse, \ De même que la graine (n'est pas appréhendée au stade de) la pousse, celle-ci ne serait pas appréhendée; \ Ou bien, puisqu'elles sont une, comme la pousse \ (La graine) serait également perçue. \ Par conséquent, ceci n'est pas acceptable. . Votre position entraîne d'autres méprises: ainsi, pour vous, entre la figure, couleur et autres de la graine productrice de la pousse et la longueur, figure, couleur jaune ou bleu, saveur douce ou amère, capacité ou force et la maturité de la pousse, il n'y a aucune différence car toutes deux ne se distinguent en rien l'une de l'autre. La capacité se réfère au pouvoir, par exemple, de guérir certains maux par l'application d'herbes sur le corps, et la maturité à la transformation de substance comme le lait devenant aigre ou le poivre tournant au doux. . OBJECTION DES SAMKHYAS: La graine ayant abandonné son état devient pousse en prenant un autre état. Donc, comme graine et pousse diffèrent uniquement selon leur état, la première se transforme bien en la seconde. . RÉPONSE: Si la graine, ayant abandonné le stade de son entité première, devient d'une autre nature, celle du stade de la pousse, alors la nature de la graine est la nature même de la pousse. Comment est-il admissible que la graine se transforme en pousse? En effet, la chose du stade de la graine étant la chose même du stade de la pousse, toutes deux sont indifférenciées. . NOUVELLE OBJECTION: Bien que la structure de la graine soit distincte de celle de la pousse, leur substance ne l'est pas; il n'y a donc pas contradiction. . RÉPONSE: Ceci est illogique, car sans saisir la structure, etc., de la graine et de la pousse on ne peut saisir leur substance. . D'autres absurdités résultent encore de votre position: si pour vous, ici dans le monde, les deux natures de la graine et de la pousse ne sont pas autres de même qu'au stade de la pousse la graine n'est pas appréhendée, la pousse ne sera pas non plus appréhendée; ou bien, graine et pousse étant une seule entité en tous leurs aspects, au stade de la pousse toutes deux seront perçues par l'organe visuel. Puisqu'il n'en est pas ainsi, qui désire éviter cette double méprise ne devra pas accepter la théorie d'une absence d'altérité entre les deux entités de la graine et de la pousse. . Ceci conclut la réfutation de la vue Samkhya. . L9: [321.163.511.121.2. Réfutation du point de vue de la pratique du monde] :L9 . \ ### \ 55. Le monde même n'accepte pas qu'ils soient un \ Car une fois la cause détruite son fruit est vu. \ Par conséquent, cette imputation: les choses naissent d'elles-mêmes \ Est illogique en réalité comme dans le monde. . Ayant repoussé l'assertion d'une production à partir de soi-même telle qu'on la trouve dans les systèmes doctrinaires de ceux aspirant à la compréhension de la réalité, montrons à présent que ce type de production est également insoutenable du point de vue mondain, c'est-à-dire celui des personnes dont l'esprit n'est pas entraîné aux doctrines philosophiques. Parce qu'une fois que la cause — à savoir la graine — est détruite, son fruit — la pousse — est vu, l'affirmation d'une entité unique n'est pas acceptée même dans le monde. . EN RÉSUMÉ, du point de vue ultime aussi bien que conventionnel une production à partir de soi-même est contraire à la raison; par suite, cette imputation selon laquelle les choses intérieures et extérieures seraient issues d'elles-mêmes est inacceptable en réalité comme dans la pratique du monde. . C'est pourquoi le Supérieur Nagarjuna, dans sa réfutation d'une naissance à partir de soi-même, n'a pas discriminé entre ultime et relatif et l'a niée d'une manière générale en disant simplement «pas de soi». Aussi, la distinction «ultime» établie par Bhavaviveka dans «ultimement les . choses ne naissent pas d'elles-mêmes parce qu'elles existent, comme la conscience», est sans signification. Chandrakirti réfute cette approche car l'argumentation n'a pas à être posée en vérité, le plan conventionnel étant bien suffisant pour connaître que les essences ne naissent pas d'elles-mêmes (2). . L9: [321.163.511.121.3. Réfutation selon le traité de Nagarjuna] :L9 . \ ### \ 56. Si l'on accepte une production à partir de soi \ Le produit et le producteur, et aussi l'agent et l'action, seront identiques. \ Comme ils ne sont pas identiques, une production à partir de soi est inacceptable \ En raison des erreurs qui s'ensuivent expliquées en détails. . Si l'on accepte une production de l'effet à partir de soi, le fruit, qui est l'objet produit, sa cause le producteur, ainsi que l'action, qui est l'activité, et l'agent, ce qui agit, seront un. . Réfutant ces méprises comme l'affirme ici Chandrakirti, Nagarjuna dit (chap. XX, 19 ab): . ~ «Cause et effet ~ Ne peuvent jamais être identiques.» . Et (20ab), . ~ «Si cause et effet étaient identiques ~ Producteur et produit seraient un.» . Si cause et effet étaient une entité alors, par exemple, un père et un fils ou l'œil et la conscience visuelle seraient identiques. Et, repoussant la seconde méprise, il ajoute (chap. X, 1): . ~ «Si le bois est le feu ~ L'agent et l'action sont un.» . Par conséquent, il est dit que celui qui redoute ces erreurs et désire comprendre correctement les deux vérités ne doit pas admettre une naissance à partir de soi-même. . L9: [321.163.511.122. Réfutation d'une PRODUCTION À PARTIR D'AUTRE CHOSE] :L9 L9: [321.163.511.122.1. Réfutation générale] :L9 L9: [321.163.511.122.11. Réfutation proprement dite] :L9 L9: [321.163.511.122.111. Réfutation générale] :L9 . \ ### \ 57. Si un autre naît en dépendance d'un autre \ Alors, une épaisse obscurité naît d'une langue de feu. \ Tout sera également produit de tout \ Car la même altérité se retrouvera dans tout ce qui n'est pas producteur. . Les systèmes bouddhiques autres que les Tenants du Milieu Conséquentialistes acceptent l'existence réelle des essences bien que chacun d'eux, pour des raisons qui lui sont propres, affirme demeurer dans la voie du milieu éloignée des extrêmes de permanence et d'annihilation. Pour les Conséquentialistes, les termes: existence ultime, existence réelle, existence vraie, existence par son caractère propre, existence par sa nature propre, existence objective, établissement réel, établissement en aséité, etc., sont des synonymes, hypothétiques toutefois, car de tels modes d'existence n'ont aucune réalité. Selon les autres systèmes certains de ces termes sont acceptés et d'autres niés (la signification qu'ils leur donnent s'écartant, bien entendu, de celle que leur attribuent les Conséquentialistes). De ce fait, aux yeux de ces derniers les non-Conséquentialistes sont tous des tenants d'une existence réelle et tombent dans l'extrême d'éternalisme même s'ils s'en défendent. L'existence réelle ou intrinsèque est définie comme un établissement indépendant de causes et conditions, ce qui est l'opposé d'une production dépendante, et dépendance veut dire existant par le pouvoir d'une conscience désignante. . Les Autonomes distinguent existence réelle d'existence naturelle. Pour eux, un existant doit être réellement établi, parce que ce qui manque de nature propre est inexistant. Donc, un existant ne dépend pas de la réunion de toutes ses causes et conditions puisqu'il est réel. Ainsi de la cause et de l'effet. Nous devons en conclure que cause et effet ne sont pas reliés parce que si la pousse dépendait de la graine il s'agirait là d'un signe d'absence de nature propre. C'est pourquoi Chandrakirti répond qu'à défaut de tout lien entre la cause et l'effet l'obscurité pourrait provenir d'un feu lumineux. C'est la pierre d'achoppement dans le système des Autonomes. La relation n'étant pas établie, tout ce qui est connu de lien commun tiendrait lieu absurdement de cause et effet de tout. . Si pour toutes les écoles autres que les Conséquentialistes les essences ne naissent pas d'elles-mêmes, ni à la fois d'elles-mêmes et d'autres, ni sans cause, elles ne peuvent admettre la réfutation d'une production à partir d'autre chose. En effet, selon elles les Écritures déclarent que quatre conditions, autres par leur caractère propre que les choses provoquées, en sont pourtant les créatrices, et qu'il faut accepter une production en raison d'autres. Quelles sont ces quatre conditions? La cause, l'objet d'observation, l'antécédent immédiat, le souverain. Selon Vasubandhu (3), ce qu'on appelle cause est quintuple, en écartant la cause coopérante. La condition en tant qu'objet d'observation ce sont tous les phénomènes objets d'observation des six consciences; l'antécédent immédiat, l'esprit et les facteurs mentaux immédiatement antérieurs à d'autres, à l'exception de ceux d'un Destructeur de l'ennemi qui entre dans l'au-delà des peines sans reste, car aucun esprit ni aucun mental ne naissent après eux; la cause coopérante est la condition souveraine. Selon le même texte les six causes sont: coopérante, coexistante, pareille, associée, omniprésente et de maturation. D'autres disent «ce qui accomplit est la cause»; ce qui engendre une chose, par exemple une entité de graine, est la condition en qualité de cause. Les objets d'observation pareils à un bâton d'appui, grâce auxquels sont produits l'esprit et les mentaux semblables à un vieillard qui se lève, c'est la condition en qualité d'objet d'observation; la cessation, immédiatement antérieure, de la cause est la condition immédiate de la naissance du fruit, comme par exemple, la destruction de la graine à l'instant précédant l'apparition de la pousse; «ceci étant cela est» est la condition souveraine. Il existe d'autres présentations, mais toutes se résument en les quatre conditions. Comme Ishvara ou la nature primordiale ne sont pas des conditions, il n'en existe pas de cinquième. Telles sont les objections mises en avant par les tenants d'une production à partir d'autres, bien que ce genre de naissance soit contraire aux Écritures et au raisonnement. A propos de la première forme de contradiction le Discours du Plant de Riz (4) dit: . ~ La pousse de nom et forme n'est produite ni d'elle-même ni d'autre. . Et, concernant la seconde, Chandrakirti explique que si un fruit autre établi par sa nature propre naît en dépendance d'une cause autre établie par sa nature propre alors, de la flamme d'une langue de feu lumineuse naîtra une épaisse obscurité. En outre, tous les effets seront produits à partir de ce qui serait et ne serait pas leurs causes. Pourquoi? Parce que tout ce qui ne serait pas générateur d'un effet serait à la fois cause et effet, étant pareillement autre par son caractère propre. . OBJECTION: De même que la graine productrice est autre intrinsèquement que son fruit, la pousse, de même, le feu, le charbon, la graine d'orge, etc., qui ne sont pas les producteurs de la pousse sont intrinsèquement autres que la pousse. . RÉPONSE: Tout comme la pousse de riz naît de la graine de riz qui est autre, elle naîtra nécessairement du feu, du charbon et autres; ou bien, tout comme à partir de la graine de riz naît la pousse de riz qui est autre, cruches, étoffes, etc., en seront produits. Or, ceci est inadmissible. . Dans son Traité Nagarjuna dit (XX, 19 b/20 b): . ~ Cause et effet ~ Ne peuvent jamais être différents. ~ Si cause et effet étaient différents ~ Cause et non-cause seraient semblables. . \ ### \ 58. Objection: Ce qui a la capacité d'être effectué, pour cette raison est appelé effet; \ Ce qui a la capacité de l'engendrer, bien qu'étant autre, est la cause. \ Il y a production à partir de ce qui est inclus dans un même continuant et est générateur. \ Par conséquent, la pousse de riz ne (naît pas) de l'orge, . OBJECTION DES TENANTS D'UNE PRODUCTION À PARTIR D'AUTRE CHOSE: Que la cause et l'effet soient autres par leur caractère propre n'a pas pour autant comme conséquence que tout naisse de tout, car les deux sont déterminés avec certitude. Parce que ce qui est effectué est appelé effet et que la cause qui a la capacité de produire cet effet, bien qu'étant inhérentement autre, est dénommée cause. Donc, cause et effet sont établis uniquement en raison d'une altérité spécifique et non d'une altérité générale. Par ailleurs, la pousse de riz naît d'une graine incluse dans le même continuum qu'elle-même et non à partir d'une graine d'un continuum différent. Si une chose faisait partie d'un même continuum mais n'était pas génératrice, comme par exemple, dans le cas d'une production en raison d'un moment postérieur et non antérieur de la série du riz, on pourrait alors parler de naissance de n'importe quoi à partir de n'importe quoi. Mais il y a production à partir du même continuum antérieur générateur du continuum postérieur. Par conséquent, la pousse de riz ne provient pas de la graine d'orge ou de blé. . RÉPONSE: . \ ### \ 59. L'orge, (le lotus) keshara, (la fleur) kimshuka et autres, ne sont pas acceptés comme producteurs de la pousse de riz, \ Ne possèdent pas la capacité (de la produire), \ Ne font pas partie du même continuum (qu'elle) et ne lui sont pas semblables. \ De même, la graine de riz (ne possède pas) non plus (ces quatre caractéristiques) car elle est juste autre. . Qu'est-ce qui permet de déterminer: ceci est la graine de riz, ceci est la pousse de riz? C'est la question que nous posons aux partisans d'une existence réelle de la cause et de l'effet. Et s'ils répondent: «Parce que l'on perçoit cette évidence.» Nous rétorquerons alors: Pourquoi? car répondre seulement «parce que l'on constate cette évidence, pour cette raison on la constate» ne permet absolument pas de se dégager des fautes d'une explication ne montrant pas sa cause, étant donné que vous n'avez pas démontré votre «évidence de la vision». De même que vous n'acceptez pas l'orge, la fleur keshara, la fleur kimshuka, etc., comme producteurs de la pousse de riz pour la raison qu'ils ne possèdent pas la capacité de la produire, ne sont pas inclus dans le même continuum qu'elle, et ne sont pas non plus antérieurement de type analogue, de même la graine de riz n'est pas non plus dotée de ces quatre caractéristiques spéciales en rapport avec la pousse de riz, car elle constitue juste un phénomène autre existant par sa nature propre. L'affirmation d'une production à partir d'autres vous contraint d'admettre une production en raison d'une nature propre, tandis que celle d'une simple naissance en production interdépendante ne nous oblige pas à une telle affirmation. Nous reconnaissons que cause et fruit sont distincts, mais seulement au plan conventionnel. Ainsi, «l'autre» de «production à partir d'autre chose» dans votre système n'est pas un simple autre mais un autre existant en soi. Et l'assertion d'une existence réelle exclut toute relation de dépendance entre les phénomènes. . de l'effet admise par l'adversaire. Il s'attaque maintenant à l'impossibilité de cette différence. . L9: [321.163.511.122.112. Réfutation spécifique] :L9 L9: [321.163.511.122.112.1. Réfutation du point de vue d'une cause antérieure et d'un effet ultérieur] :L9 . \ ### \ 60. La pousse et la graine n'existent pas simultanément; \ Comment la graine serait-elle autre (que la pousse) en l'absence d'altérité? \ Par conséquent, puisque la naissance de la pousse à partir de la graine n'est pas établie, \ Rejetez cette position selon laquelle il y a production à partir d'autrui. . La pousse n'existe pas en même temps que la graine car en l'absence de transformation de la graine la pousse est inexistante. La graine n'est pas autre que la pousse en vérité. Comment le serait-elle? Par conséquent, en l'absence d'altérité intrinsèque la production de la pousse à partir de la graine n'est pas établie. Rejetez donc cette position selon laquelle les choses naissent en raison d'autres! Si la graine est véritablement différente de la pousse, comme cette existence en vertu d'une telle nature ne pourra jamais se modifier, la pousse sera une substance autre que la graine au moment de celle-ci. L'effet n'étant pas né avant la transformation de la nature de la cause on ne peut le dire autre. Ainsi, toutes deux n'existant pas en raison d'une transformation simultanée, elles ne sont pas réellement autres. Nous, Conséquentialistes, ne réfutons pas l'assertion conventionnelle d'une différence d'entité de la cause et de l'effet, mais affirmons qu'il est nécessaire de bien déterminer l'objet de négation. . \ ### \ 61 ac. Objection: De même que, comme on le voit, l'ascension et la descente des deux extrémités d'une balance \ Ne sont pas sans être simultanées, \ De même, la naissance de ce qui est à produire et la cessation de ce qui produit sont (simultanées). . OBJECTION DES TENANTS D'UNE PRODUCTION À PARTIR D'AUTRE CHOSE: II est inacceptable que la pousse et la graine n'existent pas simultanément. En effet, de même que par exemple, l'ascension et la descente des extrémités du fléau d'une balance ne sont pas sans avoir lieu en même temps, et que l'on voit qu'ils se produisent simultanément, les deux actions progressives de naissance de la pousse en voie de production et de cessation de la graine productrice ont lieu en même temps. Donc, graine et pousse sont simultanées, et comme elles sont autres, il n'y a pas de faute dans notre présentation. . \ ### \ 61 d. Réponse: Si (ces mouvements) ont lieu en même temps, ici il n'y a pas simultanéité. Ceci est inexistant. . \ ### \ 62. Si l'on accepte que ce qui approche de la production, parce que tendant à la naissance, est inexistant, \ Et que ce qui approche de la cessation, bien qu'existant, tend à la destruction, \ Alors, comment ceci est-il semblable à la balance? \ Cette production sans agent n'est pas non plus une entité admissible. . RÉPONSE: Même si l'on admet que les deux mouvements d'élévation et d'abaissement des extrémités du fléau de la balance ont lieu en même temps, le sens véritable de cet exemple ne s'applique en aucun cas à la graine et à la pousse dont l'existence et, par suite, les activités, ne sont pas simultanées. Ce qui se produit présentement, étant tourné vers la naissance, constitue le futur de la pousse, et ce qui approche de la cessation, bien qu'existant actuellement, tend à la destruction, c'est-à-dire que le moment durant lequel la pousse naît est le présent de la graine et le futur de la pousse; comment alors, la pousse et la graine seraient-elles semblables à l'exemple du fléau de la balance dont les deux extrémités existent dans le présent et dont les mouvements ascendant et descendant ont lieu en même temps? Si l'on admettait que les deux actions de la graine et de la pousse ont lieu en même temps, les deux phénomènes sans conteste seraient alors simultanés, mais tel n'est pas le cas. Certains pensent que la graine et la pousse ne sont pas simultanées mais que néanmoins leurs actions le sont. Ceci est inacceptable, car l'activité n'est pas distincte de la chose. En outre, la pousse productrice en relation avec l'action de naître, est à venir au moment où elle approche de la naissance et, de ce fait, n'existe pas. En son absence, l'action de production, n'ayant pas de point d'appui, n'est pas une entité admissible et ne peut donc avoir lieu au même moment que la cessation. Ainsi, la simultanéité des deux activités — cessation et naissance — est inacceptable. . OBJECTION: Lorsque le Discours du Plant de Riz déclare: . ~ «La pousse naît au moment même de la cessation de la graine à la façon dont s'élèvent et s'abaissent les extrémités (du fléau) d'une balance.» . n'utilise-t-il pas cet exemple pour démontrer la simultanéité de la pousse et de la graine? . RÉPONSE: Sans doute cet exemple est-il employé. Mais ce n'est pas pour enseigner la production par autre chose ou la naissance inhérente. Seule ici est réfutée une naissance établie par son entité propre et non la simple production de la pousse à partir de la graine. . OBJECTION: Si le Discours n'enseigne pas ainsi la simultanéité de la graine et de la pousse, quelle sorte de simultanéité enseigne-t-il donc? . RÉPONSE: Cette déclaration est faite pour mettre en lumière l'existence simultanée des deux activités en tant que productions dépendantes pareilles à la création d'un magicien, et tant qu'elles ne sont pas soumises à l'analyse. Nous ne réfutons pas, de manière générale, l'existence simultanée des deux actions, mais nions la possibilité de deux actions établies en raison de leur caractère propre. En fait, il est nécessaire que la cessation à venir de la cause et l'approche de la naissance de l'effet aient lieu en même temps, et il est tout à fait correct de présenter cela dans le contexte d'une naissance conventionnelle ou «simple naissance», mais une production en raison d'une nature propre ou ultime reste inacceptable. En effet, dans le premier cas bien que les activités de cessation de la cause et de naissance du résultat soient simultanées, cause et résultat n'ont pas besoin de l'être, tandis que dans le second les deux activités, comme la cause et le résultat, sont simultanées. L'action de production de l'effet devant avoir pour point d'appui la pousse productrice de ce qui est appelé naissance, il y a une relation de support à supporté. Si support et supporté existent ultimement ils sont autres en vérité, ce qui est inexact. Puisque à tout moment un support de l'activité est nécessaire, même lorsque la pousse approche de la naissance elle devrait exister en tant que support de l'activité de production et alors cause et effet seraient simultanés, ce qui est inacceptable. Or, dans la présentation d'une existence conventionnelle la relation de soutenant à soutenu a lieu une fois et n'a plus besoin de se répéter indéfiniment. L'action de naissance de la pousse simultanée à la graine est l'activité tournée vers la naissance de la pousse. D'une manière générale, cette action et la pousse entretiennent une relation de support à supporté, et même en l'absence de la pousse au moment de l'action, l'action existe. Par exemple, si un objet de relation est détruit, ce qui relie l'est aussi. Ici, l'objet de relation est la graine et ce qui relie, la pousse. De cette manière, la non-existence de la graine au moment de la pousse n'empêche pas la pousse. Gardons à l'esprit que nous réfutons une production inhérente et non conventionnelle. . L9: [321.163.511.122.112.2. Réfutation de la simultanéité de la cause et de l'effet] :L9 . \ ### \ 63. Si la conscience visuelle est autre relativement à ses producteurs simultanés, \ L'œil et la discrimination et le reste, qui naissent en même temps (qu'elle), \ Quelle est l'utilité de la naissance de ce qui existe? \ Vous dites qu'elle n'existe pas? \ Le défaut de cette (position) a été expliqué. . OBJECTION DES RÉALISTES: La graine et la pousse n'existant pas simultanément elles ne sont pas autres par leur nature propre et la production à partir d'autres est inadmissible. Mais quand cause et effet existent en même temps ils sont autres. Donc, il y a production à partir d'autres comme, par exemple, dans le cas de la conscience visuelle et des sensations qui lui sont simultanées. L'œil, la forme visible, les sensations et autres facteurs apparaissent en même temps et simultanément engendrent la conscience visuelle; de même, l'œil, l'objet et la conscience, juste au même instant, sont les conditions des sensations et le reste. . RÉPONSE: Si l'on soutient que les producteurs de la conscience visuelle, l'œil et la discrimination qui apparaît avec lui, sont simultanés à cette conscience et en sont les causes, alors elle a bien un caractère autre que la discrimination. Pourtant, comme il n'y a aucun avantage à naître pour ce qui existe déjà au moment de sa cause, il n'y a pas production. Si, souhaitant éviter la faute de la négation de la production, on objecte que l'effet n'existe pas au moment de la cause, on fera remarquer que le défaut d'absence d'altérité intrinsèque d'une cause antérieure et d'un effet ultérieur a été expliqué plus haut. . Ainsi est réfutée la position selon laquelle les circonstances, faculté visuelle, attitudes mentales et autres, sont simultanées au fruit: la conscience de l'œil. . L9: [321.163.511.122.113. Réfutation au moyen de l'analyse des quatre extrêmes en relation avec l'effet] :L9 . \ ### \ 64. Si les générateurs sont des causes engendrant des produits autres (qu'eux-mêmes, \ Il convient) d'examiner s'ils produisent un existant, un non-existant, ce qui est les deux ou ce qui n'est aucun. \ Si (l'effet) existe, quel besoin a-t-il d'un producteur? \ Que feront ces (causes) pour le non-existant? \ Que feront-elles pour ce qui est les deux? \ Pour ce qui n'est aucun? . Si les générateurs sont des causes produisant des choses étrangères, ces causes produisent-elles — dans le contexte d'une nature propre — un effet existant, non existant, à la fois existant et non existant ou privé à la fois d'existence et de non-existence? Si l'effet existe vraiment quel besoin a-t-il de causes productrices, car il n'est pas admissible qu'un existant réel déjà produit naisse à nouveau. Si l'effet n'existe pas, quel est le mode d'action à son égard de ces causes productrices? Il serait non existant comme les cornes d'un âne. Que peuvent faire ces causes pour un effet qui serait à la fois existant et non existant? Il est impossible qu'une chose possède à un moment cette double qualité. Une telle chose dotée de natures contraires n'existe pas. Comment agiraient ces causes pour produire un effet à la fois ni existant ni non existant? Un effet dénué d'existence et de non-existence ne se peut pas. . Voilà comment s'articule en quatre volets la discussion concernant l'impossibilité pour un phénomène d'exister naturellement, c'est-à-dire en soi. . L9: [321.163.511.122.12. Abandonner la contradiction du monde] :L9 L9: [321.163.511.122.121. Par l'assertion d'une production à partir d'autres reconnue dans le monde] :L9 L9: [321.163.511.122.121.1. Argument] :L9 . \ ### \ 65. Comme quiconque se reposant sur sa propre vue accepte la validité du monde, \ Que fera-t-on ici de l'expression d'un raisonnement? \ Comme le monde considère aussi qu'un autre naît à partir d'un autre, \ Quel besoin y a-t-il ici d'un raisonnement (démontrant) l'existence en raison d'autres? . OBJECTION: Si tous les arguments que nous avançons pour établir la production à partir d'autres sont entièrement consumés par le feu de votre intelligence, comme du bois sec arrosé d'huile, il n'est pas nécessaire d'apporter du combustible d'argument pour attiser ce feu. Et si vous objectez que sans l'enseigner par le raisonnement une production à partir d'autres n'est pas prouvée, nous dirons: ce qui est établi dans le monde n'a que faire de controverses, car la manière de voir du monde est dotée d'une grande force. Tous les mondains, qui se reposent uniquement sur leur vision, acceptent la validité de la vision commune et, de ce fait, sont revêtus d'un pouvoir particulier. Ils connaissent manifestement qu'un fruit autre naît d'une cause autre existant par son entité propre. C'est pour le non-manifeste qu'il faut présenter des preuves et pas pour le manifeste. Dans ce dernier cas il y a production en raison d'autres établie par une connaissance valide directe. Que fera-t-on ici d'un raisonnement démontrant son existence? Puisque les choses sont produites à partir d'autres, quel besoin a-t-on d'en établir la preuve? Voici ce que nous oppose notre adversaire. . RÉPONSE: Pour ceux qui ne comprennent pas correctement le sens des Écritures, qui adhèrent à la réalité des choses en raison des empreintes de la conception de leur réalité placées et mûries en eux au cours de ce cycle sans commencement, qui sont séparés de la méthode pour se libérer de cette erreur — l'écoute répétée du mode d'absence de nature propre — qui s'appuient sur les propos futiles du monde et sont incapables de s'en détourner sans qu'on leur expose le mode profane, pour ces personnes nous allons expliquer ce qui lui est contraire et ce qui ne l'est pas. Pour cela nous énoncerons en préliminaire l'enseignement sur la division en deux vérités afin de pouvoir prendre cette communication pour développer méthode et sagesse. Vous affirmez que notre position contredit la manière de percevoir du monde. Il convient donc d'expliquer les deux vérités, superficielle et profonde. . L9: [321.163.511.122.121.2. Réponse] :L9 L9: [321.163.511.122.121.21. Présentation générale des DEUX VÉRITÉS] :L9 . \ ### \ 66. Toutes les choses portent deux natures \ Découvertes par une vision juste et fausse: \ Cet objet quelconque qui est vu correctement est une aséité \ Et il a été dit que ce qui est vu faussement est une vérité relative. . Le Vainqueur transcendant, qui connaît exactement leur nature, a enseigné que toutes les choses internes — la conscience, etc. — et externes — une pousse, etc. — portent deux aspects: une entité de vérité relative et une de vérité ultime. Lorsqu'on divise une nature unique, comme une pousse, on voit qu'elle possède deux entités, relative et ultime. Mais l'enseignement en deux vérités d'une essence telle une pousse n'est pas défini en se plaçant du point de vue des êtres ordinaires ou des Supérieurs. De cette manière, puisqu'un phénomène — une base existante — sans entité n'est pas concevable, il ne peut être qu'un ou différent. Bien que la nature des choses soit acceptée ceci n'est pas contradictoire avec l'absence d'être en soi. La nature ultime d'un phénomène est cet objet spécifique de la sagesse des personnes qui ont la vision manifeste du sens juste. Cette sagesse n'est pas une quelconque intelligence des Supérieurs, mais l'obtention de celle pénétrant l'aséité. S'opposant à la conception d'une existence réelle elle n'est pas établie en soi. . La vérité relative est constituée par la force de la vision fausse des êtres ordinaires dont l'œil de l'intelligence est entièrement couvert par la pellicule de la cataracte de l'ignorance, force qui leur fait percevoir l'existence d'une nature propre. Ces ignorants acquiescent à l'apparence d'existence réelle des objets perçus, alors qu'ils sont dénués de cette manière d'être. Ainsi, s'il est bien dit que ce sont principalement les Supérieurs qui découvrent la vérité ultime, il n'est pas affirmé pour autant que les êtres ordinaires possédant la vue du Milieu ne la découvrent pas. Il est aussi déclaré que ce sont les êtres ordinaires qui perçoivent des vérités de surface. Il s'agit alors principalement d'une vision des choses intérieures et extérieures, bases de détermination du relatif, soumise à l'ignorance. Par contre, on n'affirme pas que les connaissances valides conventionnelles dans la série d'un Supérieur ne découvrent pas ces choses. Il est certain que ceux qui n'ont pas obtenu la vue du Milieu connaissent les bases de détermination de la vérité relative, mais la découverte par une connaissance valide que ces bases sont des vérités relatives ne peut se faire qu'après l'obtention de la vue du Milieu, car pour poser des conventions il est nécessaire d'établir leur fausseté, et ceci passe par la réfutation, au moyen d'une connaissance valide, de leur existence intrinsèque. L'expression «force de la vision fausse» signifie: les personnes ordinaires, bien que percevant des faussetés, n'ont pas besoin d'établir le caractère trompeur de ce qu'ils connaissent, de même que les spectateurs de chevaux et d'éléphants créés par magie n'ont pas à établir la fausseté de ces apparences. Par conséquent, l'objet découvert par une vision fausse l'établissant comme vérité relative est ce qui est connu par une conscience conventionnelle percevant des objets de connaissance trompeurs et faux. En résumé, ce qui est découvert par une conscience analytique qui perçoit, c'est-à-dire comprend, sa signification juste, est une aséité ou vérité ultime; et ce qui est découvert par une connaissance valide conventionnelle ayant une vision fausse des connaissables le Maître Shakyamuni l'a dit vérité relative. Il n'y a aucun objet de connaissance qui ne soit pas inclus dans la division en deux vérités. Toutes deux sont contradictoires et ce qui est l'une ne peut être l'autre. . En raison de sa manière d'apparaître la vacuité est l'objet parfait. Par elle on perçoit le vrai et le faux, on voit chaque phénomène qualifié par les deux vérités. Une conscience appréhendant la vacuité est ultime. Cette intelligence possède trois qualités: elle est suprême, car elle pénètre le plus haut mode d'existence des phénomènes; elle a un grand propos, car elle est le fruit de la combinaison du calme continu et de la vue pénétrante, une perception libre de dualisme qui est l'apanage des Supérieurs; enfin, elle est vraie, sa façon d'apparaître coïncidant avec sa façon d'exister. Vacuité et connaissance sont conjoints en une seule conscience. Certains disent qu'il est impossible de voir simultanément les deux vérités, mais ceci est démenti par les attributs d'un esprit omniscient (5). . \ ### \ 67. Ceux qui voient faux sont de deux sortes: \ De facultés claires et de facultés défectueuses. \ La connaissance de ceux aux facultés défectueuses \ Est tenue pour erronée par rapport à la connaissance de ceux dont les facultés sont excellentes. . Pour la vérité relative, non seulement les objets de connaissance sont divisés en deux espèces, mais les «possesseurs d'objets» ou connaissances de ceux qui voient faux sont également de deux sortes: corrects et erronés. . Ceux de facultés claires ont des organes qui ne sont pas affligés de causes favorisant les hallucinations temporaires et leur connaissance est stable, tandis que ceux de facultés défectueuses en sont affligés. La connaissance altérée de ces derniers est considérée comme erronée relativement à celle de ceux dont les facultés sont en bon état, connaissance qui appréhende correctement son objet. Cette distinction est valable pour les connaissances mondaines et non dans le système du Milieu. . \ ### \ 68. Ce que le monde considère \ Comme appréhendé par les six organes exempts de trouble \ Cela est uniquement vrai pour le monde. \ Le reste, dans le monde seul, est établi comme erroné. . Ce qui est compris par le monde comme un objet appréhendé par les consciences des six organes des sens exempts de troubles provoqués par des hallucinations est vrai, c'est-à-dire correct, uniquement pour le monde, mais non par les êtres nobles du système du Milieu pour lesquels ces objets ne sont ni vrais ni corrects. Le reste, les reflets, échos et autres mirages qui perturbent les organes sensoriels et apparaissent en tant qu'objets, seulement pour le monde, est établi comme fallacieux. La cataracte, la jaunisse, l'absorption de la plante dathura qui donne une coloration dorée à toute chose vue, sont des exemples de causes de troubles des organes sensoriels. L'eau, le miroir, le son émis dans une caverne, les rayons du soleil d'été sur le sable, en sont des causes externes produisant respectivement des reflets, des échos, des mirages. On comprendra de la même manière les charmes et les herbes utilisées par un magicien. . Ces deux causes, auxquelles s'ajoutent les systèmes doctrinaires erronés, les semblants de raisonnements et les nuisances du sommeil, tel le rêve — qui obscurcit —, sont aussi perturbatrices de l'organe mental. . Comme on l'a dit, ces objets relatifs appréhendés par les six consciences exemptes ou non de troubles sont vrais ou faux exclusivement par rapport à des consciences mondaines pour lesquelles ils existent tels qu'ils apparaissent; mais pour un Supérieur cette distinction n'a pas lieu d'être. En effet, de même que les reflets et autres n'existent pas tels qu'ils apparaissent, les choses qui semblent établies par leur caractère propre à ceux marqués par l'ignorance n'existent pas ainsi. Il n'y a donc pas à discriminer entre conscience erronée et correcte. . Ainsi, en la présence de troubles adventices frappant les organes sensoriels les objets apparaissent faussement, et en celle de troubles de la conscience mentale dus au sommeil des hommes, par exemple, des objets apparaissent en rêve et sont appréhendés comme réels. Bien que même une conscience mondaine ordinaire connaisse au réveil le caractère faux de la saisie de chevaux et d'éléphants dans une apparence de chevaux et d'éléphants illusoires et d'eau dans l'eau d'un mirage, comme elle ne comprend pas le caractère incorrect des objets conçus faussement en raison de l'existence de troubles causés à l'esprit par les mauvais systèmes, de quelle manière établira-t-on ce caractère erroné pour le monde? Nous n'expliquons pas ici la contradiction qui consiste en une conception innée, mais les fabrications des mauvaises doctrines comme les Samkhyas. La fausseté de leurs conceptions n'est pas connue des consciences mondaines ordinaires qui n'ont pas été au contact de ces philosophies, mais elle peut néanmoins être mise à jour par des connaissances valides conventionnelles non orientées vers l'aséité. Leur caractère erroné peut donc être perçu par une conscience ordinaire. Les objets appréhendés par les personnes affligées des conceptions innées d'un soi des personnes et des autres phénomènes, bien que vrais et corrects pour une conscience mondaine, n'existent pas même conventionnellement. . Les objets de la connaissance relative peuvent donc être vrais ou faux. L'auteur s'explique plus avant. . \ ### \ 69. Les conceptions imaginaires des Passeurs \ Troublés par le sommeil de l'ignorance — comme le soi — \ Et les illusions, mirages et autres imaginations, \ Sont inexistantes même pour le monde. . Les Passeurs — non bouddhistes — l'esprit troublé par le sommeil de l'ignorance, désirant s'élever au-dessus du monde et pénétrer l'aséité en déterminant correctement la naissance, la destruction, etc., connues par les vachers et autres personnes sans instruction, sont précipités dans le gouffre des vues mauvaises. Faute de percevoir les deux vérités, ils ne peuvent obtenir le fruit de la libération. Par conséquent, leurs conceptions, comme celles des trois qualités (gunas), d'un soi ou de la nature primordiale que l'on trouve dans les Écritures des Samkhyas, n'existent pas même du point de vue de la convention du monde. . Similairement, les illusions, mirages, reflets et autres imaginations prises respectivement pour des chevaux ou éléphants, de l'eau et des visages, ne sont pas non plus existantes pour la convention mondaine. Une existence relative doit nécessairement être établie par une connaissance valide. Bien que de tels objets d'appréhension n'existent d'aucune façon, il n'en est pas ainsi des objets d'apparence. Les formes, sons et le reste apparaissent comme vrais aux connaissances souillées par l'ignorance; pour ces consciences et celles auxquelles se manifestent reflets, échos et autres, il n'y a aucune différence quant au caractère erroné ou non des objets d'apparence. L'existence réelle et celle en tant que visage d'un reflet sont toutes deux impossibles; pourtant, de même qu'existé un reflet qui n'est pas un visage, des formes et autres phénomènes existent sans être établis par leur caractère propre. En outre, de même qu'existent des objets extérieurs, un reflet est accepté en tant que source pour la production d'une conscience visuelle. . L9: [321.163.511.122.121.22. Connexion avec la question présente] :L9 . \ ### \ 70. De même que la perception d'un regard affecté de trouble visuel \ N'infirme pas la connaissance non obscurcie, \ L'intelligence de ceux privés de la sagesse sans tache \ N'infirme par l'intelligence immaculée. . Comme une connaissance valide conventionnelle ne peut établir la signification de l'aséité, on ne peut réfuter une production à partir d'autres en se reposant seulement sur une vue mondaine. C'est en acceptant la vision de l'aséité par les Supérieurs que l'ultime est établi. Puisque cette négation d'une production en raison d'autres comporte la distinction «ultime» alors, de même que la perception de chute de cheveux par la connaissance de personnes dont le regard est affecté de troubles n'infirme pas celle, non altérée, de ceux que ces troubles visuels ne frappent pas et auxquels ces hallucinations ne se manifestent pas, de même, l'intelligence des personnes privées de la sagesse immaculée n'infirme pas l'intelligence immaculée de celles que l'ignorance n'imprègne pas. La réfutation d'une production à partir d'autre chose qui serait établie intrinsèquement n'empêche nullement le fait, qu'aux yeux du monde, une telle production existe. Donc, notre adversaire est voué à la risée des sages! . L9: [321.163.511.122.121.23. Explication de la nature de chacune des deux vérités] :L9 L9: [321.163.511.122.121.231. LA VÉRITÉ RELATIVE] :L9 . \ ### \ 7l. Parce qu'elle voile la nature (des choses) l'erreur est (nommée) «le relatif». \ En raison de cela ce qui, étant artificiel, apparaît comme vrai, \ Le Puissant l'a déclaré «vérité relative». \ Et la chose artificielle «le relatif». . L'erreur ou ignorance, voile, c'est-à-dire obscurcit, la vision de la nature des choses en leur attribuant une existence réelle dont elles sont dépourvues. Parce qu'elle surimpose un être en soi qui n'est pas dans la nature des phénomènes et est revêtue d'une entité qui la masque elle est «toute recouvrante». C'est une vérité dite «vérité relative»; elle est reconnue comme telle par ceux qui demeurent dans le relatif, mais n'est pas identifiée en général comme le relatif. . Le Discours de la Descente à Lanka dit: . ~ «La naissance relative des choses ~ Est sans nature propre au sens ultime. ~ Elle est acceptée comme relatif correct ~ Pour qui est halluciné quant à l'absence de nature ~ propre.» . Ce qui signifie que l'intelligence qui imagine faussement une nature propre est conventionnelle. Par cette conception d'une existence réelle les essences artificielles, privées d'être en soi, apparaissent vraies aux êtres. Étant réelles pour l'ignorance ce sont des vérités relatives. Pour les Fils des Vainqueurs qui ont mis fin à l'ignorance les Auditeurs et Réalisateurs solitaires Destructeurs de l'ennemi, pour ces trois types de saints guéris des conceptions pour lesquels le relatif n'est pas vrai, ces choses factices — les phénomènes relatifs — sont appelés «simple relatif». . Certaines productions dépendantes, tels les reflets ou échos, apparaissent comme fausses à ceux-là mêmes qui sont revêtus de l'ignorance; d'autres, telle la couleur bleue, la pensée ou les sensations, leur apparaissent comme vraies. Mais en aucune façon la nature qui est le mode d'être des phénomènes ne se manifeste aux ignorants. Donc, cette nature ainsi que tout ce qui est faux conventionnellement ne sont pas des vérités relatives. Pour cette raison les formes, sons et le reste sont vrais sous l'angle de l'ignorance mais ne sont pas établis par elle, de même que lorsqu'on appréhende un serpent dans une corde, la corde est un serpent pour la perception erronée mais cette perception n'établit pas l'aspect de la corde. Les six perceptions, visuelle, etc., non hallucinées établissent les formes et le reste, et ces objets existent bien conventionnellement sans être niés par un raisonnement. Par contre, les objets tels qu'ils sont appréhendés par l'ignorance n'existent pas même ainsi, car cette ignorance leur attribue un mode d'être qu'ils n'ont pas, même relativement. C'est pourquoi il est nécessaire, même par convention, de les réfuter au moyen d'un raisonnement, à défaut de quoi on ne pourrait prouver conventionnellement que les choses s'apparentent à des illusions. . Les Auditeurs et Réalisateurs solitaires Destructeurs de l'ennemi ainsi que les Héros pour l'éveil de la huitième terre et au-dessus, ayant abandonné l'ignorance revêtue des perturbations, perçoivent toutes les choses internes et externes en tant qu'apparences semblables à des reflets ou des échos, c'est-à-dire de simples conventions, productions dépendantes dépourvues de réalité et ayant la nature de fabrications. En effet, ces personnes ne conçoivent pas l'existence réelle des phénomènes. Elles établissent une absence d'être en soi mais non une absence de vérité relative. La distinction est capitale pour ne pas sombrer dans l'extrême d'annihilation. Les autres, ceux affectés de la conception innée d'une existence réelle, sont incapables d'établir cette absence d'être en soi. . L9: [Présentation extraordinaire des perturbations] :L9 . L'identification des perturbations par les Conséquentialistes diffère des présentations des Métaphysiques de Vasubandhu et de Asanga. La principale perturbation est la conception d'une existence réelle; elle a deux aspects: conception de l'existence réelle des personnes et des phénomènes (les agrégats). De cette double conception, qui constitue l'ignorance revêtue de perturbations, naissent le désir, l'aversion et le reste, lesquelles suscitent l'accumulation d'actions produisant l'errance dans le cycle. Ce processus est clairement décrit dans les Quatre Cents de Aryadeva et son commentaire par Chandrakirti, ainsi que dans les Soixante Stances de Raisonnement de Nagarjuna. Le mode d'apparence des choses, simples conventions, aux trois sortes de saints qui ont vaincu l'ignorance et celui qui se présente aux êtres ordinaires sont différents. Pour ces derniers, les choses sont réelles tandis que pour les premiers elles ne le sont pas. Toutefois, il faut remarquer qu'en raison de l'activité de l'ignorance caractérisée par le voile à l'omniscience — et en l'absence de l'ignorance associée aux perturbations — si le relatif n'apparaît pas aux saints qui se trouvent dans l'établissement méditatif sur la vacuité il se manifeste néanmoins à eux lorsqu'ils se trouvent dans la phase d'obtention subséquente. Car, selon les Conséquentialistes, ces trois Supérieurs ont extirpé les perturbations et leurs graines, qui forment le voile à la libération, mais ne se sont pas débarrassés de leurs empreintes ou traces, lesquelles constituent le voile à l'omniscience. . L9: [321.163.511.122.121.232. LA VÉRITÉ ULTIME] :L9 . \ ### \ 72. L'aséité c'est la vision par un regard pur \ Des natures fausses de cheveux, etc., \ Imaginées sous l'emprise d'une affection visuelle. \ Sachez qu'il en est de même ici. . Il est dit que la vérité ultime est indicible, qu'elle n'est pas un objet de connaissance et ne peut être enseignée directement. Aussi, afin d'éclaircir sa nature pour le profit de ceux qui souhaitent l'entendre on exposera un exemple connu par l'expérience des êtres ordinaires. . La personne qui ne souffre d'aucun trouble visuel montre à celle qui en est affligée que les cheveux qu'elle perçoit n'existent pas: la première n'appréhende pas les cheveux connus par la seconde et celle-ci, bien que ne percevant pas cette absence de cheveux n'est pas sans connaître leur inexistence. De même, ceux revêtus du trouble visuel semblable à l'ignorance ne connaissent pas l'absence de nature propre telle qu'elle est connue par les personnes à la vue saine qui pénètrent l'aséité, mais elles ne sont pas sans la comprendre. Donc, si la vérité ultime est inexprimable, l'intelligence des disciples qui suivent les Écritures et les enseignements n'est pourtant pas incapable de la cerner. La personne affligée d'une maladie des yeux voit des cheveux dans le plat qu'elle tient en main et, désirant les enlever, retourne le plat à plusieurs reprises. Lorsqu'un homme aux yeux sains s'approche et regarde à l'endroit où se trouve cette entité de cheveux il ne la perçoit pas et ne conçoit aucun phénomène ayant ce caractère. Ensuite, quand le malade déclare: «Je vois des cheveux», souhaitant écarter cette imagination l'homme à la vue pure, se plaçant du point de vue du malade, prononce une parole qui est une négation: «II n'y a pas de cheveux ici.» Ce faisant, il ne nie pas l'existence générale de cheveux. L'aséité des cheveux vus par le malade des yeux est ce que voit l'homme aux yeux sains et non pas ce que voit le malade. Sachez que ces deux exemples s'appliquent de même présentement. . La nature propre des agrégats, des bases de connaissance et des éléments que perçoivent ceux qui ne voient pas l'aséité en raison de l'affliction visuelle de l'ignorance c'est le relatif, comme l'homme aux yeux malades percevant des cheveux. La nature sous laquelle les Éveillés, délivrés du voile à l'omniscience constitué par les traces de l'ignorance, perçoivent ces phénomènes, c'est la vérité ultime, à la façon de l'homme aux yeux sains ne voyant pas de cheveux. . OBJECTION: Si, pareils à l'homme à la vision pure qui ne voit pas même la simple apparence de cheveux, les Éveillés ne perçoivent pas les agrégats et les autres conventions qui apparaissent aux esprits revêtus de l'ignorance, ces conventions seront inexistantes, car si elles existent les Éveillés devraient les percevoir. Dans le cas où elles n'existeraient pas il n'y aurait pas d'obtention du plein épanouissement, étant donné que les personnes qui développent initialement l'esprit d'éveil sont revêtues de l'ignorance. . RÉPONSE: II n'y a pas de faute, puisque le mode de connaissance des objets par la sagesse des Éveillés est double: connaissance de ceux qui sont de vérité ultime et de ceux qui sont de vérité relative. Concernant les premiers, les Éveillés ne connaissent pas d'apparences relatives dans les agrégats, mais l'aséité de ces agrégats. Concernant le second: puisque ce qui apparaît est nécessairement connu par les Éveillés, pour leur sagesse percevant le relatif les choses sont pénétrées selon un mode d'apparence du sujet et de l'objet, mais sans être entachées par les empreintes de la nescience, contrairement à ce qui se produit chez les ignorants. Les apparences ne sont pas sans exister et constituent obligatoirement des objets d'observation pour la sagesse du relatif d'un Éveillé. . Tant que les traces de l'hallucination d'une apparence duelle ne sont pas éliminées on ne peut produire les deux connaissances manifestes de l'ultime et du relatif en une seule entité. Tous deux sont nécessairement appréhendés séparément — le premier lors de l'établissement méditatif sur la vacuité et le second hors de cet établissement — car, ils ne sont pas perçus en un seul instant de sagesse. Mais lorsque les traces d'hallucinations ont été extirpées ces deux connaissances sont produites comme une seule entité à chaque instant de sagesse sans aucune apparence de dualité. C'est une qualité propre aux Éveillés de connaître manifestement et simultanément les deux vérités. . Nous venons de voir qu'il y a un caractère relativement juste, par exemple du sens de l'œil, et que la vision de la forme par les Eveillés — en tant que dépourvue de réalité — est une vérité ultime. . L9: [321.163.511.122.121.24. Réfutation de la contradiction par le monde] :L9 . \ ### \ 73. Si le monde fait autorité \ C'est que le monde voit l'aséité; \ A quoi servent les autres, les Supérieurs? à quoi sert la noble voie? \ Il ne convient pas que les sots fassent autorité. . \ ### \ 74 ab. D'aucune façon le monde n'est autorité \ Par conséquent, lorsqu'il est question de l'aséité il n'y a pas contradiction du monde. . On accuse les Conséquentialistes de contradiction lors de leur réfutation de la production à partir d'autres, à savoir que d'une cause réelle naîtrait un résultat réel. On leur dit qu'en réfutant une telle production ils nient du même coup les cognitions conventionnelles valides, or la production à partir d'autres est expérimentée par elles. Nous, Conséquentialistes, répondons qu'une conscience ordinaire ne peut pas voir la vacuité; sous ce rapport, elle est erronée. Par conséquent, la critique d'une production à partir d'autre chose n'équivaut pas au rejet des connaissances valides du monde relatif. Si, pour ce qui est de la réfutation du caractère inhérent d'une production à partir d'autre chose, dans l'intention d'expliquer la contradiction par le monde, la validité de sa vision dans l'examen de l'aséité est acceptée, alors les mondains perçoivent manifestement l'aséité et, en vertu de cette raison, il faut bien admettre qu'ils sont débarrassés de l'ignorance. Quelle est, dans ce cas, la nécessité des autres, les êtres nobles? A quoi sert de s'efforcer dans la voie? Mais, on l'a vu, la vision des sots — les êtres ordinaires — ne peut en aucun cas servir de norme en ce qui concerne l'examen de l'aséité. Une conscience ordinaire ne réalise pas la vacuité. Par conséquent, sur ce point la contradiction par le monde est impossible. . L9: [321.163.511.122.121.25. Mode de contradiction par le monde] :L9 . \ ### \ 74 cd. Il y a contradiction par le monde lorsqu'on nie une chose du monde \ Au moyen de ce qui est connu dans le monde. . Par exemple, une personne dit: «On m'a volé quelque chose», son interlocuteur lui demande: «Quelle chose?», le premier répondant: «Un vase», le second le réfute en disant: «Un vase n'est pas une chose car c'est l'objet d'une connaissance valide et semblable à un vase rêvé.» En ce qui concerne des objets de cette sorte il y a contradiction par le monde. Mais ce n'est pas ainsi lorsqu'un homme habile en l'ultime, s'appuyant sur la vision finale des Supérieurs, fait autorité et établit l'aséité. . L9: [321.163.511.122.122. Rejeter la contradiction par le monde en montrant que la production en raison d'autres est inexistante même en tant que convention mondaine] :L9 . \ ### \ 75, Le monde dit: «Ce fils a été engendré par moi», \ Et pense: «Un arbre a été planté (par moi») \ Alors qu'il n'a fait que donner la semence. \ Par conséquent, même d'après le monde la production à partir d'autres n'existe pas . Étant donné qu'une production à partir d'autres n'existe pas même selon la vision du monde, quand on se place du point de vue du monde pour réfuter la production à partir d'autres la connaissance conventionnelle mondaine ne nous contredit pas. Désignant uniquement ce qui est issu de l'organe mâle les mondains disent: «Ce fils a été engendré par moi». Pourtant, ce n'est pas que le fils ait été projeté hors du corps du père et introduit dans le sein de la mère, mais bien seulement que la semence du père, cause du corps du fils, a été placée dans la matrice. Puisque le père projette son fils en versant la cause de son corps, il s'ensuit que la semence et le fils ne peuvent être tenus pour intrinsèquement autres: ceci est clairement, attesté par le monde. Ainsi, la semence et le fils, la graine et la pousse d'orge, comme les autres choses, ne sont pas conçues dans le monde comme des productions à partir d'autres. Si on les considérait autres par leur nature propre, pas plus que d'une personne étrangère, le père ne pourrait désigner l'enfant en disant: «II a été engendré par moi». Le raisonnement s'applique aussi à la pensée: «J'ai planté un arbre», alors que l'on n'a fait qu'en mettre la graine en terre. Les semences de l'arbre et du fils ne sont ni l'arbre ni le fils mais elles le deviennent en se développant; par suite il est possible d'affirmer: «Ceci a été engendré par moi», en désignant les résultats. De même, on parle d'un malade en se référant à quelqu'un blessé à la main quoique la main ne soit pas la personne. . Ainsi, bien qu'une production à partir d'autres n'existe pas dans la convention mondaine on ne peut réfuter la production à partir d'autres selon la vision du monde. En effet, la négation de l'altérité d'essence inhérente de la cause et du fruit est attestée par le raisonnement qui examine l'aséité. Il faut comprendre qu'une production à partir d'autres établis réellement est le sens de l'assertion d'une production en raison d'autres soutenue par les philosophes, et non pas une simple existence en tant qu'entités autres, car le monde n'est pas sans établir ceci. Quel est le sens de la séquence: «Une production à partir d'autres n'existe pas dans le monde»? Ce n'est pas seulement l'absence d'altérité en soi des causes et effets que sont graines et pousses. Car il faut savoir que même en pratique il n'y a pas de production à partir d'autre chose. Nous acceptons le conventionnel en vertu d'une simple «relativité» mais pas du tout selon l'assertion des quatre hypothèses: production à partir de soi, d'autres, des deux ou sans causes. Affirmer que le système de Chandrakirti admet conventionnellement une production à partir d'autres révèle qu'on ne l'a pas compris. . L9: [321.163.511.122.13. Vertus de la réfutation] :L9 . \ ### \ 76. Puisque la pousse n'est pas autre que la graine \ Au moment de la pousse la graine n'est pas détruite; \ Puisqu'elles ne sont pas identiques \ Au moment de la pousse on ne peut dire que la graine existe. . Quel est le mode d'explication de l'absence d'existence en soi des choses? Celui qui vise à montrer les vertus consistant à éviter les extrêmes de permanence et d'annihilation en se plaçant du point de vue exclusif de la production dépendante. Si la pousse était réellement autre que la graine il ne pourrait y avoir entre elles aucune relation de cause à effet, car sans aucun doute lors de l'existence de la pousse le continuum de la graine serait tranché. Graine et pousse n'étant plus reliées, même en présence de la pousse il serait inutile que le continuum de la graine se poursuive, car l'inexistence du buffle à la mort du taureau n'est d'aucun profit concernant la fin du continuum du taureau, et l'existence des êtres ordinaires ne fait pas que les Supérieurs n'ont pas tranché pour eux-mêmes la continuité du cycle. . Puisque la pousse n'est pas véritablement autre que la graine et que toutes deux ne sont pas contradictoires en tant que cause et effet, au moment de l'existence de la pousse le continuum de la graine est brisé. Ainsi, l'extrême d'annihilation est abandonné. Parce qu'on a exposé de nombreuses fois qu'au moment de la pousse la graine est anéantie, l'expression «la graine est détruite» signifie: le continuum de la graine est anéanti. . Puisque la graine et la pousse ne sont pas identiques la graine ne se change pas en pousse, et au moment de la pousse nous acceptons la destruction de la graine. Par conséquent, comme on ne peut dire que la graine existe au moment de la pousse nous réfutons aussi l'extrême de permanence. . Le Déploiement des Jeux dit: . ~ S'il y a graine, de même (il y a ) pousse, ~ Mais ce qui est la graine, la pousse ne l'est pas; ~ Elle n'est ni autre ni non (autre). ~ Ainsi, la nature des choses n'est ni permanence ni ~ annihilation. . OBJECTION: La graine et la pousse existent également. Mais il ne convient pas que la pousse, qui a la graine pour cause, soit, en naissant, autre qu'elle. . RÉPONSE: La graine et la pousse ont-elles une seule nature? Bien que la pousse ne naisse pas d'une graine autre, la graine ne se change pas en pousse, car celle-ci n'est ni intrinsèquement autre que la graine ni intrinsèquement identique à elle. Ces deux thèses se trouvant niées, il est clair que la nature de la pousse et celle de toute chose est éloignée de la permanence comme de l'annihilation. Et le même Discours ajoute: . ~ Les formations ont pour cause l'ignorance; ~ Ces formations n'existent pas en réalité; ~ Formations et ignorance sont vides ~ Et par nature sans mouvement. . Le premier vers expose la raison: les formations apparaissent en dépendance de l'ignorance. Le deuxième présente la thèse: elles n'existent pas en réalité. Le troisième montre que cause et effet sont tous deux vides, et le quatrième, leur mode de vacuité. «Mouvement» signifie effectuer, et «sans» que les formations sont vides d'être des formations. . En outre, le Traité (XVIII, 10) dit: . ~ Ce qui naît en dépendance d'une chose ~ N'est pas identique à cette chose, ~ Et n'est pas non plus autre qu'elle. ~ Par conséquent, il n'y a ni permanence ni annihilation. . L9: [321.163.511.122.14. Enseignement sur l'absence totale de production en soi] :L9 . \ ### \ 77. Si le caractère propre était dépendant \ En le niant les essences périraient \ Et la vacuité serait cause de leur destruction. \ Ceci est irrationnel. Donc, les essences n'existent pas. . Si le caractère propre, la nature établie par leur entité propre des formes sensations et autres, est produit en dépendance de causes et conditions, alors, lorsque le méditant connaît manifestement la vacuité d'existence véritable des choses il connaîtra la vacuité en niant leur nature, et les phénomènes ne seront plus des objets d'observation de l'établissement méditatif. N'étant plus des objets d'observation elles deviendront inexistantes. Dans ce cas, elles existeraient antérieurement à l'établissement méditatif et seraient détruites postérieurement à lui. Ainsi, de même que le marteau est cause de la destruction de la cruche, la vision de la vacuité serait cause de la destruction de la nature des choses et de leur négation. Comme ceci est inadmissible, il n'y a pas d'existence inhérente des essences. . Les Autonomes, qui acceptent une production établie en soi, maintiennent que cette position ne les conduit pas à postuler une existence réelle. Selon eux, quand les formes et autres existent par leur caractère propre il n'est pas nécessaire qu'elles soient des objets d'observation de la vision directe de l'aséité. Ceci est une vue prônant une existence réelle et ce n'est pas de cette manière que ces philosophes pourront abandonner les méprises. . Le Discours Amas de Joyaux dit: . ~ «Ô Kashyapa, en outre, le chemin du milieu consiste en l'investigation individuelle correcte des phénomènes: ce n'est pas la vacuité qui rend les phénomènes vides, mais les phénomènes eux-mêmes sont vides.» . Et de même pour l'absence de caractères, la non-naissance, non-production, etc. Si la nature des phénomènes était établie en soi, comme ils ne seraient pas vides d'existence objective on contredirait la déclaration du Discours, à savoir: «les phénomènes sont vides». Sans réfuter une existence en soi il faudrait montrer que les phénomènes sont vides d'autre chose et ici encore ce serait contraire au même texte qui affirme: «la vacuité ne rend pas les phénomènes vides», car lorsqu'on analyse leur nature selon le chemin du Milieu on voit qu'ils sont vides d'être en soi. . Ce Discours réfute aussi la vue des Idéalistes pour lesquels le dépendant n'a pas pour nature une vacuité d'être en soi mais une vacuité qui est une absence d'altérité de sujet et d'objet. L'Éveillé ajoute plus loin que celui qui prend la vacuité pour une chose réelle est pareil à un malade auquel son médecin a administré un remède qui l'a guéri; hélas, une fois le mal anéanti le médicament demeure dans son corps, provoquant de nouvelles affections. Dans le même courant de pensée Nagarjuna affirme (XIII. 8): . ~ «Le Vainqueur a dit que la vacuité ~ Est l'extirpation de toutes les vues ~ Et a déclaré incurables ~ Ceux pour qui la vacuité est une vue.» . Certains disent: «Le vase n'est pas vide d'être un vase, mais vide de réalité: ceci est une vacuité d'autre; tandis que: le vase est vide d'être un vase est une vacuité de soi.» Ceci est absolument irrecevable. En effet, si le vase est vide de vase il faudra alors que le vase soit non-vase; dans ce cas, si une chose elle-même est inexistante elle le sera pour tout le monde et le vase sera totalement inexistant! Comme cette conséquence s'applique à l'ensemble des autres phénomènes les tenants de cette thèse seront également inexistants et toute présentation «vide de ceci» ou «vide de cela» deviendra manifestement impossible! . L'auteur explique à présent que les phénomènes dénués d'être en soi n'en sont pas moins établis au plan de la vérité de surface. . \ ### \ 78. Parce que lorsqu'on examine ces choses \ On ne trouve pas une entité autre \ Que celle revêtue de l'entité de l'aséité, \ II ne faut pas analyser la vérité conventionnelle du \ monde. . OBJECTION: Puisqu'il n'y a pas de production ultime, admettons la négation à partir de soi-même et d'autre. Mais les formes ou les sensations sont des objets d'observation des connaissances valides directe et d'inférence, et il n'est pas douteux que leur nature naît d'un autre. Si vous n'admettez pas cela, pourquoi alors parler de deux vérités et non d'une seule? Donc, il y a production en raison d'autre chose. . RÉPONSE: Cette assertion de l'absence de production ultime et d'une production conventionnelle à partir d'autres est propre à certains Autonomes. Leur position, selon laquelle il n'y aura qu'une vérité si l'on n'admet pas, au plan relatif, une production véritable à partir d'autres signifie qu'en l'absence d'une telle production il n'y aurait pas de relatif correct et que les vérités de surface étant impossibles, il n'y aurait pas de vérités ultimes. Cela est vrai: ultimement il n'y a pas deux vérités, car il est dit dans le Samyutta Nikaya (6), un cycle du Petit Véhicule: . ~ Ô moines, ceci est l'unique vérité ultime, ~ A savoir, l'au-delà des peines qui ne trompe pas. ~ Toutes les formations sont fausses et trompeuses. . Ici, vérité signifie non-trompeur, et seule une vérité non trompeuse est vraie. Du point de vue de la vision de l'aséité il n'y a pas deux vérités, ultime et relative, mais une seule, l'ultime. Pour la sagesse qui perçoit l'ultime la vérité relative n'existe pas, car cette sagesse connaît son caractère trompeur. . En bref, si les phénomènes existaient réellement les formations ne seraient pas des choses trompeuses et fausses, et puisqu'il n'y aurait pas de vérité relative il n'y aurait pas deux vérités. Mais, pour les tenants d'une absence d'existence en raison d'un caractère propre les deux vérités existent. . QUESTION: Le texte cité ci-dessus déclare que seul ce qui est au-delà des peines est vrai et que les autres formations sont fausses. Mais, si les formations n'existent pas véritablement, l'ultime n'est-il pas réellement établi? . RÉPONSE: Le Discours dit que la vérité de l'au-delà des peines est une chose non trompeuse et non une vérité établie réellement. . Le Commentaire aux «Soixante Stances de Raisonnement» (de Nagarjuna) par Chandrakirti, nous apprend: . ~ Comme les formations qui apparaissent faussement et trompent les enfants, ainsi apparaît l'au-delà des peines ultime; mais, n'étant pas trompeur c'est la vérité de l'au-delà des peines, et il est expliqué que les autres (choses) sont dites non vraies. Par conséquent, il faut admettre sans aucun doute que la double division en vrai et non vrai signifie non-trompeur et trompeur. . Ce texte déclare donc que le terme de la douleur est une vérité relative car c'est aux yeux du relatif que son existence est établie comme vérité ultime. Mais il n'est pas accepté comme conventionnellement vrai. . Ainsi, puisque la vérité relative est le moyen d'entrer dans la vérité ultime, sans examiner la production par soi-même et par d'autres, on l'admet en conformité avec la convention du monde et les Tenants du Milieu l'acceptent aussi. Lorsqu'on examine les formes, sensations et le reste en se demandant si ces choses naissent d'elles-mêmes, naissent d'autres et diverses questions du même ordre, en dehors d'une non-naissance et non-destruction ultimes on ne trouve pas une existence distincte de celle revêtue de l'aséité. Par conséquent, les vérités conventionnelles du monde telles que la naissance en raison de soi-même ou d'autres ne sont pas à analyser, et l'on acceptera simplement la vision du monde selon laquelle «cela étant ceci naît». . Aryadeva nous explique dans ses Quatre Cents (194): . ~ De même qu'on ne peut faire comprendre (quelque chose) à un étranger ~ En se servant d'une autre langue (que la sienne), ~ Le monde ne peut être instruit ~ Par autre (chose) que ce qui est mondain. . Et le Traité déclare (XIV, 10): . ~ Sans s'appuyer sur la convention ~ Le sens ultime n'est pas réalisé. ~ Sans réaliser le sens ultime . L'au-delà des peines n'est pas obtenu. Il est très important de distinguer l'examen qui est un mode d'investigation de l'aséité. Selon nous, Conséquentialistes, dans ce qu'on appelle production de la pousse on ne se contentera pas d'une désignation conventionnelle mais, après avoir recherché si l'objet désigné est né de soi-même ou d'autres, il faudra établir ce qu'est l'investigation de son aséité. Par conséquent, il faut bien savoir que ceci est entièrement différent des examens selon la pratique mondaine de la provenance ou de la destination des phénomènes et autres questions du même genre. Les Autonomes ne considèrent pas ceci comme une investigation de l'aséité. Pour eux, cette dernière consiste en l'analyse visant à déterminer si l'existence des choses est établie en raison de leur apparence à une conscience ordinaire correcte ou indépendamment de cette apparence. Ainsi, étant donné que la reconnaissance de l'objet de réfutation est dissemblable selon les deux écoles du Milieu, la frontière de ce qui est et n'est pas une investigation de l'aséité est double. Il faut pourtant avoir en pensée qu'en analysant les conventions au moyen d'un raisonnement qui examine l'ultime on perdra de vue toutes les vérités pratiques du monde. . OBJECTION: Trancher toute adhésion à la réalité des phénomènes est cause de la libération des liens et de l'éveil, tandis qu'adhérer à la vérité de surface est cause des liens et de la souffrance. N'est-il pas nécessaire que cette adhésion naisse de quelque substance ou essence établie en soi? . RÉPONSE: Ce ne sont que des mots. Pourquoi? . \ ### \ 79. Les mêmes raisons qui, pour l'aséité \ (Démontrent) qu'une production à partir de soi-même ou d'autres est inacceptable, \ (Prouvent) qu'elle est également inadmissible conventionnellement. \ De ce fait, par quelle (connaissance valide) votre production sera-t-elle établie? . Les raisons exposées auparavant à l'occasion de l'examen de l'aséité qui démontrent qu'une production des formes et autres à partir de soi-même ou d'autres est inacceptable, ces mêmes raisons prouvent qu'une telle production est également inadmissible conventionnellement. Par quelle connaissance valide votre production en raison d'une nature propre sera-t-elle établie? Une production véritable est inexistante, que ce soit au point de vue de la vérité de surface ou de la vérité profonde. C'est ce qu'on doit accepter. . La production réfutée en tant que production, même conventionnelle, par le raisonnement qui examine l'aséité est une production «substantielle», c'est-à-dire existant par son caractère propre, sa nature propre, son entité propre, et non une simple production. On a déjà dit qu'une analyse ultime ne s'applique pas au sens conventionnel. Si le raisonnement qui examine l'aséité ne réfutait pas conventionnellement une existence intrinsèque, il ne nierait pas non plus une production ultime, car la seule existence intrinsèque est une existence réelle et que l'on utilise ou non le terme «conventionnel» ne fait aucune différence. . OBJECTION: Si du point de vue des deux vérités il n'y a pas de production véritable, les formes et les autres phénomènes seront inexistants; étant inexistants ce ne seront plus des objets d'observation pour les diverses consciences du monde, et dans ce cas, même les cornes d'un lièvre pourraient apparaître à ces dernières. . RÉPONSE: . \ ### \ 80. Les choses vides, reflets et autres, \ Dépendantes d'une collection, ne sont pas sans être connues. \ De même qu'à partir de reflets vides \ Des connaissances sont produites (ayant) leurs aspects, . \ ### \ 81 ab. Bien que toutes les choses soient vides \ Elles naissent de vacuités. . Les choses vides, c'est-à-dire fausses — reflets, échos et autres — naissent en dépendance d'une collection de causes et conditions, à savoir respectivement: un miroir, un visage, une grotte, et ne sont pas sans être connues dans le monde. De même qu'à partir de ces reflets vides des connaissances visuelles, etc., dotées de leurs aspects sont produites — de reflets faux naissent des consciences revêtues d'aspects faux — bien que toutes les essences soient vides d'existence vraie, à partir de causes vides naissent des effets vides. Il est dit ici qu'une conscience visuelle est produite qui connaît le reflet sur la base du reflet. Celui-ci, étant une chose composée et une essence autre que la conscience, est un objet extérieur. De plus, étant la condition en qualité d'objet d'observation de la connaissance visuelle, c'est une base de perception de formes. Il faut savoir qu'il en est de même pour les autres phénomènes, mirages ou échos. Ainsi, les cheveux, une double lune et autres, qui apparaissent aux consciences sensorielles erronées, sont semblables à l'existence inhérente apparaissant aux cinq consciences sensorielles correctes, en ce que des cheveux etc., se manifestent aux premières quoique ne pouvant exister, tout comme une existence en soi, également impossible, se manifeste aux secondes. . L9: [321.163.511.122.15. Enseignement sur les vertus de la réfutation d'une production en soi selon les deux vérités] :L9 L9: [321.163.511.122.151. Qualité d'abandonner aisément les vues de permanence et d'annihilation] :L9 . \ ### \ 81 cd. Comme même au point de vue des deux vérités il n'y a pas de nature propre, \ Les (formes, etc.) ne sont ni permanentes ni annihilées. . Puisque les choses, semblables à des reflets, sont vides d'existence intrinsèque, elles n'existent pas réellement du point de vue des deux vérités, ultime et relative, et les formes, sensations et le reste ne sont ni éternelles ni anéanties en raison de leur nature propre. «Annihilées» signifie qu'au moment de la pousse la graine est détruite. . Le Traité déclare (XXI, 14): . ~ Quand on admet l'existence des essences ~ Les vues de permanence et d'annihilation s'ensuivent ~ nécessairement ~ Car les essences ~ Seront éternelles ou transitoires. . Et (XVII, 31/33): . ~ De même que le Maître, ~ Grâce à son pouvoir surnaturel parfait, ~ Créé un être factice, et cet être factice créé, ~ En crée un autre, ~ De même, l'agent est semblable (au premier) ~ Et l'action accomplie par lui ~ Est comme l'acte du (second) être factice ~ Créé par (le premier) être factice. ~ Les perturbations, les actions, les corps, ~ Les agents, les effets ~ Sont analogues à une ville de musiciens célestes, ~ A un mirage, à un rêve. . Ainsi est démontrée la production de choses sans nature propre à partir d'autres choses sans nature propre. Par l'établissement d'agents et d'actions privés d'être en soi la vue d'annihilation est écartée. Comme sans réfuter conventionnellement une existence intrinsèque le non-soi très subtil ne sera pas réalisé, et comme les tendances aux vues d'éternalisme et d'annihilation seront fort difficiles à éviter, il y a grand profit à nier conventionnellement l'objet de réfutation. On peut alors aisément se garder de la chute dans ces vues, tant par rapport à l'ultime qu'au relatif, et les abandonner. . L9: [321.163.511.122.152. Qualité d'extrême validité de la relation de causalité] :L9 . \ ### \ 82. Puisque (l'acte) ne meurt pas en raison de sa nature propre \ II s'ensuit que, même sans base de tout, le (fruit) peut (apparaître). \ Par conséquent, sachez que, chez certains, \ Un effet correct naît même après que l'action ait péri depuis longtemps. . Ainsi, comme il n'y a pas de nature propre du point de vue des deux vérités, non seulement on laisse au loin les vues de permanence et d'annihilation, mais la relation des actions avec leurs effets — même quand celles-ci ont péri depuis longtemps — est valide sans qu'il soit nécessaire de concevoir, comme le font d'autres écoles bouddhiques, une conscience base de tout où se place le pouvoir de l'acte mort, le continuum de l'esprit parfumé par les traces des actions, «ce qui ne se perd pas» (7), et l'obtention (8). Sur la base du système hors du commun de Nagarjuna selon lequel tous les agents et actes sont établis dans le contexte d'une absence d'être en soi de la moindre particule, des essentiels exclusifs aux Tenants du Milieu Conséquentialistes sont énoncés, dont voici les principaux: -- 1) Le refus d'une conscience base de tout d'une nature autre que les six groupes de connaissance; -- 2) Un système de réfutation extraordinaire de la conscience qui se connaît soi-même; -- 3) Le refus d'accepter que la vue de l'aséité puisse être produite en le continuum d'un contradicteur par l'emploi de syllogismes autonomes; -- 4) La nécessité d'admettre les objets extérieurs dès l'instant que la conscience est acceptée; -- 5) La présence chez les Auditeurs et Réalisateurs solitaires de la perception de l'absence d'être en soi des choses; -- 6) L'assertion que la conception d'un soi des phénomènes est une perturbation; -- 7) L'assertion que la destruction est une chose composée (car causée); -- 8) Un mode de présentation spécifique des trois temps. Les docteurs tibétains ont mis en lumière ces essentiels qui ont pour source le Traité de Nagarjuna, mais ne sont pas explicitement détaillés dans ce texte ni dans ses commentaires indiens. . Les deux premiers points et le quatrième sont expliqués plus loin (st. 88 et suiv.), dans le cadre de la réfutation du système de l'Esprit Seul. Le troisième est développé dans la Grande Exposition des Étapes de la Voie de Tsongkhapa (9). Les quatre particularités: rejets de la conscience se connaissant soi-même et des syllogismes autonomes et assertions d'objets extérieurs et de la perception de l'absence de nature propre chez les Auditeurs et Réalisateurs solitaires, ont leur source dans le refus d'admettre une existence intrinsèque. Concernant le cinquième point, Buddhapalita, citant le Canon des Auditeurs dans lequel il est dit: «Tous les phénomènes sont dépourvus de soi», explique que le soi inexistant dont il est question est un soi établi par son entité propre. La réalisation parfaite des caractères du non-soi de la personne doit nécessairement être la pénétration de son inexistence en soi. Et la connaissance de ce non-soi tel qu'il est passe par celle du non-soi des phénomènes. Puisqu'il en est ainsi il faut considérer la saisie d'un soi des phénomènes comme une perturbation. . Considérons les deux derniers points: . 7) La destruction: Selon les Idéalistes et les Autonomes lorsqu'une chose telle une pousse est détruite, l'ensemble de ses parties l'est aussi; comme aucun phénomène, vase ou autre, n'atteint alors son entité, la destruction ne saurait être une chose existante. En effet, aucun élément ne pourrait lui servir de base. Dans ces systèmes, lorsque l'objet désigné est recherché, il doit nécessairement être trouvé et établi. Pour nous, Conséquentialistes, ce n'est pas ainsi: Bien qu'on ne puisse établir la destruction après recherche, elle n'en est pas moins acceptée comme un existant. . Le Discours sur les Dix Terres explique: . ~ Le vieillissement et la mort surviennent en raison de la naissance. Un être mort est nécessairement établi sur sa destruction. . Et, . ~ La mort est posée comme une double activité: celle du composant de destruction et celle de la complète inconnaissance, la cause dont le continuum est ininterrompu. La mort est produite par une cause et par la mort s'élève l'ignorance. Donc, il faut bien que ce qui est causé et a la capacité de produire un résultat soit accepté comme un phénomène existant. . 8) Les trois temps: Prenons à nouveau l'exemple d'une pousse: son passé est la destruction de la pousse au second instant suivant sa production en raison de causes et conditions; son futur est l'absence de certaines conditions favorisant son apparition et ce en dépit de la présence de ses causes productrices; son présent est la non-cessation de la pousse après sa production. Par conséquent, le passé n'est pas simplement l'opposé du présent mais un aspect de sa destruction ou cessation. Pour ce qui est du futur, c'est la non-apparition, même lorsque ses causes existent, d'un état particulier. Cette présentation s'accorde avec celles des . Tenants des Discours et des écoles supérieures. Toutefois, les Autonomes et les écoles inférieures soutiennent que passé et futur sont des non-existants et des négatifs directs ou non affirmatifs, tandis que les Conséquentialistes affirment que les trois temps sont des existants, passé et futur étant des négatifs affirmatifs. L'expression «destruction de la pousse» indique à la fois la fin de sa non-destruction et sa cessation, dépendante de la pousse. L'expression «futur de la pousse» renvoie à la fois à la fin de ce qui est advenu et aux conditions de production de la pousse future, encore incomplètes. Futur et passé de la pousse sont établis, respectivement, sous l'angle d'une non-production et d'une destruction de phénomènes autres qu'elle-même. Le passé atteint son entité à partir de la destruction d'un autre phénomène, le futur à partir de la non-production d'un autre phénomène, tandis que le présent est ce qui est produit et n'a pas cessé. Les trois temps sont contradictoires, mais ce fait ne s'oppose pas à ce qu'ils soient mutuellement dépendants. . Il y a deux modes d'identification des perturbations: grossier et subtil; deux modes d'assertion selon lesquels la seule voie de l'impermanence et des autres caractéristiques des quatre nobles vérités est, ou n'est pas, libératrice; et de nombreuses particularités au sujet de la limite à partir de laquelle le voile à l'omniscience est abandonné. Les écoles des Tenants du Milieu s'accordent sur la possibilité d'entrer initialement dans le Grand Véhicule et, après avoir déterminé la vue de l'aséité, de tomber dans celui des Auditeurs et Réalisateurs solitaires. Elles acceptent aussi que par la méditation de telles personnes perçoivent directement, puis se familiarisent avec le non-soi des phénomènes; qu'au moyen de cette voie elles abandonnent l'aspect imaginé de la conception d'un soi des phénomènes à partir du sentier de vision et son aspect inné à partir du sentier de méditation. Les Tenants du Milieu concevant l'existence inhérente des choses n'accepteraient-ils pas une saisie d'un soi des phénomènes revêtue de perturbations et une autre qui en serait libre? Ceci n'est pas expliqué clairement. Il faut toutefois admettre qu'en cultivant ainsi la voie des Auditeurs et Réalisateurs solitaires ils abandonnent bien la saisie manifeste d'un soi des phénomènes mais, le support d'une accumulation sans limites des collections de mérite et sagesse leur faisant défaut, ils ne peuvent éliminer aucun des germes des deux croyances subtile et grossière, dans un soi des phénomènes. Et même si les Auditeurs et Réalisateurs solitaires se débarrassent temporairement de l'aspect manifeste du voile à l'omniscience, il leur est impossible d'en extirper les germes. . D'après la pensée de Chandrakirti la conception d'un soi des phénomènes étant une perturbation, l'abandon de ses germes n'a pas besoin d'être associé à l'accumulation sans limites des collections. Mais la purification du voile à l'omniscience constitué par les empreintes erronées d'une apparence duelle ne peut se faire sans elle. De quelle manière, pour les tenants d'une absence d'existence réelle des essences, la relation de cause à effet est-elle valide, même sans admettre la conscience base de tout et les autres supports des empreintes des actions? . Toutes nos écoles proclament que, même après longtemps, à partir d'actions vertueuses et non vertueuses naissent des fruits de bonheur et souffrance. A ce sujet, si l'action demeure jusqu'à son fruit elle sera permanente, et comme ce qui est permanent ne peut fonctionner, la relation de cause à effet sera impossible. Et si l'action est détruite au second instant suivant son accomplissement elle sera inexistante jusqu'avant l'apparition du fruit. Comment l'effet pourrait-il naître de l'acte puisque l'acte étant détruit, n'est pas une essence? Au second moment suivant son accomplissement l'action cesse. Se fondant sur le fait qu'à l'instant précédant la cessation le pouvoir de l'acte va être déposé, d'aucuns ont imaginé — en tant que réceptacle reliant les actions et leurs fruits — une conscience base de tout, «ce qui ne se perd pas» — une entité semblable à l'écriture sur un registre de dettes où sont inscrites les actions — ou encore, ce qui est nommé «obtention des deux actions», ces deux derniers étant des facteurs de composition dissociés de l'esprit et des mentaux; d'autres enfin que le continuum de la conscience est marqué par les empreintes' des actions. De cette manière, bien que les actions aient cessé il n'est pas contradictoire que longtemps après leurs effets soient ressentis. Les actions laissent sur la conscience base de tout des empreintes qui sont leurs effets puis, par l'intermédiaire d'une série de même nature, naissent finalement des fruits issus de la série des effets de l'action première. Cette explication s'applique également aux trois autres présentations. La première formulation est propre à certains Idéalistes, les deuxième et troisième à certains Particularistes et la quatrième, étant en accord avec le neuvième chapitre du Commentaire au Trésor de Métaphysique, est similaire aux assertions des Tenants des Discours et Particularistes du Kashmir. Selon les Conséquentialistes les actions ne naissent pas d'elles-mêmes; puisqu'elles ne périssent pas non plus en raison de leur nature propre, à partir de cette non-cessation par nature propre la naissance de fruits n'est pas contradictoire. Il s'ensuit que, même sans admettre la conscience base de tout et les autres hypothèses, comme les effets ont la capacité de naître des actions, sachez que dans le continuum de certains êtres, en dépit de la cessation des deux types d'actions — vertueuses et non vertueuses — depuis de nombreux éons, des fruits corrects apparaissent sans qu'il y ait confusion dans la relation de cause à effet. . Le Traité dit (XVII, 21): . ~ Puisque l'action est sans production ~ Ainsi elle est sans nature propre; ~ Parce qu'elle est non née ~ Pour cette raison elle ne se perd pas. . Ici «se perdre» signifie «périr» ou «cesser». Puisque l'action n'existe pas par sa nature propre elle ne se produit pas elle-même. Donc, puisqu'il est impossible qu'elle cesse par sa nature propre, en concevant une telle forme d'existence, considérer qu'après son accomplissement l'action cesse ne permet pas de formuler «ce qui ne se perd pas» et les autres présentations. Il n'y a pas de cessation ou destruction établie vraiment mais seulement par le pouvoir de la convention. . \ ### \ 83. Chez le stupide, même réveillé, naît le désir \ Pour les objets d'observation perçus en rêve. \ De même, il y a des fruits \ A partir d'actions détruites et sans nature propre. . Expliquons par un exemple ce qui vient d'être dit, à savoir que des fruits naissent à partir d'actions détruites. Chez l'individu stupide, même réveillé, naît un ardent désir pour les objets d'observation — telle une belle femme — rencontrés en rêve, objets qui pourtant sont présentement détruits et inexistants. De même, il y a naissance de fruits à partir d'actions détruites et inexistantes. . Le Discours Transfert dans le Cycle dit: . ~ O grand roi, c'est ainsi: par exemple, un homme endormi rêve qu'il a des rapports avec la belle de l'endroit; et réveillé de son sommeil après elle il soupire. Qu'en penses-tu, Ô grand roi? Est-il d'une nature sage cet homme qui, ayant rêvé qu'il a des rapports avec la belle de l'endroit pense à elle après s'être réveillé de son sommeil? . ~ — Non pas, Ô Vainqueur transcendant; et pourquoi cela? O Vainqueur transcendant, si la belle du rêve ni n'existe ni n'est un objet d'observation, comment un rapport aurait-il lieu avec elle? Et pourtant, cet homme est las et affligé. . ~ — De même, Ô grand roi, l'enfant, l'individu ordinaire, l'ignorant percevant les formes avec les yeux adhère aux formes agréables; y adhérant il produit l'attachement; s'étant attaché il accomplit par le corps, la parole et l'esprit des actes nés de l'attachement, nés de l'aversion, nés de l'erreur. Ces actes ayant été accomplis périssent et, ayant péri ils ne se tiennent pas à l'est, ni à l'ouest, ni au nord ni au sud, ni dans aucune des directions intermédiaires. . L'ignorant est celui qui n'a pas la compréhension de l'aséité; adhérence signifie conception d'une réalité; les actes nés de l'attachement sont triples: vertueux, non vertueux et à la fois vertueux et non vertueux; les actes nés de l'aversion sont non vertueux et ceux issus de l'erreur vertueux et non-vertueux. Conventionnellement, l'accomplissement des actes est immédiatement suivi de leur destruction. . Le Discours poursuit: . ~ Puis, à un moment indéterminé quand approche l'heure de la mort et que s'épuisent l'acte introducteur à cette vie et les agrégats lui correspondant, lors de la cessation de la dernière conscience, c'est ainsi: l'esprit se tourne vers ces actes tout comme, dans l'exemple, l'homme qui s'éveille du sommeil (se remémore) la belle de l'endroit. . L'action qui établit cette vie s'épuise et, de même que dès son réveil la belle du rêve se présente à l'esprit de l'homme, au moment de la mort, quand cesse la dernière conscience de cette vie, l'esprit se tourne vers les actions dont le pouvoir de fructification pour la vie suivante s'éveille. . ~ Ainsi, la dernière conscience cesse et la première conscience incluse dans la (nouvelle) naissance naît soit parmi les dieux soit parmi les humains, les dieux jaloux, les animaux, les êtres des enfers, soit parmi les esprits affamés. . Dans le Discours la relation de causalité entre la mort et la naissance est établie sans tenir compte du passage dans l'état intermédiaire qui les sépare. . ~ Puis, immédiatement après la cessation de cette première conscience se développe une série consciente de même ordre qu'elle dans laquelle sera expérimentée manifestement la fructification (des actions anciennes). Ô grand roi, il n'y a rien qui passe de ce monde à l'autre monde, et pourtant la mort, le passage et la naissance sont manifestes. Ô grand roi, la cessation de la dernière conscience est appelée «mort et passage» et l'apparition de la première conscience est appelée «naissance». Ô grand roi, quand la dernière conscience est détruite elle ne va nulle part, et quand apparaît la première conscience faisant partie de la (nouvelle) naissance elle ne vient de nulle part. Et pourquoi cela? Parce qu'elles sont dénuées de nature propre. Ô grand roi, la dernière conscience est vide de dernière conscience; la mort et le passage sont vides de mort et de passage; les actions sont vides d'actions; la première conscience est vide de première conscience; la naissance est vide de naissance. Mais les actions manifestement ne se perdent pas. . OBJECTION: Si vous soutenez qu'il y a fructification en raison de l'absence de destruction par nature propre de ce qui n'est pas né par nature propre, il y aura une nouvelle maturation à partir d'une maturation déjà terminée, et nous nous trouvons devant la faute d'un processus se répétant à l'infini. . RÉPONSE: . \ ### \ 84. De même qu'un objet, bien que semblable au non existant \ Est perçu sous l'aspect de cheveux par la personne affectée de troubles visuels \ Et non sous l'aspect d'une autre chose, \ Sachez qu'après fructification il n'y a pas de nouvelle fructification. . De même qu'un objet chimérique est perçu sous l'aspect de cheveux et autres par l'œil affecté de troubles, et non sous l'aspect d'une autre chose comme le fils d'une femme stérile ou la corne d'un âne, de même, sachez que les actes semblables à l'inexistant en raison d'une nature propre fructifient à partir d'une non-fructification et ne prennent pas effet une nouvelle fois après avoir porté un résultat. Cet exemple montre non seulement que les effets des actions sont établis avec certitude, mais détermine aussi clairement les effets plaisants et déplaisants des actions vertueuses et non vertueuses. . \ ### \ 85. Par conséquent, on constate que l'acte noir a une fructification mauvaise \ Et la vertu une fructification bonne. \ L'intelligent pour lequel vertu et non-vertu n'existent pas sera délivré. \ (Le Vainqueur) a défendu l'investigation de la causalité. . Il est définitif que l'oeil affecté de troubles perçoit des cheveux et ne perçoit pas la corne d'un âne; par conséquent, une fructification plaisante ne naît pas de la non-vertu et une fructification déplaisante de la vertu. On constate que la maturation mauvaise, c'est-à-dire déplaisante, provient d'actions noires et la maturation bonne, c'est-à-dire plaisante, de la vertu. L'homme intelligent pour lequel les actes vertueux et non vertueux n'existent pas — dont la réalisation ne l'oriente pas vers la saisie d'une existence réelle — sera délivré du cycle. C'est pourquoi le Vainqueur transcendant, pensant que les êtres ordinaires qui examineront les caractéristiques des actes en vue de déterminer leurs effets avec finesse en arriveront à détruire le relatif par la négation de la causalité, a déclaré que la maturation des actes est inconcevable. Il a interdit la spéculation relative à l'acte et au fruit en raison du caractère extrêmement caché de leur fonctionnement. . OBJECTION: Si l'on est capable de présenter ainsi la relation de cause à effet même en l'absence de la conscience base de tout, alors cette conscience qui est définie dans la Descente à Lanka, l'Explication de l'Intention Cachée, la Métaphysique du Grand Véhicule et d'autres Discours comme le fondement particulier de la capacité de tous les phénomènes, la semence universelle, la cause de la production de toutes les choses intérieures et extérieures ainsi que l'océan l'est des vagues, n'existerait d'aucune façon? Serions-nous en contradiction avec les textes. . RÉPONSE: Pas du tout. Car l'existence de la conscience base de tout a bien été enseignée en ces termes. Mais il faut savoir que, dans notre système, c'est une déclaration intentionnelle liée aux besoins des disciples. En fait, l'Éveillé a employé le terme conscience base de tout exclusivement en vue de les introduire à la nature des choses: une vacuité qui est un vide d'existence réelle. Non seulement il a enseigné par nécessité l'existence de cette conscience mais aussi l'existence substantielle de la personne afin de gagner les individus à discipliner, comme dans cette déclaration: . ~ Ô moines, les cinq agrégats sont le fardeau; ~ Le porteur du fardeau c'est la personne. . présentant l'existence d'une personne porteuse des agrégats. S'il est vrai que l'affirmation d'une personne auto-suffisante, à l'existence substantielle n'est pas explicite telle est néanmoins sa signification. A certains il a enseigné que la personne est les seuls agrégats non substantiels; pour d'autres il a dit: . ~ Ce qu'on appelle esprit, ce qu'on appelle mental, ou ce qu'on appelle conscience, lorsqu'il s'est longtemps pénétré de confiance, d'éthique, etc., s'élève ultérieurement et arrive aux états fortunés. . Tout ceci a été formulé intentionnellement. Dans quel but? C'est ce qu'expliqué la stance: . \ ### \ 86. Une base de tout existe, la personne existe, \ Seuls les agrégats existent: \ Cet enseignement est pour ceux qui ne comprennent pas \ Le sens très profond. . La conscience base de tout existe, la personne existe substantiellement, seuls les agrégats existent réellement: ceci a été énoncé pour les disciples qui ne comprendraient pas le sens profond expliqué plus haut. Certains, en raison d'une accoutumance prolongée avec les vues des non bouddhistes, sont incapables de pénétrer la nature des choses. Si elle leur était exposée, effrayés dès l'abord, considérant la Loi de l'Éveillé comme un abîme, ils s'en détourneraient et n'en obtiendraient aucun profit. Mais — sans que leur soit révélé la doctrine profonde — rejetant les philosophies non bouddhistes en commençant par s'appliquer aux enseignements sur la conscience base de tout ou de la réalité des agrégats, ultérieurement ils comprendront correctement le sens des Écritures et, d'eux-mêmes, abandonneront la saisie de l'existence réelle de la conscience base de tout, des agrégats et de la personne. Il n'y a donc que des bienfaits et aucun inconvénient à la révélation de ces doctrines non ultimes. . Comme le dit Aryadeva dans ses Quatre Cents (110): . ~ II faut d'abord faire pour chacun ~ Ce qui lui est agréable; ~ (Car), qui est découragé ~ Ne sera jamais un récepteur pour la sainte Loi. . \ ### \ 87. Quoique libre de la vue d'une collection destructible \ L'Éveillé enseigne le je et mien; \ De même, les essences sont sans nature propre, \ Mais, en tant que sens indirect, il enseigne leur existence. . En vue d'introduire les disciples à l'ultime l'Éveillé enseigne la conscience base de tout et autres doctrines. Mais aussi, bien qu'ayant abandonné toutes les conceptions de je et mien et étant ainsi exempt de la vue du transitoire et de ses empreintes, comme les expressions je et mien sont des moyens pour être compris par le monde, l'Éveillé les enseigne. Similairement, les choses sont sans nature propre, et ses déclarations relatives à une existence réelle, de sens indirect à interpréter, sont une méthode pour introduire progressivement le monde à l'aséité. Les Stances selon les Montagnards de l'Est — une école de la Grande Assemblée — montrent de quelle manière l'Éveillé se conforme au monde: . ~ Si les Guides du monde ~ Ne se conformaient pas au monde ~ Personne ne connaîtrait l'Éveillé ~ Ni quelle est la nature de l'Éveillé. . ~ Il déclare que les agrégats, les éléments ~ Et les bases de connaissance ont une nature unique ~ Et montre les trois domaines. ~ C'est se conformer au monde. . ~ II désigne aux êtres ~ Par des noms inconcevables ~ Les phénomènes sans nom. ~ C'est se conformer au monde. . ~ II enseigne qu'il n'y a pas de réalité ~ Et, par la résidence en la nature (des choses) ~ L'Éveillé (montre) qu'il n'y a là aucune absence de réalité. ~ C'est se conformer au monde. . ~ Bien qu'il ne voit ni objets ni non-objets ~ Le Meilleur des Orateurs ~ Révèle la cessation et le sens ultime. ~ C'est se conformer au monde. . ~ Sans destruction, sans production, ~ Pareil à la sphère de la Loi (est le monde); ~ Pourtant, il enseigne la période de feu. ~ C'est se conformer au monde. . ~ Dans aucun des trois temps ~ La nature propre des êtres n'est appréhendée; ~ Pourtant, il enseigne le plan des êtres. ~ C'est se conformer au monde. . La période de feu se réfère à la formation, maintien et destruction de l'univers à la fin d'un âge cosmique. La dernière stance montre le non-soi de la personne, une absence d'existence réelle des êtres, et les autres le non-soi des phénomènes, une absence d'existence réelle des produits et non-produits. Cet extrait indique clairement que l'absence de nature propre est également enseignée dans le Canon des Auditeurs. . L9: [321.163.511.122.2. Réfutation spécifique du SYSTÈME IDÉALISTE] :L9 L9: [321.163.511.122.21. Réfutation de l'existence inhérente d'une conscience sans objets extérieurs] :L9 L9: [321.163.511.122.211. Assertion des Idéalistes] :L9 . \ ### \ 88. En l'absence de connu il ne perçoit pas de connaissant \ Et réalise que les trois mondes ne sont que conscience. \ Le Héros pour l'éveil résidant en la sagesse \ Comprend que l'aséité est simple conscience. . Les adeptes de cette tradition du Grand Véhicule sont connus sous diverses appellations: Tenants de la Seule Pensée ou Esprit Seul (Chittamatrin), Tenants de l'Union Intérieure (Yogacharin) par la mise en œuvre d'une dynamique spirituelle; Tenants de la Connaissance ou Conscience (Vijnanavadin, Vijnaptivadin). Par commodité on se réfère aussi à ce système et à ses partisans par les termes «Idéalisme» et «Idéalistes»(10). Incapables de tolérer l'enseignement des Tenants du Milieu les défenseurs de l'Esprit Seul établissent un système qui ne reflète que leurs propres conceptions et ne correspond pas à la pensée du Vainqueur. Afin de l'écarter nous allons en exposer l'essentiel. . Le Héros pour l'éveil de la sixième terre qui est établi en la perfection de sagesse supérieure, méditant au moyen de raisonnements, perçoit correctement l'aséité sans surimposer une différence de substance entre connaissant et connu. . Il réalise l'aséité en tant que simple conscience. Étant donné l'inexistence de formes extérieures il comprend que l'esprit et les facteurs mentaux ne sont que de simples phénomènes interdépendants sans objets extérieurs. Comment le Héros pour l'éveil connaît-il l'ultime? Par le raisonnement expliquant l'apparition des formes, etc., à partir de la maturation des empreintes intérieures. Il la pénètre, la voit et la réalise avec justesse sans surimposer une distinction entre connaissant et connu. Ce réalisateur comprend l'aséité et les trois mondes comme simple conscience ou connaissance. Puisqu'il n'y a pas de formes il connaît que l'esprit et les facteurs mentaux ne sont que des «choses sans plus» produites en dépendance. Il est dit pour cette raison qu'il perçoit la nature des phénomènes en tant que conscience seule. Ayant réalisé le sens de la phrase «les trois mondes ne sont que conscience», l'ayant longuement méditée, il connaît la réalité ultime vide de dualité et voit manifestement par sa connaissance directe la «simple chose», nature vide de dualité, indicible en tant qu'aséité. . QUESTION: Si les choses ne sont que conscience, alors, en l'absence d'objets extérieurs, comment le seul esprit revêtu de leurs aspects est-il produit? . RÉPONSE: . \ ### \ 89. De même que, sous l'impulsion du vent, \ Du grand océan sont produites les vagues, \ De cette semence universelle qu'on appelle base de tout \ Est produite, en vertu de son pouvoir propre, la seule conscience. . De même que lorsque le vent agite le grand océan support des vagues celles-ci, qui étaient sans mouvement et comme endormies, se précipitent de toute part, de même — en vertu d'une capacité en harmonie avec elle-même — à la suite de la maturation des empreintes placées sur cette semence de la totalité des choses intérieures et extérieures qu'on appelle base de tout, naît une simple connaissance, phénomène dépendant impur. Les sots imaginent à ce propos des objets extérieurs, distincts de la substance de la conscience, et un sujet intérieur. . Tout comme ceux qui affirment qu'Ishvara, etc., sont les causes et les créateurs de tous les êtres et du monde, les partisans de la conscience base de tout disent, qu'étant le réceptacle de la totalité des choses, elle est toute semence. Mais, tandis qu'Ishvara est permanent, la conscience base de tout est impermanente. Telle est la différence. Par conséquent, ceux qui depuis de nombreuses existences sont accoutumés aux vues non bouddhistes sont soumis grâce à l'enseignement sur la base de tout. . \ ### \ 90. Par conséquent, l'entité du dépendant \ Est la cause de l'existence nominale des choses. \ Il apparaît en l'absence d'objets extérieurs. \ Il existe. Son existence réelle n'est l'objet d'aucune pensée discursive. . Puisque cette exégèse des Écritures est reconnue il faut sans aucun doute admettre que les entités dépendantes existent par leur nature propre, car elles sont la base ou cause à la fois du réseau des conceptions de connaissants et connus établis en tant que substances distinctes et de l'existence nominale de ces phénomènes. . De même que l'hallucination «serpent» a pour cause la corde et ne se produit pas sans elle, et que l'hallucination «cruche» dépend de la terre et ne se produit pas dans un espace abstrait hors de cette terre, de même, ici aussi, puisqu'il n'y a pas d'objet extérieur, par quoi pourront être conditionnées les conceptions fausses d'objets extérieurs tels le bleu? Par conséquent, on doit accepter que le dépendant impur de l'apparence en tant que substances différentes de l'objet et du sujet est la cause des idées fausses d'extériorité, car cette base d'apparence est à la fois cause des perturbations et de la libération. Par conséquent, «voir correctement qu'une chose est vide de ce qui ne s'y trouve pas, connaître parfaitement, tel que cela est, l'existence réelle de ce qui reste là de cette chose, c'est pénétrer sans faute la vacuité.» Ce type de connaissance est une excellente appréhension du sens de la vacuité. . Le dépendant apparaît uniquement à partir de ses propres empreintes en l'absence d'objets extérieurs. Il existe par sa nature propre. Son existence réelle est inaccessible à toute conception ou parole car les expressions d'intériorité et d'extériorité se saisissent d'un aspect sans analyse directe. En résumé, le dépendant a trois caractéristiques: il se produit sans objet extérieur, existe par sa nature propre et, en vérité, n'est pas l'objet de la pensée discursive. Cette cause de l'existence nominale, étant incluse dans les choses existant réellement, n'est pas distincte de ces trois caractéristiques. Ceci termine l'affirmation des Idéalistes. Dans cette école, le mode d'établissement des phénomènes dépendants est très profond. Comme il est dit que ces phénomènes n'appartiennent pas au domaine de la pensée discursive ni à celui des sens, ils signifient l'inexprimable, c'est-à-dire la vacuité. . L9: [321.163.511.122.212. Réfutation détaillée] :L9 L9: [321.163.511.122.212.1. Réfuter les exemples destinés à prouver l'existence en soi d'une conscience sans objets extérieurs] :L9 . \ ### \ 91. L'esprit (existerait) en l'absence d'objet extérieur; \ Dans quel exemple? Comme dans un rêve. \ Ceci est à examiner puisque, d'après moi, \ Dans le rêve l'esprit aussi n'existe pas, votre exemple n'en est pas un. . OBJECTION: Vous, Idéalistes, qui affirmez l'absence d'objet extérieur, étayez par un exemple que nous analyserons votre assertion de l'existence d'un esprit établi pardon caractère propre. . RÉPONSE: Une personne endormie dans une très petite chambre rêve d'un troupeau d'éléphants sauvages l'envahissant. Mais cette horde n'a jamais existé. Ainsi que dans le rêve, admettons l'existence réelle de la conscience en l'absence d'objet extérieur. . Ceci est sans valeur pour Chandrakirti. Dans notre système conséquentialiste un esprit établi en soi et revêtu de l'aspect du troupeau d'éléphant n'existe pas, tout comme son objet, car il n'est pas né. Il n'y a pas de base commune à la discussion; la conscience n'existant pas réellement nous n'acceptons pas votre exemple, et il n'y a pas conscience sans objet extérieur. Les éléphants qui apparaissent dans le rêve n'existent pas, mais on n'enseigne pas que la conscience possesseur d'objet soit également inexistante. Il faut admettre l'inexistence d'une conscience réelle. Les Idéalistes soutiennent que le dépendant est dépourvu d'objet extérieur car, selon eux, il est établi par sa nature propre. Mais s'il n'y a pas objet de connaissance on n'aura pas non plus de conscience, c'est-à-dire qu'une conscience revêtue de l'aspect des connaissables n'est pas produite en soi (voir 7l cd). A l'occasion de toute critique il convient de caractériser clairement l'objet de réfutation. Certains maintiennent que nous, Tenants du Milieu, rejetons les conventions. Il nous faudrait dire que les formes, connaissances, et le reste sont inexistants, ce que nous ne faisons nullement. Les conventions existent. C'est seulement leur existence réelle qui est entièrement imaginée. . OBJECTION: Si, lors du rêve, il n'y avait pas de conscience erronée on ne se souviendrait pas, au réveil, de l'expérience du rêve. . RÉPONSE: . \ ### \ 92. Si l'esprit existe en vertu du souvenir du rêve au réveil \ II en sera de même de l'objet extérieur. \ Tout comme vous vous souvenez: «j'ai vu», \ II y a aussi existence de cet objet. . Cet argument selon lequel en l'absence d'une conscience établie par son entité propre il n'y a absolument pas de conscience n'est pas valable. Si, au réveil, de la mémoire de l'expérience du rêve on déduit l'existence réelle de l'esprit onirique, les éléphants du rêve et autres objets apparaissant extérieurement existeront, tout comme cet esprit. Pourquoi? L'existence de l'esprit résulte de celle du souvenir du possesseur d'objet qui se rappelle: «J'ai vu ceci en rêve»; pareillement, l'existence des objets perçus en rêve provient de celle du souvenir de ces objets. Ou alors il faut admettre que la conscience n'existe pas! Dans notre système aussi la mémoire de l'objet du rêve et du possesseur d'objet existe. Par exemple, dans la perception du reflet du visage dans un miroir la conscience visuelle à laquelle apparaît le reflet n'expérimente pas son objet — le visage — mais celui-ci est connu en dépendance du reflet. De même, lorsque dans le rêve apparaissent des éléphants, l'expérience d'éléphants ne se produit pas, par contre celle des objets d'apparence a bien lieu. Et quoique l'on parle de mémoire de l'objet il n'y a pas, en fait, de mémoire de l'expérience de l'objet. En conséquence, on ne peut poser l'existence par son caractère propre d'un dépendant vide d'objet extérieur, car l'exemple n'est pas probant. En effet, il faut opérer la distinction entre l'orientation de la conscience vers un objet et l'expérience elle-même de cet objet. . \ ### \ 93. Objection: Dans le sommeil la connaissance visuelle étant impossible (la forme extérieure) n'existe pas. \ Seul existe la connaissance mentale. \ Et, de même que, dans le rêve, son aspect est saisi comme extérieur, \ Ainsi en est-il ici. . OBJECTION DES IDÉALISTES: Si les formes des éléphants et autres existaient dans le rêve, la conscience visuelle qui les appréhende existerait aussi; or, ceci est incorrect. Dans la confusion du sommeil la connaissance visuelle est impossible et les éléphants ne sont pas des objets d'appréhension de la base de la connaissance visuelle (l'œil). Seule existe la connaissance mentale. Par conséquent, la seule absence de la base de connaissance de formes extérieures n'empêche pas l'adhésion à l'extériorité de la simple apparence de l'aspect à la connaissance mentale. Et de même que, dans le rêve, en l'absence d'objet extérieur la conscience seule se produit, on acceptera cela également au moment du réveil. . RÉPONSE: Par l'exemple du rêve vous pensez établir une conscience sans objet extérieur au moment du réveil. Mais ceci n'est pas, car dans le rêve la conscience mentale ne peut se produire. En l'absence de la base de connaissance de la forme, comme en rêve une conscience mentale établie par sa nature propre est impossible, il ne convient pas de réunir dans l'exemple une absence d'objet extérieur et une existence réelle de la conscience. . \ ### \ 94. De même que, pour vous, dans le rêve l'objet extérieur n'est pas produit, \ L'esprit non plus ne l'est pas. \ L'œil, l'objet de l'œil et la conscience engendrée par eux \ Sont tous trois également faux. . Si, selon vous, l'objet extérieur n'est pas produit dans le rêve, la conscience mentale n'est pas non plus produite par sa nature propre. Par conséquent, lorsqu'au réveil on voit la forme, l'œil, la forme et le mental sont tous trois conjoints, comme lors de la conception d'un objet en rêve. Tous trois constituent des objets d'observation de l'intelligence. Dans le rêve l'œil et son objet, la forme, sont inexistants; comme l'esprit engendré par ces deux — la conscience visuelle — l'est pareillement, l'œil, la forme et le mental onirique sont tous trois mensongers. . \ ### \ 95. Les triades restantes également, oreille et la suite, ne sont pas produites. \ De même qu'en rêve, ici aussi (à l'état de) veille. \ Les essences sont fausses, l'esprit n'existe pas; \ Les objets de jouissance ainsi que les facultés sont inexistants. . Le mot «et la suite» c'est-à-dire le son et la conscience auditive jusqu'à la faculté mentale, le domaine des événements mentaux et la conscience mentale. Les quatre, depuis la faculté auditive jusqu'à la faculté tactile, les quatre bases de connaissance, depuis le son jusqu'au contact, et les quatre consciences de l'oreille, du goût, du nez et du toucher, comme dans l'explication relative à l'œil, son objet et la conscience, sont inexistants en rêve; leurs aspects seuls se manifestant, ils sont trompeurs. Les trois propres à la conscience, bien qu'existant dans le rêve, ne sont pas établis par leur nature propre; ils apparaissent mais sont faux. Puisque dans le rêve aucun des trois — objet, faculté et conscience — n'est vrai, en démontrant la non-réalité du rêve nous établissons celle des autres phénomènes. De ce fait, l'absence de nature propre de toutes les choses au réveil est également prouvée. De même que l'objet, la faculté et la conscience onirique sont faux, ici aussi, au réveil, les choses sont fausses et l'esprit est dénué de nature propre. Pareillement, les objets de jouissance des facultés — formes, sons et le reste — sont inexistants, et les facultés elles-mêmes ne sont pas produites en réalité. . Le Roi des Recueillements dit: . ~ Tels les objets d'observation que sont des êtres magiques, ~ Qui apparaissent mais, en réalité ne sont pas vrais, ~ Tels sont, Celui Allé-en-la-joie l'a montré, ~ Les phénomènes semblables à une magie, semblables à un rêve. . Et, . ~ Les destinées de l'existence sont pareilles à un rêve: ~ Personne ne naît ou ne meurt; ~ On ne trouve ni être, ni homme, ni vie. ~ Ces phénomènes sont comme l'écume et le bananier. . Le tronc du bananier est sans consistance, formé de couches peu épaisses. On n'y trouve pas de cœur. Ainsi, dans ce Discours et de nombreux autres l'exemple du rêve est employé pour expliquer l'absence de réalité de tous les phénomènes y compris la conscience, ce que les Tenants du Milieu ont compris, tandis que les Idéalistes se fourvoient. . \ ### \ 96. De même qu'ici pour le réveillé, \ Aussi longtemps qu'il n'est pas réveillé la triade existe pour lui, \ Et quand il s'est éveillé elle n'existe pas, \ De même en est-il pour le réveil du sommeil de l'erreur. . Dans ce monde, en présence du sommeil de l'ignorance cette triade — non produite en soi et qui constitue un objet d'observation pour la personne rêvant un rêve — existe pour l'homme éveillé du sommeil ordinaire; de même, pour ceux qui ne sont pas éveillés, aussi longtemps qu'ils sont immergés dans le sommeil l'objet, la faculté et la conscience existent tous trois. Mais, après l'éveil cette triade du rêve devient inexistante. Ainsi de la jeune fille qui, en rêve, donne naissance à un enfant. Au réveil celui-ci n'est pas là. Similairement, pour les Éveillés qui perçoivent manifestement le plan de la Loi, qui ont totalement expulsé le sommeil de l'ignorance, cette triade n'existe pas, et n'existe pas non plus la conscience sans objet extérieur. Pour qui perçoit l'ultime les trois n'apparaissent pas et, bien qu'ils n'apparaissent pas non plus au possesseur d'objet qui perçoit le conventionnel sans être sous l'influence des empreintes de l'ignorance, les apparences se manifestant aux consciences des êtres qui y sont soumis deviennent évidentes aux Éveillés et ceux-ci les connaissent. Pour les Tenants du Milieu et les Idéalistes les significations diffèrent puisqu'elles sont utilisées dans le but de démontrer des thèses distinctes. Les premiers veulent prouver une absence d'être en soi alors que les seconds désirent mettre en évidence l'absence d'objet extérieur. . OBJECTION: Celui affecté de troubles visuels perçoit des cheveux inexistants donc, même en l'absence d'objets extérieurs la conscience existe par sa nature propre. . \ ### \ 97. Relativement à la connaissance de celui qui, \ Par la force de la maladie, perçoit des cheveux, \ La conscience et l'organe atteint sont tous deux vrais. \ Mais pour une vision claire de l'objet tous deux sont faux. . Si, pour la personne affectée de troubles visuels, naît une conscience établie par sa nature propre pourvue de l'aspect de cheveux en l'absence d'objet de connaissance alors, chez celui exempt de tels troubles une conscience de cheveux sera aussi produite lorsqu'il portera son regard à l'endroit où le malade les a vus, car il y a pareillement absence d'objet pour l'un et l'autre. Dans ce cas cette conscience ne dépendrait pas des troubles visuels et sa production ne serait liée à aucune condition. Comme pour la personne au regard sain une prise de conscience de cheveux n'apparaît pas, il n'existe pas de conscience établie par sa nature propre et sans objet extérieur. . Du point de vue de la personne dont la faculté visuelle est affectée de troubles et qui, en vertu de cela, perçoit des cheveux, la conscience visuelle et l'aspect de cheveux existent tous deux. Mais, pour celle dont le regard est sain l'apparence de cheveux comme la conscience qui les connaît sont faux, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas produits. Car il est difficile d'établir une conscience en l'absence d'un simple objet d'apparence. . \ ### \ 98. Si la conscience existe en l'absence de connaissable, \ Celui exempt de troubles visuels portant son regard en direction de ces cheveux \ Devrait aussi avoir la conscience de cheveux. \ Comme ce n'est pas ainsi, elle n'existe pas. . L'assertion d'une nature propre implique nécessairement des inconséquences quand il s'agit d'établir les relations entre les phénomènes. Car chaque chose existant indépendamment rien ne peut fonctionner: objet connu et sujet connaissant, pousse et graine, passé, présent et futur, le cycle et la transcendance, tout devient impossible. C'est pourquoi les défenseurs des systèmes fondés sur cette conception sont contraints d'échafauder des théories extrêmement complexes pour présenter les conventions. . L9: [321.163.511.122.212.2. Réfuter la signification d'une production à partir du potentiel des empreintes d'une conscience vide d'objets extérieurs] :L9 . \ ### \ 99. Objection: Puisque, chez les voyants, le pouvoir de la conscience n'est pas mûr, \ Cette conscience n'a pas lieu pour eux, \ Et non pas en raison de l'absence d'une chose qui est un objet de connaissance. . RÉPONSE: Comme ce pouvoir est inexistant ceci n'est pas démontré. . OBJECTION: Si l'existence d'un objet était la cause de la production d'une conscience, l'apparence de cheveux aurait lieu, comme vous le dites, même pour la personne au regard sain. Mais ce n'est pas le cas. C'est la maturation ou non-maturation de l'empreinte, précédemment déposée, d'une conscience, qui est cause de la production ou de la non-production d'une conscience. Donc, pour la personne en qui est mûre l'empreinte déposée par une autre conscience ayant l'aspect de cheveux, et pour elle seule, se produit une conscience revêtue de cet aspect. Puisque chez les voyants, c'est-à-dire les personnes ne souffrant pas de troubles visuels, l'empreinte du pouvoir ou potentiel de la conscience pour une apparence de cheveux n'est pas mûre, en eux la conscience percevant des cheveux n'est pas produite. Mais cette non-production ne résulte nullement de l'inexistence d'un objet de connaissance, en l'occurrence les cheveux. . RÉPONSE: Si ce potentiel existait réellement alors, de sa maturation ou non-maturation s'ensuivrait l'apparence ou la non-apparence de la connaissance, mais comme il n'existe pas selon son entité propre cette explication n'est pas prouvée. . \ ### \ 100. Un pouvoir est impossible pour (une conscience) produite; \ II n'y a pas non plus de pouvoir pour une entité non produite. \ En l'absence de qualifié il n'y a pas de qualifiant \ (Sinon) il s'ensuivrait aussi l'existence de ce (pouvoir) pour le fils d'une femme stérile. . Ce pouvoir supposé est-il lié à une conscience présente, passée ou future? Pour une conscience déjà produite, c'est-à-dire actuelle, comme pour une conscience non encore produite ou future, un potentiel établi en soi est impossible. Si l'on accepte ce pouvoir pour une conscience présente le pouvoir et la conscience seront simultanés. Dans ce cas, le pouvoir et ce qui en est doté sont appelés «conscience de pouvoir». Mais alors, il est illogique que tous deux soient autres et que cette conscience de pouvoir existe en tant que nature de pouvoir, car l'effet n'aurait pas de cause autre que lui-même et la graine (cause) ne serait pas détruite une fois née la pousse (effet). On ne peut dire non plus «la conscience est issue du pouvoir» car il est irrationnel qu'une conscience naisse d'un pouvoir qui lui est simultané puisque alors l'effet existerait aussi au moment de la cause. Donc, le pouvoir causal d'une conscience actuelle est inexistant. Si le potentiel existe pour une conscience non produite on l'appellera «pouvoir de la conscience», ce pouvoir étant la base de qualité et la conscience le phénomène qualifié. On ne peut établir l'existence ou l'inexistence en raison d'une nature propre d'une connaissance future non née en la dénommant «connaissance» ou «non-connaissance». Alors que, présentement, la conscience à venir est inexistante en tant que telle, en disant «ce pouvoir est le pouvoir de cette conscience», par quoi le pouvoir sera-t-il qualifié? Par suite, en l'absence d'une connaissance qualifiée il n'y a pas de pouvoir qualifiant car le fils d'une femme stérile se trouverait doté d'un semblable potentiel. . OBJECTION: En pensant à la conscience qui naîtra du pouvoir on dit «ceci est le pouvoir de cette conscience» et «cette conscience naîtra de ce pouvoir», et de cette manière le qualifié et la base de qualité sont établis. De même que dans le monde on dit «Cuis le riz» ou «Tisse la toile» en se référant au riz cuit et à la toile tissée, en ayant en vue la conscience à venir on parle du «pouvoir de la conscience». L'auteur répond: . \ ### \ 101. Si vous voulez expliquer (ce pouvoir) en fonction de (la conscience) à apparaître, \ Faute de pouvoir il n'y a pas de futur pour elle. \ Ce qui existe en dépendance mutuelle \ N'est pas existant, ont déclaré les sages. . Ce qui existera est à présent le futur de cet effet, mais ce qui, à coup sûr n'existera jamais, comme le fils d'une femme stérile ou l'espace qui est un non-produit, que ce soit actuellement ou plus tard, n'est pas. Donc, s'il y avait un potentiel établi par sa nature propre la conscience serait future, mais comme une conscience future établie ainsi n'adviendra jamais, son pouvoir créateur est totalement inexistant. En l'absence du pouvoir producteur d'une connaissance réelle cette connaissance future est inexistante, pareille en cela au fils d'une femme stérile. . Nous, Tenants du Milieu réfutons en de nombreuses occasions l'existence inhérente de la production de la pousse. Si la pousse naît, bien qu'inexistante au moment de la graine, les cornes d'un lièvre et autres absurdités naîtront aussi, car une pousse établie en vérité, inexistante à un certain moment le sera nécessairement à tout moment, pour la raison qu'elle ne se distingue pas d'une non-chose. . NOUVELLE OBJECTION: Par rapport à l'existence de la conscience à venir son pouvoir est établi, et lorsqu'on dit «la conscience naît du pouvoir» par rapport au pouvoir la conscience est établie. Ainsi, ils existent en dépendance mutuelle. . RÉPONSE: Le Traité nous dit (X, 11): . ~ Si la chose qui existe en dépendance ~ N'existe pas, comment dépendra-t-elle? ~ Si elle dépend quand elle existe, ~ Sa dépendance est absurde. . Si l'on s'en tient à votre thèse, la conscience n'existe pas par sa nature propre, comme l'ont déclaré les sages. Si la conscience dépend d'un potentiel, elle en dépend soit existante soit non existante. Dans la seconde hypothèse elle ne dépend pas plus du pouvoir que ne le pourrait la corne d'un âne. Et dans la première, de quoi dépendrait-elle pour exister? Le long et le court, la rive en aval et celle en amont, tous ces produits établis en dépendance n'ont qu'une existence nominale et n'existent pas réellement. La déclaration «absence de nature propre» n'est nullement une réfutation de l'existence en général, mais celle d'un être en soi. Il convient de bien faire la distinction. En conclusion, il n'existe pas de pouvoir pour la conscience future. Montrons à présent qu'il n'y a pas non plus de pouvoir pour une conscience passée. . \ ### \ 102. Si (une conscience) naissait de la maturation d'un pouvoir qui a cessé \ (Une conscience) autre naîtrait d'un pouvoir autre. \ Les membres de la série sont ici mutuellement différents \ Par conséquent, tout naîtrait à partir de tout. . Si une connaissance naissait, comme fructification conforme à elle-même, d'une conscience qui, après être née périt — c'est-à-dire à partir de la maturation du pouvoir détruit d'une conscience qui a déposé un potentiel particulier sous forme d'empreintes sur la conscience base de tout — apparaîtrait alors une conscience autre fruit d'un pouvoir autre établi réellement. Pourquoi? Parce que les membres de la série (phénomènes momentanés) se produisent successivement et que, selon vous, les moments antérieurs et postérieurs sont intrinsèquement différents les uns à l'égard des autres. Vous dites qu'il n'y a pas de faute? Selon votre affirmation, toutes les choses naîtraient de toutes les choses autres qu'elles-mêmes. Voici ce que l'on peut dire à propos d'une naissance à partir d'un potentiel passé. L'existence d'un support et d'un supporté infirment l'être en soi. . \ ### \ 103. Objection: Les membres de la série sont différents \ Mais leur série ne l'est pas. \ Donc, il n'y a pas de faute. (Réponse): Ceci est à prouver, \ Parce que la possibilité d'une série non distincte est inadmissible. . OBJECTION DES IDÉALISTES: Les moments passé et futur se déroulent successivement et les membres de la série sont mutuellement différents et vraiment autres, mais leur continuum est un et non pas différent. Donc, nous évitons l'erreur d'une production de tout à partir de tout. . RÉPONSE: Que des moments passés et futurs distincts par nature propre forment une série unique cela reste à prouver. Parce que la possibilité d'un continuum unique ou série non distincte pour des moments antérieurs et postérieurs véritablement établis est inadmissible. . \ ### \ 104. Les phénomènes qui dépendent de Maitreya et Upagupta \ Parce qu'ils sont différents ne sont pas inclus dans une série. \ Étant distincts par leur caractère propre \ II est inadmissible qu'ils fassent partie d'un même continuum. . Du fait de leur altérité les personnes Maitreya et Upagupta ne peuvent faire partie d'une seule série. De même, il est contraire à la logique que des moments antérieurs et ultérieurs distincts en vérité soient inclus dans un continuum unique. . En affirmant que tout n'est pas produit de tout étant donné que la graine et la pousse de riz sont un continuum dissemblable de la graine et de la pousse d'orge, notre adversaire n'échappe pas pour autant à la critique en raison de son enseignement d'une altérité réelle. . RÉPÉTONS-LE: nous ne rejetons pas le fait d'une simple altérité, mais d'une altérité en soi. C'est cela notre objet de réfutation spécifique, il faut le comprendre. . \ ### \ 105. La conscience visuelle issue de son pouvoir propre \ — Ce potentiel support de la conscience qui lui correspond \ Et qui se produit immédiatement après elle — \ Est conçue comme l'organe matériel de l'œil. . Les Idéalistes reprennent la parole: Lorsque périt une conscience, sur la base de tout est déposée immédiatement une empreinte — le potentiel de production propre à une conscience visuelle. A un moment ultérieur de sa maturation naît une conscience visuelle qui reproduit l'aspect de la conscience première. Ce moment du potentiel qui est le support immédiat de la nouvelle connaissance est considéré par les mondains obscurcis par l'ignorance comme étant l'organe matériel de l'œil. Mais l'organe visuel (et les autres) ne sont pas distincts de la conscience. L'empreinte, cause de la naissance d'une connaissance visuelle, constitue sa condition en qualité de cause, et l'organe visuel la condition dominante de cette conscience. Ici, c'est en pensant au moment de la maturation de l'empreinte productrice de la conscience que l'organe visuel est dit être la cause véritable de la conscience lui correspondant, et non à un quelconque organe visuel. . Rappelons que cette discussion concerne les Idéalistes Adeptes des Écritures qui admettent la base de tout comme réceptacle et comme munie de germes. Cette conscience présente à la fois un caractère de cause — en ce que, parfumée par les imprégnations dues à l'activité des connaissances, elle en est la cause génératrice — et de fruit — en ce qu'elle est engendrée par le parfumage lié à l'activité des connaissances. . Ayant montré que l'organe visuel n'est pas distinct de la conscience les Idéalistes entreprennent d'exposer que la forme ne l'est pas non plus. . \ ### \ 106. Ne comprenant pas que la manifestation de bleu, etc., \ Provient de sa propre graine, sans objet extérieur, \ Les hommes pensent que l'esprit est un objet extérieur \ Et qu'ici, les connaissances sont issues des organes. . Les hommes ne comprennent pas que la nature d'apparence de bleu et autres formes visibles, provient de la maturation de la propre graine d'une conscience déposée sur la base de tout, et en l'absence d'objet extérieur. Ils conçoivent comme objets extérieurs les apparences de bleu de l'esprit et pensent que, dans ce monde, les cinq connaissances sont issues des cinq organes. Donc, il n'y a pas de chose extérieure distincte de la conscience. . \ ### \ 107. De même qu'en rêve, en l'absence de forme et d'autre chose (que la conscience), \ A partir de la maturation de son propre pouvoir apparaît une pensée possédant l'aspect (de formes, sons, et le reste), \ De même, ici aussi dans la veille, \ L'esprit existe sans objet extérieur. Si on dit cela, \ Nous répondons que ce n'est pas acceptable, car . \ ### \ 108. De même que, dans le rêve, en l'absence d'œil \ Naît une conscience mentale apparaissant comme bleu ou autre, \ Pourquoi ne naît-elle pas chez un aveugle \ De la maturation de sa propre graine et en l'absence d'organe visuel? . Pourquoi l'aveugle éveillé, privé de l'organe visuel durant le rêve à l'instar du voyant, n'a-t-il pas la vision de formes à partir de la maturation de l'empreinte de sa propre graine? . Mais, dira-t-on, chez l'aveugle éveillé la cause de non-apparition, comme dans le rêve, de l'apparence claire de formes à la conscience mentale n'est pas l'absence de l'œil mais la non-maturation du pouvoir de manifestation d'une telle conscience mentale. Par conséquent, avec la maturation de ce pouvoir cette conscience mentale se manifeste. Et c'est seulement dans le rêve, en raison du sommeil, que ce potentiel se produit et non à l'état de veille. . \ ### \ 109. Si, selon vous, le pouvoir de la sixième (conscience), mûr dans le rêve, \ Ne l'est pas à l'état de veille, \ De même que la maturation du pouvoir de la sixième n'existe pas ici, \ Pourquoi serait-il incorrect de dire qu'il n'a pas lieu lors du rêve? . Si le pouvoir de la conscience mentale fructifie dans le rêve et pas dans la veille, de même que chez l'aveugle la maturation du pouvoir de cette sixième conscience — apparaissant clairement en tant que formes et autres — est . inexistant ici lors de la veille, il serait correct d'affirmer qu'il n'existe pas non plus pendant la phase onirique. . Puisque la vision du rêve — comme pour l'aveugle au réveil — est dépourvue de son agent, l'organe support d'une conscience, elle adopte l'aspect d'une connaissance qui repose sur l'organe visuel dont le potentiel est mûr, et n'est pas dotée d'une conscience mentale qui serait issue de la complète maturation de la capacité d'une conscience mentale. Par conséquent, . \ ### \ 110. De même que, pour (l'aveugle), l'absence d'œil n'est pas cause (de la maturation d'une empreinte), \ Dans le rêve le sommeil n'en est pas la cause. \ Par conséquent, dans le rêve aussi, il faut admettre que les choses \ Et l'œil sont des causes de perceptions mensongères. . Pour l'aveugle éveillé, de même que l'absence d'œil n'est pas la cause de la maturation d'une empreinte pour l'apparence d'un objet, dans le rêve aussi le sommeil n'est pas la cause d'une telle maturation, car si une conscience existant par sa nature propre se produisait elle ne dépendrait pas de la maturation d'une empreinte. Puisque d'une empreinte fausse est produite une conscience fausse à laquelle apparaissent les objets du rêve, par conséquent, dans le rêve aussi il faut admettre que des choses telles que des formes sont les supports ou causes de connaissances ou perceptions mensongères et que l'œil onirique est également cause de semblables connaissances. En outre, tout comme dans le rêve les bases de connaissance de la forme, l'œil et la connaissance visuelle produite par eux sont inexistants, bien que la conscience visuelle, l'organe de l'œil et les objets perçus (ainsi que les autres triades) le soient également, ces trois sont bien présents pour la personne qui rêve un rêve, et l'on reconnaît l'œil, la conscience visuelle et la forme onirique sans pour autant accepter leur existence. En effet, un homme, un éléphant et un cheval illusoires sont admis sans qu'il soit nécessaire d'accepter leur réalité. . \ ### \ 111. En voyant que tous les arguments donnés \ Sont une pétition de principe, on réfute ce disputeur. \ Les Éveillés n'enseignent nulle part \ L'existence des essences. . En voyant que toutes les réponses que les Idéalistes font aux Tenants du Milieu sont semblables à la thèse, en ce qu'elles ne prouvent pas ce qui est à prouver, les arguments des adversaires sont rejetés. Pour Ceux du Milieu la conscience, l'organe et l'objet de la veille sont tous trois vides d'existence réelle, parce qu'ils sont perçus, comme dans le rêve. A cela, les Idéalistes disent: «La conscience de la veille est vide d'objet extérieur puisqu'elle est conscience, comme la conscience onirique», et «l'objet d'observation de la veille est faux car il est objet, comme l'objet du rêve», et encore «s'il n'existe pas de dépendants: origine et purification, tous deux n'existent pas car ils n'ont pas plus de point d'appui qu'un vêtement en poil de tortue». On répliquera ici par l'exemple du malade atteint de troubles visuels. Dans la réfutation du système de l'Esprit Seul, non seulement nous ne sommes pas pris en défaut par le raisonnement, mais il est impossible que nous soyons en contradiction avec les Écritures car, selon notre école, les parfaits Éveillés n'ont nulle part enseigné l'existence réelle des choses. . Le Discours de la Descente à Lanka dit: . ~ Le triple monde n'est que désignation; ~ Les choses n'existent pas par leur entité propre. ~ Les spéculateurs conçoivent ~ Le désigné comme ayant une nature réelle. ~ Il n'y a ni nature propre, ni conscience, ~ Ni base de tout, ni chose. ~ Cela est imaginé ~ Par les mauvais spéculateurs, stupides et cadavériques. . Les mauvais philosophes n'ayant pas la capacité d'examiner l'aséité sont privés d'esprit ce qui leur vaut l'épithète «semblables à des cadavres». Le premier vers enseigne l'existence des trois mondes en tant que simple désignation par la pensée. Le second, la signification de ceci, à savoir, qu'il n'y a pas de phénomène établi selon son entité propre, absence d'entité propre ne signifiant nullement totale inexistence. . Comme le dit encore le même texte: . ~ Ô Mahamati, la vacuité d'inexistence d'un par rapport à lui-même est en deçà de toute vacuité. ~ Les Idéalistes sont rejetés comme n'ayant pas suffisamment examiné l'intention de l'enseignement sur la vacuité. . L9: [321.163.511.122.212.3. Montrer que la méditation sur le laid n'est pas contradictoire avec cette réfutation] :L9 . OBJECTION: Si en l'absence d'objet extérieur il n'y a pas de connaissance établie réellement à laquelle apparaissent clairement des formes, sons et le reste, comment serait-il correct que les ascètes qui méditent sur le laid d'après les instructions du maître perçoivent la terre pleine de squelettes? Car, bien qu'il n'y ait pas de squelettes il existe une conscience établie réellement. . RÉPONSE: . \ ### \ 112. Pour l'ascète qui, d'après les instructions du maître, \ Perçoit la terre pleine de squelettes, \ Ici aussi nous voyons qu'il n'y a pas production des trois, \ Car (cette absorption) est enseignée comme un acte d'attention erroné. . Pour ce pratiquant nous voyons que la triade objet, organe et conscience n'est pas vraiment produite, parce que cette absorption méditative est enseignée dans les Discours comme un acte d'attention erroné n'étant pas une aséité. Si la conscience à laquelle apparaissent les squelettes existait réellement il en serait de même de l'apparence, et cette attention serait un sujet connaissant l'aséité. Or, ce n'est pas ainsi. . \ ### \ 113. Si les objets de votre connaissance sensorielle \ Sont tels que (les représentations) mentales du laid, \ Alors, un autre portant l'esprit sur cet objet \ Le percevra. Cette (absorption) ne serait donc pas fausse. . Lorsque vous regardez une représentation théâtrale, parmi ceux qui portent attention au spectacle, chez une certaine personne est produite une conscience visuelle qui en prend la forme, de même pour les autres assistants. Ainsi, tout comme l'ascète méditant sur l'horrible, lorsque . l'homme du commun tournerait sa pensée vers les squelettes perçus par l'ascète il les connaîtrait aussi. Cette absorption méditative ne serait pas alors un acte d'attention faux et, que l'on pratique ou non ne ferait aucune différence; en cas d'existence réelle de la conscience il ne serait absolument pas nécessaire de dépendre des instructions du maître. En outre, cette conscience est dénuée d'être en soi car sa production dépend d'un objet, les ossements. En général, la méditation vise à la concentration de l'esprit, d'où le choix, selon les caractères à pacifier, d'objets spécifiques. Ici, la vision de squelettes est un moyen utilisé pour contrecarrer les désirs sensuels et engendrer le renoncement. L'adepte tend à stabiliser sa pensée. Lorsqu'il est à même de l'appliquer au sens vrai de l'objet de méditation, on parle d'ajustement ou d'union. . \ ### \ 114 ab. Pareils à celui dont l'organe est malade \ (En voyant) l'eau d'une rivière les esprits affamés (engendrent) aussi la conscience de pus. . Le mot «aussi» indique que, à l'instar de ceux destinés à démontrer l'absence d'objets extérieurs, cet exemple est impuissant à établir une conscience réelle. Les exemples d'un reflet ou d'une illusion doivent être compris selon le même mode d'argumentation que celui de la personne dont la vision est perturbée (st. 72). Les cinq formes bases de connaissance des phénomènes ne sont pas imaginées par les doctrines réalistes; elles sont exposées dans les Discours et nous les acceptons ainsi. Par conséquent, la claire apparence d'un squelette inexistant, semblable à un reflet, doit être acceptée comme matérielle. Mais, puisqu'il n'apparaît qu'à la connaissance mentale, ce n'est pas une base de connaissance de la forme, tout comme un reflet. Les neuf autres bases de connaissances matérielles ne l'étant pas non plus, les formes bases de connaissances des phénomènes sont dites imaginaires. L'apparence de cheveux à une conscience visuelle est une base de connaissance de la forme, et celle de l'eau d'une rivière comme sang et pus à un esprit affamé doit être posée en tant que base de connaissance de la forme car elle apparaît à sa connaissance visuelle. . Dans sa Somme du Grand Véhicule Asanga dit: . ~ Parce qu'à la conscience d'un esprit affamé, d'un animal, ~ D'un humain, d'un dieu, chacun selon sa classe, ~ Une (même) chose est différente, ~ On n'accepte pas l'existence d'objets (extérieurs). . Ce passage n'explique pas clairement le mode de perception individuel d'un certain objet. Un commentaire nous apprend que pour un phénomène unique comme l'eau d'une rivière, en raison de la maturation des actions propres à chacun d'eux les esprits affamés perçoivent une coulée de sang et de pus, les animaux tels les poissons un lieu d'habitation, les humains de l'eau douce, claire, fraîche dans laquelle ils se lavent et qu'ils boivent, les dieux qui résident dans l'absorption méditative de l'espace infini la perçoivent comme espace parce qu'ils ont détruit la notion de matière. Toutes les perceptions de ces différents êtres sont des connaissances conventionnelles valides. . OBJECTION: Si ces perceptions variées pour une seule base sont valides, alors pus et non-pus ne seraient plus contradictoires. Dans ce cas comment se fier aux connaissances valides? . RÉPONSE: Effectivement, si l'on comprend de cette manière la stance de notre texte il devient impossible de s'appuyer sur une connaissance valide. Mais cela ne tient pas. En effet, il est absolument incorrect de nier les connaissances valides. Donnons un exemple: Lorsqu'une personne qui s'est immunisée par le pouvoir d'un charme saisit une boule de métal en fusion elle ne se brûle pas. La boule de métal devient un objet de la conscience tactile, néanmoins l'aspect d'extrême chaleur et de brûlure n'apparaît pas, étant donné que cette personne a auparavant plongé ses mains dans une eau infusée d'une formule magique. Par contre, l'expérience de chaleur et de douleur est ressentie par une personne qui n'est pas protégée ainsi. On a donc deux types d'expérience pour un seul objet. Les deux connaissances valides sont fiables sans que l'une infirme l'autre. De même, les connaissances valides d'un humain et d'un esprit affamé par rapport à une rivière ne sont pas contradictoires, elles sont en conformité avec les actions respectives de chacun de ces êtres. Ceci démontre l'absence d'existence réelle des objets dont l'apparence dépend du connaissant et non de leur être propre. . L9: [321.163.511.122.213. Résumé et conclusion] :L9 . \ ### \ 114cd. En résumé, de même qu'il n'y a pas de connaissable, \ II n'y a pas de connaissance. C'est ce qu'il faut savoir. . En conclusion des explications détaillées ci-dessus, tout comme il n'y a pas d'objet de connaissance existant par sa nature propre il n'y a pas de connaissance revêtue de son aspect réellement produite. Nous enseignons qu'il n'existe pas de distinction quant à la présence ou l'absence de nature propre des connaissables et des connaissances. Mais il n'est jamais dit dans le système de Chandrakirti qu'en l'absence de cheveux la conscience à laquelle ils apparaissent n'existe pas, et que dans une magie en l'absence des objets de conception — éléphants ou cheveux — la conscience qui les saisit est également inexistante. . Le texte Louange au Supramondain de Nagarjuna (10), dit: . ~ «II n'y a pas de connaissable non connu; ~ En son absence il n'y a pas de connaissance. ~ Par conséquent, vous avez enseigné l'absence de nature propre ~ De la connaissance et du connaissable.» . Et, . ~ «L'Ami du Soleil a enseigné ~ Que la conscience est pareille à une magie; ~ De même, son objet ~ Est semblable à une chose illusoire.» . Comme on ne peut établir l'un sans établir l'autre, la connaissance et son objet sont dépendants. Par conséquent, tous deux sont dépourvus d'être en soi. C'est l'assertion du Supérieur Nagarjuna que si la première n'appartient à aucune des deux vérités, relative ou ultime, le second ne saurait en relever. . L9: [321.163.511.122.22. Réfutation de l'être en soi du dépendant] :L9 L9: [321.163.511.122.221. Réfutation de la conscience qui se connaît elle-même présentée comme la preuve du dépendant] :L9 . Comme on l'a vu dans l'introduction aux quatre systèmes philosophiques, les Idéalistes sont de deux sortes: Ceux qui Suivent le Raisonnement et Ceux qui Suivent les Écritures. Les seconds acceptent la conscience base de tout mais rejettent l'existence de la conscience qui se connaît elle-même, alors que les premiers, tout au contraire, n'admettent pas la base de tout et soutiennent l'existence de la conscience de la conscience. . \ ### \ 115. Si, sans objet et dépourvu de sujet, \ Existent des essences dépendantes vides des deux, \ Par quoi leur existence sera-t-elle connue? \ Il ne convient pas de dire: «Ils existent sans être saisis.» . Ayant montré l'impossibilité d'une conscience sans objet extérieur, réfutons l'assertion de l'être en soi d'essences dépendantes postulé par les Idéalistes. Si, en l'absence de connu extérieur et sans entité connaissante distincte de lui, existent des essences dépendantes vides des deux — d'une différence de substance entre sujet et objet — par quelle conscience connaîtrez-vous l'existence du dépendant? C'est ce que nous, Tenants du Milieu, demandons à nos contradicteurs. Il ne convient pas que la conscience se saisisse elle-même, car il y a contradiction dans l'action d'agir sur soi-même. Ainsi, la lame de l'épée ne se coupe pas, le bout du doigt ne se touche pas, l'acrobate même bien entraîné ne grimpe pas sur ses propres épaules, le feu ne se brûle ni l'œil ne se voit. La conscience n'est pas non plus saisie par une autre conscience, car ce serait contraire à la doctrine idéaliste. En effet, si, alors que l'effet n'est pas encore obtenu, une autre conscience était l'objet d'apparence d'une conscience, c'en serait fait de ce système. Donc, d'après les Idéalistes, un tel connaissant du dépendant est inexistant à tout point de vue. Et si l'on dit: «Ils existent bien que n'étant pas connus par une conscience», nous rétorquons que cela ne se peut pas. . OBJECTION: Une autre conscience ne saisit pas une autre, mais il y a la conscience de la conscience ou connaissance qui se connaît elle-même, et comme c'est elle seule qui le saisit, le dépendant existe. . RÉPONSE: . \ ### \ 116 a. Que ceci même expérimente ceci n'est pas prouvé. . Qu'une conscience expérimente ou se saisisse soi-même n'est pas établi. On ne peut démontrer l'expérience du dépendant par la seule conscience de la conscience. Comment celle-ci se présente-t-elle? . Selon Les Flammes d'Argumentation de Bhavaviveka: . ~ Pour les Tenants de l'Esprit Seul la conscience est double: d'apparence en tant qu'objet et d'apparence propre. Si l'on demande: «La conscience d'apparence comme objet, prenant l'aspect d'un objet extérieur, deviendrait-elle l'objet de la conscience d'apparence propre?» On répondra: «Comment apparaîtrait un esprit qui serait autre qu'une apparence en tant qu'objet?» . C'est-à-dire, nous ne voyons pas d'apparence de soi-même en dehors de l'apparence en tant qu'objet. Dans chaque cognition il y a une partie image et une partie vision. Pour les Idéalistes la conscience qui se connaît elle-même ou a l'expérience de soi-même est le contraire de toute apparence dualiste. Par conséquent, le sujet connaissant et l'objet connu ne lui apparaissent pas comme étrangers. En vue d'établir que sujet et objet sont vides d'être des entités autres — entités distinctes ou autres signifiant ici «phénomènes imaginaires» et, parmi ceux-ci, «imaginaires inexistants» (voir Les Quatre Systèmes Philosophiques, p. 45) — en tant que connaissant et connu, ils veulent démontrer en premier lieu que la conscience se connaissant elle-même connaît le dépendant et la conscience. Ainsi, considérant que dans le cas où la conscience et le dépendant ne seraient pas établis par la conscience de la conscience ils ne pourraient prouver l'absence d'altérité de la conscience et du dépendant, ils posent a priori, comme démontrée, l'existence de la conscience se connaissant elle-même, une cognition libre d'apparence dualiste. . Les Idéalistes acceptent la thèse des Tenants des Discours: le feu éclaire simultanément et soi-même et divers phénomènes, vases et autres. Et encore, lorsque l'on dit: «C'est un vase», deux objets d'observation apparaissent: le ternie soi-même et ce qu'il signifie, le vase. Pareillement, quand une certaine cognition s'élève, deux connaissances naissent simultanément: celles de la cognition proprement dite et de son objet. Elles ne se produisent pas successivement. Ainsi, avec la conscience visuelle appréhendant un bleu naît une conscience qui connaît cette conscience de bleu: c'est la conscience se connaissant elle-même, dont l'existence est tenue pour certaine par les Idéalistes. A défaut de l'accepter, disent-ils, il ne pourra y avoir ni la mémoire suivant la perception d'un objet ni celle de l'expérience de cet objet. Pourquoi? Parce que la mémoire a pour objet l'expérience passée. Sans admettre la conscience se connaissant elle-même, une connaissance antérieure saisissant un bleu, par exemple, n'ayant pas été expérimentée à son moment propre, la mémoire ultérieure sera impossible. C'est la conscience de la conscience ou l'expérience qui rend la mémoire possible. Établissant l'existence de l'expérience de l'appréhension de bleu on établit celle de la conscience de la conscience expérimentant l'appréhension de bleu. En général, une conscience a pour nature la clarté et la connaissance. La conscience se connaissant elle-même possède seulement l'aspect de clarté. Elle expérimente sans «connaître». Elle ne «connaît» que la conscience, pas l'objet. . Il y a deux sortes d'expérience: par soi-même et par autre chose. Vous, Conséquentialistes et Autonomes Tenants des Discours, n'acceptez pas la première hypothèse, et comme la seconde est irrationnelle, alors, même une simple expérience ne pourra logiquement exister. . Tel est le meilleur des raisonnements présenté par les Idéalistes pour démontrer la conscience se connaissant elle-même. Pour eux, le fait que la conscience de bleu ou tout autre puisse être expérimentée par une conscience autre qu'elle-même entraîne une double méprise: un processus sans fin et l'impossibilité de distinguer d'autres objets. . Tout d'abord, si l'on veut que la conscience qui connaît le bleu soit distinguée par la conscience qui la suit, de deux choses l'une: ou cette dernière est nécessairement autre ou elle ne l'est pas. Dans le second cas la conscience antérieure serait inutile, dans le premier une autre serait nécessaire pour la distinguer, et encore une autre pour distinguer la seconde, et ainsi de suite indéfiniment, ce qui ferait que l'expérience de la perception initiale de bleu ne serait pas établie. En second lieu, d'autres objets ne seraient pas perçus. Si la conscience d'un moment antérieur est connue par celle du moment postérieur il s'ensuivra que d'autres objets, formes, sons, etc., ne le seront pas. Si la conscience postérieure appréhendant un bleu perçoit la conscience antérieure il faut que celle-ci soit l'objet d'appréhension de celle-là. Par conséquent, il serait illogique que la connaissance de bleu s'engage dans son objet, car une seule conscience ne peut s'appliquer à deux objets. . OBJECTION: II n'y a pas de faute puisque la conscience ultérieure, qui appréhende un bleu, connaît la conscience antérieure appréhendant un bleu, et la conscience appréhendant le bleu, qui connaît l'objet bleu, sont toutes deux produites au même moment. . RÉPONSE: Ceci est inadmissible, car les deux connaissances — la conscience visuelle et la perception de bleu — constituent une catégorie homogène. Admettre que deux consciences homogènes naissent au même moment contredirait le Discours dans lequel il est dit: . ~ Le continuum de la conscience des êtres est un. . Selon les Idéalistes professant la conscience de la conscience il ne peut y avoir production simultanée de plusieurs consciences de catégorie homogène dans la série d'un seul individu. L'apparence de production simultanée est une hallucination. Ainsi, cent feuilles de lotus traversées par une flèche en une rapide succession paraissent percées en même temps; pareillement, en raison de l'engagement rapide dans leurs objets de consciences de catégories homogènes, celles-ci — quoique produites graduellement — semblent naître simultanément. Notons que dans son Commentaire au «Compendium de Connaissance Valide» (de Dignaga), Dharmakirti réfute l'idée que l'engagement rapide de la conscience est une cause de l'illusion de simultanéité, tandis que, au contraire, Chandrakirti affirme ici que cet engagement est bien une cause d'erreur. On peut, dès lors, se demander si l'exemple des textes indiens n'est pas mal choisi. Ce point serait à examiner. . En bref, ces deux conséquences, répétition à l'infini et non-distinction d'autres objets, prouvent sans conteste la conscience se connaissant elle-même. Par suite, on comprend, à partir de la production subséquente de la mémoire de l'objet et du sujet, l'existence de la double expérience de l'objet et du sujet au moment de la vision antérieure du bleu. Ainsi, l'existence de la conscience de la conscience démontre celle du dépendant, vide de l'altérité d'entité entre connaissant et connu. De cette manière, nous, Idéalistes, avons répondu à votre question (115 c): «Par quoi leur existence sera-t-elle connue?» . En fait, dans ce système, la perception directe de soi-même et des objets par la conscience de la conscience est une connaissance valide. . \ ### \ 116 bd. Si on établit (la conscience qui se connaît elle-même) à partir de la mémoire future, \ Puisqu'elle n'est pas prouvée et reste à démontrer, \ Cette mémoire future non prouvée définie (par vous) ne peut servir de preuve. . En se plaçant du point de vue d'une substance existant par son caractère propre on établit à partir de la mémoire future, une conscience qui se connaît elle-même antérieure à la conscience de l'objet remémoré. Mais, la mémoire existant par sa nature propre que vous, Idéalistes, définissez, n'étant pas prouvée, comment servirait-elle à prouver la conscience de la conscience? C'est comme si l'on démontrait l'impermanence du son en disant que c'est un objet de l'organe visuel. . Du point de vue de la convention du monde la mémoire n'est pas le fruit de la conscience de la conscience. Pourquoi cela? Si, sachant que la fumée est l'effet du feu, on établissait la relation de production de la mémoire à partir de la conscience de la conscience, on devrait conclure à l'existence de cette conscience à partir de la mémoire. Or, comme présentement la conscience qui se connaît elle-même n'est même pas établie pour notre adversaire, où aurait-on une mémoire fruit de la conscience de la conscience ne se produisant pas sans la conscience de la conscience? Ainsi, de la simple vision d'eau ou de feu on ne conclut pas à l'existence de la «pierre d'eau» ou de la «pierre de feu» car, même en leur absence se produisent l'eau, par la pluie, et le feu, par le frottement du bois à frotter. Pareillement, ici on montrera comment apparaît la mémoire sans conscience de la conscience. . OBJECTION: Semblables au feu et à la fumée la mémoire et la conscience qui se connaît elle-même sont établies en un rapport de cause à effet mais la première ne connaît pas la seconde. Comme on l'a expliqué plus haut, la mémoire connaît l'existence de l'expérience de la conscience antérieure. . RÉPONSE: Si l'on réfute après avoir distingué deux consciences, à savoir l'expérience par la conscience elle-même et celle de la conscience par une autre, alors on aura beau soutenir que l'on connaît par soi-même telle expérience, la connaissance par la conscience ne pourra être déterminée. Car, bien que la lampe ne s'éclaire pas elle-même elle n'est pas sans illuminer; de même, il y a simple conscience en l'absence du mode d'expérience postulé par vous. Si l'on admet que la lampe s'éclaire elle-même, alors l'obscurité se voilera elle-même et, par suite, tout comme l'on ne voit pas une cruche dans un recoin sombre on ne percevra pas non plus l'obscurité. . Le Traité (VII. 12) dit: . ~ Si la lampe illumine elle-même ~ Et ce qui est autre qu'elle-même ~ Sans aucun doute l'obscurité cachera elle-même ~ Et ce qui est autre qu'elle-même. . \ ### \ 117. Même s'il est établi que (la conscience) se connaît elle-même, \ II est inadmissible que la mémoire se souvienne \ Puisqu'elle est autre, tout comme (la conscience) née dans un continuum où il n'y a pas eu connaissance. \ Ce raisonnement détruit les particularités. . Même en établissant que la conscience connaît son être propre et son objet, il est inacceptable que la conscience qui se souvient ait la mémoire de l'objet et du sujet parce que, selon vous, la conscience de la mémoire future et celle de l'expérience antérieure de l'objet sont autres par leur nature propre. . De même que la conscience qui se connaît elle-même et l'expérience de l'objet de la conscience chez la personne nommée Maitreya ne sont pas remémorées par la conscience de la personne nommée Upagupta, qui ne les a pas expérimentées, de même, parce qu'elle est autre par sa nature propre — tout comme celle qui naît dans un continuum où il n'y a pas eu conscience — la conscience incluse dans ce continuum, qui apparaît ultérieurement, n'expérimentant ni la conscience ni son objet, ne s'en souviendra pas. . OBJECTION: II y a mémoire parce que les membres inclus dans une même série sont en relation de cause à effet, bien qu'existant réellement. . RÉPONSE: Ceci encore est impossible car cet argument «puisqu'il est autre en réalité» annihile toutes les particularités comme l'appartenance à une seule série ou le mode correct de présentation de la causalité. . NOUVELLE OBJECTION: Si vous n'acceptez pas la conscience qui se connaît elle-même quel est, selon vous, le mode de production de la mémoire? . RÉPONSE: . \ ### \ 118. Comme, pour moi, la mémoire n'est pas autre \ Que (la conscience) qui expérimente l'objet, \ Le souvenir «j'ai vu» a lieu. \ C'est aussi le mode conventionnel du monde. . Dans notre système la conscience qui se souvient n'est pas autre par sa nature propre que la conscience qui expérimente l'objet. On a vu plus haut que pour une conscience mondaine ordinaire il n'y a pas de conception d'une altérité en soi dans la relation de cause à effet de la graine et de la pousse. Une causalité qui serait expérience antérieure de l'objet et mémoire ultérieure n'est pas conçue par une conscience mondaine percevant de manière innée un être en soi comme pourvue d'être en soi. Non seulement cela, mais lorsqu'est remémoré l'objet expérimenté par la perception de bleu, on peut dire dans la pratique «j'ai vu ceci antérieurement». Par conséquent, il est clair que pour une conscience ordinaire il n'y a pas — conventionnellement — conception d'une existence réelle de l'expérience, de la mémoire et de leur objet respectif. S'il en était autrement la mémoire propre à un continuum serait aussi produite dans l'expérience d'un autre. . Ainsi, ce qui est distingué par la conscience qui expérimente son objet n'est pas sans l'être ultérieurement par la mémoire, ce qui permet le souvenir «j'ai vu». Ceci est la manière de voir conventionnelle du monde. Mais cette simple désignation pratique n'est pas établie après avoir recherché l'objet désigné. En effet, celui-ci n'est pas découvert par l'analyse, le monde reposant sur des données erronées. La mémoire qui se rappelle «j'ai vu» est la mémoire possesseur d'objet et celle qui se rappelle que le bleu a été perçu est la mémoire de l'objet. Lorsque la mémoire s'élève elle correspond à la claire expérience antérieure d'une conscience possesseur d'objet, laquelle perçut, par exemple, une personne dénommée Maitreya. Nous admettons, dans le monde, l'apparition de la mémoire, mais pas en raison d'une conscience de la conscience qui aurait expérimenté un certain objet. Pour nous, il y a mémoire en vertu du rappel déclenché par un objet connu auparavant — et par le seul fait de cet objet — ce qui fait dire: «J'ai vu Maitreya». De cette manière les déclarations «j'ai vu» ou «je me souviens» sont possibles conventionnellement et nous les admettons aussi. Selon le glorieux Shantideva le mode de production de la mémoire en l'absence de la conscience se connaissant elle-même est le suivant: Lorsque l'esprit expérimente une certaine chose — objet de saisie — autre que la conscience percevante, la mémoire, conscience possesseur d'objet, est possible à partir de la connaissance antérieure de cet objet. . OBJECTION: II est inadmissible qu'il y ait production de la mémoire possesseur d'objet à partir de l'expérience d'un autre objet. . RÉPONSE: II n'y a pas de faute car la mémoire a lieu en raison de la relation entre sujet et objet. C'est comme dans l'exemple de l'ours en hibernation qui ne ressent pas le poison transmis par la morsure du rat. Mais, lorsqu'au printemps le bruit du tonnerre l'éveille il se rappelle indirectement avoir été mordu. La morsure du rat est analogue à l'expérience de l'objet par la conscience; la pénétration du poison au moment même où l'animal hiberne à la simultanéité de la saisie de l'objet et de l'expérience du sujet; qu'à ce moment le sujet n'éprouve pas par lui-même son objet, au fait que l'ours ne ressent pas le poison; et qu'il se rappelle la morsure à la mémoire de l'expérience de l'objet. Il y a mémoire en raison du souvenir de l'expérience de l'objet quoique le sujet ne l'ait pas lui-même expérimenté, tout comme par la force de la mémoire de l'hibernation l'ours se rappelle, sans expérience directe, l'empoisonnement. Lorsque l'on dit «j'ai vu le bleu» le je qui se souvient est la personne. . OBJECTION: La connaissance qui perçoit le bleu et le je étant contraires, comment cette mémoire se souviendra-t-elle de la perception de bleu? . RÉPONSE: Bien que la connaissance visuelle percevant le bleu et la personne qui le voit soient différentes, il n'est pas contradictoire que la connaissance s'appuyant sur la vision de bleu dise «j'ai vu le bleu», tout comme celle qui appréhende le bleu en prenant appui sur la mémoire de la vision de bleu. Comment la mémoire de la personne serait-elle en contradiction avec la mémoire de la conscience de bleu? . \ ### \ 119. Puisqu'il n'y a pas de conscience se connaissant elle-même \ Par qui sera saisi votre dépendant? \ L'agent, l'acte et l'objet étant un \ II est illogique que ceci même saisisse ceci. . Puisque la conscience de la conscience n'existe pas, selon vous, Idéalistes par quelle connaissance seront saisis les phénomènes dépendants? Étant donné que les trois: celui qui coupe le bois, l'action de couper et le bois ne sont pas un, il est inacceptable que la conscience se saisisse elle-même. En acceptant la connaissance de l'objet et ce qui la connaît selon un mode de simple expérience de non-apparence dualiste et en établissant ainsi agent connaissant et objet connu sans dualité connaissant/connu, il s'ensuivra que tous les agents, actes et objets seront une seule chose. . Dans le commentaire à son propre ouvrage Discrimination Entre les Deux Vérités, le Tenant du Milieu Autonome Jnanagarbha dit: . ~ La conscience de la conscience des Partisans de la Seule Pensée et les molécules sans parties des écoles des Auditeurs sont solidairement existants ou inexistants. Une molécule sans parties doit néanmoins recouvrir sa propre place. Mais, étant donné que lorsque son aspect apparaît elle est dépourvue de parties directionnelles, elle n'a pas de lieu d'apparence. Par conséquent, l'objet à connaître (la molécule), le connaissant (la conscience de la conscience) et l'absence de parties directionnelles sont simplement imaginés par les philosophes. . Et, dans la Descente à Lanka: . ~ De même que l'épée ~ Ne coupe pas son propre tranchant, ~ Que le doigt ne se touche pas, ~ De même pour l'esprit se connaissant. . \ ### \ 120. Par quelle (raison) existerait en essence une chose dépendante \ Ayant une nature non produite et non connue? \ Non existence n'est pas logique. \ Quel mal fera à autrui le fils d'une femme stérile? . Si le dépendant, qui a la nature de n'être point connu par une connaissance valide et d'être exempt de production en soi, est une chose existant de cette manière, quelle en est la raison? Son existence est inadmissible. Quel mal vous a fait le fils d'une femme stérile pour qu'il vous soit nécessaire d'accepter l'existence de ce qui est inexistant? Ce qu'on appelle «fils d'une femme stérile» transcende toute pensée discursive, c'est un objet du domaine de la sagesse des êtres supérieurs dont la nature est indicible. Admettez donc son existence! . Ainsi, les phénomènes dépendants ne naissent pas par eux-mêmes. Aucune cognition valide ne peut comprendre un dépendant qui existerait réellement. . L9: [321.163.511.122.222. Montrer que le système idéaliste est en dehors des deux vérités] :L9 . \ ### \ 121. Si le dépendant n'existe pas du tout, \ Quelle sera la cause des conventions? \ Par son attachement à une substance, notre adversaire \ Détruit toutes les présentations reconnues dans le monde. . Si le dépendant n'existe pas du tout par sa nature propre, quelle sera la base ou cause établie substantiellement des conventions ou réalités de surface? Il n'y en aura aucune! En admettant l'existence réelle du dépendant on chute ou s'écarte de l'ultime. Par conséquent, les Idéalistes sont incapables d'établir une vérité conventionnelle si sa cause n'existe pas en soi. Hélas, de cette manière notre adversaire — faute d'habileté en la sagesse distinguant le sens définitif et emporté par son attachement à la conception de l'existence réelle du dépendant — vide de son nectar la cruche du dépendant et la remplit de l'eau de l'analyse incorrecte. En raison de sa faible intelligence il détruit toutes les présentations reconnues dans le monde et admises uniquement par lui: les manières de parler «assieds-toi, va, fais ceci», ainsi que la forme, les sensations et le reste, nées des objets extérieurs. . L9: [321.163.511.122.223. Par conséquent, il est logique de suivre uniquement le système de Nagarjuna] :L9 . \ ### \ 122. Pour ceux sortis du chemin (tracé par) le maître \ Nagarjuna \ II n'y a pas de moyen de paix. \ Ils ont chuté des vérités relative et ultime \ Et, par cette chute, la libération n'est pas accomplie. . Les Idéalistes marchent sur le chemin d'un système fait de leurs propres conceptions erronées et se situent hors de l'intention de l'Éveillé. La méthode indispensable à l'obtention de la paix transcendant les peines fait défaut à ceux qui s'écartent de la voie ouverte par Nagarjuna. Pourquoi? Parce qu'ils ont chuté de la vérité conventionnelle et de l'aséité, la vérité ultime. Et tant qu'ils n'auront pas rectifié leur erreur, pour eux la libération sera impossible. . \ ### \ 123. La vérité conventionnelle est le moyen; \ La vérité ultime en est l'issue. \ Qui n'en comprend pas la distinction \ Par ses conceptions erronées s'engage dans un mauvais chemin. . Pourquoi la chute des deux vérités empêche-t-elle la libération? La présentation juste de la vérité de surface est le moyen pour connaître telle qu'elle est la vérité ultime; et la réalisation de la vérité ultime provient de ce moyen. Qui ne comprend pas la distinction entre les deux vérités, par ses mauvaises conceptions s'engage dans une voie dangereuse. Ceci montre que l'ultime ne peut être connu tant que l'on n'est pas parvenu à une présentation sans faille des conventions. . Le Discours intitulé l'Absorption Révélant l'Aséité dit: . ~ Le Connaisseur du monde, sans les avoir entendues ~ d'un autre, ~ A enseigné par lui-même ces deux vérités: ~ Le relatif et l'ultime. ~ Il n'y a pas de troisième vérité. . Cette stance enseigne que tous les connaissables sont inclus dans les deux vérités. . ~ Pour le profit du monde, pour le bien des migrants, ~ Le Vainqueur a enseigné le relatif ~ (Grâce auquel) les migrants, en vue du bonheur, ~ Auront foi dans Ceux Allés-en-la-joie. . Ceci indique la nécessité des instructions se rapportant à la vérité de surface. . ~ L'enseignement sur les six classes d'êtres, ~ Les habitants des enfers, les animaux, les esprits affamés, ~ Les dieux jaloux, les hommes et les dieux, ~ Le lion des hommes le dénomme relatif. ~ Familles inférieures et, de même, familles nobles, ~ Maisons pauvres et maisons riches, ~ Esclaves et, de même, serviteurs, ~ Femmes, hommes et eunuques, ~ Les particularités des migrants, quelles qu'elles soient, ~ Ô Incomparable, tu les as enseignées au monde. ~ Ayant pénétré avec sagesse la vérité de surface, ~ Le Connaisseur du monde l'a révélée aux hommes. . Ces vers énumèrent ce qu'englobé conventionnellement le monde des êtres. . ~ Les migrants qui s'y plaisent, ~ Dans leur errance s'engagent dans les huit principes des ~ migrants: . ~ Obtention et non-obtention, agréable et désagréable, ~ Louange et blâme, bonheur et souffrance. ~ Ils s'attachent à ce qu'ils ont obtenu, ~ Sont perturbés par ce qu'ils n'ont pas obtenu, ~ Les autres (principes) que nous n'expliquons pas doivent être compris de la même façon. ~ Ces huit maladies affectent leur personne. . Ce passage révèle comment, en concevant l'existence réelle du relatif, les êtres errent, tourmentés par les huit principes du monde. . ~ Ceux qui nomment ultime ce relatif ~ Sachez que leur intelligence se méprend: . Ces deux vers mettent à jour l'erreur de ceux qui attribuent une existence réelle à la convention. La remarque s'applique également aux écoles bouddhiques professant une nature propre. . ~ Ils déclarent plaisant ce qui est déplaisant, joie ce qui ~ est souffrance, ~ Être en soi ce qui est non-soi, ~ Les phénomènes impermanents ils les disent permanents. ~ Ainsi, s'arrêtant aux signes agréables, ~ Quand ils entendent les paroles de Celui-Allé-en-la-joie ~ Ne les comprenant pas correctement, ils en ont peur ~ et les rejettent. ~ Ceux qui ont abandonné l'enseignement de Celui Alléen-la-joie ~ Connaîtront les intolérables tourments des enfers. ~ Recherchant le bonheur hors de la règle, ~ Ces puérils éprouvent des centaines de maux. . Les personnes accoutumées aux quatre vues fausses et les adeptes des systèmes non bouddhistes qui en sont imprégné, n'expérimenteront que la douleur en dépit de leur désir de libération. . ~ Quiconque comprend, par une pensée juste, ~ Cet enseignement profitable au monde, ~ Comme le serpent qui abandonne sa vieille peau, ~ Passe au-delà de toute existence et atteint la paix. ~ Ceux qui se réjouiront en entendant que ~ "Tous les phénomènes sont dénués d'être en soi, ~ Vides, sans caractéristiques" ~ Obtiendront l'éveil incomparable. ~ Ô Vainqueur, tu as vu que les agrégats sont vides, ~ De même, les éléments, les bases de connaissance, ~ Et que le village des sens est dépourvu de caractéristiques. ~ Ô Puissant, tu as vu toutes choses telles qu'elles sont. . Ceux qui ont saisi correctement le sens profond de la doctrine de l'Éveillé se délivreront du cycle et atteindront le parfait épanouissement. Quel est ce mode de réalisation? Initialement, on appréciera la déclaration selon laquelle «tous les phénomènes sont dénués d'être en soi», puis on en pénétrera la portée. «Élément» se rapporte aux quatre éléments de base, l'eau, la terre, le feu, l'air, les bases de connaissance ce sont les formes, sons, et le reste. . On voit par ce que l'on vient de dire que la libération est impossible pour les personnes privées des vérités relative et ultime. Les Tenants de la Seule Pensée, en raison de leurs conceptions erronées, empruntent un chemin qui les égarent. . La vérité conventionnelle est le moyen permettant d'approcher l'ultime. . C'est ce qu'exprimé le Roi des Recueillements: . ~ Quelle audition, quel enseignement ~ Pour cette Loi indicible? ~ Immuable, on peut pourtant l'écouter et l'enseigner ~ Au moyen de concepts. . Et dans le Traité (XXIV. 10): . ~ Le sens ultime ne peut être enseigné ~ Sans s'appuyer sur la convention. ~ L'au-delà des peines n'est pas obtenu ~ Sans comprendre le sens ultime. . L9: [321.163.511.122.224. Montrer qu'il est différent de réfuter le dépendant et les conventions mondaines] :L9 . \ ### \ 124. Je n'admets pas, même relativement, \ Un dépendant réel, tel que vous l'acceptez. \ Bien que les (essences) soient inexistantes, \ En vue du fruit je dis «elles existent», suivant l'optique du monde. . Nous n'admettons pas, même au plan relatif, un dépendant établi en soi ainsi que vous Idéalistes, le concevez. Que disons-nous donc? L'existence des agrégats et des autres choses, quoique n'étant pas établie par sa nature propre, est néanmoins reconnue dans le monde. Aussi, en conformité avec le seul point de vue du monde, nous affirmons que ces choses existent. Les conventions sont établies sous l'angle de la pratique mondaine selon deux modes: d'après les Tenants du Milieu, ce qui est établi conventionnellement est accepté du point de vue d'une connaissance valide relative et non pour le raisonnement. Parfois, l'existence réelle des essences est posée en raison des besoins des disciples. Admises par les autres écoles nous ne l'acceptons pas. Une telle déclaration réservée exclusivement pour autrui, est faite intentionnellement en vue du résultat, afin que les disciples auxquels elle s'adresse s'écartent des mauvaises doctrines et soient conduits progressivement jusqu'à la compréhension de l'aséité. . Le Discours Enseignement des Trois Vœux dit: . ~ Le monde est en conflit avec moi, je ne suis pas en conflit avec le monde. Ce que le monde considère comme existant, j'accepte aussi que cela existe; ce que le monde considère comme inexistant, j'accepte également que cela n'existe pas. . Et les Soixante-dix Stances sur la Vacuité (1) de Nagarjuna: . ~ La durée, la naissance, la destruction, l'existence et l'inexistence, ~ L'inférieur, le moyen ou le particulier, ~ L'Éveillé les a exposés selon le langage du monde, ~ Et non en raison de leur réalité. . Toutes les déclarations d'existence, non-existence, et le reste, sont faites en fonction de la pratique reconnue dans le monde. . \ ### \ 125. Si, de même qu'elles n'existent pas pour les \ Destructeurs de l'ennemi \ Qui ont abandonné les agrégats et sont entrés dans la paix, \ Elles n'existaient pas non plus pour le monde, \ Je ne dirais pas «elles existent», même suivant le monde. . Si, de même que les essences relatives n'existent pas pour les Destructeurs de l'ennemi qui, ayant rejeté les agrégats, demeurent en la sphère de la paix sans résidu, les choses, pareillement, n'existaient pas non plus pour le monde, même en nous plaçant selon l'optique du monde nous ne dirions pas qu'elles existent. Par conséquent, c'est en dépendance de la convention mondaine que nous acceptons le relatif et non pas de nous-mêmes. Comme il s'agit en premier lieu d'une affirmation propre au monde, c'est à partir d'elle seule que le relatif est digne d'être réfuté et non en dépendance des Tenants du Milieu. . \ ### \ 126. Si le monde ne s'oppose pas à vous, \ Niez le (relatif) en vous basant sur le monde même! \ Débattez avec le monde à ce propos. \ Après, je m'appuierai sur le plus fort. . Si vous pouvez réfuter la convention mondaine par vos arguments logiques, nous vous suivrons. Mais le monde fait opposition. Par conséquent, nous resterons neutres. Disputez-vous avec le monde, et si vous triomphez nous nous rallierons à votre parti. Mais si le monde l'emporte sur vous nous nous appuierons sur lui, qui est le plus fort. Ainsi, comme l'absence d'objets extérieurs est annulée par les connaissances valides conventionnelles, il est impropre de vouloir la démontrer. . Nous cultivons la vue avec effort pour purifier notre continuum des apparences erronées du relatif. Si vous êtes capables de nier le relatif par vos arguments, nous ne voyons plus la nécessité de ce travail. L'argument avancé pour réfuter le relatif est fallacieux; on l'a dit, il est infirmé par les connaissances valides conventionnelles. C'est pourquoi nous affirmons que «le monde fait opposition». . L9: [321.163.511.122.23. Montrer que les objets extérieurs ne sont pas réfutés par le mot seul dans l'expression esprit seul] :L9 L9: [321.163.511.122.231. Explication du sens de l'expression esprit seul dans le Discours sur les Dix Terres] :L9 L9: [321.163.511.122.231.1. Établir par ce Discours que le mot seul ne réfute par les objets extérieurs] :L9 . Les Idéalistes prennent la parole: Si vous admettez le relatif par crainte de l'opposition du monde, pourtant privé d'arguments corrects dans l'analyse de l'aséité, craignez alors celle des textes et acceptez l'esprit seul. . Car le Discours sur les Dix Terres déclare: . ~ Ainsi, ces trois mondes ne sont qu'esprit. . RÉPONSE: . \ ### \ 127. Le Héros pour l'éveil de la (terre) Orientation, tourné (vers la sphère de la Loi), \ Connaît que cette (déclaration): «les trois mondes ne sont que conscience» \ A pour but défaire comprendre qu'il n'y a pas, en tant que créateur, de soi permanent. \ Ainsi, il réalise que l'esprit seul est le créateur. . Vous vous méprenez: l'intention du Discours n'est pas telle que vous le croyez. Le Héros pour l'éveil de la sixième terre, parce qu'il possède une pensée dirigée vers la sagesse omnisciente de l'éveil, est dit orienté vers la sphère de la Loi. Il connaît que la déclaration selon laquelle les trois mondes sont esprit ou pensée-sans-plus a pour but de faire comprendre qu'il n'existe pas, en tant qu'agent créateur, de soi permanent et que, conventionnellement, seul l'esprit est le créateur. C'est ce que le Héros pour l'éveil réalise. . Comme l'exprime le même Discours: . ~ II conçoit le mode de manifestation de la production dépendante. Par conséquent, il se rend compte que cette masse de souffrance, cet arbre de souffrance, est actualisé sans quelqu'un qui agisse ou ressente. Il se rend compte que les actions procèdent de l'adhésion à (la notion de) créateur. Où il n'y a pas de créateur, il n'y a pas non plus, en un sens ultime, d'actions à percevoir. Il lui apparaît que les trois domaines ne sont qu'esprit: ces douze membres de l'existence, distingués et proclamés par Celui-Ainsi-allé, ont tous l'esprit seul pour support. . Le mot seul n'est pas employé dans ce Discours pour réfuter les objets extérieurs mais pour montrer qu'il n'y a pas de créateur en dehors de l'esprit. Pour les Conséquentialistes la primauté de l'esprit n'empêche pas la convention de l'existence extérieure des essences. . L9: [321.163.511.122.231.2. Établir ce sens au moyen d'autres Discours] :L9 . \ ### \ 128. C'est pourquoi, visant à la croissance de l'intelligence des sages, \ L'Omniscient s'est exprimé dans la Descente à Lanka \ Afin de préciser son intention, \ Ce diamant ayant pour nature la parole détruisant la montagne culminante des Passeurs. . En d'autres occasions également, l'Éveillé a utilisé le mot seul pour réfuter un créateur autre que l'esprit. Ainsi, afin de permettre le développement des capacités des personnes douées de pénétration — c'est-à-dire celles qui ont le loisir de réaliser l'aséité — et d'abattre les vues mauvaises propres aux non-bouddhistes selon lesquels le créateur du monde serait une personne, le principe, etc., l'Omniscient a déclaré dans le Discours de la Descente à Lanka: . ~ Personne, continuum, agrégats, ~ Et de même, causes, atomes, ~ Principe, Ishvara, créateur, ~ J'explique que ce n'est qu'esprit. ~ Telle est cette déclaration adamantine. . \ ### \ 129. Ne voyant pas que la personne et autres, \ Dont les Passeurs parlent dans leurs traités, sont les agents, \ Le Vainqueur a déclaré que seul l'esprit \ Est le créateur du monde. . Le texte prend principalement l'exemple des Passeurs. Il est, toutefois, des tenants de doctrines bouddhistes, comme les Particularistes, qui affirment que la personne, les agrégats ou autres, sont les seuls créateurs. Ces bouddhistes, d'une certaine façon, ne le sont pas car, à l'instar des Passeurs ils ne comprennent pas le sens correct de l'enseignement de l'Éveillé. Le terme «Passeur» s'étend donc à tous. . Le Vainqueur n'a perçu d'agent dans aucun de ces principes et a déclaré que l'esprit est l'unique créateur du monde. . La Guirlande Précieuse explique (61/62): . ~ Demande au monde qui, avec les Samkhyas, ~ Les Aulukyas, les Nirgranthas, ~ Enseigne la personne et les agrégats, ~ S'il enseigne ce qui transcende l'existence et la non-existence. ~ Par conséquent, sache que l'ambroisie ~ De la Loi de l'Éveillé est dite profonde, ~ Une doctrine exceptionnelle ~ Passant au-delà de l'existence et de la non-existence. . Ce cycle étant sans commencement, quelle doctrine fallacieuse n'est pas apparue et n'apparaîtra pas? Aulukyas désigne les Vaishesikas et Nirgranthas les Jainas. . L9: [321.163.511.122.231.3. Établir la primauté de l'esprit par le mot seul] :L9 . \ ### \ 130. De même que «épanoui dans l'aséité» indique l'Éveillé, \ De même, seul l'esprit étant important \ II est dit dans le Discours: «le monde n'est qu'esprit». \ Que la matière soit niée tel n'est pas le sens du Discours. . Ayant épuisé le sens du terme seul par la négation d'agents autres que l'esprit, montrons que, contrairement aux assertions idéalistes ce terme n'a pas la force de réfuter les objets de connaissance extérieurs bien que soit posée la primauté de l'esprit. . De même que l'expression «épanoui (rgyas) dans l'aséité» sous-entend l'Éveillé (sangs-rgyas), quoique la syllabe sangs n'apparaisse pas, de même, pour exprimer la primauté de l'esprit et nier l'importance de la matière et autres facteurs, le Discours déclare: «le triple monde n'est qu'esprit», impliquant le qualificatif «principal» ou «important». C'est ce qu'il faut reconnaître. Mais le Discours n'enseigne aucunement la nature propre de l'esprit et l'inexistence des formes extérieures. . \ ### \ 131. Si, comprenant que ces «(trois mondes) ne sont qu'esprit» \ II a, dans ce (Discours), nié la matérialité, \ Pourquoi le Grand Être a-t-il déclaré dans ce (même texte) \ Que l'esprit naît de l'erreur et des actes? . Selon votre système idéaliste si, connaissant que les trois domaines ne sont que pensée existant en soi, dans le Discours sur les Dix Terres l'Éveillé, le Grand Être, réfutait les formes extérieures, alors pour quelle raison dans ce même texte aurait-il déclaré que l'esprit, c'est-à-dire la conscience, est le fruit des actions et les actions de l'ignorance? Il ne dit pas que l'esprit existe réellement. Ceci serait inadmissible, car existence réelle et production dépendante sont contradictoires. . Dans le cas où la conscience existerait en soi elle ne dépendrait pas de l'ignorance et des actions. Or, elle en dépend et n'a donc, en aucune façon, d'existence propre. En effet, comme les cheveux perçus par la personne frappée de troubles visuels qui existent relativement aux facteurs d'erreur et n'existent pas quand ceux-ci sont absents, la présence de l'ignorance entraîne l'existence de la conscience dans un processus de formation de production dépendante, et l'absence d'ignorance celle de la conscience dans un processus inversé. . \ ### \ 132. L'esprit construit l'extrême variété des mondes des êtres \ Et du monde réceptacle. \ Il est dit que (l'univers) est né des actes de tous les migrants. \ Sans l'esprit il n'y a pas non plus d'actions. . Le monde des êtres obtient son entité en raison des perturbations et des actes amassés par l'esprit de chaque être. La grande variété de mondes réceptacles — depuis le cercle du vent jusqu'au séjour céleste nommé Le Plus Haut (Akanishta) — est construite par les actes communs à l'esprit des migrants. La variété des êtres vivants comme le paon et autres, est le produit des actes spécifiques propres à ces êtres. La variété de couleurs, pétales et le reste, du lotus et autres phénomènes matériels est issue des actes communs aux êtres. Ainsi qu'il est dit: . ~ Les montagnes noires naissent en leur temps ~ En raison des actions des êtres ~ Tout comme, dans les mondes infernaux et célestes ~ Les arbres faits d'épées ou de joyaux. . Les Écritures des Idéalistes expliquant aussi que les deux mondes naissent des actes communs et particuliers des êtres, on voit que dans ce système également le monde réceptacle n'est pas inexistant. Par conséquent, il est dit que l'univers entier naît des actions de tous les migrants et celles-ci, de leur côté, ont l'esprit pour support, car seules les actions qu'il accompagne sont accumulées et il n'y a pas d'action sans esprit. . Ainsi, en prenant appui sur la déclaration du Discours sur les Dix Terres qui nie l'existence de celui qui agit et de celui qui ressent nous enseignons que le mot seul réfute un créateur autre et, en dépendance de celle exprimant que les douze facteurs de la production interdépendante ont l'esprit pour support, nous enseignons que ce terme montre la primauté de l'esprit. Le Discours établit que seul l'esprit est principal et non pas la matière. . \ ### \ 133. S'il est certain que la matière existe \ Au contraire de l'esprit elle n'est pas agent. \ Par conséquent, un créateur autre que l'esprit est réfuté \ Mais la matière ne l'est pas. . Les Samkhyas affirment que Ishvara ou le principe est le créateur des êtres; les bouddhistes attribuent cette fonction à l'esprit. Mais on admet sans discussion que la matière n'est pas facteur. Aussi, afin d'écarter le caractère inexistant du facteur Ishvara ou du principe, on dit que l'esprit est seul créateur, puisqu'on le voit, en pratique, susceptible d'être agent. Ayant donc rejeté les vues des Samkhyas on occupe victorieusement le terrain. Ainsi, de deux rois qui prétendent régner sur une seule contrée, l'un gagne son pays en expulsant son adversaire, mais aucun mal n'est fait aux gens du peuple qui sont également chers aux deux souverains. De même ici, la matière existe et aucun mal ne lui est fait car elle est chère aux deux partis. . L9: [321.163.511.122.232. Montrer que les objets extérieurs et l'esprit intérieur sont solidaires: soit tous deux existent soit aucun n'existe] :L9 . \ ### \ 134. Lorsqu'on se place selon la réalité du monde \ L'ensemble des cinq agrégats, connu dans le monde, existe. \ Pour le méditant en qui s'élève la sagesse de l'aséité \ Les cinq n'existent pas. . Dans l'établissement méditatif de vision manifeste de la vacuité toute apparence duelle disparaît et le méditant ne perçoit aucun objet conventionnel. Seule lui apparaît la vacuité. . \ ### \ 135. Si la matière n'existe pas ne concevez pas l'existence de l'esprit; \ Si l'esprit existe ne concevez pas l'inexistence de la matière. \ L'Éveillé les a rejetés ensemble dans les Discours de la Sagesse \ Et (ensemble) il les a proclamés dans la Métaphysique. . Lorsque l'on croit, au point de vue d'une analyse rationnelle recherchant l'objet désigné, à l'inexistence de formes extérieures, il est nécessaire de croire à l'inexistence de l'esprit, car l'existence des premières comme celle du second est dépourvue de preuves. De même, quand on accepte l'existence de l'esprit il faut aussi accepter celle de la matière, car tous deux sont admis dans le monde. . L'absence de formes expliquée par les Idéalistes dans l'assertion d'une distinction d'existence ou d'inexistence de la forme et de l'esprit est une absence de formes extérieures. En effet, ils affirment «la production d'une apparence de bleu et autres à partir de sa propre graine et en l'absence d'objet extérieur», le commentaire précisant «en l'absence de bleu et autres formes extérieures». L'objet de réfutation «absence de formes» reçoit la qualification «extérieur». Le commentaire ajoute «ayant dit qu'on ne peut nier les objets de connaissance par le mot seul, nous voulons montrer l'impossibilité de réfuter l'extériorité même à partir de l'explication d'un autre aspect». (Comme dans la citation de la Descente à Lanka page 240). Le Discours ne nie pas la forme, car il expose que la réfutation de la forme dont il est question est la réfutation d'extériorité. . Nous disons que ce n'est pas ainsi. Si l'on s'en tient aux mots en vertu desquels «ayant dit que le terme seul ne peut réfuter les objets de connaissance», les Idéalistes devront aussi affirmer «par le mot seul nous acceptons la réfutation des objets de connaissance de l'esprit». Si les Idéalistes rejettent le matériel, ils se contredisent quand ils présentent le raisonnement destiné à prouver la base de tout, car la Somme du Grand Véhicule dit (35/36): . ~ Chez ceux qui sont réincarnés la prise des organes matériels est impossible sans une conscience de fructification, car les connaissances autres que celle-ci ont leur support particulier et ne sont pas stables. . ~ Il ne convient pas qu'en l'absence de conscience de fructification la conscience et les nom et forme se développent selon un mode de support mutuel, comme des lances en faisceaux. . En effet, ils reconnaissent la nécessité d'admettre l'extériorité dès l'instant qu'on admet des phénomènes matériels. Par conséquent, il ne faut pas suivre l'assertion selon laquelle il est inutile d'accepter une extériorité tout en acceptant la production des nom et forme conditionnés par la conscience. . On arrive à la même compréhension par les Écritures. Dans les Discours de la Perfection de Sagesse, l'Éveillé déclare que les cinq agrégats sont semblables en tant que dénués de nature propre: «Ô Subhuti, la matière est vide de nature propre» et ainsi de suite pour les autres agrégats jusqu'à «la conscience est vide de nature propre». De même, dans les textes de Métaphysique il proclame leur solidarité du point de vue de leurs caractères généraux et spécifiques. . \ ### \ 136. Quoique vous détruisiez ces présentations des deux vérités, \ Vous ne démontrez pas votre substance puisque nous l'avons réfutée. \ Par conséquent, il faut comprendre que selon ces présentations \ Les essences, depuis l'origine, ne sont pas nées en réalité, quoique (pour) le monde elles soient nées. . Ainsi, comme on l'a expliqué précédemment, les Ecritures et le raisonnement mettent en lumière que l'esprit et les objets extérieurs sont égaux en ce que tous deux n'ont pas d'existence ultime, mais sont établis conventionnellement. C'est ce qu'il faut accepter. Vous avez beau détruire cette présentation des deux vérités vous, Idéalistes, n'êtes pas en mesure de prouver l'existence substantielle des phénomènes dépendants. Pourquoi? Parce que nous avons déjà réfuté ceci de nombreuses fois. Leur production conventionnelle est correcte dans le monde. Il est impossible d'établir les deux vérités sur la base d'une existence vraie de votre substance. Pour vous dégager de ce défaut, suivez les Conséquentialistes.; . L9: [321.163.511.122.233. Explication de la pensée proclamant l'esprit seul dans le Discours de la Descente à Lanka] :L9 L9: [321.163.511.122.233.1. Montrer que la déclaration esprit seul sans objet extérieur est de sens indirect] :L9 . Les Idéalistes reprennent la parole. Si le sens de la déclaration du Discours sur les Dix Terres (st. 127) est bien tel que vous l'expliquez, un autre texte démontre que seul l'esprit ou pensée-sans-plus existe. . En effet, la Descente à Lanka dit: . ~ (Les choses) n'existent pas en tant qu'objets extérieurs ~ ainsi qu'elles sont perçues; ~ C'est l'esprit qui apparaît (sous des formes) variées. ~ J'explique que l'esprit seul ~ Se manifeste en tant que corps, jouissances et lieux. . Par «corps» il faut entendre l'œil et les autres bases matérielles de connaissance; par «jouissance» les objets des sens, formes visibles, sons, etc., et par «lieux» le monde réceptacle. Puisqu'il n'y a pas d'objet extérieur à côté de l'esprit c'est uniquement la conscience qui naît avec l'apparence du corps et ainsi de suite. Le corps prenant la nature d'objet de connaissance apparaît distinct de la conscience, comme extérieur. Par conséquent, le triple monde n'est qu'esprit. . RÉPONSE: . \ ### \ 137. Le Discours où il est dit «il n'y a pas d'objet extérieur de perception \ L'esprit apparaît (sous des formes) variées» \ Est de sens indirect, rejetant la matière \ Pour ceux très attachés aux formes. . Ceux trop attachés aux formes, en raison du désir, de la colère ou de l'orgueil qui ont les formes pour cause, perdent la maîtrise d'eux-mêmes. Par leur adhésion aux formes ils commettent des fautes graves et connaissent l'échec dans leur accumulation des collections de mérite et sagesse. C'est pour eux que le Vainqueur transcendant, en vue de les détourner des perturbations ayant les formes pour cause, a enseigné que les objets extérieurs ne sont qu'esprit, bien qu'ils ne soient pas tels. . QUESTION: Comment savez-vous que ce texte est de sens indirect? . RÉPONSE: . \ ### \ 138. Le Maître a dit que ce (Discours) est de sens indirect. \ Le raisonnement établit qu'il est de sens indirect. \ Ce texte rend clair que les autres Discours de ce genre \ Sont de sens indirect. . Shakyamuni a dit que cette déclaration: «les objets extérieurs n'existent pas, il n'y a que l'esprit» nécessite une interprétation. Qu'il en soit ainsi est également établi par le raisonnement. Chandrakirti n'explique pas ici, comme à propos du Discours sur les Dix Terres, que le passage de la Descente à Lanka «les objets extérieurs n'existent pas» et la suite ne réfute pas les objets extérieurs mais un créateur autre que l'esprit. Il commente en disant qu'il est à interpréter. . Non seulement ce texte enseignant la pensée-sans-plus est de sens indirect mais il montre que les autres Discours de ce genre, considérés par les Idéalistes comme de sens définitif, sont également à interpréter. Quels sont-ils? . L'Explication de l'Intention Cachée (V. 7), expose trois natures: l'imaginaire, le dépendant et le parachevé. . ~ L'imaginaire n'existe pas ~ Le dépendant existe. . Et, . ~ II ne convient pas de concevoir comme étant un soi ~ La conscience appropriatrice, vaste et profonde, ~ (Possédant) toutes les graines et s'écoulant comme le ~ cours d'un fleuve. ~ Je ne l'ai pas enseignée aux enfants. . La conscience appropriatrice est la conscience base de tout. Dans ce texte, au contraire du dépendant l'imaginaire est dit non existant par son caractère propre. Quoique dans le Discours le dépendant et le parachevé soient tous deux présentés comme établis par leur caractère propre, le commentaire ne parle que du dépendant car c'est la base principale de l'argument entre Tenants du Milieu et Idéalistes à propos de la présence ou de l'absence d'existence réelle, et les bases de désignations des natures imaginaires sont aussi des phénomènes dépendants tandis que le parachevé prend lui-même appui sur le dépendant. Selon Tsongkhapa et son école il est nécessaire comme le font les Conséquentialistes, d'expliquer la signification des mots. Les Idéalistes, eux, s'en tiennent au sens littéral. Ainsi, pour le Système du Milieu cette division est aussi à interpréter. L'enseignement sur la conscience base de tout est également indirect, tout comme la réfutation d'objets extérieurs (dans le 8e chapitre de ce Discours) et les passages ayant trait à trois véhicules ultimes (non commentés par Chandrakirti). . La Descente à Lanka dit: . ~ De même que le médecin ~ Donne des médicaments aux malades, ~ De même, l'Éveillé enseigne ~ L'esprit seul aux êtres. . Ainsi, il est dit que, tout comme un médecin prescrit des remèdes en fonction de la maladie et de l'état du patient, l'Éveillé enseigne l'esprit seul et d'autres doctrines en conformité avec les besoins des disciples. Mais ces doctrines ne constituent pas sa pensée profonde, ne sont pas à prendre littéralement et nécessitent une interprétation. Pareillement, l'enseignement de l'essence de Celui-Ainsi-allé, stable et permanente, n'est pas à prendre à la lettre. . La Descente à Lanka dit encore: . ~ Les Discours enseignant en conformité avec la pensée des êtres ont une signification fallacieuse; ce ne sont pas des Discours sur l'aséité. De même que le cerf est trompé et appréhende de l'eau dans un mirage sans eau, la doctrine enseignée (en conformité avec la pensée des êtres) plaît aux puérils mais n'est pas une parole occasionnant la sagesse des Supérieurs. Par conséquent, tu devrais suivre le sens et ne pas t'attacher à l'expression. Mahamati dit: L'essence de Celui-Ainsi-allé qui est enseignée dans les Discours par le Vainqueur transcendant est dite naturellement lumineuse, de tous temps parfaitement pure, possédant les trente-deux marques, existant dans les corps de tous les êtres. Comme une gemme précieuse enveloppée dans une étoffe sale, elle est revêtue du vêtement du corps, des éléments et des bases de connaissance, dominée par la force de l'attachement, de l'aversion et de l'ignorance, souillée par les contaminations de la pensée, mais permanente, stable, immuable. S'il en est ainsi, comment cette doctrine de l'essence de Celui-Ainsi-allé n'est-elle pas semblable à la doctrine d'un soi des Passeurs? . La réponse est que cet enseignement n'étant pas de sens littéral ne peut s'apparenter à la doctrine d'un soi professée par les Passeurs. L'Éveillé a en vue la vacuité, l'absence de signe, la non-prise en considération, le non-soi des phénomènes. Afin d'écarter la peur que le non-soi inspire aux enfants, de conduire progressivement à l'aséité ceux qui adhèrent depuis longtemps à la conception d'un soi enseignée par les Passeurs, l'Éveillé révèle l'existence de l'essence de Celui-Ainsi-allé comme permanente. Les Héros pour l'éveil présents et futurs ne devraient pas la prendre pour un soi. Ils ne devraient pas se fier à la lettre, autrement leur doctrine ne se distinguera en rien des théories des Passeurs. . Le même texte ajoute: . ~ Mahamati, la connaissance intime des Discours de tous les Éveillés a pour caractère la vacuité, la non-production, la non-dualité, l'absence de nature propre. . Par conséquent, toutes les déclarations de ce genre que les Idéalistes acceptent comme de sens définitif sont de sens provisoire, ainsi que le montre clairement cet extrait. . \ ### \ 139. Si l'objet de connaissance n'existe pas la réfutation de la connaissance \ S'obtient facilement. C'est ce qu'ont déclaré les Éveillés. \ Ils commencent par nier l'objet de connaissance \ Parce que la réfutation de la connaissance s'établit à partir de son inexistence. . De même que les Éveillés commencent par enseigner le don, etc., parce qu'il est un moyen de pénétrer aisément la réalité pour ceux qui ont amassé le mérite suffisant, de même ils amènent progressivement à la réalisation de l'absence de nature propre les disciples incapables de comprendre d'emblée le sens profond. A de tels disciples ils montrent en premier l'inexistence d'objets extérieurs de connaissance pour qu'ensuite soit réfutée sans peine l'existence réelle de la conscience. . Par conséquent, la réfutation d'objets extérieurs étant un moyen d'intellection du non-soi, les Éveillés ont commencé par nier leur existence. Car la négation de la connaissance, c'est-à-dire le non-soi de la conscience, est établie facilement à partir de la connaissance du non-soi des objets extérieurs ou, comme le dit le texte «l'inexistence des objets de connaissance». . Parmi ceux qui comprennent l'absence de nature propre des objets extérieurs certains pénétreront par eux-mêmes l'absence de nature propre de la conscience; d'autres auront besoin pour cela de quelque instruction supplémentaire. . Voici pourquoi l'existence en soi de la conscience et l'absence d'objets extérieurs sont des enseignements de signification indirecte. . L9: [321.163.511.122.233.2. Enseignement sur la méthode pour comprendre les sens indirect et définitif dans les Discours] :L9 . \ ### \ 140. Ainsi, on a compris l'économie des textes. \ Tout Discours exposant des non-réalités est déclaré de sens indirect. \ Comprenant ceci, on devra l'interpréter. \ Sachez également que ceux qui expliquent la vacuité sont de sens définitif. . Grâce à l'exposé ci-dessus on aura compris l'économie des Écritures de sens indirect et définitif. Il faut donc savoir que tout Discours qui n'a pas pour objet l'aséité, qui ne met pas directement en lumière la production interdépendante caractérisée par la non-production, est de sens provisoire. C'est une cause pour comprendre l'absence de nature propre et c'est de cette manière qu'on devra l'interpréter. . Comme le dit Nagarjuna dans sa Louange au Supramondain (5): . ~ Si les éléments ne sont pas visibles par l'œil ~ Comment ce qui en est issu serait-il objet de l'œil? ~ Ayant ainsi parlé du visible ~ Vous avez écarté la saisie du visible. . Par ailleurs un autre Discours déclare: . ~ Impermanence signifie inexistence. . Comme l'indique ce texte, l'enseignement sur la naissance et la destruction des choses a pour but la compréhension de l'absence de nature propre. Ainsi, sachez que les Écritures qui expriment directement la vacuité de nature propre des personnes et des autres phénomènes sont de sens définitif. . Comme le dit le Roi des Recueillements: . ~ II connaît la spécificité des Discours de sens définitif ~ A ce que Celui Allé-en-la-joie y expose la vacuité. ~ Là où sont enseignés les êtres, la personne, l'individu, ~ II sait que tous ces thèmes sont de sens indirect. . Pour les Idéalistes tout ce qui, dans la Parole du Maître, peut être accepté littéralement est de sens définitif et, à l'inverse, tout ce qui ne peut l'être est de sens indirect. (Remarquons que les Discours sont des produits et donc des vérités conventionnelles. Aussi, aux yeux d'un Conséquentialiste il existe une grande différence entre un Discours de sens définitif et un sens définitif. Le premier montre seulement la vacuité tandis que le second est une vérité ultime: une vacuité.) . Un point reste à élucider: Quel est, selon le système conséquentialiste de Chandrakirti, le mode de présentation des trois natures? Par exemple, un serpent est simplement imaginé dans une corde déroulée qui est une production . dépendante, car il n'y a pas de serpent dans la corde. Un serpent véritable, parfaitement établi, est inexistant parce qu'il n'est pas imaginé. De même, une nature ultime des essences est imaginée dans les phénomènes dépendants qui sont des produits. Mais la nature ultime n'est pas un composé. . En effet, Nagarjuna déclare dans son Traité (XV. 2 cd): . ~ Le naturel n'est pas fabriqué ~ Et n'est pas dépendant d'autre chose. . La nature ultime imaginée dans les composés qui sont des objets de perception pareils à des reflets (en ce sens qu'il y a disharmonie entre leur mode d'apparence et leur mode d'existence) est la nature vraie en tant qu'elle est du domaine de la vision d'un Éveillé, car un Éveillé ne l'imagine pas, il ne surimpose pas d'existence réelle là où il n'y a pas d'existence réelle. Les choses produites en dépendance de causes et conditions ne sont pas «touchées» par sa sagesse, laquelle n'actualise que leur statut ultime. Ainsi, parce qu'il pénètre la réalité il est appelé Éveillé. . Ayant de la sorte saisi la présentation des trois natures: l'imaginaire, le dépendant et le parachevé, on devra comprendre de cette manière la pensée du Discours Explication de l'Intention Cachée. . Revenons à notre sujet principal et traitons de la troisième vue extrême. . L9: [321.163.511.123. Réfutation d'une PRODUCTION À PARTIR DE SOI ET D'AUTRE] :L9 . \ ### \ 141. Une production par les deux n'est pas non plus une entité admissible \ Car on tomberait dans les fautes déjà exposées. \ Cela n'est accepté ni par le monde ni selon l'aséité \ Car une production en raison (de l'un et de l'autre) séparément n'est pas prouvée. . Selon les Jainas (Nirgranthas) et les Samkhyas théistes (pour lesquels Ishvara et la nature primordiale sont les créateurs de tous les phénomènes) il y a conjointement naissance par soi et par d'autres. En effet, la cruche est . produite par un morceau d'argile, le bâton, la roue, la corde, l'eau, le potier, etc. Or la cruche étant de la même entité que l'argile est dite naître d'elle-même. Mais, comme l'activité du potier, le bâton et les autres éléments distincts de la cruche en sont les producteurs, elle naît aussi d'autre chose. Pour eux, par exemple, une personne nommée Maitreya qui existait déjà en tant qu'être vivant dans une existence passée prend une nouvelle naissance. Elle naît d'elle-même, car Maitreya et son être vivant ne sont pas autres. Mais, comme il est né de ce qui est autre que lui-même — parents, vertu et non-vertu, contaminations et la suite — Maitreya est donc simultanément produit à partir d'autre chose. . Ces assertions ne nous atteignent pas car, n'acceptant séparément ni la production par soi-même ni à partir d'autres nous considérons que la naissance par les deux est illogique. En effet, elle tombe sous le coup des objections exposées ci-dessus (st. 8 et suiv. et 14) à l'occasion de la réfutation de chacune de ces deux thèses. Puisqu'on ne peut les établir individuellement, comment les accepterait-on conjointement? . L9: [321.163.511.124. Réfutation d'une PRODUCTION SANS CAUSE] :L9 . \ ### \ 142. Si l'on prétend qu'il y a production sans cause \ Alors tout serait constamment produit de tout \ Et le monde ne réunirait pas de graines, etc., au prix de mille (difficultés) \ En vue de l'apparition de fruits. . Les Hédonistes (Charvakas) ou Tenants d'une Nature ou Inhérence — parce qu'ils affirment que la naissance des choses a lieu naturellement sans dépendre de causes — déclarent que si la production résultait de causes elle serait née d'elle-même, d'autre ou des deux. Or, comme ils n'admettent pas de tels mécanismes ils pensent échapper aux absurdités découlant de ces trois positions. C'est ainsi, disent-ils, qu'on ne voit pas que quoi que ce soit fasse la dureté des ligaments et la douceur des pétales du lotus; fasse les formes variées et les différentes couleurs des pétales. On ne voit pas que quoi que ce soit travaille à l'arrangement des couleurs, formes et autres des oiseaux et autres êtres vivants. Pour eux, la rondeur du pois, le pointu des épines ou les couleurs des plumes du paon sont telles en raison de leur spécificité propre. Corps et esprit sont une seule entité née fortuitement. . Si les choses étaient produites sans cause, alors n'importe quoi naîtrait de n'importe quoi, c'est-à-dire que les essences apparaîtraient de ce qui ne serait pas leurs causes: par exemple, le pommier ne serait pas la cause de son propre fruit et, puisque tous les autres fruitiers tels que le poirier ou le citronnier ne seraient pas non plus causes de la pomme, en raison de cette qualité même ils produiraient également des pommes! En outre, les fruits du pommier, qui se manifestent à certains moments en considération de la saison, se produiraient à tout instant puisqu'ils seraient indépendants de la saison. Le corbeau porterait les plumes du paon et, alors même qu'il serait à l'état de gestation, on verrait sur le paon celles du perroquet. Les effets naîtraient sans causes et il serait superflu de semer des graines, de cuire la nourriture et de s'engager dans les multiples activités du monde. Ainsi des efforts fournis par les fermiers pour une bonne récolte. L'apparition, en certains lieux et temps, de phénomènes définis prouve qu'ils sont produits en dépendance de leurs propres causes. Les vues de cette école sont inférieures. Elles sont contredites par le raisonnement et par le monde. . \ ### \ 143. Si les êtres étaient vides de causes ils ne seraient pas perçus, \ Comme la couleur et l'odeur d'un lotus de l'espace. \ Or, le monde, dans son extrême variété, est perçu. \ Reconnaissez donc que le monde est issu de causes, comme notre intelligence. . Autre point. Des êtres apparaissant spontanément ne seraient pas des objets de perception, de même que le parfum et la couleur d'un lotus de l'espace, le fils d'une femme stérile ou les cornes d'un lièvre ne le sont pas. Or, le monde, dans son extrême variété est clairement perçu. Par conséquent, . tout comme notre intelligence revêtue de l'aspect de bleu — c'est-à-dire la conscience de bleu — naît d'un bleu, la totalité des univers est produite exclusivement à partir de ses propres causes. . \ ### \ 144. Les éléments ne sont pas revêtus de la nature \ Sous laquelle ils sont objets de votre intelligence. \ Celui dont l'esprit est (encombré) d'épaisses ténèbres relativement aux choses présentes \ Comment connaîtrait-il exactement l'existence prochaine? . Selon les Hédonistes les quatre éléments — terre, eau, feu, air — sont cause de tous les êtres et des univers. Non seulement c'est en raison d'une certaine maturité de ces éléments que sont produits, tels que nous les voyons, les plantes, les animaux et toutes les choses externes et internes, mais c'est encore de ces éléments seuls que naît l'intelligence qui distingue leur variété. Pour eux, si la cause n'est pas perçue elle n'existe pas. C'est aussi pourquoi ils refusent la réincarnation. «De même que du riz fermenté naît un pouvoir enivrant, de la transformation des éléments sont produits les consciences qui discernent les phénomènes. Nous rejetons la maturation, dans cette vie, d'actes accomplis n'importe où, et celle, dans une autre existence, d'actes accomplis dans cette vie. Nous n'acceptons pas les renaissances.» Dans un tel système il ne pourrait y avoir de pensées issues d'une conscience puisqu'il n'y aurait pas de possesseur de l'entité des éléments. Les Hédonistes n'acceptent que l'expérience directe et non le raisonnement par inférence. . Selon la tradition, le chef de file de ce système, voulant avoir commerce avec sa propre fille, fit en sorte qu'elle ne croit pas à une autre vie ni ne se soucie de la causalité. . Nous, Conséquentialistes, demandons alors sur quoi repose votre conviction de l'inexistence d'autres vies? -- Sur le fait que, présentement, elles ne sont pas directement perçues. -- Cette non-perception des autres vies est-elle évidente ou non évidente? -- Évidente. -- Si l'on accepte l'évidence de ce qui est le contraire d'une perception directe, les non-choses ne sont pas contraires à l'évidence. Par suite, les non-choses sont, pour vous, des choses, puisque la non-perception évidente de vies futures est manifestement un objet de connaissance directe. Par conséquent, comme il n'existe aucune non-chose les choses aussi n'existent pas. Et, en l'absence de choses et de non-choses l'assertion de l'existence des quatre éléments et de l'inexistence d'une vie prochaine ne tient plus. -- Mais, la non-évidence d'une vie prochaine n'est pas manifeste. -- Alors, elle n'est pas perçue par une connaissance valide directe et, n'étant pas perçue, comment pourrait-on, au moyen de cette non-évidence non perçue, conclure à l'inexistence d'une vie prochaine? Dira-t-on qu'elle est perçue par inférence? Ceci est contraire à votre position selon laquelle la perception directe est seule valide. D'ailleurs, comment le non-existant pourrait-il être connu directement? . Les quatre éléments expliqués dans vos textes n'ont pas la nature sous laquelle ils sont des objets de votre intelligence. . Les bouddhistes disent qu'une personne refusant d'admettre l'inférence comme moyen d'établissement valide des essences est très difficile à convaincre. Seuls des éléments directement visibles, tels des miracles, le permettront. Sans comprendre la nature des quatre éléments, phénomènes grossiers, comment appréhendera-t-on les phénomènes subtils au-delà des simples apparences? . \ ### \ 145. Lorsque vous niez l'existence prochaine \ Vous concevez une vue fausse de la nature du connaissable, \ Car vous prenez le corps pour point d'appui de l'aspect de cette vue. \ Il en est de même quand vous admettez l'existence (réelle) de la nature des éléments. . Ils voient la nature de tous les phénomènes d'une manière renversée, pervertie. Niant la vie prochaine, ils affirment le corps et l'esprit semblables en ce que le second dépend du premier et est détruit avec lui, comme la fresque murale qui se désintègre à la démolition du mur. Le corps ou structure de leur vue — un moi — a la même base que la forme ou aspect de leur vue — la négation des vies passées et futures. . OBJECTION DES HÉDONISTES: La conception de la réalité des éléments étant exacte l'exemple à démontrer est vide. . RÉPONSE: Non, parce qu'on a prouvé que la conception d'une production et de l'existence réelle d'éléments non existants et non nés en soi est fausse. . Mais n'est-il pas nécessaire de démontrer la nature de non-production en soi des éléments? . \ ### \ 146. Nous avons dit comment les éléments n'existent pas \ Puisque nous avons ci-dessus réfuté en général \ Une production par soi, par un autre, par les deux et sans cause. \ Les éléments (quoique) non expliqués, n'existent pas. . Par notre réfutation d'une production selon une des quatre possibilités nous avons montré comment les éléments sont privés d'être en soi. Ainsi, bien que l'on n'en ait pas parlé de façon spécifique, on peut comprendre qu'ils n'ont pas de nature propre. . L9: [321.163.511.13. [CONCLUSION] Sens de la démonstration réfutant une production par les quatre extrêmes] :L9 . OBJECTION: Si les choses ne naissent pas selon une de ces quatre hypothèses, alors comment naissent-elles? . RÉPONSE: S'il y avait en elles quelque essence, dans l'impossibilité de toute autre conception de production, sans aucun doute cette essence serait un objet d'observation ou bien serait produite selon un de ces quatre modes. Selon les systèmes qui affirment que les phénomènes sont issus d'Ishvara ou d'autres agents, Ishvara, etc., est identique, ou autre, ou identique et autre que les phénomènes. Par conséquent, ils n'échappent pas aux fautes que nous avons formulées. Ainsi, il n'y a pas de cinquième conception de cause génératrice. Puisque l'on a réfuté la conception d'une production au moyen de ces quatre modalités, la production inhérente des choses n'existe pas. Le texte dit: . \ ### \ 147 ab. Puisqu'il n'y a de production ni de soi, ni d'autre, ni des deux, \ Ni indépendamment de causes, les choses n'ont pas de nature propre. . L8: [321.163.511.2. Abandonner les objections] :L8 . OBJECTION: Mais alors, si les choses n'existent pas réellement, comment le bleu non produit est-il perçu? . RÉPONSE: La nature du bleu n'étant pas un objet d'apparence de ceux souillés par l'ignorance, la nature du bleu n'est pas perçue par leur conscience visuelle. . OBJECTION: Mais qu'est-ce, ce que l'on voit apparaître à maintes reprises en tant qu'objet? . RÉPONSE: C'est un effet de l'erreur et non la nature réelle des choses. Seuls les ignorants font de ces entités des objets d'observation. Puisque, telle une masse de nuages, une épaisse obscurité recouvre leur vision, les êtres ignorants ne perçoivent pas la nature du bleu. A ces puérils qui adhèrent faussement à l'existence en soi des essences, apparaissent des objets qui semblent réels. . \ ### \ 147 cd. En raison de la présence, pour le monde, d'une épaisse ignorance semblable à une nuée, \ Les objets apparaissent faussement. . \ ### \ 148. Comme, par la force de troubles visuels, certains appréhendent \ Des cheveux, deux lunes, des ocelles de paon ou des mouches, \ De même, sous l'influence des fautes de l'erreur \ L'intelligence de l'ignorant connaît la variété des composés. . Comment la réalité, couverte par l'erreur, est-elle vue faussement? En raison de l'ignorance ce qui n'existe pas en soi apparaît comme tel. C'est ce que montre l'auteur au moyen des exemples extérieurs de l'affection visuelle suscitant la vision de chute de cheveux ou des irisations semblables aux ocellures de la queue du paon. . Le Discours sur la Production Dépendante dit: . ~ Les composants ont pour cause l'ignorance. . Et, . ~ La personne sujette à l'ignorance réalise des composants méritoires, déméritoires et immuables. . Et encore, . ~ Par l'arrêt de l'ignorance les composants sont détruits. . \ ### \ 149. Si l'acte apparaît en dépendance de l'erreur il ne naîtra pas en l'absence d'erreur; \ Les simples ignorants le comprendront certainement. \ Les sages ont dissipé l'épaisse obscurité par le soleil de la bonne intelligence. \ Pénétrant la vacuité, ils se libéreront. . Lorsque l'Éveillé déclare aux ignorants que les actes composants procèdent de l'erreur et cessent avec elle, ils ne comprennent que les mots. Lorsque les sages entendent cette même déclaration, ils pénètrent la vacuité qui est l'absence de nature propre des composants. Ou encore, au moyen du soleil de la bonne intelligence connaissant l'aséité de la production dépendante, ils dissipent l'ignorance pareille à de profondes ténèbres et n'assument pas les composants, parce qu'ils ont abandonné la cause de leur appropriation. De cette manière ils obtiendront à coup sûr la libération du cycle. Lorsque la nescience, le premier chaînon de la production dépendante, prend fin, les formations et les autres facteurs cessent également. . \ ### \ 150. Objection: Si les essences n'existent pas en réalité \ Elles seront inexistantes même en pratique, \ Comme le fils d'une femme stérile. \ Par conséquent, elles existent en soi. . Argument des Idéalistes: Puisque les choses existent conventionnellement il faut bien qu'elles soient établies par leur nature propre. Autrement, elles seront dénuées de toute forme d'existence. C'est une position typique des écoles inférieures pour lesquelles absence de nature propre et inexistence sont identiques. . \ ### \ 151. Réponse: II faut présenter l'objection \ De la non-naissance des cheveux, etc., \ A ceux frappés de troubles visuels et autres, qui les perçoivent. \ Ensuite, à ceux atteints de la maladie d'ignorance. . Comme les cheveux, qui sont des objets de l'esprit des personnes affectées de troubles visuels, ne sont pas nés, dans leur non-naissance ils sont semblables au fils d'une femme stérile. Pourquoi, vous qui voyez des cheveux inexistants, ne percevez-vous pas le fils d'une femme stérile? Il vous appartient d'argumenter au préalable avec ceux dont la vision est affaiblie. Et pourquoi, vous qui voyez des formes — non nées en vérité — ne voyez-vous pas le fils d'une femme stérile? On disputera de ce point avec ceux dont l'oeil de l'intelligence est obscurci par l'ignorance. Le fils d'une femme stérile n'a pas même d'existence conventionnelle alors que les phénomènes qui apparaissent en ont bien une. . Ceci n'est pas un sujet de discussion pour nous qui voyons l'absence de nature propre des choses. Ceux qui désirent obtenir la sagesse des pratiquants devront adhérer à la nature des phénomènes telle qu'elle est expliquée. Nous exposons l'absence de nature propre selon l'entendement en harmonie avec les textes qu'en ont les méditants, et non du point de vue de notre propre connaissance obscurcie par l'ignorance. . Ainsi que le dit un Discours: . ~ Les agrégats sont vides et dépourvus de nature propre; ~ L'éveil est vide et dépourvu de nature propre; ~ Celui qui s'applique est également dépourvu de nature ~ propre. . ~ Celui doué de sagesse le sait, mais pas le puéril. ~ Sachant que la sagesse est vide de nature propre, ~ Que les connaissables sont vides de nature propre, ~ Comprenant que le connaissant l'est pareillement, ~ Ceux-là cheminent sur la voie de l'éveil. . Cette question n'est donc pas un sujet de discussion pour les méditants, car ils ne voient aucun phénomène dont la nature serait d'exister en soi, ni conventionnellement ni ultimement. . \ ### \ 152. Si vous voyez des rêves, des villes de musiciens célestes, \ L'eau de mirages, des magies, ou des reflets qui ne sont pas nés, \ Comment les voyez-vous, bien qu'ils soient semblables \ Dans leur inexistence? Ceci est illogique. . La vision d'un rêve et le fils d'une femme stérile sont tous deux inexistants: or, on voit le premier et pas le second. . Pourquoi? Nous vous posons la question car, bien que les magies, reflets, échos et autres soient sans nature propre, ils sont perçus, et non le fils d'une femme stérile. Une vision trompée, brouillée, forme des objets inexistants, mais les objets d'une conscience visuelle correcte ont une existence conventionnelle dans le contexte de noms et labels. Il ne s'agit pas du même objet de réfutation. . \ ### \ 153. Quoiqu'en réalité les (choses) soient sans naissance, \ Comme, au contraire du fils d'une femme stérile, \ Elles ne sont pas sans être des objets d'expérience du monde, \ Pour cette raison, votre assertion est incertaine. . Comme l'exprime le Vainqueur transcendant: . ~ Les destinées sont dites semblables à un rêve, ~ Elles ne sont pas établies en réalité. ~ Celui dont la pensée est fausse ~ Adhère au rêve qui est inexistant. ~ Bien qu'une ville de musiciens célestes apparaisse, ~ II n'y a pas de ville dans les dix directions ni ailleurs. ~ La ville est établie par simple dénomination ~ Ainsi Celui Allé-en-la-joie voit les destinées. ~ Il n'y a pas d'eau dans un mirage ~ Bien qu'elle soit vue par celui qui a la notion d'eau. ~ De même, troublé par les imaginations ~ II conçoit comme agréable le désagréable. ~ Tel, dans un miroir très clair, ~ Apparaît un reflet ~ Dépourvu de nature propre, ~ Tels, il faut reconnaître les arbres (et autres) phénomènes. . Selon ce texte, les formes et les autres phénomènes, tout en n'étant pas produits en soi, sont des objets d'appréhension du monde. Mais il n'en est pas .ainsi du fils d'une femme stérile. Donc, votre assertion est erronée. . Résumons-nous: . \ ### \ 154. Le fils d'une femme stérile ne naît pas par sa substance propre \ Ni selon la réalité, ni selon le monde. \ De même, aucune chose ne naît par son entité propre \ Au point de vue de la réalité ou du monde. . Que ce soit selon l'optique de la pratique mondaine ou selon celle de l'aséité, les choses ne sont pas produites par leur entité propre. Ce qui existe pour une conscience erronée qui appréhende une production en soi des choses n'est absolument pas accepté conventionnellement par nous, Tenants du Milieu. Car il faut bien avoir présent à l'esprit que la production en soi est l'objet de réfutation par excellence. . \ ### \ 155. Donc, de la sorte, le Maître a dit \ Que tous les phénomènes sont originellement apaisés, sans naissance, \ Transcendant naturellement la douleur. \ Par conséquent, il n'y a jamais de naissance. . Le Discours Nuage de Joyaux s'exprime de la même manière: . ~ Ô Protecteur, lorsque tu as mis en marche la Roue de ~ la Loi ~ Tu as enseigné que les phénomènes ~ Sont, dès l'origine, apaisés et non produits, ~ Par leur nature transcendant la douleur. . Parce qu'elle est l'objet de la sagesse paisible, la réalité des phénomènes est paix. Et pourquoi? Parce qu'ils ne sont pas produits en soi. En effet, si quelque chose existait en étant établi par son entité ou nature propre lorsque cela naîtrait, cette nature n'existant pas, qu'est-ce qui naîtrait? Par suite, ils sont au-delà des peines, c'est-à-dire parfaitement purs. «Originellement» signifie que les phénomènes ne sont pas non produits seulement pour la sagesse des méditants mais que, auparavant, selon les modalités de la pratique mondaine, ils ne sont pas produits par leur substance propre. C'est ce que montre ce mot, un synonyme de «d'abord». . \ ### \ 156. Les cruches et autres n'existent pas en réalité, \ Mais leur existence est bien connue dans le monde. \ Puisqu'il en est de même pour toutes choses, \ Il ne s'ensuit pas qu'elles sont semblables au fils d'une femme stérile. . Pour nos propres écoles bouddhistes ce qui n'existe pas réellement n'existe pas conventionnellement. Or, ce que ces écoles établissent comme existence conventionnelle est considéré par nous, Conséquentialistes, comme existence ultime, réelle. . OBJECTION: Puisque les quatre éléments, etc., existent substantiellement, la désignation «cruche» a une cause ou base. Mais, selon vous, les phénomènes ne sont que simples désignations. En l'absence de toute existence substantielle qui soit un point d'appui de la désignation il est impossible d'écarter la conséquence nécessaire selon laquelle les phénomènes sont pareils au fils d'une femme stérile. . RÉPONSE: Ceci n'est pas acceptable, car on ne peut démontrer une existence substantielle qui soit support de désignation. Par exemple, en dépendance d'une collection (visage, etc.) existant nominalement, on perçoit un reflet qui n'est que simple désignation; en dépendance de piliers et autres éléments existant nominalement, la désignation «maison»; la désignation «forêt» ayant les arbres pour support. Comme en rêve on voit la production d'une pousse qui n'est pas née en soi à partir d'une graine qui n'est pas née en soi, les bases de désignation de toutes les choses, qui existent en tant que noms, sont des choses existant comme désignations. L'existence de la cruche est reconnue dans le monde, mais non celle du fils d'une femme stérile! . L8: [321.163.3. Manière de réfuter les conceptions erronées de saisie d'un extrême au moyen de la naissance par la production en dépendance] :L8 . OBJECTION: Puisque vous niez, tant au point de vue relatif qu'au point de vue ultime, la naissance par soi, par d'autres, des deux ou sans cause, comment établirez-vous la naissance conventionnelle des composants et des consciences à partir de l'ignorance, ou de la pousse à partir de la graine? . RÉPONSE: . \ ### \ 157. Puisque les essences ne sont pas produites \ Sans cause, d'Ishvara, etc., \ De soi, d'autres ou des deux, \ Elles naissent en dépendance. . Puisque, ainsi qu'on l'a expliqué, la naissance n'a pas lieu sans cause, ou de causes telles qu'Ishvara, le temps, les atomes, la nature, l'individu, ni en raison de soi, d'autres ou à la fois de soi et d'autres, par suite, c'est en dépendance de causes et conditions que les choses sont produites. Par la simple réfutation de ces quatre formes extrêmes de production nous sommes capables de présenter la relation de causalité conventionnelle de la pratique mondaine. . C'est ce que dit le Vainqueur transcendant: . ~ Voici le signe de la Loi: ~ C'est ainsi: cela étant, ceci est; ~ Par la naissance de cela ceci naît, ~ A savoir, les composants conditionnés par l'ignorance... . Et, dans la Guirlande Précieuse (48): . ~ Cela étant, ceci s'élève, ~ Comme le court quand il y a long. ~ Cela étant produit ceci naît, ~ Comme la lumière par la naissance de la flamme. . Et encore, dans le Traité (VIII. 12/13): . ~ L'agent est dépendant de l'acte ~ Et l'acte est dépendant de l'agent. ~ En dehors de cette existence dépendante ~ On ne voit pas de cause d'établissement. . ~ De même, on connaîtra l'appropriation ~ Par la négation de l'acte et de l'agent. ~ Et, selon l'acte et l'agent ~ On connaîtra le restant des choses. . L'acte et l'agent existent en dépendance mutuelle et n'ont pas d'existence en soi. Dans la stance 13 «appropriation» se réfère à la fois à l'agent et à l'objet d'appropriation. Il faut comprendre que tous deux sont réfutés par les mêmes raisons qui font conclure à l'inexistence de l'agent et de l'acte. En outre, la réfutation de l'être en soi de l'acte et de l'agent s'applique à toutes les choses sans exception. Ainsi, au moyen de ce raisonnement de la production dépendante toutes les conceptions fausses, celles d'une production selon les quatre alternatives, mais aussi les vues de permanence et de nihilisme ou de l'existence en soi des phénomènes, sont écartées. . \ ### \ 158. Comme on ne peut imaginer ces conceptions \ Lorsque les essences naissent en dépendance, \ Ce raisonnement de la production interdépendante \ Détruit tout le filet des vues mauvaises. . C'est seulement en vertu de cette rigueur logique: «En dépendance de telle cause apparaît tel fruit» que les choses conventionnelles atteignent leur existence, et non pas autrement. Nous interprétons la production en dépendance comme le simple fait que les phénomènes n'existent qu'en relations causales et qu'aucun n'est établi par sa nature propre. . Dans ses Soixante Stances de Raisonnement, (19) Nagarjuna dit: . ~ Ce qui naît en dépendance de ceci ou cela ~ N'est pas produit en soi. ~ Ce qui n'est pas produit en soi ~ Comment dire que c'est produit? . Et aussi, dans son Traité (XXIV. 18): . ~ Nous appelons vacuité ~ Ce qui apparaît en dépendance. ~ Ceci est une désignation métaphorique. ~ C'est la voie du milieu. . De même, dans les Questions du Roi des Esprits Serpents Anavatapta . ~ Ce qui naît de conditions n'est pas né, ~ Cela n'a pas d'être en soi de production. ~ On appelle vide ce qui dépend de conditions. ~ Celui qui connaît la vacuité est vigilant. . Et encore, dans la Descente à Lanka: . ~ O Mahamati, c'est par allusion à la non-production en soi que j'ai déclaré: «tous les phénomènes sont vides». . Telle est la pensée de l'Éveillé, exprimée par lui-même. . \ ### \ 159. Les conceptions ont lieu quand les choses existent. \ La manière dont les choses n'existent pas a été examinée. \ En l'absence des choses ces (conceptions) n'apparaissent pas. \ Comme le feu en l'absence de combustible. . Lorsque, de la sorte, on n'admet pas l'existence en soi des essences, alors, en l'absence de nature propre, où se produirait la naissance de soi, d'autres, des deux ou sans cause? S'il existait quelque nature propre, ces formes de naissance auraient lieu et les conceptions d'éternalisme à savoir, de durée après production et, de nihilisme, c'est-à-dire de destruction, deviendraient possibles. . Les conceptions extrêmes apparaissent lorsqu'il y a saisie d'une existence en soi des essences. Mais, quand on a examiné, comme ci-dessus, la manière dont les essences sont dépourvues de nature propre, alors, en l'absence de saisie d'un être en soi les conceptions extrêmes ne se produisent pas, tout comme en l'absence de combustible — la cause — le feu — l'effet — ne prend pas. Par conséquent, au moyen de l'établissement méditatif qui rend manifeste la voie supérieure, les méditants perçoivent l'aséité selon un mode de non-perception du monde différencié des apparences. Et pour eux, les conceptions de l'adhésion à la réalité des phénomènes, auxquelles ils étaient accoutumés depuis un temps sans commencement, s'arrêtent. Comme, par exemple, à la suite de l'application d'un médicament la fausse apparence de cheveux est arrêtée, mais non pas les cheveux, réels objets de la connaissance des autres. . Ainsi s'achève la démonstration de l'impossibilité d'être en soi de la production dépendante. . L8: [321.163.4. Reconnaître le fruit de l'analyse logique] :L8 . \ ### \ 160. L'individu ordinaire est lié par les conceptions; \ Le méditant, sans conceptions, se libère. \ L'arrêt des conceptions, \ Tel est, disent les sages, le fruit de l'examen. . Les individus ordinaires, ne sachant pas que telle est la nature des phénomènes, sont liés par les conceptions extrêmes. Par suite, les méditants supérieurs sans conceptions fausses qui comprennent cette nature sont délivrés. Ainsi, la négation de tous les objets des conceptions extrêmes met fin aux idées fausses. Tel est le fruit, atteint par les nobles pratiquants, de l'examen exposé dans le Traité sur le Milieu de Nagarjuna. . Comme le dit Aryadeva dans ses Quatre Cents (398): . ~ Si les choses existaient en soi ~ Quelle serait la vertu de percevoir la vacuité? ~ La vision de celui qui conçoit est lien. ~ (L'objet de) cette (conception) est réfuté ici. . Si les choses existaient réellement leur nature serait perçue et la vision de la vacuité d'être en soi n'aurait aucune vertu. Par conséquent, la vision de celui qui imagine un être en soi est un lien. L'objet de cette conception est réfuté ici dans le Traité sur le Milieu. On entend par «conception» ou «pensée discursive» la surimposition d'une nature propre là où elle est inexistante. Sans analyse il est impossible de comprendre le fonctionnement et la nature de la pensée discursive. . \ ### \ 161. Dans le Traité (Nagarjuna) ne discute pas par amour de la controverse \ II montre l'aséité en vue de la libération. \ Si, quand il enseigne l'aséité, \ Les systèmes des autres sont détruits, il n'y a pas de faute. . Si, dans son Traité, Nagarjuna se livre à de nombreuses critiques, ce n'est pas par amour de la controverse et désir de dominer les autres. Mais, par sa critique, il enseigne l'aséité en vue de la libération des êtres, en pensant: «Puissent les êtres, comprenant sans erreur l'aséité, obtenir la libération!» Mais, dira-t-on, n'est-il pas vrai que vous réfutez toutes les théories des Réalistes? Donc, le Traité est bien fait en vue de la controverse. Comment pouvez-vous affirmer qu'il ait pour seul fruit l'arrêt des conceptions? Réponse: II est certain que cette critique n'a pas pour but la dispute. Mais, quand nous enseignons l'aséité, les non-Conséquentialistes, dans leur faiblesse, ne peuvent se maintenir comme l'obscurité à proximité de la lumière. Ce n'est pas notre faute s'ils périssent d'eux-mêmes. . Ainsi que le dit Aryadeva dans les Quatre Cents (290): . ~ Celui-Ainsi-allé n'enseigne pas cette doctrine ~ Dans un but de controverse. ~ Toutefois, elle brûle l'opposant ~ Comme le feu le combustible. . Le feu est allumé pour bouillir de l'eau et non pas pour ses braises et ses cendres qui n'en sont qu'un effet secondaire. Si nous enseignions la Doctrine par amour de la dispute il ne fait aucun doute que nous ressentirions de l'animosité envers les erreurs de nos adversaires et de l'attachement pour la justesse de nos vues. Comment, alors, pourrions-nous mettre fin aux pensées d'aversion et de désir? . \ ### \ 162. L'attachement à sa vue propre \ Et aussi l'aversion pour la vue d'autrui, cela est conception. \ Par conséquent, dégagé de l'attachement et de l'aversion, \ Par l'analyse on sera rapidement délivré. . Les Soixante Stances de Raisonnement (50) nous apprennent que: . ~ Les magnanimes n'argumentent pas: ~ Ils n'ont pas d'opinion. ~ Pour ceux qui n'ont pas d'opinion ~ Comment y aurait-il opinion d'autrui? . Et, dans les Quatre Cents (185): . ~ Si, attachés à votre opinion, ~ Vous n'appréciez pas l'opinion d'autrui, ~ Vous ne transcenderez pas la douleur. ~ Et, vous mouvant dans la dualité, ~ Vous ne serez pas apaisés. . Celui qui, ayant rejeté l'attachement à ses propres thèses et le déplaisir à l'égard des thèses d'autrui, ne s'applique pas à l'examen avec un esprit honnête et impartial, aura une connaissance philosophique qui ne servira qu'à le lier davantage au cycle. . Ceci conclut l'exposition du non-soi des phénomènes. . L7: [321.163.512. Établir par le raisonnement le non-soi des personnes] :L7 L8: [321.163.512.1. Montrer que les aspirants à la libération doivent commencer par réfuter l'existence inhérente du je] :L8 . \ ### \ 163. Voyant par l'intelligence que tous les maux et perturbations \ Ont comme origine la vue relative à une collection destructible, \ Reconnaissant qu'elle a le je pour objet \ L'adepte réfute le je. . Ayant ainsi enseigné, au moyen de l'Écriture et du raisonnement, le non-soi des phénomènes, expliquons à présent le non-soi des personnes. . Les méditants qui aspirent à pénétrer l'aséité et à abandonner les fautes liées aux perturbations doivent se demander quelle est la racine de l'errance dans le cycle. Après analyse, ils découvriront par l'intelligence que les perturbations consistent en l'attachement, l'aversion, l'ignorance, et les fautes en la naissance, la maladie, la vieillesse, la mort et le reste. Toutes ont pour aspect la pensée je et mien. Toutes sans exception naissent de la vue relative à une collection destructible, une sagesse erronée qui conçoit l'existence inhérente du je et mien. Elles en sont le fruit. Les personnes douées de pénétration verront que le je ainsi appréhendé par cette vue fausse est inexistant. Quelle est la base, l'objet de cette vue? C'est le je: l'objet d'observation de la vue d'un soi, de la saisie d'un je, l'objet de la conception d'un soi de la personne, car la conception d'un je ou soi est le possesseur d'objet du soi et le soi objet d'observation. Ainsi, ce qu'on appelle je ou soi est l'objet d'observation de la conception d'un je, ce n'est pas le soi de la personne. Le je existant est celui désigné sur la simple collection des agrégats. Le je objet d'observation existe, mais pas de la manière dont le conçoit la conception d'un je (la vue du destructible): Alors, qu'est-ce que le soi de la personne? C'est son existence réelle, laquelle est inexistante. . Ceux qui désirent abandonner tous les maux doivent abandonner leur racine, la vue relative au destructible, celle-ci étant rejetée par la connaissance de l'absence de nature propre du je. Les méditants commenceront par identifier ce qu'est la notion de je: «Ce je, objet de la saisie de je, est-il établi ou non par sa nature propre?» Puis, par la négation de la nature propre de cet objet, la vue du destructible étant annihilée, toutes les fautes s'arrêteront. L'analyse du je est donc le moyen de réaliser la libération de l'errance dans l'existence cyclique dont l'ignorance est la source. . Dans le Compendium des Entraînements Shantideva affirme: . ~ Si la vacuité de la personne est ainsi établie, alors, leur racine étant tranchée, toutes les perturbations cessent d'apparaître. Comme l'exprime le Discours Secrets de Celui-Ainsi-allé: «Shantamati, c'est ainsi: par exemple, lorsqu'un arbre est coupé à sa racine les branches, brindilles et feuilles se dessèchent toutes; Shantamati, de même, lorsque la vue d'une collection destructible est apaisée, toutes les perturbations et perturbations secondaires sont apaisées.» . Donc, il faut d'abord s'imprégner des imperfections du cycle et chercher à en déterminer la source. Puis, si l'on désire y mettre fin, acquérir la certitude quant à la vue du non-soi, la méthode directe pour réfuter la conception d'un je réel. Tel est le processus à suivre dans le Grand comme dans le Petit Véhicule. . Mais, la Guirlande Précieuse ne dit-elle pas (35): . ~ Aussi longtemps qu'il y a conception (fausse) des ~ agrégats ~ II y a conception (fausse) d'un je. ~ Lorsqu'il y a conception d'un je il y a action, ~ Et de l'action naissance. . expliquant que la racine du cycle est la conception d'un soi des phénomènes, la croyance en la réalité des agrégats? Ceci ne contredit-il pas votre explication selon laquelle la vue du transitoire est la racine du cycle? . Non. Ici, Nagarjuna distingue deux conceptions d'un soi: des personnes et des phénomènes, mais le mode de saisie est le même dans les deux cas, car toutes deux ont pour aspect l'idée d'une existence inhérente. Par conséquent, lorsque la conception d'un soi des phénomènes est enseignée comme cause de la vue du transitoire, les deux aspects de l'ignorance sont expliqués dans une relation de cause à effet. Quand les deux conceptions — d'un soi des personnes et des autres phénomènes — sont enseignées en tant que racines des perturbations elles sont décrites comme l'origine de toutes les perturbations dont le mode de saisie se distingue du leur. . L8: [321.163.512.2. Mode de réfutation de l'existence inhérente du je et mien] :L8 L9: [321.163.512.21. Mode de réfutation de l'existence inhérente du je] :L9 L9: [321.163.512.211. Réfuter un je DIFFÉRENT en nature des agrégats tel que l'acceptent les non-bouddhistes] :L9 L9: [321.163.512.211.1. Opinions des Samkhyas et Vaishesikas] :L9 . \ ### \ 164. Le soi est conçu par les Passeurs comme jouissant, \ Permanent, inactif, sans qualités, sans mouvement. \ Les systèmes des Passeurs se diversifient \ Selon les particularités qu'ils lui (attribuent). . Qu'est-ce que ce je objet de la vue relative à une collection destructible? Les Samkhyas acceptent vingt-cinq catégories de phénomènes. . Dans les Stances des Samkhyas (3), il est dit: . ~ La nature fondamentale n'est pas transformation, ~ Les sept, le grand, etc., sont natures et transformations, ~ Les seize sont transformations, ~ La personne n'est ni nature ni transformation. . Le soi ou personne est un «mangeur», un «consommateur», jouissant parce qu'il éprouve plaisir et douleur; inactif, car omniprésent; permanent car il ne change pas; ce n'est pas le créateur des choses manifestées; au contraire des vingt-quatre autres catégories qui sont matière, c'est une conscience, n'étant pas formé de particules; il est sans qualités, n'ayant pour nature ni la mobilité ni l'obscurité ni la légèreté. On dit nature parce qu'elle fructifie. En quelle occasion? Lorsqu'elle voit le désir de la personne. Quand, en la personne naît le désir de jouir des objets la nature, qui connaît ce désir, s'unit à la personne et crée les objets. Le soi et la nature sont des réalités ultimes; puisque non manifestés ils existent réellement. Les autres catégories, manifestées sont des réalités conventionnelles. De la nature naît le grand ou intellect; du grand procède le principe du je qui est triple: mobilité, obscurité et légèreté. La mobilité consiste en mouvement et agitation, l'obscurité en lourdeur et enveloppement, la légèreté en légèreté, dans l'opposition léger/lourd, et clarté. La première est synonyme d'aversion et douleur, la deuxième de désir et joie, la troisième d'erreur. Les trois qualités en état d'équilibre c'est le principe, car elles sont prééminentes et apaisées; en état de transformation c'est la nature. Du principe du je dominé par la mobilité s'élèvent les cinq objets subtils: formes visibles, sons, odeurs, goûts et tangibles. De celui dominé par l'obscurité les onze facultés, cinq mentales: œil, oreille, nez, langue, corps, cinq physiques: parole, bras, jambes, anus et organes génitaux, et la faculté intellectuelle à la fois mentale et physique. Enfin, des cinq objets subtils sont produits les cinq éléments: la terre de l'odeur, l'eau du goût, le feu de la forme visible, l'air du tangible et l'espace du son. Selon Avalokitavrata le principe du je dominé par la mobilité est ce qui anime les deux autres aspects, mais pour Tsongkhapa et son élève Gyeltsap ce rôle revient au principe dominé par l'obscurité. . Les vingt-cinq catégories sont divisées en quatre groupes: natures ou causes, transformations ou effets, ce qui est à la fois nature et transformation et ce qui n'est ni l'une ni l'autre. La nature appartient uniquement au premier car elle est cause de toutes les transformations mais n'est pas elle-même causée. Le grand, le principe du je et les cinq objets sont à la fois natures et transformations car ils sont causes de transformations et sont eux-mêmes causés. Les onze facultés et les cinq éléments ne sont que transformations, ils sont causés mais ne produisent rien d'autre. La personne n'est aucune des deux car elle ne crée ni n'est créée. . L'intellect conçoit les objets, sons, etc., saisis par les facultés de l'oreille et le reste auxquelles la faculté intellectuelle a donné pouvoir. La personne pense alors ces objets conçus par l'intellect. . Lorsque, en raison d'une diminution de l'attachement, la personne considère le caractère imparfait des objets, elle se sépare de l'attachement. Progressivement, elle cultive les absorptions méditatives de la forme et du sans forme, obtient la connaissance supérieure appelée œil divin et, avec cet œil divin regarde la nature fondamentale. Celle-ci la voit et, honteuse comme l'amante découverte par la maîtresse de maison, quitte la personne. Dans un processus inverse des étapes de production toutes les transformations se dissolvent en la nature. Lorsqu'elles sont devenues non manifestées et que la personne demeure seule la libération est atteinte. . De même que les Samkhyas admettent le moi, de même les systèmes des Passeurs se diversifient par leurs façons de le définir. Les Vaishesikas proclament neuf qualités du moi: intellect, joie, douleur, désir, aversion, effort, bien et mal, force de l'acte. L'intellect est perception des objets; la joie, jouissance de l'objet désiré; la douleur, le contraire; le désir, aspirer à la chose souhaitée; l'aversion, se détourner de l'objet non désiré; l'effort, l'habileté de pensée pour le but à réaliser jusqu'à ce qu'il soit atteint; le bien est ce qui accomplit le bonheur des statuts élevés et le bien définitif, et le mal, son contraire: ce qui est issu de la connaissance, ce qui est cause de la connaissance est la force de composition. Aussi longtemps que ces neuf qualités du moi restent unies à lui la personne erre dans le cycle en raison de l'accomplissement d'actions bonnes et mauvaises en liaison avec ces qualités. Mais quand la personne, par une connaissance correcte a coupé, avec leurs racines, ces qualités, alors, demeurant en lui-même, il est délivré. Le moi est éternel, créateur et jouisseur d'effets, doué de qualités et, parce qu'omniprésent il est sans mouvement. Certains Vaishesikas affirment qu'il est doué de mouvement par rétraction et expansion. . L9: [321.163.512.211.2. Réfutation] :L9 . \ ### \ 165. Puisqu'il est dépourvu de naissance, comme le fils d'une femme stérile, \ Un tel soi n'existe pas. \ Il ne peut être le support de la conception d'un soi. \ Nous n'acceptons pas son existence, même conventionnellement. . Les différents soi décrits dans les textes des Passeurs n'existent pas en réalité tels que ceux-ci l'admettent «car ils ne sont pas nés» — une raison acceptée par eux-mêmes — comme le fils d'une femme stérile. Il est donc illogique que ce soi fabriqué de toutes pièces constitue le support de la conception innée d'un soi pour les mêmes raison et exemple. Ce qu'on nomme «point d'appui de la conception d'un soi» est le simple je, la personne, etc., lesquels sont des produits. Accepter l'existence s'oppose au non né. Par contre, un soi de la personne, qui n'est pas même établi conventionnellement, ne lui est pas contraire. Ainsi, la négation de l'existence d'un soi et de l'objet de la conception d'un soi se fait à la fois au plan ultime et conventionnel. Il s'agit ici du rejet d'un soi à l'existence substantielle. . \ ### \ 166. Toutes ses caractéristiques \ Enseignées par les Passeurs dans leurs traités \ Tombent sous la raison de non-naissance, reconnue (par eux). \ Par conséquent, aucune de ces caractéristiques n'existe. . En outre, toutes les caractéristiques attribuées au moi par les Samkhyas et Vaishesikas: éternité, non-activité, jouissance, absence de qualités et de mouvement sont inexistantes car le moi n'est pas né, comme le fils d'une femme stérile. . C'est ainsi que dans les doctrines du moi, sa nature propre et ses attributs sont réfutés par l'argument de non-naissance et l'exemple du fils d'une femme stérile. Par conséquent, . \ ### \ 167. Il n'y a donc pas de moi autre que les agrégats \ Car il n'est pas établi qu'il soit perçu en dehors des agrégats. \ Le monde ne l'accepte pas comme support de la conception du moi \ Car ceux qui ne le connaissent pas ont cependant la vue du moi. . Si l'on percevait un moi indépendamment de la perception des agrégats c'est-à-dire, si le moi était naturellement distinct des formes, sensations, discriminations, formations et consciences, il n'y aurait absolument aucune relation entre eux. Ce serait alors comme saisir à part une pièce de laine sans saisir une cruche. Or, ceci est impossible. . Comme le dit le Traité (XXVII. 7): . ~ Un soi différent de (son) appropriation est irrationnel; ~ S'il différait (de son appropriation) on le percevrait ~ En l'absence d'appropriation. ~ Or, il n'est pas appréhendé (ainsi). . Ici «appropriation» se réfère aux agrégats. Et, (XVIII. Icd): . ~ S'il était autre que les agrégats ~ II n'aurait pas le caractère des agrégats. . Autre absurdité. Votre moi, distinct en nature des agrégats, n'est pas accepté par les êtres comme objet ou support de la perception d'un moi. Pourtant, ceux qui ne connaissent — ne saisissent — pas un moi tel que l'enseignent les Passeurs, en raison d'une certaine adhésion, ont une vue du moi, disant «je» et «mien». Ici, le troisième vers réfute un moi qui serait distinct en nature des agrégats, alors que la stance 165 nie la vue d'un moi existant substantiellement. . OBJECTION: Mais les êtres qui ne connaissent pas ces attributs de permanence, non-production, etc., du soi, en raison d'une ancienne accoutumance, ont cette conception d'un soi ayant pour objet ce soi éternel, non né. . RÉPONSE: Non. . \ ### \ 168. Ceux qui sont hébétés pendant de nombreux éons dans (les destinées) animales \ Ne voient pas non plus ce (moi) permanent, non né. \ On constate néanmoins que la conception d'un moi opère en eux. \ Par conséquent, il n'y a pas de moi autre que les agrégats. . Seuls ceux dont l'esprit est entraîné aux mauvaises doctrines ont la conception d'un soi distinct des agrégats qui serait la base de la saisie d'un soi. Toutefois, on constate que l'idée du soi existe aussi chez ceux auxquels manque l'habitude des mauvaises doctrines. Ainsi, les êtres qui après d'innombrables existences dans les trois domaines inférieurs, aujourd'hui encore ne sortent pas de ces destinées, eux non plus ne perçoivent pas ce soi permanent, non né, imaginé par les non-bouddhistes. . En voyant que la conception d'un soi réel opère néanmoins en eux, quelle personne intelligente croirait qu'un tel soi éternel, non né, est le point d'appui de la conception d'un soi à l'existence réelle? Par suite, il n'y a absolument aucun soi distinct des agrégats. . L9: [321.163.512.212. Réfuter l'assertion de nos propres écoles selon laquelle les agrégats eux-mêmes seraient le je [IDENTIQUE]] :L9 L9: [321.163.512.212.1. Réfuter l'assertion que les agrégats sont le je] :L9 . Afin de parvenir à la libération, il est absolument nécessaire de reconnaître la base servant de support aux actions, la personne ou agent. Mentionnons quelques opinions parmi les bouddhistes. Certains, dans nos propres écoles, disent: . \ ### \ 169. Puisqu'un moi différent des agrégats n'est pas établi \ Les agrégats seuls sont l'objet de la vue du moi. \ Certains soutiennent que l'ensemble des cinq agrégats est le support de la vue du moi. . \ ### \ [VI.126] \ 169. \ 'Since a self that is other than the aggregates is not established, \ The observed object of the view of self is only the aggregates.' \ Some assert all five aggregates as the basis of the view of self, \ And some assert the mind alone. . Puisqu'un soi autre que les cinq ensembles n'est pas prouvé seuls les ensembles sont les objets d'observation de la vue relative au destructible ou vue du soi. En effet, de ces deux théories: un soi distinct en nature des agrégats et un soi qui serait les agrégats internes, la première est inadmissible. Par conséquent, le soi n'est que ses propres agrégats. Cette thèse est celle des Sammityas. Parmi eux, les Bahushrutiyas soutiennent que l'ensemble des cinq agrégats constitue l'objet ou support de la vue du soi: «Ce sont les cinq agrégats que l'on conçoit comme je». Ainsi que le dit un Discours: . ~ Ô moines, tout dévot ou brahmane qui voit un soi ne voit que les cinq agrégats d'appropriation. . Donc, poursuivent-ils, il leur a été déclaré que la vue relative au je et mien est la vue d'une collection périssable, afin de mettre en lumière que leur vue porte sur une entité destructible et non sur le je et mien. S'appuyant sur la déclaration «il voit les cinq agrégats d'appropriation» ils affirment que les cinq ensembles sont l'objet de la vue du soi. . D'autres Sammityas se référant à la Compilation des Stances sur la Loi. . ~ Le moi est le protecteur du moi. ~ Quel autre serait le protecteur? ~ Lorsque le moi est contrôlé ~ Le sage obtient un statut élevé. . soutiennent que l'esprit seul est le soi. Le terme moi désigne l'esprit car il n'y a pas de soi distinct des agrégats. Un autre Discours dit: . ~ Le contrôle de l'esprit est excellent; ~ Le contrôle de l'esprit conduit au bonheur. . C'est pourquoi l'esprit, fondement de la conception du soi, est appelé «soi». . Dans son ouvrage Flammes d'Argumentation (III.96), Bhavaviveka, le Tenant du Milieu Autonome, explique: . ~ Nous désignons aussi par le terme «soi» la conscience conventionnelle parce que la conscience est ce qui prend une nouvelle naissance, nous disons: «c'est le soi», c'est-à-dire que le soi est désigné sur la collection du corps et des facultés. . Certains Discours affirment que le bonheur est obtenu par le contrôle de l'esprit, d'autres que le contrôle du moi assure un statut élevé, établissant ainsi que l'esprit est la personne. L'appropriateur des agrégats est le moi et, la conscience étant ce qui transmigre, constitue le moi. Pour ce maître, comme pour ceux qui n'acceptent pas la base de tout, la conscience qui prend un corps est la conscience mentale. Pour ceux qui l'admettent, la base de tout est le fondement de la désignation de la personne. . A la première thèse, que l'ensemble des agrégats est le moi, nous répondons: . \ ### \ 170. Si les agrégats étaient le moi \ Alors, ceux-ci étant multiples, le moi aussi serait multiple. \ Le moi serait une substance \ Et la vue (des agrégats), opérant sur une substance, ne serait pas erronée. . Si l'on admet que les cinq agrégats du continuum de chacun sont le moi alors, comme il y a plusieurs agrégats on devra accepter qu'il y a plusieurs moi pour une seule personne. . Si l'on pose que l'esprit est le moi, l'esprit étant multiple — soit par la division en six consciences (auditive, visuelle, etc., soit parce qu'à chaque instant de nombreuses consciences sont produites et cessent — le moi serait aussi multiple. . Si l'on accepte que le moi et les agrégats sont réels ils auront une nature unique et seront en conséquence indissociables. On aura alors plusieurs moi ou un seul agrégat. Mais notre adversaire n'affirme pas qu'il y a de nombreux soi lorsqu'une personne vient à naître. . Parce que l'on nomme agrégats les substances, formes et autres, distinctes par la division en choses passées, présentes et futures, le moi serait une substance. . Or, faisant référence à l'Écriture vous rejetez ceci: . ~ O moines, cinq choses ne sont que nom, expression commune, désignation. Quelles sont-elles? Le temps passé, le temps futur, l'espace, l'au-delà des peines et la personne. . Et encore. . ~ De même que l'on dit «chariot» ~ En dépendance de la collection des membres, ~ De même, en dépendance des agrégats ~ la convention «être vivant». . De plus, comme la vue relative à une collection destructible opérerait sur une substance, c'est-à-dire aurait pour objet une existence substantielle, elle ne serait pas erronée, de même qu'une conscience de bleu ou de jaune. Par conséquent, ou la vue du destructible ne serait pas abandonnée en tranchant son continuum ou, comme la conscience percevant le bleu ou le jaune, elle ne serait abandonnée qu'en éliminant le désir qui la prend pour objet. . \ ### \ 171. Au moment de l'au-delà des peines le moi serait certainement anéanti. \ Il y aurait naissance et destruction dans les instants précédant cet au-delà. \ En l'absence d'agent il n'y aurait pas de fruit. \ Ce qu'un autre accumulerait un autre l'éprouverait. . Si, selon vous, le soi était les agrégats, au moment de l'au-delà des peines sans reste les cinq agrégats étant anéantis, il ne fait pas de doute que le soi le serait aussi. Par conséquent, votre thèse relève d'un extrême de nihilisme étant donné que vous concevez l'anéantissement de ce que vous considérez comme le soi. L'objet de la conception innée d'un soi est le soi conventionnel. Le soi n'existe ni séparément des agrégats ni substantiellement. Il a une existence relative, nominale. Votre sagesse est erronée car vous voyez ce qui change comme concret. Si le soi se modifiait de façon inhérente toute relation causale serait coupée. Tout comme les agrégats naissent et périssent moment après moment, à chaque instant précédant l'entrée dans l'au-delà des peines le soi aussi naîtrait et périrait par son entité propre. Par suite, de même qu'en se remémorant une naissance on ne conçoit pas «ce mien corps est apparu antérieurement», de même l'Éveillé n'aurait pas dit «en ce temps-là, à cette époque, j'étais le roi Mandhatar», parce que le soi de cette époque, comme le corps, aurait périt et n'existerait pas présentement, et parce que l'on n'admet pas que dans cette vie naît un autre je distinct en nature du je antérieur. . Le Traité (XXVII.6) dit: . ~ L'appropriation n'est pas le moi ~ (Car) elle naît et périt. ~ Comment ce qui est approprié ~ Serait-il l'appropriateur? . Les agrégats appropriés ne sont pas le moi car ils naissent et périssent à chaque instant. Comment ce qui est assumé — l'objet — pourrait-il être ce qui assume — l'agent? Et aussi (XVIII.lab): . ~ Si le moi était les agrégats ~ II serait sujet à la naissance et à la destruction. . Si le moi est réellement autre d'un instant à l'autre, le moi, agent, n'existant pas, il n'y aura pas d'actions car elles seront sans point d'appui, et, par suite, il n'y aura aucune relation entre elles et leurs fruits. Si l'on objecte que le fruit de l'acte des moments antérieurs étant éprouvé aux moments ultérieurs la présentation est sans faute, on répondra que la maturation des actions accomplies par certaines personnes sera goûtée (litt. «mangée») par d'autres personnes. On sera alors face à l'absurdité de la destruction des actions accomplies et de la rencontre des résultats d'actions non accomplies. . Le Traité (XVII. 10.11) dit encore: . ~ Si le moi présent était autre ~ II existerait même en l'absence du moi passé. ~ Le moi passé se maintiendrait tel quel. ~ Il naîtrait sans être mort. ~ Il s'ensuivrait, entre autres, ~ L'anéantissement; les actes se perdraient; ~ Un autre accomplirait les actes, ~ Un autre les éprouverait. . Si le moi de cette vie différait intrinsèquement du moi de la vie antérieure il pourrait exister indépendamment de ce dernier, sans l'avoir pour cause. Le moi passé se maintiendrait tel quel et ne disparaîtrait pas malgré l'apparition du moi de cette existence tout comme une étoffe, distincte d'une cruche, n'est pas détruite lorsque la cruche apparaît. Autrement dit, sans être mort à l'existence passée le moi pourrait naître à l'existence présente. Puisque c'est inadmissible, le moi n'est pas les agrégats. Répétons-le, une production réelle s'oppose à toute relation entre les essences. . OBJECTION: Bien que les moments antérieurs et postérieurs soient bien autres, puisqu'ils sont d'une même série réelle notre raisonnement est sans faute. . \ ### \ 172. N'y a-t-il pas de faute si un continuum existe en réalité? \ Le défaut du continuum a été expliqué lors de la critique ci-dessus. \ Donc, que les agrégats et l'esprit soient le je est absurde, \ Parce que le monde n'est pas fini, etc. . RÉPONSE: Nous avons réfuté ceci dans la stance 104. . ~ [104. Les phénomènes qui dépendent de Maitreya et Upagupta ~ Parce qu'ils sont différents ne sont pas inclus dans une série. ~ Étant distincts par leur caractère propre ~ II est inadmissible qu'ils fassent partie d'un même continuum.] . Le Traité (XXVII. 16) dit aussi: . ~ Si l'homme est autre que le dieu ~ II y aura non-éternité. ~ Si l'homme est autre que le dieu ~ La série est irrationnelle. . Si autre était le dieu et autre l'homme, le moi humain antérieur serait détruit dans la vie passée et un moi tout autre naîtrait à cette vie présente. Si l'homme était autre que le dieu il n'appartiendrait pas à la même série, ou bien le continuum n'existerait pas. . Par conséquent, il est inadmissible que des choses données comme intrinsèquement autres fassent partie d'un même continuum, et l'on ne peut admettre en tant que je ni les agrégats ni l'esprit. Traitons du dernier vers de cette strophe: . Le monde est fini, infini, à la fois fini et infini, à la fois ni fini ni infini. Le monde est éternel, non éternel, à la fois éternel et non-éternel, à la fois ni éternel ni non éternel. Celui-Ainsi-allé existe après sa mort, n'existe pas, existe et n'existe pas à la fois, à la fois ni n'existe ni n'existe pas après sa mort. Le corps est la vie, le corps est autre que la vie. Ici, «vie» est synonyme de moi. On ne trouve pas de réponses directes à ces questions, l'Éveillé ayant à leur propos utilisé dans un Discours du Petit Véhicule la parabole de l'homme blessé par une flèche qui s'inquiète de savoir quel est l'auteur du coup plutôt que d'extirper au plus vite le projectile. Ainsi, les questionneurs futiles, au lieu de s'attacher en priorité à la libération, cogitent vainement sur des questions sans réponses. Néanmoins, elles ne sont pas sans appeler la réflexion. Par exemple, la fin du cycle est rendue possible par la rencontre de la Doctrine conjointe au potentiel d'éveil résidant en chaque être. Quant à son début, l’Éveillé a proclamé sans détour qu'on ne peut trouver de commencement aux tribulations d'une existence à une autre. Si l'on conçoit les agrégats par le mot monde alors, puisqu'ils naissent et meurent, il aurait été enseigné que le monde n'est pas éternel. Que le monde a une fin puisqu'il n'y a pas d'agrégats après l'au-delà des peines. Et, de même, que Celui-Ainsi-allé n'existe pas après son passage. Or, le Maître ayant réfuté ces quatorze vues, les agrégats ne sont pas le moi. . \ ### \ 173. Selon vous, le méditant qui perçoit le non-soi \ A ce moment, verrait nécessairement l'inexistence des choses. \ Abandonne-t-il un moi permanent \ Dans ce cas, votre esprit ou (vos) agrégats ne sont pas le moi. . Votre position présente d'autres défauts. Dans votre système, au moment où le pratiquant voit directement le non-soi — percevant la vérité de la douleur sous l'aspect d'absence de soi: «tous les phénomènes sont dépourvus de soi» — il verrait forcément l'inexistence des agrégats. Mais, comme vous n'admettez pas cela, les agrégats ne sont pas le soi. . OBJECTION: Mais, pour qui n'accepte pas que les agrégats sont le soi, lors de la perception directe du non-soi de la personne, pour la même raison l'inexistence de la personne établie comme base de désignation du soi est nécessairement connue. . RÉPONSE: On ne peut répondre à ceci sans un raisonnement subtil. Notre adversaire, acceptant comme soi l'esprit et les agrégats, ne connaît pas que le soi et la personne ne sont établis que par le pouvoir de la convention. Recherchant l'objet désigné, il le trouve. Selon cette approche, le soi constitué des agrégats et de l'esprit existe par son entité propre. Comme la vision manifeste du non-soi sera alors obligatoirement une réalisation de l'absence complète du soi, notre adversaire tombe dans l'erreur d'une perception de la totale inexistence du soi et des agrégats. Par contre, notre système qui pose une simple existence nominale — n'acceptant pas que l'objet désigné soit établi après recherche — échappe à cette conséquence. . OBJECTION: Mais, lorsqu'on emploie le mot je ou moi à propos de la relation de l'acte et du fruit, ce mot a pour objet les seuls agrégats puisqu'un moi autre que les agrégats est impossible. Lors de la vision du non-soi, ce mot vise l'individu agent intérieur (la personne) imaginé par les non-bouddhistes. Donc, au moment de la vision du non-soi le pratiquant ne perçoit que des composants sans individu intérieur, et la faute de non-perception des phénomènes ne s'ensuit pas. . RÉPONSE: Si vous dites qu'au moment de la vision du non-soi un moi permanent, individu intérieur, est abandonné, c'est-à-dire s'il est perçu comme inexistant, alors, puisqu'il ne convient pas que le sens du mot moi s'applique à d'autres objets, le moi n'est plus ni les agrégats ni l'esprit . OBJECTION: Mais nous n'admettons pas qu'à l'occasion de la relation de l'acte et du fruit le mot je vise un tel objet — le soi éternel des non-bouddhistes. Aucune faute ne peut donc nous être imputée. . RÉPONSE: Tantôt l'individu intérieur est le soi, tantôt, comme pour la connexion de l'acte et du fruit, ce sont les agrégats. Une exégèse arbitraire est inadmissible. . OBJECTION: II est impossible que l'individu intérieur soit l'agent des actions et celui qui éprouve leurs effets. . RÉPONSE: Nous avons expliqué que le mot je ou soi ne s'applique pas aux agrégats. Par conséquent, si vous ne voulez pas que ce mot désigne les agrégats dans la phrase «tous les phénomènes sont dépourvus de soi», ailleurs aussi— à propos des actions et fruits — vous devez repousser cette interprétation. Si vous voulez qu'en cette occasion il désigne les agrégats, vous devez aussi accepter ceci pour la phrase «tous les phénomènes sont dépourvus de soi». . De plus, . \ ### \ 174. Votre adepte, voyant le non-soi, \ Ne connaîtra pas l'aséité des formes, etc. \ L'attachement et le reste naîtront du processus de perception des formes \ Car il n'aura pas compris leur nature. . Selon votre théorie, le méditant percevant directement le non-soi ne connaîtra pas la réalité des formes et autres agrégats, pour la raison qu'il n'appréhendera que la simple absence du soi permanent imaginé par les Passeurs. Donc, ne pénétrant pas le mode d'être des choses il les percevra comme réelles et les perturbations de l'attachement et autres continueront de se manifester. Par exemple, lorsque l'on dit: «II y a un coucou sur les étamines de la fleur», cela suffit pour que, sans goûter personnellement la douceur des étamines celle-ci ne soit pas perçue. Pareillement, la simple vision que les agrégats sont dépourvus d'un soi permanent ne donne pas au méditant la compréhension de la nature des formes, sons et autres, nature qu'il ignorait aussi auparavant. Et encore, lorsque l'on dit: «II n'y a pas de coucou sur les étamines de la fleur», cela n'empêche pas, tout en goûtant la douceur des étamines, de percevoir leur saveur. De même que l'on ne peut abandonner le sentiment de la saveur des étamines, lorsque l'on conçoit l'existence réelle des formes, sons et autres, comment la vision de l'absence d'un soi permanent serait-elle une cause pour l'élimination de l'attachement et des autres perturbations qui ont les formes et les sons pour objet? Elle ne le peut pas. Par la vision de l'absence d'un soi permanent l'attachement du sujet aux objets ne peut être rejeté. En acceptant un soi réel on ne pourra s'engager dans la pratique de ce qui est porteur de bienfaits ni s'appliquer à l'abandon de la souffrance. De ce fait, comme la cause de l'élimination des perturbations manquera au méditant, comme les non-bouddhistes il sera incapable de se libérer du cycle. . L9: [321.163.512.212.2. Expliquer l'intention de la déclaration: «les agrégats sont le je»] :L9 L9: [321.163.512.212.21. Expliquer le sens de la déclaration: «toutes les vues du je ne se rapportent qu'aux agrégats»] :L9 . \ ### \ 175. Si vous soutenez que les agrégats sont le je \ Parce que le Maître a dit: «les agrégats sont le je», \ Ce (texte) réfute un je autre que les agrégats \ Car un autre Discours déclare: «la forme n'est pas le je, etc.» . OBJECTION: Nous prenons l'Écriture comme autorité; l'autorité du raisonnement ne nous atteint pas. L'Écriture aussi enseigne que seuls les agrégats sont le je. . EN EFFET, LE MAÎTRE DIT: . ~ Ô moines, les religieux ou brahmanes qui voient le soi ne voient que les cinq agrégats d'appropriation. . RÉPONSE: Si en raison de cette déclaration vous soutenez que les agrégats sont le je, nous répondons que l'intention du Maître est d'indiquer qu'il n'y a pas de je d'une nature autre que les agrégats. Il s'exprime ainsi au point de vue de la vérité relative afin de réfuter les livres des non-bouddhistes et de cerner de façon correcte un je existant conventionnellement. . OBJECTION: D'où tenez-vous que cette déclaration réfute un je différent en nature des agrégats? . RÉPONSE: Parce qu'un autre Discours dit que le je n'est pas la forme. . \ ### \ 176. Comme un autre Discours déclare \ Que les formes, les sensations ne sont pas le je, \ Ni les discriminations, ni les composants, ni les consciences non plus \ On n'acceptera pas l'enseignement du Discours selon lequel les agrégats sont le je. . Dans la déclaration de ce texte: «C'est uniquement dans les cinq agrégats qu'ils voient le soi», il est certain que par le mot «uniquement» est niée l'assertion d'un je distinct en nature des agrégats, car en d'autres occasions le Maître proclame que les cinq ensembles ne sont pas le soi. Le Discours enseigne que l'objet de la vue d'un soi est le je désigné en dépendance des ensembles puisqu'il réfute que cet objet soit distinct en nature des agrégats ou soit les agrégats eux-mêmes: II faut savoir que les Discours niant que les formes et le reste sont le je, en mettant en lumière que le je désigné en dépendance est l'objet de la vue du destructible, réfutent l'existence réelle de l'appropriateur des ensembles. Ces passages ont pour but d'introduire l'esprit à l'aséité. . Lorsque l'existence inhérente de l'appropriateur — le soi — n'est pas perçue, son objet d'appropriation — les ensembles — n'existe pas non plus. De cette manière on se sépare de l'attachement à la réalité des cinq ensembles psychophysiques. . Au moyen de la comparaison des sources, après avoir rejeté que l'objet de la conception d'un soi est distinct en nature des agrégats ou est les agrégats eux-mêmes, efforcez-vous d'accéder à la compréhension extraordinaire du mode d'établissement du non-soi de la personne, un je désigné en dépendance des agrégats, simplement posé par la force de la pratique de dénomination. . Les écoles inférieures tiennent à leur argumentation première car, pour elles, au contraire des Conséquentialistes, on doit trouver le phénomène que l'on cherche, par exemple la conscience, lorsqu'il s'agit de déterminer ce qu'est le soi. . \ ### \ 177. Objection: Quand il est dit que le je est les agrégats \ II est la collection des agrégats, non de la nature des agrégats. \ Réponse: (La collection) n'est pas le protecteur, le dompteur ni le témoin. \ N'étant pas cela, le (je) n'est pas la collection. . OBJECTION: Cette déclaration d'après laquelle on ne voit que les cinq agrégats d'appropriation enseigne que ceux-ci sont le je, mais pas qu'il y a un je pour chacun d'eux. De même lorsque l'on dit «les arbres sont la forêt», l'ensemble des arbres est la forêt, mais la nature de chaque arbre n'est pas la forêt car il s'ensuivrait que chaque arbre serait une êt. . RÉPONSE: Un Discours dit: . ~ Le moi est le protecteur du moi, ~ Le moi est l'ennemi du moi. ~ Le moi est le témoin du moi. ~ Pour les bonnes et mauvaises actions. . Bonnes ou mauvaises, les choses s'accomplissent, les conséquences des actions se manifestent, il faut l'accepter. Mais pour ce qui est de l'accumulation du bien ou du mal chacun est son propre maître. Et encore, . ~ Par le moi bien dompté ~ Le sage obtient les statuts élevés. . Il est donc impossible que la seule collection soit protecteur, dompteur et témoin. Le je n'est pas la collection des cinq ensembles. . Autre erreur: . \ ### \ 178 ab. Alors, ses parties placées en tas seraient le chariot \ Car le je est semblable au chariot. . Si, selon votre hypothèse, la collection des agrégats était le je alors en plaçant l'ensemble de ses parties en vrac en un endroit on aurait encore un chariot, car on a le même mode d'établissement ou de non-établissement du je et du chariot par rapport à ses parties. Un Discours dit à ce propos: . ~ Ce qu'on appelle je est la pensée du démon. ~ Vous êtes dans une vue (erronée). ~ Ce tas de composants est vide ~ II n'y a pas là d'être vivant. ~ De même que l'on dit «chariot» ~ En dépendance d'une collection de parties, ~ De même, en dépendance des agrégats ~ On parle conventionnellement d'un être. . Comme le nom «chariot» est imputé sur la collection de ses parties, le je est désigné sur l'ensemble des agrégats. . L9: [321.163.512.212.22. En s'appuyant sur d'autres Discours expliquer que la simple collection des agrégats n'est pas le je] :L9 . \ ### \ 178 cd. Puisque le Discours dit qu'il est dépendant des agrégats \ Le je n'est pas la simple réunion des agrégats. . Le je n'est pas la simple collection des parties, son substrat de désignation, parce qu'il est désigné en raison d'elles, comme il en est de même pour ce qui est issu des éléments. Tout comme, ayant pour cause les éléments, le bleu ou l'œil, par exemple, sont désignés, mais ne sont pas la simple réunion des éléments, le je a la nature d'être désigné sur le substrat des agrégats et ne peut être la simple collection des agrégats. . OBJECTION: Nous admettons que, selon la déclaration: «en dépendance de la collection des agrégats», la personne ne peut être leur collection. Pourtant, hormis ces paroles — «en dépendance des agrégats» — quelle source aura-t-on pour l'établissement de la collection des agrégats en tant que support de la personne? Il n'y en aura pas. . RÉPONSE: Ce n'est pas ainsi, car il est dit dans l'exemple que le chariot est dépendant de ses parties. Donc, bien que le mot «collection» ne figure pas dans les paroles «en dépendance des agrégats», il faut comprendre qu'il est sous-entendu. . L9: [321.163.512.212.23. Réfuter que le je est l'arrangement figuré par la simple collection des agrégats] :L9 . OBJECTION: Si le chariot n'est pas l'ensemble de ses parties, roues, essieu, rayons et autres, alors qu'est-il? Lorsque les membres du chariot sont assemblés en une disposition particulière ils obtiennent alors le nom de chariot. De même, le je n'est que l'arrangement de la construction ou figure des agrégats du continuum des êtres. . RÉPONSE: . \ ### \ 179. Est-ce la figure? Comme celle-ci existe dans ce qui est matériel, \ Vous appelez je ces (choses matérielles) mêmes. \ Mais la collection de l'esprit, etc., ne sera pas le je \ Car ceux-ci n'ont pas de figure. . Puisque cette forme n'existe que pour les choses matérielles, selon vous ces choses matérielles seules seront susceptibles d'être le soi. Dans ce cas, la collection de l'esprit et des facteurs mentaux ne peut être établie en tant que soi, puisque ces agrégats immatériels n'ont pas de figure. . L9: [321.163.512.212.24. Autres atteintes à l'assertion que le je est la simple collection des agrégats] :L9 . \ ### \ 180. Il n'est pas correct que l'appropriateur et l'appropriation soient une même chose. \ Dans ce cas, l'acte et l'agent seraient un. \ Si l'on pense que l'acte existe en l'absence d'agent, \ Ce n'est pas (ainsi) car sans agent il n'y a pas d'acte. . Autres défauts de votre thèse. L'appropriateur, parce qu'il s'attribue, est l'agent, le je. L'appropriation, parce qu'elle est assumée, est l'acte; ce sont les cinq agrégats. Il est illogique que tous deux soient une même chose. Le je n'est donc pas la simple collection des agrégats car acte et agent seraient un. Puisque les éléments et leurs dérivés, le vase et le potier deviendraient une même chose, cette conclusion n'est pas acceptée. . Comme le dit Nagarjuna dans son Traité (X.l): . ~ Si le feu était le combustible ~ L'agent et l'acte seraient un. . Et, (X.15): . ~ Par le feu et le combustible ~ En même temps que le vase, le tissu, etc., ~ Se trouve expliquée toute la relation ~ Entre le je et l'appropriation. . OBJECTION: Cet agent, appropriateur, n'est rien: c'est la simple collection des agrégats. Il n'existe que la réunion des agrégats, l'activité d'appropriation. . RÉPONSE: Ce n'est pas ainsi pour la raison qu'en l'absence d'agent un acte sans cause n'existe pas. . Tout comme l'exprime encore le Traité (VIII. 13): . ~ De même, on connaîtra l'appropriation ~ Par la négation de l'acte et de l'agent. ~ Et, selon l'acte et l'agent ~ On connaîtra le restant des choses. . Le terme «appropriation» désigne le phénomène d'appropriation où concourent agent et objet. . Par le raisonnement qui réfute l'existence inhérente de l'acte et de l'agent on connaîtra aussi l'absence d'existence inhérente de l'appropriation et de l'appropriateur. A propos de l'expression «le restant des choses», les Paroles Claires de Chandrakirti dit (190): . ~ L'homme intelligent réfutera la nature propre et reconnaîtra l'existence en dépendance mutuelle de toutes les choses sans exception: le créé et le créateur, le mouvement et son agent, la vision et le vu, le caractère et le caractérisé, le produit et le producteur, le tout et les parties, la qualité et ce qui la possède, la connaissance valide et l'objet appréhendé. . Et le Traité (XXVII.8): . ~ Ainsi, le je n'est pas autre que l'appropriation; ~ II ne lui est pas non plus identique; ~ II n'est pas sans appropriation; ~ II n'est pas non plus certain qu'il soit inexistant. . Par conséquent, en l'absence d'agent il n'y a pas d'acte pas de produit sans producteur ni de marche sans marcheur ou de vue sans voyant. En outre, le dernier vers indique que ce qui est désigné sur le substrat des agrégats ne peut être inexistant. . Le Discours Vacuité Ultime, explique: . ~ Un agent n'est pas perçu; l'acte existe, la maturation ~ aussi existe. . Il nie l'existence réelle de l'agent mais ne nie pas qu'il existe comme membre de la pratique commune de désignation en dépendance. . Et dans un autre, on lit encore: . ~ La personne liée à l'ignorance accomplit les actes méritoires à accomplir. . Dans notre système, un agent distinct en nature des agrégats n'existe pas même conventionnellement, mais lorsque l'on accepte dans la pratique l'acte et la maturation on doit nécessairement admettre que la personne est l'agent des actes, comme le dit le Discours cité ci-dessus. . L9: [321.163.512.212.25. Le Puissant a déclaré que le je est désigné en dépendance des six éléments, etc.] :L9 . \ ### \ 181. Le Puissant a enseigné que le je \ Est dépendant des six éléments, \ Terre, eau, feu, air, conscience et espace, \ Des six supports de contact, l'œil et le reste, . \ ### \ 182. Et a clairement déclaré qu'il est (aussi désigné sur) \ L'esprit et les facteurs mentaux, les phénomènes appréhendés. \ Donc, il n'est pas ces (éléments) ni l'un d'eux et n'est pas (leur) simple collection. \ Par conséquent, la pensée concevant le je ne les (appréhende) pas. . Autre point. Puisque le Puissant a enseigné dans le Discours Rencontre du Père et du Fils que le je est dépendant des six éléments, la terre, etc. — l'espace étant constitué des parties vides du corps — des six sphères de contact, œil, oreille, nez, langue, corps et sphère de contact du mental, qu'il a aussi déclaré clairement qu'il est désigné sur l'esprit et les facteurs mentaux, tous ces phénomènes étant appréhendés comme sa base de désignation, on ne peut pas dire que le je est les six éléments ni aucun d'eux séparément, ni non plus leur simple collection. Partant, ces phénomènes ne sont pas des objets d'observation de la pensée concevant le je depuis un temps sans commencement. Le Discours dit: . ~ Ô grand roi, cette personne, cet individu a les six éléments, les six sphères de contact, les dix-huit considérations. . Les dix-huit sortes de sensations mentales — six plaisantes, six déplaisantes, six indifférentes — relatives aux visibles, sons, odeurs, saveurs, tangibles et mentaux, sont nommées «considérations». Elles doivent ce vocable au fait que, sous leur influence, le mental se porte de manière répétée vers les objets. . Ainsi, puisque l'objet de la conception innée du je n'est pas les agrégats et n'est pas non plus différent d'eux, il est dépourvu de nature propre. Le méditant, ne percevant pas de je réel, comprend que le «mien» aussi est dépourvu de nature propre. Il écarte tous les liens du cycle et, sans prendre une nouvelle naissance, est assuré d'obtenir l'au-delà des peines. Cet examen qui établit la vacuité de nature propre de la personne ne se trouve dans aucun autre système. Quel disciple de facultés aigues aspirant à la libération n'en serait pas comblé? . Il n'existe pas d'objet à saisir séparé de la nature des agrégats, mais comme il s'avère nécessaire d'établir ce qu'est la vue relative à une collection destructible et, à partir de cela, poser correctement la vacuité du soi de la personne, cette présentation est extrêmement attrayante. . L9: [321.163.512.212.3. Montrer l'incohérence des autres systèmes] :L9 . \ ### \ 183. Lorsqu'est réalisé le non-soi un je permanent est abandonné \ Et le support de la conception de ce je nié aussi. \ C'est pourquoi, dire que par la connaissance du non-soi \ On a extirpé la vue du soi est vraiment extraordinaire! . Dans le système de ceux pour qui le je objet de la conception du moi est l'ensemble des agrégats ou le seul esprit, la conception du moi des personnes perdurera aussi . longtemps qu'en leur continuum se produiront les agrégats. Car les agrégats sont le fondement de la conception du moi des personnes dans l'établissement de l'objet désigné: le je de la pensée «je». Au moment de la compréhension manifeste du non-soi des personnes, les basses écoles ne perçoivent que l'absence d'un soi permanent, lui seul est abandonné. Un tel soi n'est pas accepté comme support valable de la conception innée de la vue relative au destructible. Ce n'est pas l'objet de réfutation dont nous, Conséquentialistes, parlons. La connaissance percevant l'inexistence d'un simple je permanent ne peut arrêter définitivement la vue du soi que l'on nourrit depuis une éternité. Il est nécessaire de comprendre l'absence de nature propre du je et non de réfuter une simple permanence et indépendance. Quel prodige, pour notre interlocuteur, d'affirmer le contraire! En effet, . \ ### \ 184. Il voit un serpent installé dans un trou de sa maison \ Mais, constatant «il n'y a ici aucun éléphant», il dissipe sa crainte (de l'éléphant) \ Et abandonne même la peur du serpent. \ Hélas, quel sujet de moquerie pour les autres! . L'exemple exprimé dans cette stance montre l'incohérence des systèmes inférieurs quant à l'objet de réfutation. Comment celui qui, par stupidité, ne voit pas le danger, évitera-t-il la morsure du serpent? L'absence d'éléphant n'est pas capable d'écarter la frayeur du serpent. De même, cultiver la vision de la seule absence de l'éléphant d'un soi permanent ne peut contribuer à l'anéantissement du serpent de la saisie d'un soi ayant pour objet les agrégats, nourrie depuis toujours. Il est alors certain que l'arrêt du cycle ne se fera pas. Les nombreuses écoles tenants de l'existence réelle, ne sachant pas réfuter tel qu'il est l'objet saisi par la conception d'un soi innée présentent une réalité sans rapport avec celle-ci. . L9: [321.163.512.213. Réfutation des TROIS AUTRES POSITIONS RESTANTES [À LA FOIS IDENTIQUE ET DIFFÉRENTE]] :L9 . \ ### \ 185. Le je n'est pas dans les agrégats \ Ni les agrégats dans le je \ Parce que cette conception serait possible en cas d'altérité. \ Puisqu'il n'y a pas altérité c'est une conception (fausse). . \ ### \ 186. Le je n'est pas admis comme possédant la matière \ Parce que le je n'existe pas; par conséquent, il n'y a pas de relation de possession. \ (Celle-ci existe) quand il y a altérité: «possesseur de bétail» et quand il n'y a pas altérité: «doué de forme». \ Mais le je n'est ni identique ni différent de la matière. . Nous avons établi que le je n'est ni de la nature des agrégats ni différent d'eux. Montrons à présent que le je et les agrégats n'existent pas intrinsèquement dans une relation de support et supporté, de contenant et contenu. . Le je n'est pas dans les agrégats en tant que contenu réel et les agrégats ne sont pas dans le je en tant que contenant réel. Si tous deux étaient intrinsèquement autres la double conception de contenu et contenant réels serait possible, une conscience valide en rendrait compte, mais il n'y a pas ici de véritable altérité. Les imaginer en tant que contenant et contenu réels relève donc d'une conception erronée. Par exemple, étant donné que, selon le monde, le lait caillé et le bol sont de nature différente ils sont vus comme contenant et contenu. Mais les agrégats et le je, qui ne sont pas autres de cette manière, n'existent pas réellement comme les entités de contenant et contenu. . Expliquons comment le je ne possède pas les agrégats de manière inhérente: il n'est pas accepté que le je possède réellement l'agrégat de la forme, car on a déjà réfuté un je intrinsèquement un avec ou différent des agrégats. Le je n'existe donc pas réellement. Il s'ensuit l'absence d'existence inhérente de la relation de possession du je et des agrégats. . Si l'on dit qu'ils sont autres comme dans l'expression «Devadatta a une vache», ou qu'ils ne sont pas autres comme dans l'expression «Devadatta est doué de forme», c'est-à-dire «a un corps», la réponse est que le je n'est pas un avec ni différent du corps de Devadatta. Par conséquent, que le je possède la forme de manière inhérente est impossible. Ce raisonnement s'applique de même aux quatre autres agrégats. . \ ### \ 187. Le soi n'est pas la forme, le soi ne possède pas la forme, \ Le soi n'est pas dans la forme ni la forme dans le soi. \ De même, sous quatre aspects on connaîtra tous les agrégats. \ Ce sont les vingt vues relatives au soi. . Ces quatre vues, appliquées à chacun des cinq agrégats, résument les thèses erronées de nos interlocuteurs réfutées jusqu'à présent. Il y a donc vingt consciences considérant une collection destructible. . Quelles sont ces vingt consciences appréhendant un soi réel? -- Voir les formes, c'est-à-dire le corps, comme le je -- Voir le je comme possédant réellement les formes -- Voir le je comme existant réellement dans les formes -- Voir les formes comme existant réellement dans le je. . Et de même pour les quatre autres agrégats. Quoique les Discours ne mentionnent pas une cinquième vue, puisqu'on ne peut concevoir un soi sans appréhender les agrégats, en ajoutant celle posant que le soi est différent des ensembles psycho-physiques, ainsi que l'enseignent les non-bouddhistes, on a cinq manières de l'appréhender. Cette cinquième thèse est donc formulée dans le but exclusif de les réfuter. . Nagarjuna dit dans le Traité (XXII. 1) . ~ II n'est pas les agrégats, il n'est pas autre que les ~ agrégats, ~ Les agrégats ne sont pas en lui, il n'est pas en eux, ~ Celui-Ainsi-allé ne possède pas les agrégats. ~ Quel Ainsi-ailé y a-t-il? . «Ainsi-ailé» se réfère à la personne de l'Eveillé et au je existant nominalement. . Donc, le je n'existe pas réellement car 1) il n'est pas identique aux agrégats mentaux et physiques qui constituent sa base de désignation, 2) il n'est pas différent d'eux, 3) les agrégats ne dépendent pas du je, 4) le je ne dépend pas d'eux, 5) le je ne possède pas les agrégats dans le sens d'une identité comme dans l'expression «Devadatta a un corps» ou dans le sens d'une altérité comme dans «Devadatta a du bétail». . \ ### \ 188. Ce sont ces hautes cimes \ Dressées sur la large montagne de la vue d'une collection destructible \ Qui sont détruites en même temps que la montagne (de la vue du) je \ Brisée par le diamant de la sagesse du non-soi. . L'Écriture enseigne que le fruit d'Entrée-dans-le-courant se manifeste lorsque les vingt cimes de la montagne de la vue relative à une collection destructible sont détruites par la sagesse. Cette vue a pour objet le je et pour aspect la conception d'une existence réelle. Tant qu'elle n'est pas frappée par le diamant indestructible de la sagesse supérieure, existant depuis le cycle sans commencement, élevée dans les trois mondes, étendue dans toutes les directions, profonde depuis la terre d'or de l'ignorance, elle se développe jour après jour par l'amoncellement des pierres des perturbations. Lorsque cette conception est détruite par la sagesse qui perçoit directement le non-soi, les vingt cimes dont parle l'Ecriture périssent simultanément. . Ce qui est abandonné au stade d'Entrée-dans-le-courant est l'aspect intellectuel de la vue du destructible, appris au contact des systèmes non bouddhistes, et non son aspect inné (11). . L9: [321.163.512.214. Réfuter l'existence substantielle d'un je inexprimable [NI IDENTIQUE, NI DIFFÉRENTE]] :L9 . \ ### \ 189. Certains soutiennent l'existence substantielle de la personne \ Dont on ne peut dire qu'elle soit identique ou différente, permanente ou impermanente, etc. \ Ils affirment qu'elle est objet de connaissance des six consciences, \ Ils affirment qu'elle est aussi la base de la conception du je. . Une de nos propres écoles, les Sammitiyas, assure que, puisqu'il ne peut être conçu indépendamment des agrégats, le je n'est pas différent d'eux; il n'a pas non plus la nature des agrégats car il serait alors sujet à naissance et destruction. Donc, on ne peut dire que le je ou personne soit identique ou différent des agrégats ni, pareillement, permanent ou impermanent. Le je a une existence substantielle car il est qualifié d'agent des actions vertueuses et non vertueuses, de «jouisseur» ou «mangeur» de leurs effets heureux et malheureux, et c'est celui qui, lors de l'au-delà des peines, est délivré des liens du cycle. Le je est objet de connaissance des six consciences et aussi base ou objet de la conception d'un soi. Telles sont leurs assertions que nous allons réfuter dans les stances suivantes. . \ ### \ 190. Puisque l'on ne considère pas l'esprit comme indicible (inexprimable) par rapport à la matière \ On ne considère pas comme indicible ce qui existe substantiellement. \ Si quelque je existait substantiellement \ Comme l'esprit, ce serait une substance établie et non inexprimable. . Si, comme l'affirment les Sammitiyas, le je existait substantiellement, il faudrait préciser à nouveau s'il est un ou différent des agrégats. De plus, dire que le je est substantiel contredit l'affirmation qu'il est indicible, car ce qui est indicible ne peut être établi en tant que substance. Le contraire d'une existence substantielle c'est une existence désignée, le vrai mode d'être de la personne. (Notons que le terme «indicible» ou «inexprimable» se réfère ici aux quatorze questions auxquelles l'Éveillé refusa de répondre.) . \ ### \ 191. Pour vous, le vase est une entité qui n'existe pas substantiellement, \ N'étant pas exprimable par rapport à la matière, etc. \ Le je, indicible à l'égard des agrégats, \ Ne doit pas être conçu comme établi en tant qu'existence en soi. . Ayant montré l'impossibilité de l'existence substantielle du je, expliquons qu'il existe comme désignation: . Puisque vous acceptez que le vase, étant inexprimable comme entité identique ou différente des éléments qui sont ses propres parties, n'a pas d'existence substantielle ou autosuffisante, de même, le je a une existence nominale, étant inexprimable en tant qu'identique ou différent des agrégats. Par conséquent, il ne faut pas concevoir la personne comme établie en tant qu'existence intrinsèque. . \ ### \ 192. Vous n'acceptez pas que la conscience soit autre qu'elle-même, \ Vous acceptez qu'elle est autre chose que les formes, etc. \ On constate ce double aspect dans les choses. \ Par conséquent, le je n'existe pas, car il est dépourvu de (ces) qualités des choses. . Après la réfutation de l'existence substantielle et l'établissement de l'existence nominale du je, en disant que l'identité et la différence ont pour support des choses réelles, démontrons maintenant l'absence d'existence substantielle du je pour la raison qu'il n'est pas le point d'appui des qualités des choses. . Si, selon votre assertion, le je existait substantiellement, tout comme vous acceptez que la conscience n'est pas différente d'elle-même, la personne n'étant pas non plus autre que sa propre entité, il faut dire qu'elle lui est identique. En outre, de même que vous affirmez que la conscience est une entité différente de la forme et des autres agrégats, vous devez dire que la personne aussi est distincte des agrégats. On caractérise dans les essences ces deux aspects d'identité et de différence donc le je n'existe pas substantiellement puisqu'il ne possède pas les qualités d'identité et de différence. . L9: [321.163.512.215. Expliquer, en accompagnant cette démonstration d'un exemple, que le je est établi en tant que simple désignation dépendante] :L9 L9: [321.163.512.215.1. Montrer que, bien qu'il n'existe selon aucune des sept alternatives, le je, COMME UN CHARIOT, est désigné en dépendance] :L9 . \ ### \ 193. Par conséquent, le support de la conception du je n'est pas une chose réelle, \ N'est pas différent des agrégats, n'est pas de l'entité des agrégats, \ N'est pas le réceptacle des agrégats, ne les possède pas. \ Il est établi en dépendance des agrégats. . Puisque, examiné de la sorte, la personne ne peut avoir d'existence substantielle, quand on l'analyse, le support ou objet de la conception du je n'est pas une chose établie par sa nature propre; lorsqu'on l'analyse, le je n'est pas différent en nature des agrégats, il n'est pas de la nature de l'ensemble ou de l'un ou l'autre des agrégats, il n'est pas le point d'appui des agrégats, et n'a pas non plus les agrégats pour support, il ne possède pas les agrégats. . De ce fait, que nos propres écoles soutiennent que le je existe comme désignation ou qu'il n'est pas perçu ultimement, cela est correct, mais on n'acceptera pas un je existant selon un des modes exposés plus haut. Le je est établi en dépendance des agrégats. De même qu'il n'y a pas de naissance selon une des quatre hypothèses (de soi, d'autres, des deux, sans cause), bien que l'on admette seulement que «ceci naît en raison de cela» afin de ne pas briser la présentation de la vérité relative, de même, ici aussi à propos du je, après avoir dissipé les fautes liées à ces théories, on accepte sa simple désignation en raison des agrégats afin de cadrer avec l'expérience du monde, parce que l'on constate sans pouvoir les nier la désignation et la pratique du je. . \ ### \ 194. De même, nous n'acceptons pas que le chariot soit différent de ses membres; \ Il n'en est pas non différent, ne les possède pas, \ II n'est pas dans ses membres, ses membres ne sont pas en lui, \ II n'est pas leur simple collection, ni leur figure. . L'exemple du chariot est utilisé afin d'éclairer ce qui vient d'être dit et prouver que le je est une simple désignation. Il n'existe pas séparément de ses parties; ne fait pas un avec elles; ne les possède pas; n'en procède pas; inversement, les parties ne procèdent pas de lui; le composé des parties n'est pas le chariot, et enfin, celui-ci n'est pas la forme du composé des parties. Le soi est vide de ces sept extrêmes d'existence inhérente. . L9: [321.163.512.215.2. Réfutation détaillée des DEUX POSITIONS RESTANTES NON EXPLIQUÉES: que le chariot est la collection de ses parties et qu'il est sa seule configuration] :L9 . \ ### \ 195. Si le chariot était la simple collection \ Le chariot existerait à l'état de fragments. \ Comme le possesseur des membres n'existant pas, les membres n'existent pas, \ II est absurde aussi que la seule figure soit le chariot. . Les cinq thèses de l'identité, de la différence, du contenant, du contenu et de la possession ont été expliquées ci-dessus. Il faut maintenant démontrer que le simple assemblage n'est pas le chariot et que la simple figure ou configuration ne l'est pas non plus, contrairement à ce que soutiennent certaines de nos propres écoles. . Nous avons déjà réfuté la thèse que la collection des membres est le possesseur des parties, c'est-à-dire que ce qui est approprié est ce qui approprie, que l'agent est l'objet. . AUTRE POINT. Comme, le possesseur des membres n'existant pas, les membres n'existent pas non plus, pour cette raison les membres n'existent pas, car nos propres écoles — les Particularistes et les Tenants des Discours — admettent que le chariot n'est que le possesseur des parties. . OBJECTION: Nous acceptons que la collection des membres est le possesseur des membres (le tout) et les membres les parties. En admettant ainsi les membres et le tout on ne peut soutenir l'inexistence de ce dernier. . RÉPONSE: II n'y a pas de faute, car dans notre système les agrégats individuels et leur ensemble sont tous deux ce qui est approprié et, de même qu'ils ne sont pas acceptés en tant qu'appropriateur, nous posons la collection et les membres du chariot comme les parties et non comme leur possesseur. Et vous n'admettez pas non plus un possesseur des parties sans collection. Le mot «aussi» pour réunir les deux sens: il est absurde que le chariot soit la simple figure des membres et leur simple collection. . Autre point. Si vous affirmez que le chariot est la simple forme, cette figure est soit celle des membres séparés soit celle de leur collection. Dans le premier cas, ou bien la figure ne se distingue pas de la figure du moment antérieur à l'assemblage, ou bien elle s'en distingue. La première hypothèse est fausse. En effet, . \ ### \ 196. (Si) vous (acceptez que) la figure de chaque membre est comme elle était antérieurement, \ Même quand il fait partie du chariot, \ De même qu'il n'existait pas dans les membres isolés \ Le chariot n'existe pas non plus maintenant. . Si les configurations des membres, roues, axes, etc., avant l'assemblage sont les mêmes que celles lui succédant, alors tout comme le chariot n'existe pas dans les membres séparés, il n'existera pas non plus au moment où ils sont assemblés, car il n'y a aucune distinction de forme avant et après l'assemblage. . Quant à la seconde hypothèse selon laquelle le chariot serait une figure différente de l'aspect antérieur: . \ ### \ 197. Si la figure des roues, etc., était différente \ Du chariot du moment présent, \ Cette (différence) serait perçue, mais ce n'est pas le cas. \ Par conséquent, la seule figure n'est pas le chariot. . Avant l'assemblage du chariot ses membres roues, axes, et autres, ont chacun une certaine figure, étant plats, longs, ronds, et ainsi de suite. Si, au moment du chariot, lorsque ses parties sont assemblées, elles ont d'autres aspects, ceux-ci devraient être perçus par la conscience visuelle. Or, on ne les appréhende pas. Par conséquent, la seule structure des membres séparés n'est pas le chariot. . Soutiendra-t-on que le chariot est une certaine figure de la collection des parties assemblées? Ceci est également incorrect: . \ ### \ 198. Puisque votre collection n'est rien \ Cette figure n'est pas de la collection des membres. \ Comment, dans cette situation, une chose telle qu'une figure \ Serait-elle fondée sur ce qui n'est rien? . S'il existait une chose substantielle nommée «collection» on pourrait parler d'une structure reposant sur elle. Mais il n'existe absolument aucune chose substantielle nommée «collection des membres». Pour cette raison, puisque selon vous la collection n'a pas d'existence substantielle, la configuration peut être désignée en dépendance de la collection des membres, sa base de désignation, car vous acceptez qu'une existence nominale ne peut avoir pour base qu'une existence substantielle et que la collection des membres représente une existence nominale. . Comment pourrait-on avoir une figure établie en tant que chariot reposant sur une base de désignation dépourvue de la moindre existence substantielle? . Dans le système de notre adversaire une chose existant substantiellement a pour point d'appui une base de désignation à l'existence substantielle ou auto-suffisante. Soutenant que la collection et la figure existent toutes deux nominalement, leur assertion que la première est la base de désignation de la seconde n'est que contradiction. C'est comme dire que la couleur ou la forme d'un individu est cet individu. La couleur ou la figure du chariot sont des éléments appropriés du chariot et non des éléments appropriateurs. Le fait que la collection des parties a une existence nominale ne signifie pas que la forme a une existence réelle. D'après vous, chercher un objet doit conduire à sa découverte. Vous n'acceptez pas l'«introuvabilité» d'un phénomène soumis à l'examen. A vrai dire, pour ce qui nous concerne, recherchant la non-existence réelle d'un objet, nous la trouvons! Mais utiliser le raisonnement septuple pour établir l'existence du chariot serait incorrect. Nous ne contestons pas son existence conventionnelle, nous disons que l'ensemble de ses parties ne constitue que sa base de désignation. . On défendra peut-être la position qu'en dépendance d'une collection fausse existant nominalement on aura une figure fausse existant nominalement. . \ ### \ 199. De même que vous soutenez cela, \ Sachez que toutes choses, \ Pourvues de natures fausses avec l'aspect de fruits, \ Naissent en dépendance de causes fausses. . Vous posez une existence réelle avant et après assemblage. La forme devrait alors être identique dans les deux cas. En fait, le chariot n'est pas intrinsèquement dans ses parties, et une fois celles-ci assemblées il demeure introuvable. Tout comme vous affirmez qu'en dépendance d'une collection à l'existence nominale est établie une figure à l'existence nominale, de cette manière sachez qu'en dépendance de causes irréelles, comme l'ignorance et des graines, naissent respectivement des composants et des pousses ayant une entité ou nature irréelle avec l'aspect de fruits. . En outre, il devrait y avoir une conscience pour saisir la différence entre les parties avant et après assemblage du chariot. Or, une telle conscience n'existant pas dans votre raisonnement, la simple figure ne peut être vue comme le chariot. . Pour celui qui ne peut, même au prix de cent efforts, manger de la viande, pourquoi cette absurde adhésion à la réalité des choses fausses pareilles à une ombre de gibier? . \ ### \ 200. Cet (exemple montre que) la notion de vase \ Appliquée à des formes, etc., dans cette situation, n'est pas justifiée. \ En l'absence de naissance, les formes, et le reste, n'existent pas. \ Par conséquent, il est illogique qu'elles aient une figure. . Plusieurs de nos propres écoles disent que l'idée de vase s'applique à la collection des huit atomes — forme, odeur, goût, tangible, terre, eau, feu, air (12). L'exemple du chariot montre que cette thèse est absurde. De plus, on a expliqué plus haut que, faute de production intrinsèque, les formes et les autres phénomènes n'existent pas réellement. Par suite, il est incorrect que le vase soit une figure particulière de formes, et d'autres éléments car il ne se peut pas qu'il ait pour substrat une chose substantielle. . L9: [321.163.512.215.3. Rejeter les arguments] :L9 . Les Réalistes repoussent l'argumentation sous un prétexte désormais classique: . OBJECTION: Si l'on recherche le chariot, l'objet désigné, de la septuple manière exposée ci-dessus, sans le découvrir, alors il n'existe pas et, n'existant pas, les désignations et conventions mondaines relatives au chariot sont anéanties. Or, ceci n'est pas valide, car on constate la pratique consistant à dire: «Achète le chariot», «Construis le chariot!». Donc, le chariot et les autres choses existent parce qu'ils sont connus dans le monde. . RÉPONSE: Cette faute de négation de la convention n'est imputable qu'à vous seul. Car, bien qu'il soit impossible de trouver le chariot par aucun des sept modes d'investigation, vous cherchez quand même à l'établir à la suite de cet examen sans admettre d'autre moyen de poser son existence. Comment donc, pour vous, les pratiques mondaines «Achète un chariot», ou «Construis un chariot» pourront-elles s'expliquer? . De nos jours, certains qui se déclarent Conséquentialistes tombent dans la même erreur, disant: «Puisqu'il n'est pas trouvé au moyen de la septuple analyse le chariot ne peut être établi», détruisant ainsi la possibilité de toute existence conventionnelle. Cette difficulté ne se présente pas pour nous. En effet, . \ ### \ 201. Sans doute, le (chariot) n'est établi ni au point de vue de l'aséité \ Ni au point de vue du monde (d'aucune) des sept manières. \ Mais, le monde, abstraction faite de l'examen, \ Le désigne en dépendance de ses membres. . Comme le bleu, les sensations et les autres phénomènes le chariot est désigné par le monde en dépendance de ses membres, sans l'intervention d'une analyse. Donc, comme nous acceptons le simple caractère relatif des graines, pousses et autres productions interdépendantes notre thèse s'accorde avec la pratique du monde, et notre adversaire est bien contraint de l'admettre. . L9: [321.163.512.215.4. Établir la signification d'une convention nominale] :L9 . Dans notre position nous ne nous contentons pas de démontrer clairement la désignation conventionnelle du chariot au moyen de ce qui est reconnu dans le monde; mais encore, les différents noms que l'on donne au chariot doivent être admis selon l'adhésion du monde, abstraction faite d'une investigation recherchant l'objet désigné. Quels sont ces noms? . \ ### \ 202. Ce même (chariot) est un organisme, un tout; \ Le même est appelé dans le monde agent; \ Les hommes l'établissent comme appropriateur. \ Ne détruisez pas la convention reconnue dans le monde! . En raison de ses membres, roues, axes et autres, le chariot est un organisme, ou possesseur des membres; en raison de ses parties c'est un tout, un possesseur des parties; un agent et un appropriateur par rapport aux formes et autres éléments appréhendés qui constituent sa base de désignation. . Pour certains, qui comprennent inexactement le sens de l'Écriture, seule existe la collection des membres, un possesseur des membres qui ne serait pas la simple collection est totalement inexistant, pour la raison qu'en dehors d'elle aucune autre entité n'est perçue. Dans le même ordre d'idée ils soutiennent qu'il n'y a que des parties, actions, appropriations, collections, sans possesseurs de parties, agents, appropriateurs, puisqu'aucune autre entité n'est perçue en dehors d'eux. . Cette manière de voir a pour conséquence, en vertu du même raisonnement, qu'en l'absence d'organisme il n'existerait pas de membres. N'abandonnez pas la convention du monde par des positions qui lui sont contraires! . Certaines de nos écoles remarquent: Puisqu'il n'y a pas de possesseur de membres différent de la collection des membres, on ne pourra établir un tout capable d'accomplir des actions sans admettre que le chariot est établi comme une de ses bases de désignation. Comme en recherchant l'objet désigné ils ne le trouvent pas, ils nient que le chariot est une simple désignation et acceptent son existence réelle. Ceci dénote une compréhension erronée du sens de l'Écriture. Dans notre système, ni l'ensemble des parties ni les parties individuelles ne sont prises pour le tout. Mais, dans le contexte de la simple désignation nous sommes capables de présenter tous les objets et agents de l'existence cyclique et de la transcendance. Telle est, d'après nous, la pensée extraordinaire du Vainqueur. . L9: [321.163.512.216. Montrer que cette présentation à la qualité de faciliter l'abandon des conceptions extrêmes] :L9 L9: [321.163.512.216.1. Sens proprement dit] :L9 . \ ### \ 203. Ce qui n'existe d'aucune des sept manières, comment existerait-il? \ Le méditant ne découvre pas son existence. \ Et, par là, entre aussi aisément dans l'aséité. \ Il faut donc, ici, admettre le (chariot) établi de cette manière. . Puisque cette convention du monde n'existe pas lorsqu'on applique l'examen septuple qui recherche l'objet désigné et existe par l'adhésion sans analyse, pour cette raison le méditant faisant porter l'examen sur le chariot et le je au moyen de la même séquence plongera vite dans l'aséité. Comment? Si le chariot existait intrinsèquement, recherché par l'examen septuple il serait sans aucun doute établi de l'une des sept manières. Mais le méditant ne découvre pas l'existence de ce chariot. Ce qui, examiné sous cet angle, n'existe pas, est dépourvu d'existence inhérente. Par conséquent, seuls ceux dont l'oeil de l'intelligence est recouvert par la taie de l'ignorance imaginent un chariot établi de son propre chef. Celui en qui naît la certitude de la non-existence inhérente du chariot pénètre aisément la réalité. . Le mot «aussi» indique que la présentation des conventions n'est pas détruite. Donc, ici dans le cadre du système du Milieu, il faut accepter que le mode d'existence du chariot est établi ainsi qu'on l'a dit, abstraction faite de toute analyse. Les sages qui pensent que ce système est sans faute et plein d'avantages devront l'adopter. C'est ce que nous faisons nous-mêmes. . OBJECTION: Que l'adepte, au terme de son analyse, ne perçoive pas le chariot, soit. Mais il perçoit l'existence réelle de la simple collection de ses membres. . RÉPONSE: Vous prêtez à rire, recherchant les fils dans les cendres d'un tissu brûlé. . L9: [321.163.512.216.2. Rejeter les arguments] :L9 . \ ### \ 204. Si le chariot n'existe pas \ Alors, l'organisme n'existant pas, ses membres n'existent pas plus. \ Comme dans l'exemple des membres inexistants lorsque le chariot est brûlé, \ Quand l'organisme est consumé par le feu de l'intelligence les membres (le sont aussi). . Si le chariot n'a pas d'existence réelle, alors le possesseur des membres n'existant pas réellement, ses membres aussi sont privés d'existence réelle. . OBJECTION: La collection des membres n'est-elle pas perçue même lorsque le chariot est brisé? Par suite, comment pouvez-vous dire qu'en l'absence du tout il n'y a pas non plus de membres? . RÉPONSE: Ce n'est pas ainsi. La conception que les parties éparses sont celles du chariot procède seulement de leur relation avec lui. Elle n'a pas lieu chez des personnes n'ayant pas vu le chariot auparavant. Ces personnes ne connaissent que des éléments, roues, etc., dépendants de leurs parties, axes, rayons, et autres. Pour elles, il n'y a aucune relation entre ces éléments et le chariot, elles ne conçoivent pas qu'il s'agit des membres du chariot. . En outre, on comprendra par l'exemple suivant qu'en l'absence d'existence inhérente du chariot les membres aussi sont dépourvus de réalité. Lorsque le chariot, l'organisme, est brûlé par le feu, ses morceaux le sont également. De même, quand se trouve complètement abandonnée l'existence réelle du chariot, le possesseur des membres — par le feu de la sagesse qui connaît la non-perception née du frottement du boutefeu de l'examen — les membres aussi qui sont le combustible du feu de la sagesse, étant consumés, ne peuvent maintenir leur existence réelle. . L9: [321.163.512.216.3. Appliquer au je conventionnel le sens de l'exemple du chariot] :L9 . Pour ne pas briser la vérité relative et pour introduire aisément les méditants dans l'aséité, le chariot est établi comme désignation en dépendance. . \ ### \ 205. De même, puisqu'il est reconnu par le monde \ Nous acceptons que le je soit aussi appropriateur \ En raison des agrégats, des sphères et, pareillement, des six bases de connaissance. \ L'appropriation est l'acte, et le (je) est également l'agent. . Nous nous conformons au monde qui reconnaît qu'en dépendance des cinq agrégats, des six sphères et des six bases de connaissance — lesquels constituent l'appropriation — le je appropriateur est désigné, tout comme le chariot appropriateur en dépendance de ses parties, l'appropriation. Les agrégats — l'appropriation — sont l'acte, et ce même je, l'agent. . L9: [321.163.512.216.4. Montrer d'autres qualités de l'assertion d'un je désigné en dépendance] :L9 . Le je désigné en dépendance ne peut être le support des conceptions extrêmes de stabilité, d'instabilité, etc. Par conséquent, les conceptions de l'existence réelle du permanent, de l'impermanent et la suite sont faciles à écarter. . \ ### \ 206. N'étant pas une essence réelle il n'est pas stable, \ II n'est pas instable, il ne naît ni ne périt, \ II n'y a pas non plus pour lui permanence, \ Ni identité ni différence. . Le je désigné sur les agrégats n'est pas réellement instable ou permanent. S'il était réellement impermanent le je et l'appropriation ne pourraient être des entités distinctes et l'appropriation elle-même serait le je. Le je naissant et se détruisant réellement à chaque instant il n'y aurait aucun lien entre ses moments antérieurs et postérieurs, et l'objet d'appropriation serait l'appropriateur, ce qui est absurde. De même, il n'est pas correct qu'il soit stable ou permanent, car le je de la vie passée serait celui-là même de cette vie et, les agrégats d'attachement des je de la vie passée et de cette vie étant de natures distinctes, il ne convient pas que le je soit un, car il n'y a pas de je distinct en nature de l'appropriation. . Le Traité (XVIII. 1 ab) dit: . ~ Si le je était les agrégats ~ II serait sujet à la production et à la destruction. . ~ Le je n'est donc ni produit ni détruit intrinsèquement. . Il n'y a pas pour lui d'existence inhérente selon aucune des quatre hypothèses: permanence, impermanence, à la fois permanence et impermanence, ni permanence ni impermanence, comme le dit Nagarjuna examinant le je au moyen de l'analyse de Celui-Ainsi-allé (XXII. 12 ab): . ~ Comment, pour l'Apaisé, ~ Existerait la tétrade permanence, impermanence, etc.? . Le je n'est ni réellement identique ni réellement autre. Pour quelles raisons? Parce que ce n'est pas une chose établie en soi. Ainsi que nous l'apprend un Discours: . ~ Le Protecteur du monde enseigne ~ Quatre phénomènes impérissables: ~ Les êtres, l'espace, l'esprit d'éveil ~ Et, de même, les qualités d'un Éveillé. ~ S'ils existaient substantiellement ~ Ils seraient périssables. ~ Inexistants, ils ne sont pas périssables. ~ Par conséquent, ils sont déclarés impérissables. . L9: [321.163.512.216.5. Reconnaître le je, base de la libération des sages et de l'enchaînement des ignorants] :L9 . Ceux qui, sous l'emprise de l'ignorance, adhèrent à une existence réelle, quand ils recherchent l'objet désigné au moyen de l'examen septuple, ne voient pas la non-existence inhérente du je, bien qu'il ne soit ni permanent ni impermanent, et conçoivent son existence réelle. Ces personnes resteront plongées dans le cycle. . La base de la compréhension de l'absence d'être en soi comporte trois aspects: i) une éthique juste, ii) la dévotion et le service de l'ami spirituel, iii) la collection de mérite. Le je n'est ni le support ni le non-support d'une existence réelle; il n'est produit intrinsèquement ni par lui-même, ni par d'autres, ni par lui-même et d'autres, ni par rien et, de ce fait, ne se désintègre pas en tant que convention. N'étant pas permanent il n'a pas d'être en soi. Tout ceci met en lumière que le je est une simple imputation qui passe d'une vie à une autre sous la poussée de l'esprit imprégné par les tendances issues des actions souillées, tendances qui se retrouvent à chaque renaissance. C'est pourquoi on dit que le simple je voyage! . Lorsqu'au terme du raisonnement septuple le je reste introuvable, il n'y a pas de contradiction à affirmer son existence conventionnelle. C'est en pensant au je relatif que les êtres conçoivent son existence réelle. . Il est capital de parvenir à distinguer le je ayant une existence conventionnelle de celui supposé réel qui est, en fait, l'objet à réfuter. . Les non-bouddhistes perçoivent par l'analyse que le je n'est pas les agrégats et, errant quant à sa nature, en . concluent qu'il est différent d'eux. Nos propres écoles aussi, pensant qu'il n'y a pas de je séparé des agrégats, prennent les agrégats mêmes, sans plus, pour le je. Ces tendances croient qu'une des deux thèses doit être acceptée. Ceux qui expliquent justement le sens des Écritures, sachant que le je n'existe selon aucun de ces modes, obtiennent cent fois la délivrance. . \ ### \ 207. Ce (je) relativement auquel se produit toujours chez les êtres la conception du je, \ Relativement aux possessions duquel se produit la conception du mien, \ Ce je existe pour l'erreur \ Abstraction faite de l'analyse. . Ce phénomène, base d'observation de tous les migrants — dieux, humains, dieux jaloux, animaux, esprits avides et êtres des enfers — à propos duquel se produit l'idée de je, est ce qu'on entend par je. Ces phénomènes par rapport auxquels se produit l'idée de mien, dont le je est le souverain ou avec lesquels il est en relation, ce sont les choses intérieures, œil etc., fondement de la désignation du je, et extérieures. Ce je est établi pour l'erreur, selon ce qui est reconnu dans le monde, abstraction faite de toute analyse. Il n'existe pas en réalité. . Comme le je n'a pas d'existence réelle, et comme il est désigné en pratique du fait de l'ignorance, il n'est d'aucune façon un objet d'observation des méditants. Comme ceux-ci ne le perçoivent pas, ils ne produisent pas les quatre appropriations (attachement aux plaisirs sensuels, aux vues fausses, à la discipline et aux vœux d'ascèse, à la vue d'un soi) d'un je réel. Donc, les méditants ne voient de réalité en aucune de ces quatre choses relatives au je et au mien et, par conséquent, ils sont délivrés du cycle. . Comme le dit le Traité (XVIII.4): . ~ Lorsqu'est détruite l'idée du je et mien ~ Relativement à l'interne et à l'externe, ~ L'appropriation prend fin ~ Et, par sa destruction, la naissance est détruite. . L9: [321.163.512.22. Réfutation de l'existence inhérente du mien] :L9 . QUESTION: Comment la non-existence réelle du je entraîne-t-elle la non-existence réelle du mien? . RÉPONSE: . \ ### \ 208. Puisque l'acte qui n'a pas d'agent n'existe pas, \ Pour cette raison, il n'y a pas de mien en l'absence de je. \ Par conséquent, en voyant que je et mien sont vides \ L'adepte sera délivré. . De même qu'il n'y a pas de vase sans potier, en l'absence d'un je réel il ne peut y avoir de mien réel. Par suite, l'adepte qui médite et perçoit la vacuité de nature propre du je et mien sera délivré du cycle. Quand on ne voit plus l'existence inhérente des formes, sensations et le reste, les diverses perturbations, nées de la conception d'une existence réelle, sont détruites: les Auditeurs et Réalisateurs solitaires, libres des facteurs d'appropriation et du devenir, obtiennent l'au-delà des peines. Quant aux Héros pour l'éveil, bien qu'ils connaissent l'absence de soi, mus par la compassion ils s'attachent à renaître jusqu'à l'acquisition du plein éveil. . Donc, puisqu'il constitue le point essentiel de la voie des deux véhicules, les sages doivent étudier le non-soi comme nous venons de l'exposer. . L9: [321.163.512.23. Montrer que l'analyse du je et du chariot s'applique également aux autres essences] :L9 L9: [321.163.512.231. Application au vase et autres essences] :L9 . La façon dont l'examen du chariot est valable pour le je et les agrégats est aussi applicable aux autres phénomènes, vases, vêtements et autres. . \ ### \ 209. Toutes ces essences, quelles qu'elles soient: vases, couvertures, tentes, armées, forêts, rosaires, arbres, \ Maisons, chariots ou auberges, \ Et de même, ce qui est désigné par les individus d'un quelconque point de vue, doivent être connues (comme existant simplement selon ce qui est admis). \ Car le Puissant n'argumente pas avec le monde. . Lorsque les choses sont cherchées au moyen de l'examen septuple appliqué au chariot, elles n'existent pas. Mais elles existent, abstraction faite de toute analyse, du point de vue de ce qui est reconnu par le monde. Le niveau conventionnel existe simplement par désignation en dépendance des parties et des fonctions des choses. La forêt est une collection d'arbres, l'arbre n'est pas son tronc, ses branches, ses feuilles ou ses fruits, la perle n'est pas le rosaire mais une collection de perles enfilées l'est. Ces phénomènes interdépendants sont validement établis comme provenant de causes et conditions, existant en vérité de surface. En effet, l'Éveillé n'argumente pas avec le monde. . C'est ce qu'exprimé l'Enseignement des Trois Vœux: . ~ Le monde discute avec moi, ~ Je ne discute pas avec le monde. . Les choses dont l'existence est admise par la pratique mondaine sont acceptées par l'Éveillé. Il ne réfute pas ce qui est reconnu par les hommes. . Comment les mondains désignent-ils les choses? C'est ce que nous allons montrer. . \ ### \ 210. La partie, la qualité, la passion, le caractère, le combustible, \ Et le tout, le qualifié, le passionné, le caractérisé, le feu, \ Ces objets n'existent d'aucune des sept manières lorsqu'ils sont soumis à l'examen du chariot. \ Ils existent autrement, selon ce qui est reconnu dans le monde. . Ainsi, le vase est le tout ou possesseur des parties, l'argile, l'émail étant ses éléments; il est le qualifié ou possesseur des qualités, sa couleur, son brillant, constituant ses qualités; il est la base des caractères ou caractérisé, et l'anse, la rondeur, le bec verseur, ses caractères. De même, la passion est la soif qui appréhende des objets agréables impurs et le passionné, le support de la soif, la personne qui s'attache à ces objets. . Le feu est ce qui brûle et le combustible ce qui est brûlé, et ainsi de suite. On désigne le tout en dépendance des parties et les parties en dépendance du tout, le qualifié en dépendance des qualités et inversement; toutes les choses existent en dépendance mutuelle. Bien qu'ils soient inexistants à la lumière de l'examen septuple, les objets désignés sont établis du point de vue de la pratique mondaine, mais absolument pas en réalité. . L9: [321.163.512.232. Application a la causalité] :L9 . Nous avons vu que toute chose nommée dépend d'une base de désignation. Non seulement les parties et le tout n'existent qu'en dépendance, mais aussi les causes et les effets. . \ ### \ 211. Si l'objet produit par la cause naît, la cause est son (producteur). \ Si l'effet n'est pas né, en l'absence de (production) on aura un effet sans cause. \ Si l'effet a une cause il sera engendré (par elle). \ Par conséquent (dans le contexte d'une existence intrinsèque) \ Qui naît de l'un, qui naît de l'autre? Des deux, lequel est antérieur? . Puisque l'effet, l'objet produit, est engendré par une cause, celle-ci est son producteur. Dans le cas où il ne naîtrait pas il n'y aurait pas de production, et l'effet serait dépourvu de cause. Mais comme il a une cause il est engendré par elle. En conséquence, cause et effet existent en dépendance mutuelle et non pas par leur nature propre. Si l'on pense qu'ils sont établis de cette manière alors, en dépendance de quoi, de la cause ou de l'effet, naissent-ils l'un et l'autre? Des deux, est-ce la cause ou l'effet qui est antérieur? . Dans le contexte d'une existence réelle il est inadmissible que la cause soit antérieure parce qu'au moment de la cause il serait nécessaire d'établir l'effet comme lieu de dépendance de la cause. Que l'effet soit premier n'est pas non plus acceptable car il serait sans cause. Donc, la désignation en tant que cause et résultat, comme pour le chariot, est faite en dépendance mutuelle et non à partir d'une existence intrinsèque, et conventionnellement, la cause précède le résultat. . Par ailleurs, si une cause engendre un effet réel, dans une telle production comment y aurait-il rencontre, puisque cause et effet ne participeraient que de leur propre pouvoir? . \ ### \ 212. Si votre cause engendrait un effet en le rencontrant, \ Alors, comme ils participeraient d'une (même) force, producteur et effet seraient indifférenciés. \ S'ils étaient séparés, cause et non-cause seraient indifférenciés. \ Hormis ces deux, il n'existe pas d'autre conception. . Dans le cas où, comme vous le dites, une cause engendrerait un effet en le rencontrant, cause et effet seraient un pouvoir unique et, comme lorsque les eaux d'un fleuve se jettent dans celles de l'océan, on ne pourrait distinguer ce qui est l'une et ce qui est l'autre ni lequel des deux est producteur. Dans l'hypothèse où cause et effet seraient séparés, c'est-à-dire dans une naissance sans contact, il n'y aurait aucune différence entre cause et non-cause, naissance et non-naissance, parce que ce qui est intrinsèquement séparé est un phénomène sans relation avec un autre. Par exemple, une fleur serait produite par n'importe quoi d'autre que sa propre graine. A ceux qui affirment la nature propre de la cause et du fruit nous disons qu'aucun fruit ne peut naître d'une cause réelle. Avec ou sans contact une cause inhérente ne peut produire un effet inhérent. . \ ### \ 213. Si votre cause n'engendre pas de fruit, alors ce qu'on appelle effet n'existe pas. \ Une cause dépourvue d'effet n'a pas de raison d'être. \ Elle est inexistante. \ Donc, tous deux sont pareils à une illusion. \ Je suis sans faute, et les choses du monde existent aussi. . Si d'après vous, une cause à l'existence inhérente n'engendre pas de fruit, alors ce qu'on appelle effet n'existe pas réellement. Étant donné qu'une cause est établie en tant que cause parce qu'elle fait naître un effet, si l'on pouvait établir comme cause une cause sans effet, on aurait une cause sans la moindre raison. Par conséquent, cause et fruit n'existent pas réellement. . Mais, dira-t-on, qu'en est-il? . RÉPONSE: Lorsque l'on accepte l'existence intrinsèque de l'engendré et du géniteur, la faute de rencontre et non-rencontre de la cause et de l'effet apparaît à l'examen. Mais quand, comme nous, Tenants du Milieu l'affirmons, les essences naissent en raison d'imaginations fausses — étant établies conceptuellement par la simple pratique — cause et effet sont tous deux pareils à une illusion, naturellement non nés. Et quoique n'ayant pas de nature propre ils sont perçus en tant que réalités, comme des cheveux dans l'espace, par ceux dont le regard est troublé. Celui pour qui les objets sont établis par simple désignation pratique échappe aux conséquences absurdes qui frappent les tenants de l'existence inhérente de la cause et du fruit. Les choses reconnues dans le monde: cause, effet, chariot, maison ou forêt, existent sans l'intervention de l'analyse. . L9: [321.163.512.233. Rejet des arguments] :L9 L9: [321.163.512.233.1. Arguments selon lesquels réfuter l'existence inhérente de la causalité est erroné] :L9 . En réponse à cette réfutation de l'existence intrinsèque de la cause et de l'effet, certains Particularistes retournent aux Tenants du Milieu leur propre argument: . \ ### \ 214. Cette réfutation, rejette-t-elle l'objet de réfutation en le rencontrant ou sans le rencontrer? \ Et la faute ne vous est-elle pas aussi imputable? \ Par vos propos vous n'éliminez que votre propre thèse \ Et êtes alors incapables de réfuter (l'objet de) négation. . Dans l'engendrement du fruit par la cause le problème de leur rencontre ou non-rencontre se pose aussi à vous. Comment? Votre réfutation porte-t-elle sur la rencontre ou la non-rencontre de la cause et du fruit? Si vous réfutez en disant qu'ils se rencontrent, comme ils deviendraient un, qui réfute quoi? Si vous réfutez en disant qu'ils ne se rencontrent pas alors, tout réfuterait tout, ce qui est inadmissible. Il . n'existe pas d'autre approche que ce double examen. Ainsi, puisque votre réfutation n'a pas le pouvoir de nier son objet, elle-même est à repousser, et les entités de cause et effet existent bien par leur nature propre. Lorsque vous tenez ces propos d'une réfutation erronée vous ne battez en brèche que votre position personnelle et êtes dans l'incapacité de nier l'objet de réfutation des autres systèmes. Par ailleurs, . \ ### \ 215. Exprimer les conséquences de vos propres paroles \ Est absurde, et vous niez toutes les choses. \ Par conséquent, les êtres sublimes ne vous acceptent pas. \ Puisque vous n'avez pas de position, que réfute votre controverse? . Puisque, par un simulacre de réfutation vous attribuez à l'adversaire les conséquences de vos propres assertions votre approche est absurde. Vous niez tous les phénomènes. De ce fait, votre système n'est pas accepté par les saints. Pourquoi? Selon vous, s'il y a naissance sans rencontre, tout ce qui est sans connexion naîtra nécessairement de tout. Or, ceci n'est pas exact. Ainsi, la magnétite, sans contact, n'attire que les objets en fer — qui lui sont appropriées — et non tous ceux situés à sa portée; l'œil, sans qu'il y ait contact, ne voit que ses objets appropriés, les formes visibles, et ne perçoit pas tout ce qui ne lui est pas relié. De même, la cause, sans contact, ne produit que l'effet lui correspondant et n'engendre pas tout ce qui est sans lien avec elle. . En outre, puisque vous n'avez pas de position personnelle et vous contentez de dissiper celles d'autrui, votre controverse, que réfute-t-elle? . L9: [321.163.512.233.2. Réponse montrant qu'il n'en est rien] :L9 . Expliquons la validité de notre mode de réfutation et d'établissement et, en premier lieu, notre réfutation des thèses d'autrui, conventionnellement. . \ ### \ 216. Quelqu'un réfute sans rencontrer d'objet de réfutation et dit: «Je vais réfuter mais en rencontrant (l'objet de \ réfutation)». \ Qui portera la faute? \ Sans doute (elle) a lieu pour qui soutient une thèse \ Mais, pour nous qui n'avons pas de thèse, la conséquence absurde est impossible. . Dans l'hypothèse ci-dessus la faute est bien à celui qui a une position ou assertion d'une existence intrinsèque. Et puisque nous-mêmes ne défendons pas une telle position nous échappons aux conséquences absurdes associées aux cas de rencontre et non-rencontre de la cause et du fruit. Pour nous, ni l'objet à réfuter ni le réfutant n'ont d'existence en soi. Concernant l'engendrement de l'effet par la cause, la raison de l'erreur de notre interlocuteur dans l'examen de leur contact ou non-contact est sa croyance en l'existence réelle de la cause et du fruit. Nous ne tombons pas dans ce travers car nous acceptons qu'ils sont pareils à des illusions et sans existence en soi. De même que nous admettons en pratique l'existence de la cause et du fruit en l'absence de toute nature propre, de même celui qui réfute l'objet de négation ne le fait pas réellement mais conventionnellement. A l'encontre, raisonner positivement amène beaucoup d'erreurs et de contradictions. . Comme le dit Nagarjuna dans son ouvrage Réfutation des Objections (29): . ~ Si j'avais quelque assertion ~ Alors ce serait ma faute. ~ Mais comme je n'ai pas d'assertion ~ Je suis absolument sans faute. . Certains se sont appuyés sur ces mots pour clamer que les Tenants du Milieu ne font aucune proposition. Ceci est faux: pour mériter le nom de Tenant du Milieu il est nécessaire de poser que pas un atome n'a d'existence intrinsèque et que, au sens conventionnel, toutes les choses sont des productions interdépendantes semblables à des illusions. Il faut donc comprendre la déclaration de Nagarjuna ainsi: «Je n'ai pas d'assertion d'une existence réelle ou inhérente, même mes paroles sont dépourvues d'existence réelle.» . De quelle manière établissons-nous notre thèse? . \ ### \ 217. Lorsque (prenant appui) sur son reflet, \ Vous voyez les caractères présents dans le disque solaire durant une éclipse \ Il est illogique qu'il y ait rencontre ou non-rencontre du soleil avec son reflet. \ Néanmoins, une simple convention en dépendance se produit. . \ ### \ 218. Parce que, quoique (le reflet) ne soit pas vrai, nous établissons très bien notre visage. \ De même que ce (reflet) existe, ici aussi il y a une vision \ Capable de purifier le visage de la sagesse. \ Sachez que la raison en est la réalisation de la thèse après qu'on se soit aussi délivré de l'argument. . Quand, en dépendance de la perception de son reflet, vous voyez les caractères présents dans le disque solaire ou un visage, il est absurde de dire — après avoir mené un examen recherchant les objets désignés — qu'il y ait rencontre ou non-rencontre du soleil, du visage et de leurs reflets. Néanmoins, en prenant appui sur le soleil et le visage leurs images réfléchies naissent par simple établissement en raison de la pratique. Quoique ce reflet soit pareil à une fiction, en dépendance d'un miroir servant de condition, nous sommes capables d'établir notre visage et de nous engager dans l'activité désirée, telle que le laver. De même que le reflet possède la capacité d'accomplir sa fonction, ici aussi, notre approche est à même de purifier le visage de la sagesse des marques de l'ignorance. Il faut savoir que la raison — la production interdépendante, le fait de n'être ni identique ni différent, etc. — en est la compréhension de la thèse d'absence de nature propre survenant après que l'on se soit aussi délivré de la thèse contraire d'acceptation d'une nature propre. Le mot «aussi» signifie qu'une réfutation libre de l'argument d'une existence inhérente — ou discussion qui, elle-même, est sans nature propre — a néanmoins le pouvoir de rejeter son objet de réfutation. . Puisqu'il est illogique de parler dans les deux cas — d'acceptation de la présence ou de l'absence de l'entité — de recherche de l'objet désigné aux tenants d'une simple existence nominale, que vous réfutiez en prenant appui sur les extrêmes de présence ou d'absence ou qu'il y ait réponse de notre part, vous êtes dans l'impossibilité de prendre avantage sur nous. . Comme le dit Aryadeva dans ses Quatre Cents (400): . ~ Même sur une longue période ~ On ne peut convaincre d'erreur ~ Celui qui n'a pas de position: ~ Existant, non existant, existant et non existant. . Pour qui ne soutient pas la thèse qu'une chose existe en soi, ou n'existe pas même conventionnellement, ou est à la fois existante et non existante ou ni existante ni non existante, le réfuter est hors de question, même après longtemps. . Pour conclure, tout comme il n'y a ni rencontre ni non-rencontre du contradicteur et de l'objet à réfuter, il n'y a ni rencontre ni non-rencontre de la cause productrice avec son effet. Pourtant, conventionnellement, le contradicteur réfute son objet et la cause produit son effet. . \ ### \ 219. Si la nature de la raison qui fait comprendre la thèse \ Et la nature de la thèse, la chose à comprendre directement, avaient une existence (réelle), \ Les arguments de rencontre, etc., seraient applicables \ Mais comme ceci n'est pas, votre (propos) n'est que vaine fatigue. . Selon vous, si raison logique et thèse existaient en soi les arguments tendant à réfuter et à prouver la rencontre ou non-rencontre de l'objet à démontrer et de la démonstration s'exerceraient à notre endroit. Mais comme il n'y a pas d'existence en soi de ces deux, votre établissement d'une position pure et des fautes d'une position impure n'a pour nous aucune signification et ne résulte pour vous qu'en fatigue mentale. Par exemple, une personne à la vision claire n'est pas affectée par la réfutation de la couleur, nombre ou épaisseur des cheveux faussement perçus dans l'espace par celle dont la vision est troublée, de même, dans l'examen de la cause et de l'effet sans nature propre, votre réfutation qui examine les deux hypothèses de présence ou d'absence — recherchant l'objet désigné — ne nous affecte pas. . Les illustrations de l'œil et de la magnétite, qui établissent l'accomplissement de l'action sans rencontre, sont réfutées, car lorsqu'on admet une existence inhérente qu'il y ait rencontre ou non-rencontre mène à d'absurdes conséquences. Pourquoi se créer des difficultés sans nombre comme vous le faites en vous éloignant de la voie juste de la non-existence en soi et en adoptant un chemin tortueux seul produit de vos propres élucubrations? . La pousse est vide d'être en soi parce que c'est un objet produit en dépendance d'une cause, la graine. Une chose qui dépend d'une cause ou de ses parties est automatiquement vide d'être en soi. Voici la reine des raisons, car c'est à travers elle que sont évitées les extrêmes d'éternalisme et de nihilisme. . Une personne peut douter de la présence d'un feu sur une colline, mais la vue de la fumée élimine son incertitude. De même, on comprendra ce qu'est le feu dévastateur de la croyance en un soi réel grâce à la fumée du juste raisonnement. Les Tenants du Milieu Autonomes acceptent aussi l'absence d'être en soi mais en tirent une signification très différente des conclusions conséquentialistes. Ils ne vont pas au bout des implications de cette découverte. Une fois démontrée l'absence de nature propre, pourquoi s'ingénier de quelque façon à la restaurer? . \ ### \ 220. Il est extrêmement aisé d'accéder à la compréhension \ Que toutes les choses sont privées de réalité. \ Mais pour autrui une compréhension semblable (en regard) d'une nature propre n'est pas facile à acquérir. \ Pourquoi (empêtrer) le monde qui s'en remet à vous par le filet de mauvaises spéculations? . En outre, au moyen des exemples du rêve et d'une illusion il est très aisé de faire comprendre l'absence de nature propre de toutes les choses, mais il est très difficile pour autrui de nous faire accéder à la compréhension d'une existence réelle des phénomènes, car pour tous deux un exemple d'une telle existence est introuvable. . Par conséquent, nous écartons tous les arguments des Réalistes. Qui pourrait nous répondre en accord avec la Doctrine? Qui vous a chargé de nuire ainsi inutilement au monde? Non contents de l'envelopper dans le cocon de vos conceptions pernicieuses, vous jetez sur lui le filet de vos mauvaises spéculations. Il faut rejeter ces arguties concernant une existence réelle. Toutes les choses sont trompeuses, semblables à des reflets. Quels caractères généraux ou particuliers, manifestes, indirects ou de nature propre ont-elles? Ce qui épuise tous les connaissables en une simple perception directe, c'est la sagesse omnisciente. . \ ### \ 221. Après avoir compris les réfutations additionnelles enseignées plus haut, \ II faudra rejeter (les arguments exposés) afin de (présenter) les réponses de nos adversaires (à nos objections de) rencontre, etc. \ Nous ne sommes pas des sophistes. \ Les additions expliquées ci-dessus (ont pour but) la propre compréhension de nos adversaires. . Au moment d'établir une production interdépendante telle que la naissance de la pousse en corrélation avec la graine, ou une désignation dépendante telle que celle de la personne en corrélation avec les cinq ensembles psychophysiques, il faut commencer par comprendre les réfutations additionnelles de la position des Réalistes exposées ci-dessus (stances 211-13). Puis on rejettera les arguments présentés par nos adversaires (stances 214-15) à nos objections de rencontre ou non-rencontre de la cause et du fruit. . Le Traité ne contient pas d'arguments captieux. Craignant les méprises de ceux qui critiquent Nagarjuna, nous les avons réfutés. Mais notre rejet de leurs positions n'est pas réel, car aucune chose ne l'est! Par conséquent, où voyez-vous que nous sommes des sophistes? . L6: [321.163.52. Explication des DIVISIONS DE LA VACUITÉ (13)] :L6 L7: [321.163.521. Enseignement résumé] :L7 . \ ### \ 222. (Le Vainqueur transcendant) a déclaré que l'on distingue deux aspects de ce non-soi \ Qui a pour but la libération des migrants: des personnes et des phénomènes. \ Le Maître a également affirmé aux disciples \ Qu'il comporte de nombreuses divisions. . \ ### \ 223. Très en détail (dans la Perfection de Sagesse) \ II y a une explication de seize vacuités \ Et encore, brièvement, une présentation en quatre. \ Elles sont acceptées comme le Grand Véhicule. . L'Éveillé a déclaré que le non-soi d'absence de nature propre des choses a deux aspects: non-soi des personnes et des autres phénomènes. Ce mode de division n'est pas établi en tenant compte d'une différence entre les objets de réfutation, car dans les deux cas le non-soi est une vacuité d'existence inhérente, mais en fonction des bases elles-mêmes: les agrégats et les personnes. . Quel est le propos de cette double division? Le non-soi des personnes a pour objet la délivrance du cycle recherchée par les Auditeurs et Réalisateurs solitaires, et le non-soi des personnes et des phénomènes l'obtention de l'omniscience vers laquelle tendent les Héros pour l'éveil. Les Auditeurs et Réalisateurs solitaires perçoivent l'aséité de la simple relativité de la production dépendante, mais ne parachèvent pas la méditation du non-soi des phénomènes. Ils possèdent toutefois la méthode pour éliminer les graines des perturbations participant des trois mondes. Ils ont une méditation du non-soi de la personne — sa non-existence inhérente — et malgré que la sagesse utilisant de multiples raisonnements pour réfuter son existence réelle leur fasse défaut, ils sont à même d'appliquer parfaitement les remèdes aux graines des perturbations. Par contre, ils ne peuvent lever le voile à l'omniscience. . En conformité avec les dispositions variées des disciples le Vainqueur transcendant a divisé ces deux non-soi en de nombreuses catégories. La Perfection de Sagesse, Mère des Vainqueurs, expose une classification développée en seize vacuités; on trouve aussi une présentation moyenne en quatre vacuités et brève en deux, comme ci-dessus. Toutes sont acceptées comme étant le Grand Véhicule. . Ainsi, . En outre, ô Subhuti, le Grand Véhicule c'est: -- 1. la vacuité de l'intérieur, -- 2. la vacuité de l'extérieur, -- 3. la vacuité de l'intérieur et de l'extérieur, -- 4. la vacuité de la vacuité, -- 5. la vacuité du grand, -- 6. la vacuité de l'ultime, -- 7. la vacuité du composé, -- 8. la vacuité de l'incomposé, -- 9. la vacuité de ce qui est au-delà des extrêmes, -- 10. la vacuité de ce qui est sans commencement ni fin, -- 11. la vacuité de ce à quoi il ne faut pas renoncer, -- 12. la vacuité de nature, -- 13. La vacuité de tous les phénomènes, -- 14. la vacuité des caractères spécifiques, -- 15. la vacuité du non-appréhensible, -- 16. la vacuité des non-choses. . Telles sont les seize vacuités. . En outre, ô Subhuti, -- 1) les choses sont vides de choses, -- 2) les non-choses sont vides de non-choses, -- 3) la nature est vide de nature, -- 4) les choses autres sont vides de choses autres. . Telles sont les quatre vacuités. . Il n'y a pas de vacuité ou de non vacuité qui ait la moindre parcelle d'existence intrinsèque. Par ces aspects distincts de la vacuité les disciples sont apaisés en vérité conventionnelle. . Le Traité explique (XIII.7) . ~ Si quelque chose était non vide ~ II pourrait y avoir quelque chose de vide. ~ Mais puisqu'il n'y a rien qui ne soit non-vide ~ Comment y aurait-il du vide? . Et (XXII. 11), . ~ On ne peut dire ni que (Celui-Ainsi-allé) est vide ~ Ni qu'il est non vide, ~ Vide et non vide à la fois ou ni vide ni non vide. ~ Ces (mots) ne servent que comme désignations. . «Vide» signifie privé d'existence inhérente. La première stance indique qu'on ne peut exprimer de thèse d'être en soi. S'il y avait quelque vacuité réelle, son support, l'être en soi des choses, existerait. Mais la vacuité est un caractère commun à tous les phénomènes, et comme il n'y a pas de phénomène qui ne soit non vide, la non-vacuité non plus n'existe pas. Puisqu'il n'y a pas d'entités non vides ni non plus de non-vacuité, il faut admettre que la vacuité n'existe pas plus que des fleurs de l'espace. La seconde stance montre que les objets désignés ont une existence conventionnelle. Pour faire comprendre la nature des choses il faut nécessairement user de métaphores et demeurer dans le domaine de la pratique des hommes. C'est la raison des termes vides, non vides, etc. . L7: [321.163.522. Exposition détaillée de la division en SEIZE VACUITÉS] :L7 L8: [321.163.522.1. Les quatre vacuités: de l'intérieur, de l'extérieur, de l'intérieur et de l'extérieur et vacuité de la vacuité.] :L8 L9: [1. La vacuité de l'intérieur] :L9 . \ ### \ 224. L'œil est vide, d'oeil, \ Telle est sa nature. \ De cette manière il faut expliquer \ L'oreille, le nez, la langue, le corps et le mental. . \ ### \ 225. La nature privée d'être en soi \ Des six, l'œil et le reste, \ — Parce qu'ils ne sont ni éternels ni transitoires — \ Ceci est dit vacuité de l'intérieur. ' . L'absence de nature propre des six phénomènes internes, l'œil, l'oreille, le nez, la langue, le corps et le mental, est dite vacuité de l'intérieur. L'œil est vide d'œil — il est vide d'existence intrinsèque en tant qu'oeil parce que sa nature est privée d'être en soi. On comprendra de la même manière que les autres organes sont respectivement vides d'oreille, de nez et la suite. . Parce que l'œil, l'oreille, etc., ne sont en eux-mêmes ni transitoires ni fondés sans détérioration, ni produits ni détruits ultimement, leur nature est une absence d'être en soi. Ce mode d'être est appelé vacuité des phénomènes internes de la personne. . A ce propos, le Traité (XV. 1.2) dit: . ~ II est absurde que l'être propre ~ Puisse être produit de causes et conditions ~ (Car) un être propre issus de causes et conditions ~ Serait composé. ~ Comment serait-il logique ~ D'appeler «composé» l'être propre? ~ L'être propre n'est pas fabriqué ~ Et ne dépend pas d'autre chose. . L9: [2. La vacuité de l'extérieur] :L9 . \ ### \ 226. La forme est vide de forme \ Car telle est sa nature. \ Il en est de même des mentaux, \ Du son, de l'odeur, de la saveur, du tangible. . \ ### \ 227 ab. L'absence d'être en soi de la forme \ Est acceptée comme vacuité de l'extérieur. . L'absence d'être en soi ou vacuité de nature propre des six objets, formes et la suite, non inclus dans le continuum de la personne, cela est appelé vacuité des phénomènes externes. La forme extérieure est vide d'être en elle-même forme, parce que telle est sa nature. Il faut savoir qu'il en est ainsi pour les autres phénomènes externes. Comme pour la vacuité de l'intérieur, les raisons de non-éternité et non-destruction sont appliquées dans les Discours à toutes les autres vacuités. . L9: [3. La vacuité de l'intérieur et de l'extérieur] :L9 . \ ### \ 227 cd. L'absence d'être en soi des deux \ Est la vacuité de l'intérieur et de l'extérieur. . L'absence de nature propre ou vacuité d'existence réelle des six bases de connaissance intérieures (œil, etc.) et celle des six objets extérieurs (formes, etc.) constitue la vacuité des phénomènes internes et externes. . L9: [4. La vacuité de la vacuité] :L9 . \ ### \ 228. L'absence d'être en soi des phénomènes \ Les sages la nomme vacuité. \ Cette vacuité est aussi déclarée \ Vide de la nature de vacuité. . \ ### \ 229. Toute vacuité appelée vacuité \ Est acceptée comme vacuité de la vacuité. \ Elle a été enseignée afin d'empêcher que les êtres \ Conçoivent la réalité de la vacuité. . Comme expliqué ci-dessus, la simple absence d'être en soi des phénomènes les sages la nomment vacuité. Et la non-réalité ou vacuité de nature de la vacuité elle-même est dite vacuité de la vacuité. Tout phénomène est obligatoirement qualifié par la vacuité, donc, la vacuité aussi, qui est un existant, se trouvé dénuée de nature propre. La vacuité de la vacuité a été enseignée dans la Perfection de Sagesse afin que les êtres s'écartent de la conception que la vacuité — la nature des phénomènes — existe réellement. . Dans sa Louange au Supramondain (21), Nagarjuna dit: . ~ Vous avez enseigné l'ambroisie de la vacuité ~ Pour dissiper toute imagination. ~ Mais vous blâmez fortement ~ Quiconque s'y attache. . L8: [321.163.522.2. Les quatre vacuités: du grand, de l'ultime, du composé et de l'incomposé] :L8 L9: [5. La vacuité du grand] :L9 . \ ### \ 230. Parce qu'elles englobent entièrement \ Le monde réceptacle et les êtres, \ Et, comme selon l'exemple des infinis, elles n'ont pas de limites, \ Les directions sont grandes. . Permettant une accumulation de mérite incommensurable, la méditation des quatre infinis — amour, compassion, joie et équanimité — porte sur tous les êtres dans les dix directions. Selon cet exemple, comme il n'y a pas de limite aux directions, elles sont dites grandes. . \ ### \ 231. La vacuité de (nature propre) \ De l'ensemble des dix directions \ Cela est la vacuité du grand. \ Elle a été enseignée pour écarter l'adhésion au grand. . L'absence d'être en soi des dix régions a été enseignée pour détourner de la conception fausse qu'elles existent réellement, ainsi que le croient les tenants de l'école non bouddhiste Vaishesika pour qui ce sont des substances permanentes. . L9: [6. La vacuité de l'ultime] :L9 . \ ### \ 232. Parce que c'est le suprême dessein, \ L'ultime est l'au-delà des peines. \ Sa vacuité de cela \ Est la vacuité de l'ultime. . \ ### \ 233. Celui qui connaît l'ultime \ A enseigné la vacuité de l'ultime \ Pour empêcher que les êtres \ Conçoivent la réalité de l'au-delà des peines. . L'ultime c'est l'au-delà des peines, le Corps de la Loi. Le Corps de la Loi est vide de Corps de la Loi. Son absence de nature propre est la vacuité de l'ultime, enseignée par l'Éveillé pour que les êtres n'adhèrent pas à ce qui transcende la douleur. . L9: [7. La vacuité du composé] :L9 . \ ### \ 234. Parce qu'ils naissent de conditions, \ Les trois mondes sont assurément des composés. \ Il a été enseigné que leur vacuité de cela \ Est la vacuité du composé. . Les trois mondes ce sont le monde du désir, le monde matériel et le monde immatériel. Ils apparaissent par causalité, naissent, demeurent et sont détruits. Or, le plan du désir est vide de plan du désir, le plan matériel est vide de plan matériel, le plan immatériel est vide de plan immatériel. Les trois mondes sont vides de nature propre. Cette vacuité est dite vacuité des composés. . L9: [8. La vacuité de l'incomposé] :L9 . \ ### \ 235. Ce qui ne naît, ne demeure ni n'est permanent \ C'est l'incomposé. \ Sa vacuité de cela \ Est la vacuité de l'incomposé. . L'incomposé c'est ce qui n'a ni production, ni cessation ou destruction, ni transformation dans la durée, comme l'espace dont la nature n'est pas produite. Mais l'incomposé est vide d'incomposé, il est privé d'être en soi: c'est la vacuité de l'incomposé. . L8: [321.163.522.3. Les quatre vacuités: de ce qui est au-delà des extrêmes, de ce qui est sans commencement ni fin, de ce à quoi il ne faut pas renoncer et de nature] :L8 L9: [9. La vacuité de ce qui est au-delà des extrêmes] :L9 . \ ### \ 236. La non-existence de limites par rapport à une chose \ Est appelée dépassement des extrêmes. \ Sa simple vacuité de cela \ C'est la vacuité du sans limites. . Les extrêmes ce sont les vues de permanence et d'annihilation. On n'entend pas ici les conceptions de la permanence de l'incomposé ou de l'arrêt de la continuité des naissances et des morts sous l'empire des actes chez un Destructeur-de-1'ennemi, mais les extrêmes qui font chuter dans l'abysse de l'erreur. Cette vacuité est l'ultime des douze liens de la production en dépendance lesquels sont vides des extrêmes d'éternalisme — concevoir la nature propre de ce qui en est privé — et de nihilisme — concevoir l'inexistence de ce qui existe conventionnellement. Comme rien n'existe indépendamment de causes et conditions, les douze chaînons sont vides de ces deux extrêmes. Il n'y a donc rien qui ne soit vide d'existence inhérente ni qui ne soit passé au-delà de ces deux extrêmes d'erreur. La vacuité de nature propre de ce qui outrepasse les extrêmes est appelée vacuité du sans limites. . Comme le dit le Roi des Recueillements: . ~ Ayant abandonné les deux extrêmes d'existence et d'inexistence, de pureté et d'impureté, il ne réside pas non plus au centre. Cet enseignement est destiné à écarter l'adhésion à la réalité d'un point éloigné des extrêmes. . L9: [10. La vacuité de ce qui est sans commencement ni fin] :L9 . \ ### \ 237. Puisque les termes initial ou du début, \ Et final n'existent pas, \ Le cycle est dit sans commencement ni fin. \ Parce qu'il est privé d'allée et venue le devenir est \ pareil à un rêve. . \ ### \ 238. Son isolement de cela \ Est appelé vacuité \ De ce qui n'a ni commencement ni fin. \ Les traités l'expliquent à l'évidence. . Nagarjuna (XI.3.4.) dit: . ~ Si la naissance précédait ~ Et si le vieillissement et la mort suivaient ~ II y aurait naissance sans vieillissement ni mort ~ Et l'on naîtrait sans être mort. ~ Si la naissance suivait ~ Et si le vieillissement et la mort précédaient ~ Comment, privés de cause, le vieillissement et la mort ~ Affecteraient-ils un (être) non né? . Sans départ et sans arrivée réels le cycle des existences est pareil à un rêve. Il existe au plan relatif dans le continuum de la personne, causant la ronde des renaissances indéfinies du je — désigné sur les agrégats — soumis à l'emprise des perturbations et des actions contaminées. Le texte dit: «le cycle est sans commencement ni fin»; un commentaire indien précise qu'il a bien une fin correspondant à l'élimination de l'ignorance. Sans être en soi, le cycle est vide de cycle. . Le Roi des Recueillements déclare: . ~ Les trois mondes sont semblables à un rêve, sans essence, ~ Rapidement détruits, impermanents, tels une illusion. ~ Ils ne comportent ni allée ni venue. ~ Les séries sont toujours vides et sans caractères. . Cette parfaite affirmation spécifiquement bouddhique illumine la voie, détruit la peur et protège des hallucinations qui créent le cycle. . L9: [11. La vacuité de ce a quoi il ne faut pas renoncer] :L9 . \ ### \ 239. Renoncer signifie rejeter, \ Délaisser. \ Ne pas renoncer c'est ne pas abandonner \ Ce à quoi il ne faut jamais renoncer. . \ ### \ 240. La vacuité (de nature propre) \ De cela même à quoi on ne renonce pas \ Est appelée vacuité de ce à quoi on ne renonce pas \ Parce que telle est (sa nature). . Le Grand Véhicule est la chose à laquelle il ne faut renoncer à aucun moment et dans aucune circonstance. Le Grand Véhicule et son fruit forment la base de cette vacuité indestructible et pure. . L9: [12. La vacuité de nature] :L9 . \ ### \ 241. Parce que l'essence des composés, etc., \ N'est pas créée \ Par les Élèves, les Éveillés-pour-soi-même, \ Les Fils des Vainqueurs et Ceux Ainsi-ailés, . \ ### \ 242. Pour cette raison, l'essence des composés et le reste \ Est expliquée comme nature. \ Sa vacuité de cela même \ Est vacuité de nature. . L'essence de tous les phénomènes composés et incomposés n'a pas été fabriquée par les Auditeurs, les Réalisateurs solitaires, les Héros pour l'éveil ou les Éveillés eux-mêmes, ni par aucun autre créateur. Elle existe et a existé de tous temps. Cette essence ou nature est vide de nature, privée d'être en soi. Cela est dit vacuité de nature. Quand on appréhende sans contradiction la nature des phénomènes, existante mais dénuée d'être en soi, les conceptions fausses d'une intelligence n'ayant pas réalisé la vérité ultime sont écartées. . L8: [321.163.522.4 Les quatre vacuités: de tous les phénomènes, des caractères spécifiques, du non-appréhensible et des non-choses] :L8 L9: [13. La vacuité de tous les phénomènes] :L9 . \ ### \ 243. Les dix-huit éléments, le sextuple contact, \ La sextuple sensation qui en est issue, \ Le matériel et l'immatériel, \ Et de même, les phénomènes composés et incomposés, . \ ### \ 244 ab. Tous les phénomènes \ Sont vides, isolés. . Tous les phénomènes ce sont: la matière, la sensation, la notion, les composants, les consciences; l'œil, l'oreille, le nez, la langue, le corps et l'esprit; la forme, le son, l'odeur, la saveur, le contact et les événements mentaux; les consciences visuelle, auditive, olfactive, gustative, tactile et mentale; les contacts de l'œil, de l'oreille, du nez, de la langue, du corps et de l'esprit; les sensations issues des contacts de l'œil, de l'oreille, du nez, de la langue, du corps et de l'esprit; les phénomènes matériels et immatériels, composés et incomposés. Or, tous les phénomènes sont vides de tous les phénomènes. Leur vacuité ou isolement d'être en soi est dite vacuité de tous les phénomènes (14). . L9: [14. La vacuité des caractères spécifiques] :L9 . L10: [a. Enseignement condensé] . \ ### \ 244 cd. La non-réalité de ce que l'on peut briser, etc., \ Est la vacuité des caractères spécifiques. . L'absence d'être en soi ou non-réalité des caractères propres de chaque phénomène — comme la qualité d'être susceptible de rupture de l'agrégat de la matière — de la souffrance et de l'éveil est dite vacuité des caractères spécifiques. La base de cette vacuité n'existe pas en soi, mais c'est le caractère propre à toute essence conventionnelle. . La vacuité des caractères spécifiques peut aussi être nommée vacuité des définitions. La nature d'une définition est de permettre une compréhension rapide d'un phénomène, par exemple, un son est ce qu'expérimenté la conscience auditive. Ainsi sont expliqués la base: les agrégats et le reste, la voie, résumée dans les six perfections, et le fruit: l'éveil complet. . L10: [b. Explication développée] . L11: [b1. Caractères spécifiques aux données de base] . \ ### \ 245. La matière a pour caractère d'être rompue, \ La sensation a pour nature d'éprouver, \ La notion de saisir des signes, \ Les composants d'effectuer. . \ ### \ 246. La conscience a pour caractère \ De connaître individuellement les objets, \ Les agrégats ont la souffrance pour caractère \ Et les éléments la nature d'un serpent venimeux. . \ ### \ 247. L'Eveillé a déclaré que les bases de la connaissance \ Sont les portes mêmes de la naissance. \ Ce qui naît en production interdépendante \ A l'agrégation pour caractère. . Un Discours dit: . ~ O moines, parce qu'il peut être détruit ou rompu on l'appelle agrégat d'attachement de la matière. . La sensation a pour nature ou caractère l'expérience du plaisir, de la douleur et de l'indifférence; la notion, la préhension des signes extérieurs: bleu, jaune, et le reste. Les composants sont caractérisés par la formation des composés autres que ceux des agrégats de la matière, de la sensation, de la notion et de la conscience. Les consciences distinguent individuellement leurs objets respectifs: sons, formes, etc. Les éléments, pareils à un serpent venimeux nuisible à autrui dès qu'il s'en saisit, maintiennent les êtres dans l'existence cyclique. L'Éveillé déclara que le champ des sensations est la base des renaissances. Tout ce qui est produit de causes et conditions a pour caractère l'agrégation. Tels sont les facteurs à purifier par l'exercice du chemin. . L11: [b2. Caractères spécifiques aux données de la voie] . \ ### \ 248. La perfection de générosité c'est le don, \ Le caractère de l'éthique c'est l'absence de douleur, \ Le caractère de la patience c'est l'absence de colère, \ La persévérance c'est l'absence de faute, . \ ### \ 249. La méditation a pour caractère le rassemblement, \ Le caractère de la sagesse c'est le détachement. \ Ainsi sont exprimés les caractères \ Des six perfections. . Le caractère de la perfection de générosité est un état d'esprit prêt à donner sans avarice le corps, les ressources et les racines de bien. L'éthique se distingue par l'obtention de ce qui soulage de la douleur des perturbations; la patience par la capacité d'endurer sans colère toutes les difficultés; la persévérance par l'enthousiasme dans l'exercice du bien; c'est aussi l'abandon des fautes naturelles et la violation des règles instituées par l'Éveillé (défenses propres aux laïcs, vœux monastiques, engagements des Héros pour l'éveil et promesses tantriques); la méditation se distingue par l'établissement de l'esprit sur des supports de vertu pour la réunion de tous les éléments du bien; enfin, la sagesse est caractérisée par le détachement, c'est-à-dire la cessation — en vue du progrès vers l'au-delà des peines — de toute forme d'adhésion à la réalité des phénomènes. . \ ### \ 250. Les recueillements, les infinis, \ Et de même, les autres (plans) immatériels, \ Sont décrits par Celui-qui-à-la-connaissance-parfaite \ Comme pourvus des caractères d'absence de trouble, . Les quatre recueillements du domaine matériel sont des développements du calme continu. Les quatre infinis, l'amour, la compassion, la joie et l'équanimité, se caractérisent par une méditation touchant un nombre d'êtres illimité. L'amour est l'aspiration au bonheur de tous. La compassion est le souhait que tous les êtres soient libres de la souffrance. La joie est la réjouissance née du souhait que tous demeurent dans un bonheur sans souffrance, et l'équanimité consiste en le vœu ardent qu'ils soient libres de l'attachement aux proches et de la haine envers les ennemis. Les quatre plans immatériels, infinité de l'espace, infinité de la conscience, néant et ni perception ni non-perception, sont propres aux êtres n'ayant que quatre agrégats et qui, au moment de la mort, renaissent directement dans ces sphères sans passer par l'état intermédiaire (15). . \ ### \ 251. Le caractère des trente-sept auxiliaires de l'éveil \ Est d'effectuer la sortie. \ La vacuité, parce qu'elle n'a pas d'objet, \ A pour caractère l'isolement. . \ ### \ 252. L'absence de marque a pour nature la paix \ Les caractères de la troisième (porte) \ Sont l'absence de souffrance et d'erreur. \ Libérer est le caractère des délivrances. . La liste des trente-sept auxiliaires de l'éveil est donnée en page 123. . Effectuer la sortie c'est se détourner du cycle, y renoncer pour s'orienter vers la libération. . Il y a trois portes de la délivrance: la vacuité, l'absence de marque et la non-prise en considération ou non-résolution. Ces trois portes sont des sagesses qui ont chacune une vacuité pour objet (du moins pour ce qui est des Conséquentialistes, les autres systèmes ayant une présentation différente). Non souillée par les taches des conceptions qui surimposent une existence réelle, la porte de la libération de la vacuité — dépourvue d'un objet de saisie — est caractérisée par l'isolement. La porte de la délivrance qu'est l'absence de marque a la paix pour caractère, sous l'angle de la non-perception de signes. La troisième porte de la délivrance, la non-prise en considération, perçoit avec justesse que les composés sont souffrance. En outre, lorsque cette sagesse qui connaît l'aséité appréhende le mode d'être des composés ou produits, elle ne prend en considération — du point de vue d'une existence en soi — ni les merveilles du cycle ni l'état supramondain. Par conséquent, elle a pour nature l'absence de souffrance et d'erreur. . Quant aux huit formes de délivrance elles ont pour caractère de libérer de ce qui fait obstacle à l'égalité méditative (16). . L11: [b3. Caractères spécifiques aux données du fruit] . \ ### \ 253. Il est dit que les forces \ Ont pour nature une parfaite détermination. \ Les assurances du Protecteur \ Ont pour nature une extrême stabilité. . Les dix forces d'un Éveillé doivent leur nom au fait qu'elles ont pour caractère ou nature l'absence d'obstacle par rapport aux objets qu'elles déterminent. Elles seront expliquées plus loin (stances 303 à 315). . L'Eveillé proclame: «Je suis correctement et pleinement illuminé, je connais sans erreur tous les phénomènes; j'ai détruit toutes les impuretés et leurs traces; j 'ai énoncé les choses — désir, etc. — qui font obstacle à la libération; j 'ai indiqué la route qui y conduit et celui qui la suit peut détruire toute souffrance.» Telles sont les quatre assurances ou intrépidités. Les deux premières sont des perfections personnelles, les dernières des qualités utiles aux êtres. Ces quatre assurances sont d'une extrême stabilité car personne, aucun adversaire ne parvient à les ébranler (17). . \ ### \ 254. Les connaissances discriminatives correctes de \ l'élocution, etc., \ Ont pour caractère l'infinité. \ Ce qui réalise le bien des migrants \ Est appelé amour universel. . \ ### \ 255. Ce qui protège entièrement ceux qui souffrent \ Est la compassion universelle. \ La joie a pour caractère le bonheur suprême, \ L'équanimité est caractérisée par le non-mêlé. . Les quatre connaissances discriminatives ou savoirs non empêchés sont communes aux Éveillés, Auditeurs, Réalisateurs solitaires et Héros pour l'éveil. Ce sont: 1. La connaissance de la désignation, c'est-à-dire du nom, de la phrase, de la syllabe servant à désigner les choses, par exemple, connaître le nom «terre» utilisé pour désigner la terre. Mais elle se rapporte surtout à la connaissance concernant la Loi. 2. La connaissance de la chose désignée et de son caractère propre: la terre et sa solidité. 3. La connaissance de l'expression des caractères de la chose, le nombre, le genre, le cas. 4. La connaissance de l'élocution qui confère la capacité de s'exprimer d'une manière facile et exacte. Ces quatre savoirs résultent de la maîtrise des concentrations. Ils font le bon prédicateur (18). . \ ### \ 256. Parce que le Maître est inattaquable \ Ce qu'on accepte comme \ Les dix-huit qualités d'un Éveillé \ A pour caractère d'être inexpugnable. . Les dix-huit qualités non mêlées d'un Éveillé ont pour caractère propre d'être inattaquables, parce que le Maître n'a aucune hallucination ou défaut et n'est pas sujet à la confusion. Elles sont classées en trois groupes: . Un Éveillé n'a pas -- 1) de faute corporelle, -- 2) de faute vocale, -- 3) d'oubli, -- 4) de pensée non recueillie, -- 5) de conception du cycle et de l'au-delà des peines comme distincts, -- 6) d'équanimité sans examen discriminatif. . Tel est le premier groupe. . Un Éveillé n'a pas de perte -- 7) d'aspiration, son souci du bien des êtres est constant; -- 8) d'énergie, il est infatigable dans sa tâche de guide des êtres matures sur la voie libératrice, se manifestant à l'infini selon leurs besoins; -- 9) de mémoire, dans son œuvre de dompter l'esprit des êtres souffrants son attention est sans effort, issue de sa perception de la nature des choses dans les trois temps; -- 10) de concentration; -- 11) de sagesse; -- 12) de délivrance, l'état d'esprit visant à l'émancipation de tous les migrants est présent à tout instant. . Tel est le second groupe. -- 13/15) Tous les actes physiques, vocaux et mentaux d'un Éveillé sont précédés et suivis de sagesse. Chacun des pores de sa peau émet des rayons qui disciplinent, forment et initient les êtres, son enseignement est approprié à chacun, son amour et sa compassion sont libres de toute hallucination. -- 16/18) La vision de la sagesse d'un Éveillé pénètre le passé, le présent et le futur sans obstacle ni attachement. . Tel est le troisième groupe. . «Non mêlé» signifie que ces dix-huit qualités sont exclusives aux Éveillés, aucun autre continuum ne les partage. . \ ### \ 257. La sagesse fondamentale de la science des aspects \ A pour caractère le manifeste. \ Les autres, partielles, \ Ne sont pas dénommées manifestes. . La sagesse qui est la science de tous les aspects a pour nature de connaître directement tous les connaissables. Elle est le propre des Éveillés. Toutes les autres consciences des Auditeurs, Réalisateurs solitaires ou des Héros pour l'éveil, qui ne pénètrent les objets que de manière partielle, ne reçoivent pas ce vocable. Les caractères des phénomènes — depuis les formes jusqu'à l'omniscience — sont de simples illustrations et comme tels dénués de nature propre. Ceci les distinguent grandement de l'existence en soi, l'objet à réfuter. . L10: [c. Résumé] . \ ### \ 258. La simple vacuité de cela \ Des caractères des composés \ Et de ceux des incomposés \ Est la vacuité des caractères spécifiques. . La simple vacuité d'être en soi des caractères des phénomènes composés — qui ne se transforment pas — est la vacuité des caractères spécifiques. . 43. Vacuité du non-appréhensible et vacuité de nature propre des non-choses . L9: [15. La vacuité du non-appréhensible] :L9 . \ ### \ 259. Le présent ne dure pas, \ La passé et le futur n'existent pas, \ Ils ne sont perçus nulle part \ On les nomme non appréhensibles. . \ ### \ 260. Ce qui n'est pas appréhensible, \ Isolé de nature propre, \ N'étant ni éternel ni transitoire, \ Est la vacuité du non-appréhensible. . Le présent ne se maintient pas au-delà de son propre établissement, le passé est destruction et le futur n'est pas encore produit. Par conséquent, aucun des trois n'existe. Aucun n'est perçu: le présent suite à sa production, le passé dans sa destruction, le futur avant sa production. Les trois ne peuvent être appréhendés ensemble. Leur nature est isolée, séparée et vide de toute existence inhérente. . Les Éveillés connaissent simultanément tous les phénomènes, c'est le caractère unique de leur omniscience. Les Héros pour l'éveil de la dixième terre connaissent aussi tous les phénomènes, mais pas simultanément. Voilà ce qui distingue les deux plans, là où réside les inconcevables excellences du plein éveil. . L9: [16. La vacuité des non-choses] :L9 . \ ### \ 261. Parce qu'elles naissent de conditions \ Les choses n'ont pas de nature propre de composés. \ La vacuité de cela même \ Est la vacuité des non-choses. . Issues de causes et conditions les choses n'ont pas de nature propre qui serait produite à partir d'un ensemble de causes et conditions. On les nomme non-choses. La vacuité de nature propre de cela même qui est né d'un ensemble est la vacuité d'être en soi des non-choses. . Cette explication en seize vacuités ne réfute pas une existence réelle du point de vue de raisonnements différents, car dans toutes la raison «ni éternel ni transitoire» est utilisée. C'est à la fois pour une seule personne et pour des individus adhérant à l'existence réelle d'objets spécifiques qu'elles sont enseignées. . L7: [321.163.523. Exposition détaillée de la division en QUATRE VACUITÉS] :L7 L9: [1. La vacuité des choses] :L9 . \ ### \ 262. Par le mot chose \ On entend, en bref, les cinq agrégats. \ Leur vacuité de cela \ Est dite vacuité des choses. . Dans l'expression «vacuité des choses» le mot choses ou essences désigne les cinq agrégats. La vacuité de nature propre des cinq agrégats est dite vacuité des choses. . L9: [2. La vacuité des non-choses] :L9 . \ ### \ 263. En résumé, non-chose \ Exprime les phénomènes incomposés. \ La vacuité de nature propre de cela même qui est \ non-chose \ Est la vacuité des non-choses. . Les non-choses ce sont l'espace, les au-delà des peines, les cessations avec discrimination (abandon définitif de perturbations) ainsi nommées parce qu'elles dérivent de l'analyse de la nature des phénomènes, les cessations sans discrimination (abandons temporaires de perturbations) et l'aséité ou vacuité. La vacuité de nature propre des non-choses ou incomposés est appelée vacuité des non-choses. . L9: [3. La vacuité de nature] :L9 . \ ### \ 264. L'absence d'être en soi de la nature \ Est appelée vacuité naturelle. \ Ainsi, la nature n'étant pas fabriquée \ Elle est nommée nature. . La nature ou essence c'est la nature des phénomènes. Elle n'est fabriquée ni par les Auditeurs, ni par les Réalisateurs solitaires, ni par les Héros pour l'éveil ou les Éveillés: c'est la manière d'être des choses. Sa non-existence réelle est dite vacuité de nature ou naturelle. . L9: [4. La vacuité de réalité autre] :L9 . \ ### \ 265. Que les Éveillés apparaissent \ Ou n'apparaissent pas, \ La vacuité de toutes choses \ Est déclarée de réalité autre. . Le traducteur Nagtso traduit le dernier verset par «est déclarée vide de nature autre». L'expression «de réalité autre» a trois significations: -- a) suprême. C'est l'aséité suprême. Le sens suprême n'outrepasse jamais le caractère de l'aséité; -- b) autre, c'est-à-dire étranger à ce qui est du monde. C'est la sagesse supramondaine non conceptuelle par laquelle sont connues les choses; -- c) au-delà. Ce qui existe au-delà est de nature autre. Que les Eveillés se manifestent ou non les phénomènes demeurent dans la vacuité, vides d'être autres. . \ ### \ 266. La pointe du vrai, l'aséité, \ Cela est la vacuité de réalité autre. \ Les (vacuités) sont exposées \ Dans la Perfection de Sagesse. . Parce qu'il transcende la ronde des renaissances, l'au-delà du cycle est la pointe du vrai, pointe signifiant ici transcender la douleur, fin de la ronde. Parce qu'il n'a pas d'aspect autre que le caractère de la réalité c'est l'aséité. La vacuité ayant pour caractère le vide de nature propre d'aséité de celle-ci même est appelée vacuité naturelle ou de réalité autre. Une compréhension correcte des Tantras dépend précisément de celle de ce concept. . Cette explication en quatre vacuités n'est pas une redite de celle en seize, mais simplement une division moyenne. La nature des phénomènes ou caractère des choses, est éternelle et, acceptée comme objet de connaissance de la sagesse non conceptuelle elle tranche la croyance en une existence réelle. De ce fait, ces deux modes de présentation, développé et moyen, ne sont pas contradictoires. Rappelons que ces divisions proviennent des Discours de la Perfection de Sagesse. . L4: [321.164. Résumé et conclusion sous l'angle de l'expression des qualités de cette terre] :L4 . \ ### \ 267. Ainsi, par les rais de l'intelligence (le Héros pour l'éveil) a obtenu une limpide clarté \ Semblable au fruit kyurura posé dans la main. \ Il connaît que, depuis toujours, la totalité des trois mondes est sans production \ Et, par la force de la vérité pratique, entre dans la cessation. . Ainsi, grâce aux rais de l'intelligence issue de l'analyse le Héros pour l'éveil a obtenu une limpide clarté par laquelle les ténèbres interdisant la vision de l'aséité sont détruites. Lorsque le fruit kyurura, transparent et frais comme le cristal, est placé au creux de la main, il n'empêche pas la perception de la paume. De semblable façon, le Héros pour l'éveil connaît manifestement que, de toute éternité, les trois mondes sans exception sont privés de production en soi, et par la force de la vérité pratique ou de surface il entre, c’est-à-dire s'absorbe en la cessation conventionnelle. Cet être sublime de la sixième terre n'abandonne pas pour autant sa résolution de protéger les êtres. En effet, . \ ### \ 268. Quoique continûment pourvu de la pensée incluse dans la cessation, \ II engendre aussi la compassion pour les migrants sans protecteur. \ Dès lors, il défait par l'intelligence \ Tous ceux nés de la parole de Celui Allé-en-la-joie et les Éveillés intermédiaires. . Bien que le Héros pour l'éveil soit sans cesse dans la claire lumière de la cessation, il n'en continue pas moins de développer sa compassion pour les êtres perdus dans le cycle. Son activité est du cycle, mais sa pensée s'inscrit dans l'au-delà des peines (voir plus haut chapitre 1, strophe 8). à partir de cette terre il défait, c'est-à-dire surpasse par la force de son intelligence, ceux nés de la parole de Celui Allé-en-la-joie ou Auditeurs et les Éveillés intermédiaires ou Réalisateurs solitaires. . \ ### \ 269. Ayant déployé les larges ailes blanches de la \ convention et de l'aséité \ Ce seigneur des cygnes précède les cygnes ordinaires \ Et, avec la force du vent de la vertu \ Avance vers le sublime rivage de l'océan de qualités \ des Vainqueurs. . Ce Héros pour l'éveil seigneur des cygnes déploie les larges ailes du relatif, l'aspect vaste de la voie, et de l'ultime, son aspect profond. Grâce à la force du vent de la vertu accumulée à maintes reprises, précédant les cygnes ordinaires — les individus à discipliner — il se dirige vers le rivage du grand océan des qualités propres aux Éveillés. Et les adeptes qui désirent s'entraîner selon son exemple devront également s'appuyer sur ces deux ailes de la voie — la sagesse et la méthode — pour progresser jusqu'à la plénitude. Ceux auxquels elles font entièrement défaut, tout comme les êtres qui privilégient l'un ou l'autre de ces aspects, ne peuvent espérer y accéder, car ils parcourent une voie incomplète. Toutes les sources valides le confirment. . Ceci conclut le sixième chapitre ou sixième production de l'esprit ultime de l'Entrée au Milieu. . L4: [NOTES] :L4 . -- (1) Hopkins, Méditation, p. 131-2. -- (2) Hopkins, Méditation, p. 499 et suivantes, et aussi Thurman, Tsong Khapa's Speech of Gold in the Essence of True Eloquence. Princeton University Press, Princeton, New Jersey, 1984. -- (3) Vasubandhu, Trésor, II, p. 244-331, et Lamotte, Traité, tome V, p. 216381. -- (4) Traduction par S. Frye, The Sublime Sutra of the Gréât Vehicle Entitled «The Rice Plants» in Dreloma, Drepung Loseling Library Society Publications, Mundgod, India, XIII, January 1985, p. 35-44. -- (5) Sur les deux vérités selon les différents systèmes bouddhistes: Geshe L. Sopa and J. Hopkins, Practice and Theory of Tibetan Buddhism, Rider, 1976. -- (6) Kindred Saying (Samyutta Nikaya), trans. C. Rhys Davids, EL. Woodward, Pâli Text Society, London, 1917-30, vol. 3, p. 120-1. -- (7) Vasubandhu, Trésor, IX, p. 295, et J. May, Candrakirti Prasannapada Madhyamakavrtti, Paris, 1959, p. 76 note 116. -- (8) Vasubandhu, Trésor, II, p. 179 et suivantes, et Asanga, Compendium, 14-5. -- (9) Trad. partielle par A. Wayman, Calming the Mind and Discerning the Real, from the Lam rim chen mo of Tson-Kha-pa, Columbia University Press, New York, 1978. -- (10) J. May, La Philosophie Bouddhique Idéaliste, tiré à part de Études Asiatiques, Francke-Verlag, Bern, XXVI, 1971. -- (11) A propos des diverses opinions sur ce stade: Asanga, Compendium, p. 152 et 160, Vasubandhu, Trésor, V, 11, II, p. 134, V, p. 85, VI, p. 200 et suivantes, p. 256-7, Hopkins, Méditation, p. 96-109, Lamotte, Traité, p. 2214-16, Sopa, Hopkins, Theory and Practice, p. 87-8, etc. -- (12) Vasubandhu, Trésor, II, 89 et suivantes, 144 et suivantes. -- (13) Hopkins, Méditation, 204/5, et Lamotte, Traité, tome IV, 1995-2151. -- (14) Pour une présentation du monde bouddhique on se reportera à Vasubandhu, Trésor, Asanga, Compendium, et Hopkins, Méditation, 199-283. -- (15) Asanga, Compendium, Vasubandhu, Trésor, Lamotte, Traité, tome II, 1023-57, III, 1233-79. -- (16) Sur les trente-sept auxiliaires: Lamotte Traité, tome III, 1119-1207, sur les trois portes de la libération 1209-32, et sur les huit délivrances 1281-1307. Sur ces thèmes se reporter aussi à Hopkins, Méditation, 205-8. -- (17) Sur les quatre assurances:Lamotte, Traité, 1567-1614. -- (18) Asanga, Compendium, 166 et 172, Vasubandhu, Trésor, VII, 90/5, et Lamotte, Traité, tome III, 1614-24. . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L1: [Les quatre dernières perfections] :L1 L3: [321.17 Explication de la septième terre: qui-va-loin] :L3 . \ ### \ 270. Lors de la (terre) Qui-va-loin \ II entre d'instant en instant dans la cessation \ Et accède aussi à la flamboyante perfection des moyens. . A l'occasion de la septième terre le Héros pour l'éveil entre à chaque instant dans la cessation obtenue lors de la terre précédente. «Entrer dans la cessation» signifie s'absorber dans la pointe du vrai; c'est ce qu'on appelle «cessation en l'aséité». Au moment de l'égalité méditative des Supérieurs, l'aséité est l'arrêt de toutes les conceptions d'une apparence dualiste. Elle s'apparente au soleil matinal dissipant les ténèbres. . Le Discours sur les Dix Terres dit: . ~ O Fils des Vainqueurs, le Héros pour l'éveil au-dessus de la sixième terre s'absorbe en la cessation des Héros pour l'éveil. ~ Le Héros pour l'éveil résidant en la septième terre des Héros pour l'éveil s'absorbe et sort de cette cessation d'un moment de pensée à un autre. . Il acquiert la perfection transcendante des moyens habiles. Le qualitatif «flamboyante» se rapporte à son extrême pureté. Selon l'ouvrage Terres des Héros pour l'Éveil cette habileté dans les moyens définie comme perfection est caractérisée en deux groupes de six qualités: habiletés dans l'accomplissement intérieur de la Doctrine de l'Éveillé et dans l'activité de maturation des êtres. Concernant la première: ce Fils des Vainqueurs i) considère tous les êtres avec compassion; ii) il connaît, telle qu'elle est, la nature de tous les composés; iii) aspire à la sagesse de l'incomparable illumination; iv) prenant appui sur sa vision de la situation des êtres, il n'abandonne pas le cycle; v) prenant appui sur sa connaissance de la nature des composés, il reste dans le cycle avec une pensée non perturbée, l'esprit libre de négativité; vi) prenant appui sur l'aspiration des Éveillés, il exerce une énergie ardente. A propos de son habileté dans l'activité de maturation des êtres: i) il transforme la plus petite racine de bien en des fruits d'une ampleur sans limite; ii) réalise d'immenses racines de bien avec peu de difficultés; iii) dissipe la colère de ceux mal disposés envers l'enseignement; iv) introduit à l'enseignement les êtres moyennement ouverts à son endroit; v) mûrit ceux qui s'y sont engagés et savent ce qui est à rejeter et à adopter et, vi) il libère les êtres matures. . Dans la présentation des dix terres, les sept premières sont dites impures et les trois dernières pures. Pour traverser un océan le vaisseau sur lequel on se trouve avance régulièrement vers l'autre rive, mais tant que le voyage n'est pas achevé des difficultés demeurent. A la septième terre, qu'on appelle aussi «apaisement des efforts grossiers», c'est comme si le rivage était en vue. . Ceci conclut le septième chapitre ou septième production de l'esprit ultime de l'Entrée au Milieu. . L3: [321.18. Explication de la huitième terre: immuable] :L3 L4: [321.181. Aspiration excellente et mode de sortie de la cessation] :L4 . \ ### \ 271. Comme son but surpasse de beaucoup les vertus antérieures \ Le Grand Être atteint alors l'irréversibilité \ Et entre dans l'immuable. \ Ses prières sont d'une extrême pureté. . Le Héros pour l'éveil de la huitième terre dépasse les vertus antérieures de la septième terre. De quelle manière? . Le Discours sur les Dix Terres explique: . ~ O Fils des Vainqueurs, c'est ainsi: par exemple, le navire qui se dirige vers le grand océan progresse avec peine tant qu'il ne l'a pas atteint. Mais, aussitôt le grand océan atteint, poussé par le cercle du vent il avance sans qu'un effort soit nécessaire et couvre en un jour une distance qu'il n'aurait pu accomplir auparavant même sur la durée d'un siècle. O Fils des Vainqueurs, le Héros pour l'éveil qui a accumulé une collection de mérites et pratiqué le Grand Véhicule de la perfection, étant arrivé sur l'océan de la conduite des Héros pour l'éveil, en un seul instant de sagesse progresse immensément vers la sagesse fondamentale omnisciente comme il n'aurait pu le faire par son activité antérieure, même au cours de cent périodes cosmiques. . Dans ce texte, le navire avançant vers l'océan se rapporte au Héros pour l'éveil de la septième terre, et le navire qui, l'ayant atteint, vogue sur l'océan, au Héros pour l'éveil progressant sur la voie après avoir abordé la huitième terre. Là, le Grand Être est entré dans l'immuable, un synonyme de non-retour. . A ce stade, les dix grandes prières ( 1 ) et les innombrables aspirations développées par le Fils des Vainqueurs lors de la production du premier état d'esprit supramondain (au moment de la première terre) acquièrent une extrême pureté. Cette terre est dite aussi «Juvénilité» et la neuvième «Régence». A la dixième, les Vainqueurs transmettent leur pouvoir à ce fils spirituel qui est alors semblable à un monarque universel. . \ ### \ 272 a. Les vainqueurs le font sortir de la cessation. . Le Discours sur les Dix Terres dit: . ~ O Fils des Vainqueurs, ainsi le Héros pour l'éveil qui réside dans la terre immuable des Héros pour l'éveil produit la force des prières antérieures et demeure dans la série «porte de la doctrine». Les Éveillés, Vainqueurs transcendants qui ont réalisé la sagesse de Ceux Ainsiailés s'adressent à lui en ces termes: «Fils de famille, c'est bien, c'est bien. Cette pratique (dite) "acquiescement ultime" est associée à la compréhension des qualités d'un Éveillé. Néanmoins, fils de famille, tu ne possèdes ni nos dix forces, ni nos quatre intrépidités, etc., ni les excellentes qualités non mêlées d'un Éveillé. Exerce-toi à rechercher pleinement les excellentes qualités d'un Éveillé; sois énergique; n'abandonne pas cette porte de l'acquiescement. Fils de famille, bien que tu aies ainsi accédé à la complète libération qui est apaisement, pense aux êtres ordinaires puérils, non apaisés, absolument non apaisés, en lesquels se trouve l'origine de perturbations variées, dont l'esprit est troublé par diverses pensées discursives. En outre, fils de famille, rappelle-toi tes prières antérieures, le bien des êtres à promouvoir, l'inconcevable porte de la sagesse. En outre, fils de famille, telle est la nature des phénomènes: que Ceux Ainsi-ailés apparaissent ou non le plan de la Loi perdure, ainsi, tous les phénomènes sont vacuité. Tous les phénomènes sont non préhensibles. En raison de cela, Ceux Ainsi-ailés agissent sans faire de distinctions partiales. Tous les Auditeurs et Réalisateurs solitaires atteignent également la nature des phénomènes sans concevoir de distinctions. . Et, . ~ Si les Éveillés, Vainqueurs transcendants n'introduisaient pas les Héros pour l'éveil par les portes d'accomplissement manifeste de la sagesse omnisciente alors, quand ils passeraient dans le complet au-delà des peines leur activité pour le bien de tous les êtres serait interrompue. . Les Héros pour l'éveil qui, lors de la huitième terre, ont acquis la maîtrise de la sagesse non conceptuelle sont exhortés à l'accumulation de la collection de mérite qui est la cause des dix forces et autres qualités d'un Éveillé. En effet, comme le Discours nous apprend que les Auditeurs et Réalisateurs solitaires atteignent également la sagesse non conceptuelle qui connaît directement la nature des phénomènes, de toute évidence l'accumulation de mérites est une spécificité nécessaire des aspirants à l'illumination niée seulement par les ignorants. Au contraire des Idéalistes et Autonomes selon lesquels un Héros pour l'éveil de lignée certaine atteint la plénitude par l'abandon simultané des voiles à la libération et à l'omniscience, les Conséquentialistes maintiennent que ce pratiquant, ayant dissipé les voiles à la libération et étant sorti du cycle à la huitième terre, entreprend seulement à ce stade de se débarrasser des voiles à l'omniscience. . L4: [321.182. Élimination de toutes les perturbations] :L4 . \ ### \ 272 bd. Parce que l'intelligence sans attachement purifie les erreurs et s'en dissocie \ A la huitième terre les souillures et leurs racines sont apaisées et les perturbations éliminées. \ Mais, bien que, maître des trois mondes . \ ### \ 273 a. Il ne peut obtenir toutes les richesses, pareilles à l'espace sans limites, des qualités d'un Eveillé. . Étant donné qu'à ce stade les Vainqueurs le font sortir de la cessation et que sa connaissance sans attachement purifie les erreurs des perturbations et s'en sépare, le lever du soleil de sa sagesse non conceptuelle dissipe les souillures comparables aux ténèbres — les poisons de l'esprit conditionnant la naissance dans les trois mondes du désir, de la forme et du sans forme et les actes qui s'y rapportent — lesquelles sont alors apaisées, c'est-à-dire abandonnées avec leurs graines. La position éminente du Grand Être ne lui permet pas pour autant d'acquérir les qualités infinies d'un Éveillé, c'est pourquoi il doit œuvrer avec effort. . L4: [321.183. Obtention des dix pouvoirs] :L4 . Si, à ce stade, le Héros pour l'éveil se sépare de l'attachement aux trois mondes et met fin aux naissances dans le cycle, comment accomplira-t-il pleinement les pratiques productrices de la parfaite illumination? . \ ### \ 273 bc. Quoiqu'ayant mis fin au cycle il atteint les dix pouvoirs \ Et grâce à eux se révèle (dans des corps) variés aux migrants du devenir. . Bien qu'il ait stoppé l'errance dans le cycle sous l'emprise des perturbations et des actes, en atteignant cette terre le Héros pour l'éveil obtient les dix pouvoirs grâce auxquels il se manifeste aux migrants dans des corps variés de nature mentale. . Les dix pouvoirs sont énumérés dans le Discours sur les Dix Terres. . ~ 1) Parce qu'il a reçu les bénédictions sur la longévité au cours d'inexprimables, d'indicibles périodes cosmiques, il accède au pouvoir sur la vie, assumant à volonté telle ou telle forme considérée comme la meilleure pour atteindre son but. . ~ 2) Par son entrée dans la sagesse fondamentale incommensurable de l'absorption «certitude de pensée», il accède . ~ au pouvoir sur l'esprit, obtenant de nombreux états de concentration méditative. . ~ 3) Parce qu'il montre les bénédictions ornant tous les mondes par de nombreux assemblages d'ornements, il accède au pouvoir sur les ressources, possédant la faculté d'obtenir sans effort ce dont il a besoin et de transformer l'environnement. . ~ 4) Parce qu'en raison de ses bénédictions il montre, tel qu'il est, le moment de complète maturation des actions, il accède au pouvoir sur les actions. . ~ 5) Parce qu'il montre des naissances dans tous les mondes, il accède au pouvoir sur la naissance. . ~ 6) Parce que, selon son désir, à tout moment il montre des champs d'Éveillés et l'éveil parfaitement manifeste, il accède au pouvoir sur les prières et leur aboutissement. . ~ 7) Parce qu'il montre tous les mondes remplis d'Éveillés il accède au pouvoir sur les souhaits. . ~ 8) Parce qu'il montre des transformations surnaturelles dans tous les champs d'Éveillés, il accède au pouvoir sur les prestiges magiques, se manifestant là où il le juge utile. . ~ 9) Parce qu'il montre les forces de Ceux Ainsi-ailés, les assurances, les qualités non mêlées d'un Éveillé, les marques majeures et mineures, l'éveil parfait et manifeste, il accède au pouvoir sur la sagesse fondamentale. . ~ 10) Parce qu'il montre les lumineuses portes de la Loi sans limites, sans centre, il accède au pouvoir sur la Loi, connaissant tous les mots et leur signification. . Ceci conclut le huitième chapitre ou huitième production de l'esprit ultime de l'Entrée au Milieu. . L3: [321.19. Explication de la neuvième terre: excellente intelligence] :L3 . \ ### \ 274- A la neuvième il purifie et parachève la perfection de force \ Et obtient pareillement les qualités des savoirs corrects immaculés. . L'Ornement de la Pensée du Puissant, un commentaire à la Perfection de Sagesse par Abhayakaragupta, expose les forces du Héros pour l'éveil de la neuvième terre. Ce sont: . ~ 1) La force de la pensée, en raison de son activité non perturbée; ~ 2) La force de la haute aspiration, en raison de sa culture de la sagesse fondamentale de cette terre; ~ 3) La force de la souvenance, en raison du non-oubli de la Doctrine; ~ 4) La force de l'absorption, en raison de l'absence perpétuelle de dispersion; ~ 5) La force de ressources parfaites, en raison de son savoir touchant les pratiques variées dans des mondes sans limites; ~ 6) La force du pouvoir, en raison de son accès au plein accomplissement de tous les espoirs; ~ 7) La force de la connaissance, en raison de son savoir des divisions et de son discernement de la Loi entière de l'Éveillé; ~ 8) La force de la prière, en raison du non-rejet de l'observance des pratiques propres à tous les Éveillés; ~ 9) La force des perfections, en raison du complet mûrissement par soi-même des enseignements de l'éveillé, du complet mûrissement des êtres et du non-rejet de l'activité bénéfique à tous; ~ 10) La force de l'amour universel, en raison du non-rejet des sublimes pratiques de protection de tous les êtres; ~ 11) La force de la compassion universelle, en raison de sa totale dispersion des souffrances de tous les êtres; ~ 12) La force de la nature des phénomènes, en raison de sa réalisation que la nature des phénomènes est pareille à un prestige magique, etc.; ~ 13) La force de la grâce de tous Ceux Ainsi-ailés, en raison de son orientation vers la sagesse omnisciente. . De même qu'il accède à la perfection de force, le Héros pour l'éveil obtient aussi les quatre connaissances correctes: de la désignation, de la chose désignée, de l'expression et de l'élocution. Selon l'auto-commentaire, par la première il connaît les caractères distincts de chaque phénomène; par la deuxième les classifications des phénomènes, c'est-à-dire les groupes de noms contenus dans la parole de l'Éveillé; par la troisième, il enseigne sans confusion, et par la quatrième connaît de manière ininterrompue les causes en harmonie avec l'enseignement, ce qui signifie que sa connaissance est stable. Selon d'autres textes, il s'agit des savoirs des désignations synonymes, de la signification à exposer, de l'expression des phonèmes et d'une éloquence inépuisable. . Ceci conclut le neuvième chapitre ou neuvième production de l'esprit ultime de l'Entrée au Milieu. . L3: [321.20. Explication de la dixième terre: nuage de la doctrine] :L3 . \ ### \ 275. A la dixième terre il obtient des Éveillés de tous les lieux la sainte transmission de pouvoir. \ La sublime sagesse fondamentale apparaît aussi. \ De même que l'ondée s'échappe des nuages, \ De même, en vue de la moisson de vertu des migrants, du Fils des Vainqueurs se déverse spontanément la pluie de la Doctrine. . Le Héros pour l'éveil résidant en la dixième terre est initié par les rayons lumineux issus de la touffe de poils située entre les yeux des Éveillés des dix régions. De quelle manière? Après avoir atteint d'innombrables absorptions méditatives il acquiert la concentration nommée «possession de l'initiation indifférenciée de la sagesse fondamentale omnisciente». Il est alors à même d'initier à son tour les êtres. . Parmi les dix perfections, il parfait celle de sagesse fondamentale — une connaissance omnisciente. Au sujet de la discrimination entre les perfections de sagesse fondamentale et de sagesse, l'ouvrage d'Asanga Terres des Héros pour l'Éveil explique: . ~ La perfection de sagesse fondamentale est cette connaissance établissant l'aséité de tous les phénomènes. La perfection de sagesse est la sagesse engagée dans l'appréhension de l'ultime et la perfection de sagesse fondamentale la connaissance engagée dans l'appréhension du relatif. Telle est leur distinction. . Suprême entre tous, ce Héros pour l'éveil est à la frontière de l'état des êtres illuminés. Sa pratique essentielle consiste à perfectionner l'esprit supramondain jusqu'à son stade ultime. Son esprit, dont les capacités sont infinies, est comme un ciel paré des nuages de la grande compassion, de l'esprit d'éveil et de la sagesse. Il est connu comme le Nuage de la Doctrine. De même que dans le monde, les chutes de pluies contribuent à la croissance des produits des champs, afin de faire lever et de mûrir la moisson de leurs vertus, en provenance du Héros pour l'éveil de la dixième terre la pluie de la sainte Loi se déverse spontanément sur les disciples. . Ceci conclut le dixième chapitre ou dixième production de l'esprit ultime de l'Entrée au Milieu. . L3: [321.2 Enseignement sur les qualités des dix terres] :L3 L4: [321.21. Qualités de la première terre] :L4 . Cette partie présente les excellences d'un Héros pour l'éveil selon une séquence suivant son accomplissement des dix stades. . \ ### \ 276. Il a alors la vision de cent Éveillés \ Et connaît leurs vagues de grâce. \ Sa vie est de cent périodes cosmiques, \ II pénètre parfaitement les limites antérieures et postérieures. . \ ### \ 277. Cet être intelligent entre et sort de cent concentrations, \ II est capable d'ébranler de toutes parts et d'illuminer cent univers. \ De même, il mûrit cent êtres par des prodiges \ Et se rend aussi dans cent champs purs. . \ ### \ 278. Il ouvre cent portes de la Doctrine. \ (Ce) Fils des Puissants révèle en tous lieux des formes de son corps, \ Chacune possédant son propre entourage \ De Fils de Vainqueurs beaux et fortunés. . Avec l'obtention de la première terre le Héros pour l'éveil atteint douze qualités spéciales (se reporter à l'explication de la première terre). . L4: [321.22. Qualités des six terres suivantes, de la deuxième à la septième] :L4 . \ ### \ 279. Résidant en la (terre) Immaculée \ Le sage obtient mille de ces mêmes qualités \ Gagnées quand il demeurait en la (terre) Très Joyeuse. \ Dans les cinq terres, le Héros pour l'éveil les multiplie . \ ### \ 280. Par cent mille, puis un milliard, \ Dix milliards, mille milliards, \ Un milliard de milliards \ Et (par la suite) encore par mille. . Ce groupe de douze qualités dont la puissance était de cent à la première terre est porté à mille à la deuxième. Puis, dans les cinq terres suivantes, de la troisième à la septième incluse, elles sont multipliées de la manière indiquée dans cette stance. . L4: [321.23. Qualités des trois terres pures] :L4 . \ ### \ 281. Celui qui demeure en la terre Immuable \ Libre de pensée discursive, \ Obtient ces vertus en nombre égal \ Aux atomes contenus dans trois mille milliards de mondes. . \ ### \ 282. Le Héros pour l'éveil qui séjourne dans la terre \ Excellente Intelligence \ Acquiert un million d'innombrables \ Trichiliomégachiliocosmes d'atomes \ Des qualités ci-dessus décrites. . \ ### \ 283. Lors de la dixième, ses qualités \ Dépassent grandement le domaine de la parole, \ Elles sont indicibles, \ Additionnées, elles égalent le nombre des atomes. . \ ### \ 284. De ses pores \ II est capable de manifester d'instant en instant \ D'innombrables Héros pour l'éveil et corps de parfaits Éveillés \ Ainsi que des dieux, dieux jaloux et humains. . A partir de la huitième terre les qualités deviennent incalculables et sont expliquées en termes de particules infimes. «Mondes» au quatrième vers de la stance 281 se rapporte à des univers de quatre continents. A la stance suivante, «innombrables» correspond au nombre 1060- et «trichiliomégachiliocosme» à un milliard d'univers de quatre continents. . Lorsqu'il accède à la dixième terre les douze qualités du Héros pour l'éveil atteignent le nombre des atomes contenus dans une quantité inexprimable de sphères d'Éveillés. En outre, sans qu'intervienne une intention particulière, par chacun des pores de sa peau il est à même de manifester à tout instant des êtres des cinq classes d'existence: dieux, dieux jaloux et le reste, ainsi que Indra, Brahma, des Protecteurs du monde, Auditeurs, Réalisateurs solitaires, et des Eveillés sans nombre entourés d'assemblées immenses de Héros pour l'éveil qui, spontanément, enseignent la Doctrine aux êtres à discipliner. On demandera comment un Héros pour l'éveil peut-il manifester des Éveillés? Pour égarer les êtres Mara, le démon apparaît parfois sous l'aspect d'un Vainqueur, d'un Héros pour l'éveil ou d'une déité. De même, mais dans l'optique inverse, le Fils des Vainqueurs de la dixième terre révèle des formes qui, tout en n'étant pas de parfaits Vainqueurs, semblent telles aux pratiquants. A ce sujet, on ne saurait trop conseiller à ceux-ci de faire part à leur maître spirituel des éventuelles visions qu'ils pourraient avoir. Car lui seul est en mesure de distinguer l'authentique du faux. . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L1: [Le plein épanouissement] :L1 L3: [322. Niveau résultant] :L3 L4: [322.I. Mode d'acquisition du plein épanouissement] :L4 L5: [11. Sens proprement dit (2)] :L5 . \ ### \ 285. Puisque la clarté lunaire illumine un ciel pur \ Tu fis un nouvel effort en vue de la terre de production des dix forces. \ Appliqué à ce but dans (la terre) La Plus Haute, tu obtins le statut de la paix suprême \ Et toutes les qualités ultimes, inégalables. . De même que ce n'est que dans un ciel dégagé que la clarté lunaire peut illuminer l'ensemble des êtres, de même l'obtention des qualités d'un Éveillé requiert de dissiper les ténèbres. Le Héros pour l'éveil — ici Shakyamuni — qui a accédé à la dixième production de l'esprit ultime, connaissant sa capacité à atteindre par lui-même les qualités d'un Eveillé, fait un nouvel effort en vue d'atteindre le rang d'un Vainqueur aux dix forces. Alors, à l'instar des Vainqueurs passés, dans la terre pure nommée La Plus Haute, il rend manifeste la sagesse fondamentale sans pareille, l'apaisement de toutes les conceptions. Selon le système du Grand Véhicule des perfections la pleine illumination est initialement actualisée dans cette sphère. Ensuite, lorsqu'un Éveillé montre la manière de l'atteindre, il le fait dans le monde du désir. . \ ### \ 286. De même qu'on a des catégories de récipients mais pas de division de l'espace, \ De même, dans l'aséité (n'a lieu) aucune des classifications des choses. \ Par conséquent, lorsque tu compris parfaitement la saveur égale, \ (Pourvu de) l'excellente connaissance, tu pénétras en un instant les connaissables. . On trouve une grande variété de contenants, vases, tasses, coupes, tous entrant dans la catégorie des récipients. Par contre, l'espace qui les pénètre est uniforme, en ce sens qu'il n'est que le simple arrêt de tout contact obstruant, sans aucune sorte de division. De pareille manière, les formes, sensations et la suite sont des choses, c'est-à-dire des catégories issues de leurs causes et conditions respectives; mais l'aséité, l'absence de production en soi caractérisant les choses, échappe à toute classification. Par conséquent, il faut savoir que l'aséité a une saveur égale, un goût unique. Aussi, lorsqu'en un instant l'Éveillé comprit parfaitement cette saveur égale, il atteignit du même coup la sagesse fondamentale qui pénètre la totalité des objets de connaissance. . L5: [12. Abandon des objections] :L5 L6: [121. Assertion des opposants] :L6 . Certains mettent en doute l'existence d'un esprit omniscient de ce type et surtout sa capacité à enseigner «cela» . Selon eux, appréhender une inexistence demande que l'Éveillé lui-même soit inexistant. . \ ### \ 287. Si l'apaisement est aséité, l'intelligence ne la pénètre pas. \ Sans pénétration par l'esprit, que le possesseur d'objet rende certain les connaissables n'est pas logiquement fondé. \ En l'absence de toute connaissance, comment y aurait-il connaissance? \ Ceci est contradictoire. \ En l'absence de connaissant, à qui d'autre révélerez-vous «c'est ainsi»? . OBJECTION: Vous affirmez que l'absence ou apaisement de production en soi est l'aséité des phénomènes et que celle-ci est connue par l'esprit. Mais alors, il faut nécessairement accepter que l'intelligence ne peut en aucune manière pénétrer son objet; en effet, lorsque l'esprit pénètre l'aséité, quel aspect de l'objet a-t-il? Il n'en a pas. Par suite, puisqu'il n'y a apparence d'aucun aspect de l'objet, l'esprit possesseur d'objet ne connaît pas l'ultime et il est illogique qu'il détermine les connaissables. En l'absence de toute connaissance de l'objet comment affirmer une connaissance? . De plus, sans la production d'un esprit qui perçoit l'ultime, il n'y aura pas de connaissant de l'ultime. On ne voit pas alors comment l'Éveillé dirait à ses disciples: «J'ai compris l'aséité pourvue de tel caractère» et comment vous-mêmes l'enseigneriez. . VOILÀ CE QU'ON NOUS OBJECTE. Nous sommes donc ici en présence de deux critiques: que notre système aurait pour conséquence l'absence de connaissance et de connaissant. . L6: [122. Réfutation] :L6 L7: [1. Abandon de l'argument selon lequel il serait incorrect que l'aséité soit connue] :L7 . \ ### \ 288. Quand la non-production est (comprise comme) l'aséité l'intelligence aussi est dénuée de production; \ Elle connaît l'aséité à partir de la préhension de l'aspect (de l'objet). \ De même que l'esprit pourvu de l'aspect d'une chose connaît entièrement son objet, \ En s'appuyant sur la pratique (on dit que l'intelligence a) la connaissance (de l'aséité). . Dans le monde, lorsqu'une conscience appréhende l'aspect d'un objet on dit qu'elle connaît son objet. Ainsi, par exemple, quand un esprit est produit ayant pour aspect celui d'un objet bleu, on dit que l'esprit a la connaissance de cet objet. Pareillement, quand une conscience possesseur d'objet est produite avec pour aspect la réalité ultime d'un objet, en s'appuyant sur la vérité pratique ou conventionnelle il est affirmé qu'elle a la connaissance de son aséité. Comment s'opère ce mimétisme ou ressemblance de la conscience avec l'aspect d'aséité? De même que la réalité ultime d'un objet est son absence de production en soi, l'intelligence connaissante est aussi pourvue de cet aspect d'absence de production en soi et pénètre son objet tout comme de l'eau est versée dans de l'eau. L'aséité de l'objet est alors réalisée à partir de la préhension de son aspect. Elle est connue en dépendance du relatif, de la dénomination, car il n'existe pas de connaissance établie en soi, mais uniquement posée par imputation. . Chez un Éveillé, sous l'angle de la nature des phénomènes on a la sagesse qui connaît l'ultime. Toute apparence dualiste étant alors apaisée, la sagesse acquiert une saveur unique, comme dans l'exemple ci-dessus. Sous l'angle des phénomènes on a la sagesse du relatif et, bien qu'il y ait double apparence d'un objet et d'un possesseur d'objet distincts, comme les empreintes erronées d'une apparence duelle sont extirpées, pour ce qui est de l'objet concerné sa double appartenance au relatif, par son apparence, et à l'ultime, par sa vacuité, est non erronée. En outre, chez un Vainqueur les deux sagesses d'absorption méditative et d'obtention subséquente coexistent. La première étant la sagesse supramondaine non conceptuelle, la seconde la pénétration de tous les aspects des choses. L'expression «obtention subséquente» ne réfère nullement à un moment ultérieur à l'absorption méditative, mais à ce qui naît ou est acquis par la force de l'absorption. Un Éveillé connaît directement la totalité des apparences mais ne voit ni connaissances ni connaissables selon un mode d'apparence dualiste. Une seule sagesse appréhende deux objets. . Mais, dira-t-on, ceci n'est-il pas contradictoire avec la définition des deux vérités (stances 66 à 69 et 71/2)? Non, car le mode de connaissance de la sagesse d'un Éveillé est tout à fait particulier par rapport aux stades inférieurs de réalisation. . Ce qui ressort c'est l'impossibilité pour les non-Conséquentialistes de comprendre que vacuité ne signifie pas inexistence, et les difficultés de cerner rationnellement les caractéristiques d'un esprit omniscient. La démarche rationnelle est dualiste, l'omniscience opère uniment. Les choses sont vides et l'esprit appréhendant cette vacuité l'est également. A travers l'existence conventionnelle des phénomènes on peut établir leur vacuité et l'enseigner. L'Éveillé le fait sans conceptualisation. . L7: [2. Abandon de l’argument selon lequel il n'y aurait pas de connaissant] :L7 . Bien qu'il soit avéré que la conscience de l'état d'Éveillé qui pénètre l'aséité participe de la saveur de l'ultime, l'absence de nature propre, il n'est pas impossible dans le monde de comprendre l'aséité. Le sens de l'argument des opposants est le suivant: Si l'Éveillé demeure continuellement dans l'ultime selon le mode d'une saveur unique, alors comment un maître aurait-il la pensée d'enseigner? Comment la Doctrine pourrait-elle être exposée? Elle ne le serait pas! Nous allons répondre en montrant que la révélation de la Doctrine a lieu même en l'absence d'intention discursive de la part de l'Éveillé. . \ ### \ 289. Le Corps de Complète Jouissance est fait de mérite. \ En outre, par la force de créations magiques \ Chaque son naissant dans l'espace révèle l'aséité de la Loi \ Et, à partir de cela, le monde aussi connaît l'aséité. . Un Éveillé manifeste l'ensemble des enseignements — le Corps de la Loi par l'intermédiaire des Corps de la Forme. L'inconcevable variété de leurs aspects est saisie par, c’est-à-dire composée de mérites infinis. Ce sont des Corps de Complète Jouissance permettant aux Héros pour l'éveil la jouissance de la Doctrine. Par conséquent, chaque son émis par eux révèle l'aséité de la Doctrine, les élèves deviennent des récepteurs pour son écoute et parviennent à la connaissance de l'aséité. Outre cela, par la grâce de ces Corps de Jouissance, des créations magiques sont manifestées dont la force engendre des sons lesquels, descendant du ciel, montant de la terre, jaillissant du feuillage des arbres agité par le vent, des roches et d'autres choses inanimées, transmettent la suprême mélodie de la Loi. Ces sons conduisent les adeptes a la connaissance de l'aséité. . Si l'Éveillé est sans pensée discursive et agit sans intention au moment d'enseigner, quelle est la cause de sa révélation de la Doctrine? Expliquons ceci par un exemple: . \ ### \ 290. De même qu'ici (lorsqu')un potier vigoureux, \ Au prix d'un effort intense met son tour en mouvement, \ On voit que le tour est longtemps cause de vases et autres \ Sans que le potier fournisse un effort similaire. . \ ### \ 291. De même présentement, sans qu'un effort soit produit \ La force de la vertu des êtres et de ses prières particulières \ Rend inconcevable l'activité (d'un Éveillé) \ Demeurant dans le corps pourvu de l'entité de la Loi. . Dans le monde, une fois que le potier a accompli l'effort initial de mise en rotation de son tour, celui-ci tourne longtemps, permettant la production d'objets variés sans qu'une nouvelle intervention du potier soit nécessaire. De même, lors de la pleine illumination, l'activité d'un Éveillé qui demeure en l'entité du Corps de la Loi a lieu spontanément sans aucune conceptualisation d'un effort à fournir. . L'accumulation par les êtres à discipliner des vertus de maturation consistant en l'audition de la Doctrine associée aux prières spéciales cultivées par l'Éveillé alors qu'il n'était encore qu'un Héros pour l'éveil, rendent son activité inconcevable, analogue à un joyau qui exauce les désirs ou à un arbre à souhaits. Quelles sont ces prières? «Je m'appliquerai à accomplir le bien des êtres à discipliner sans m'éloigner un seul instant du plan de la Loi. Discipliner les êtres dépasse les limites du temps. Puisse-je vivre une telle durée!» . Pour lier l'exemple à son sens: l'impulsion initiale donnée par le potier est comparable aux prières du Héros pour l'éveil; la rotation du tour à l'activité sans conceptualisation de l'Éveillé; et les vases et autres produits à l'enseignement inconcevable de la Loi. . L4: [322.2. Présentation des Corps et des qualités] :L4 L5: [21. Présentation des Corps] :L5 L6: [211. Le corps de la loi] :L6 . \ ### \ 292. Parce qu'elle brûle en son entier le combustible sec des connaissables, \ Cette paix est le Corps de la Loi des Vainqueurs. \ Alors, sans production ni cessation, \ L'esprit étant arrêté, elle se manifeste par des corps. . Le corps doté de la nature de sagesse fondamentale pareille à un feu brûle le bois sec de tous les objets de connaissance. Ceux-ci étant privés de production en soi, ce qui est pourvu de cette non-production est le Corps de la Loi des Éveillés. Le Corps de la Loi comprend deux aspects: le Corps de Sagesse proprement dit, l'esprit transcendantal qui pénètre tous les phénomènes, et le Corps de Nature, la vacuité de cet esprit transcendantal. . Comme le dit le Diamant Coupeur. . ~ Les Éveillés voient la nature des phénomènes, ~ Les Guides (ont) le Corps de la Loi. ~ La nature des phénomènes n'est pas un objet de connaissance, ~ Elle ne peut être perçue. . A tout moment les Éveillés voient, c'est-à-dire sont établis en la nature des phénomènes; le corps ultime de ces guides est le Corps de la Loi. Quoique la nature des phénomènes soit connue, ce n'est pas un objet perçu selon un mode d'apparence dualiste. Le Corps de la Loi est sans production ni cessation. . A ce propos, un Discours dit: . ~ Manjushri, ce qu'on appelle absence de production, absence de cessation, est une dénomination de Celui-Ainsi-allé. . Dans la pleine illumination l'objet de la sagesse fondamentale est l'aséité. Comme la pensée discursive issue de l'esprit et l'esprit possesseur d'objet qui connaît l'aséité sont tous deux arrêtés, la sagesse fondamentale non conceptuelle et l'aséité sont indifférenciées comme de l'eau versée dans de l'eau. Du point de vue conventionnel, l'illumination est manifestée dans des Corps de Complète Jouissance. Milarepa a souligné aussi que la source ultime du maître spirituel est le Corps de la Loi. . L6: [212. Le corps de complète jouissance] :L6 . \ ### \ 293. Le Corps de quiétude, illuminant, non conceptuel, \ Semblable à un arbre à souhaits et à une gemme qui exauce les désirs, \ Pour la fortune du monde perdure jusqu'à la libération des migrants. \ Il apparaît à (ceux) libres de pensée discursive. . Toute motivation est en relation avec une pensée conceptuelle, or les Vainqueurs n'ont pas de conceptions. Étant libre des conceptions de l'esprit et des facteurs mentaux le Corps de Jouissance qui manifeste le Corps de la Loi est un corps de quiétude. Quoique non conceptuel, il illumine par sa capacité d'oeuvrer pour le bien des êtres. Semblable à un arbre à souhaits ou à une gemme qui exauce les désirs, c'est la cause même de l'accomplissement des buts des disciples. Il demeure jusqu'à la libération de tous les êtres. Par conséquent, tant que dureront le monde et l'espace l'activité des Éveillés se prolongera pour le seul bien des migrants. Le Corps de Jouissance n'apparaît directement qu'aux Héros pour l'éveil de la dixième terre, ceux qui ont obtenu le miroir de la sagesse immaculée, et non aux êtres ordinaires pris dans les pensées discursives. . En bref, un Corps de Jouissance est dit posséder cinq certitudes: -- 1 ) Du lieu: il demeure dans une terre pure dite «La Plus Haute»; -- 2) Du corps: il est orné des trente-deux symboles et des quatre-vingts exemples; -- 3) Du temps: il dure jusqu'à ce que le cycle soit vidé d'êtres souffrants; -- 4) De l'assemblée: celle-ci est formée de Héros pour l'éveil de la dixième terre; -- 5) De la doctrine: il dispense uniquement le Grand Véhicule. . L6: [213. Le corps d'émanation] :L6 . \ ### \ 294. En un seul instant \ Dans un Corps de Forme en harmonie avec sa cause, \ Le Puissant montre de façon lumineuse, clairement et sans confusion, \ Toutes les conditions de ses existences passées. . Quoique le Corps d'Émanation puisse être issu soit du Corps de la Loi soit du Corps de Jouissance, ici il faut comprendre qu'il provient du second. Dans un Corps de Forme conforme à sa cause, le Corps de Jouissance, afin de montrer toutes les existences passées, à présent terminées, et toutes les conditions de naissance dans le cycle sans commencement, en un seul instant le Puissant révèle spontanément, avec clarté et précision, comme des reflets dans un miroir, tous ses modes d'existence passés. . \ ### \ 295. Comment étaient les champs d'Éveillés, \ Quels étaient les corps, le pouvoir de la conduite et les forces des Puissants, \ L'effectif et l'application des Auditeurs aspirants au bien \ Quelles étaient les formes des Héros pour l'éveil dans ces champs d'Éveillés, . \ ### \ 296. Quelle était leur Doctrine, qui était-il lui-même, \ Quelle fut l'ampleur des dons qu'il leur offrit, \ (Ayant) entendu la Doctrine quelles pratiques accomplit-il, \ Tout ceci, il le révèle dans un corps. . \ ### \ 297. Et, de même, ses états antérieurs au complet \ Lorsqu'il s'exerçait en l'éthique, \ La patience, la persévérance, l'absorption et la Sagesse. \ Par ses pores aussi il exprime lumineusement toutes ses activités. . Le Vainqueur transcendant montre quels Éveillés il adora alors qu'il s'exerçait en la perfection de générosité, la . surface entièrement sphérique, faite de matières précieuses, des champs d'Éveillés et la beauté des êtres qui y vivent, la naissance et autres actes des Puissants, leurs corps, le pouvoir de leur activité, leurs forces éminentes, l'effectif de l'assemblée des Auditeurs aspirants au bien qui constitue leur entourage et l'intensité de leur application à l'enseignement. Il montre les Héros pour l'éveil des champs d'Éveillés dont le corps est orné des marques principales et secondaires, leurs robes, nourritures et résidences et la Loi qu'ils dispensent, qu'elle soit constituée d'un Véhicule unique ou de trois Véhicules. Il révèle quelle était, dans ces champs d'Éveillés, sa position: brahmane, laïc ou religieux, rappelle quelles furent les pratiques de Héros pour l'éveil qu'il mit en oeuvre, quelle fut la durée et l'ampleur de ses offrandes de vêtements, d'ornements précieux, de nourritures aux Éveillés, à leurs Fils et aux Auditeurs. Tout ceci il l'exhibe dans un seul corps. De même, il révèle simultanément en un seul corps la totalité de ses pratiques antérieures des autres perfections. . \ ### \ 298. Les Éveillés passés, ceux à venir, ceux présents, \ Dans une sublime mélodie dispensent la Doctrine aux confins de l'espace. \ Donnant souffle aux migrants frappés par la souffrance, \ Ils demeurent dans le monde. . \ ### \ 299. En un instant, il montre clairement par ses pores \ Toute la carrière (des Vainqueurs), depuis la prise initiale de l'esprit jusqu'à l'essence de l'éveil \ Et, connaissant la nature hallucinatoire des choses, \ De même, la sienne propre. . \ ### \ 300. De façon analogue, en un moment il exhibe par ses pores \ L'entière activité des Héros pour l'éveil des trois temps, \ Des Réalisateurs solitaires supérieurs, des Auditeurs, \ Ainsi que toutes celles (accomplies) en tant qu'êtres (ordinaires). . Par la sublime mélodie de sa parole chacun des Éveillés du passé, du présent et du futur insuffle aux êtres tourmentés la Doctrine grâce à laquelle ils obtiendront progressivement la délivrance. En un instant, par un seul de ses pores, de la manière dont on peut voir une montagne par le chas d'une aiguille, il est capable de montrer clairement toute son activité ainsi que celle des Vainqueurs des trois temps, depuis le moment de la production initiale de l'esprit d'éveil jusqu'au complet épanouissement. Si un magicien ordinaire, à l'aide de formules et de substances diverses, peut créer des illusions variées, que dire alors des Éveillés et de leurs Fils qui, pour l'avoir médité d'innombrables siècles, connaissent la nature illusoire des choses, la non-distinction entre vérité et fausseté? . Cette rapide notation de ses capacités de révélation en termes de temps et de lieux est un préambule aux pouvoirs d'un Vainqueur exposés plus loin (st. 303 et suivantes). . \ ### \ 301. Quant à la pureté: par une intention il révèle \ En lieu et place d'un atome des mondes qui embrassent (les limites) de l'espace, \ L'atome couvrant les régions de ces mondes innombrables \ Sans que ceux-ci diminuent ni que celui-là augmente. . \ ### \ 302. Sans pensée discursive, jusqu'à la fin de l'existence \ Tu manifestes à chaque instant \ Toutes les activités, \ Innombrables comme les atomes de tous les mondes. . Les actes d'un Éveillé sont purs de toute tache. Par une simple intention — libre de la moindre pensée discursive — il peut révéler à la place du plus subtil atome des mondes atteignant aux limites de l'espace, l'étendue de ces mondes étant couverte par cet unique molécule sans que sa taille augmente ni que celle des mondes diminue. Sans répit, par des activités sans nombre un Éveillé œuvre pour le bien des êtres jusqu'à la fin de l'existence cyclique. . Considérer ces descriptions des Corps d'un Éveillé comme des extravagances ou s'en étonner est un signe patent de saisie d'une existence réelle. . En effet, dans sa Réfutation des Objections (71-72), Nagarjuna dit: . ~ Pour qui la vacuité est possible ~ Toute chose est possible. ~ Pour qui la vacuité est impossible ~ Rien n'est possible. . ~ Je rends hommage ~ A l'Éveillé suprême, incomparable, ~ Qui enseigne que vide, production dépendante ~ Et voie du milieu ont le même sens. . Dans le contexte de la vacuité d'existence en soi toutes les modalités de l'existence cyclique et de l'au-delà des peines deviennent valides. . L5: [22. Présentation des qualités] :L5 L6: [221. Enseignement résumé des dix forces] :L6 . Qu'est-ce qu'une force? C'est l'esprit transcendantal ultime qui annihile complètement toute négativité sans que soit quittée la concentration méditative. La manière d'établir les qualités d'un Vainqueur se base principalement sur les dix forces. . \ ### \ 303. La force de la connaissance du possible et de l'impossible \ Et de même, l'intelligence de la maturation des actes, \ La compréhension des diverses aspirations, \ La force de la connaissance des dispositions variées, . \ ### \ 304. De même, la connaissance du degré des facultés, \ La force de l'intelligence de toutes les destinées, \ Des recueillements, délivrances, \ Concentrations et obtentions, . \ ### \ 305. La connaissance (consistant en) la mémoire des anciennes résidences \ Et de même, l'intelligence de la mort, du passage et de la renaissance, \ La force de la connaissance de l'extinction des écoulements, \ Telles sont les dix forces. . L6: [222. Enseignement développé] :L6 L7: [1. La connaissance du possible et de l'impossible] :L7 . \ ### \ 306. De telle cause naît assurément tel (fruit). \ Ceux qui savent ont ainsi déclaré que tel (fruit) est possible (par rapport à) telle (cause). \ Ce qu'on dit impossible est le contraire de cette explication. \ Cette connaissance sans obstacle de l'infinité des connaissables est appelée «force». . De telles causes naissent tels fruits: ainsi, la non-vertu produit un fruit de maturation désagréable et la pratique de la voie résulte en l'au-delà des peines. A l'opposé, il est impossible que la vertu produise un fruit de rétribution désagréable et qu'une fois atteint le sentier de vision on renaisse huit fois (car à ce stade appelé «Entrée-dans-le-courant il y a sept naissances au plus). Les mots traduits ici par «possible» et «impossible» signifient littéralement «lieu» et «non-lieu», «source» et «non-source». . L7: [2. La connaissance de la maturation des actions] :L7 . \ ### \ 307. Le pouvoir de connaissance qui pénètre sans résistance \ Vertus et non-vertus, leurs contraires, les actions qui sont des choses destructrices, \ L'extrême variété de la maturation des (voies), \ Ce qui s'étend aux connaissables des trois temps est une force. . La connaissance qui imprègne tous les connaissables que sont les actes et leurs effets des trois temps, les actions bonnes et mauvaises non mêlées ou leurs contraires, les actions mêlées, c'est-à-dire comprenant bien et mal, les actions pures destructrices des actions néfastes impures, l'extrême variété de fructification des voies, cette connaissance est appelée force qui connaît les résultats des actions. Tous les fruits des actions dans les trois temps sont connus par cette force omnisciente d'un Vainqueur. Shakyamuni prophétisa, entre autres, la venue de Nagarjuna, Asanga, Padmasambhava, Tsongkhapa et Maitreya. . L7: [3. La connaissance des diverses aspirations] :L7 . \ ### \ 308. La connaissance qui imprègne toutes les aspirations dans les trois temps, \ Celles très variées, faibles, médiocres ou nobles \ (Nées) du pouvoir ayant le désir, etc., pour origine, \ Ainsi que les autres souhaits voilés, est appelée «force». . Un Éveillé connaît les véritables aspirations grossières ou subtiles des êtres et enseigne en conformité avec leur pensée. Il connaît les différents degrés d'aspiration produits par la force des graines ou sources de la confiance et autres facteurs telles les perturbations de l'attachement ou de l'aversion, ainsi que les autres souhaits, obscurcis par les perturbations, de ceux qui s'appliquent à la Doctrine. Ce savoir, qui couvre tous les vœux émis par les êtres dans les trois temps, est appelé «force». . L7: [4. La connaissance des diverses dispositions] :L7 . \ ### \ 309. Les Éveillés experts dans les divisions des éléments \ Ont défini comme élément la nature de l'œil et du reste, \ La connaissance sans limites des parfaits Eveillés \ Qui pénètre les distinctions de tous ces aspects est une force. . Un Éveillé connaît la nature des dix-huit éléments, depuis la faculté de l'œil jusqu'à la faculté mentale, depuis la forme jusqu'aux événements mentaux, depuis la conscience visuelle jusqu'à la conscience mentale. Ce sont les vacuités intérieure, extérieure, etc. . L7: [5. La connaissance du degré des facultés] :L7 . \ ### \ 310. L'extrême acuité des conceptions est dite suprême \ Et leur médiocrité ou faiblesse non suprême. \ La connaissance sans attachement de tous les aspects \ De l'œil et le reste et de leur capacité respective de réalisation est appelée "force". . Les conceptions ou imaginations ont une fonction de surimposition. Elles attribuent faussement aux choses une réalité qu'elles ne possèdent pas. Parce qu'elles sont créatrices du désir et autres contaminations elles sont nommées «souveraines». Les huit facultés de confiance, mémoire et le reste, lorsqu'elles sont extrêmement aigué's sont dites suprêmes, et non suprêmes quand elles sont moyennes ou faibles. La connaissance de tous les aspects — libre d'attachement, c’est-à-dire sans obstacle — qui a pour objet la nature des vingtdeux souverains de l'œil, etc., ainsi que la nature de leur capacité à réaliser leurs fruits respectifs est appelée «force de la connaissance des différents degrés des facultés» (3). . L7: [6. La connaissance des voies menant aux diverses destinées] :L7 . \ ### \ 311. Certaines voies mènent (au rang de) Vainqueur, \ D'autres à l'éveil des Réalisateurs solitaires ou des Auditeurs, \ Aux (destinées) d'esprit affamé, d'animal, de dieu, d'humain, ou aux enfers \ La connaissance sans attachement de leur infinité est appelée «force» . Les états en lesquels on peut naître sont infinis. Une seule voie mène au plein épanouissement, celle des Héros pour l'éveil associant méthode et sagesse. . L7: [7. La connaissance des perturbations et de la purification] :L7 . \ ### \ 312. La connaissance sans obstacle des différences de spécificité des techniques d'union dans les univers innombrables, \ Des recueillements, des huit délivrances, des stations, \ Des caractères des neuf absorptions \ Est appelée «force». . Les recueillements ce sont les quatre plans de la forme, les stations sont des concentrations, les quatre recueillements de la forme, les quatre absorptions du sans forme ainsi que celle qui est l'arrêt de toute notion et sensation constituent les neuf absorptions progressives. Pour les huit délivrances, voir le commentaire de la stance 251. La connaissance sans obstacle de leur souillure — les perturbations du désir, etc. — et de leur purification — les plans méditatifs non mêlés aux poisons de l'esprit — est dite «force de la connaissance des perturbations et de la purification». L'esprit omniscient pénètre ces états sans aucun empêchement. . L7: [8. La connaissance des anciennes résidences] :L7 . \ ### \ 313. L'existence dure aussi longtemps que dure l'erreur, \ L'intelligence des bases et des contrées \ Possédées par soi-même et tous les autres êtres innombrables de l'existence \ Est appelée «force». . Depuis des temps sans commencement, dans une continuité indéfinie de naissances, les êtres errent dans le cycle. Et tant que l'erreur ne sera pas annihilée cette course se poursuivra. Un Éveillé a la mémoire parfaite de toutes les bases ou causes des états d'existence que les êtres du cycle, tous autant qu'ils sont dans leur nombre immense, ont connus. Il se rappelle que lui-même et autrui ont eu telle ou telle carnation, tel aspect physique, qu'ils vivaient dans telle contrée. Cette intelligence libre d'obstacle est dite «force de la connaissance qui a le souvenir des anciennes résidences». . L7: [9. La connaissance de la mort, du passage et de la renaissance] :L7 . \ ### \ 314. La connaissance sans attachement, infinie, parfaitement pure en tous ses aspects \ Qui pénètre, quand ils se produisent, la mort, le passage,la renaissance de chaque être, \ Ayant lieu dans une grande variété de mondes aux confins de l'espace \ Est appelée «force». . La mort et le passage c'est la destruction des agrégats. La renaissance la connexion avec de nouveaux agrégats. Avec sa sagesse fondamentale que rien n'arrête, le Vainqueur transcendant perçoit simultanément, en un seul instant, tels qu'ils sont, la mort, le passage et la renaissance de chacun des êtres dans des mondes infinis créés par la grande variété des actions et situés aux confins de l'élément de l'espace. . L7: [10. La connaissance de l'extinction des impuretés] :L7 . \ ### \ 315. Est appelée «force» la connaissance infinie, libre d'attachement, \ De l'arrêt des perturbations par l'intelligence chez les Étudiants, \ Et de la destruction rapide des perturbations et de leurs relents \ Par la force de la connaissance de tous les aspects chez les Vainqueurs. . La connaissance sans limites et sans obstacles de l'arrêt des perturbations grâce à l'intelligence, c'est-à-dire la pure sagesse, chez les Auditeurs et les Réalisateurs solitaires, et la destruction rapide des perturbations et de leurs relents par la force des Vainqueurs omniscients, est dite «force de la connaissance de l'extinction des impuretés». Le mot «rapide» signifie qu'un seul instant de sagesse d'un Éveillé montre l'abandon des prédispositions ou relents très subtils. Qu'entend-on par relent, trace ou prédisposition? C'est ce qui pollue le continuum de l'esprit. «Extrémité des perturbations», «habitude», «racine» sont des synonymes de prédisposition. Les Auditeurs et Réalisateurs solitaires destructeurs de l'ennemi abandonnent les perturbations mais ne peuvent se débarrasser de leurs traces. Les traces de l'ignorance empêchent la complète pénétration de tous les connaissables. Ce sont les voiles à la connaissance, obstacles au plein éveil, dont le principal est la prédisposition à percevoir une apparence d'existence inhérente et la vision des deux vérités comme étant des entités distinctes. Car, dans le système conséquentialiste la conception d'un soi des phénomènes constitue le voile à la libération. Les graines de cette conception produisent la croyance à une existence réelle et leurs traces l'apparence d'existence réelle. Les graines des perturbations éliminées à partir de la huitième terre ne sont pas les prédispositions des perturbations exposées ici. Celles dont il est question présentement forment le voile à l'omniscience; extrêmement fines, elles sont annihilées par la voie de libération correspondant à la voie ininterrompue de la fin du continuum de la dixième terre. Le premier moment de cette voie de libération est aussi le premier de la sagesse d'un Éveillé. Cette dixième force est la connaissance de l'épuisement des contaminations. . L6: [223. Caractère ineffable des qualités] :L6 . Les qualités d'un Éveillé, résultats de l'accumulation de mérite et de sagesse menée au cours d'âges sans nombre, sont inexprimables par les sages du Véhicule Inférieur tout autant que par les Héros pour l'éveil. Pour illustrer ceci: . \ ### \ 316. L'oiseau ne s'en retourne pas parce que l'espace se termine \ Mais en raison de l'épuisement de ses forces. \ De même, les Élèves, Éveillés pour soi et les Fils des Éveillés \ Renoncent à exprimer les qualités des Illuminés, sans limites comme l'espace. . \ ### \ 317. Par conséquent, comment une personne comme moi \ Pourrait-elle les connaître et les énoncer? \ Néanmoins, puisque le Supérieur Nagarjuna les a exposées, \ Libre de doutes, je n'en ai exprimé qu'une faible partie. . Le garuda, roi des oiseaux, malgré sa puissance exceptionnelle ne peut atteindre les limites de l'espace et, si après un certain temps il doit s'en retourner c'est que ses propres forces lui font défaut. De même, les Auditeurs, les Réalisateurs solitaires et les Héros pour l'éveil doivent renoncer à détailler les qualités du plein épanouissement, infinies comme l'espace, car leur pensée s'épuise à essayer de les énumérer toutes. L'auteur s'appuie avec confiance sur les dires de Nagarjuna qui les a mentionnées. . L6: [224. Bienfaits de connaître les deux qualités] :L6 . \ ### \ 318. Le profond c'est la vacuité, \ Le vaste les autres qualités. \ Par la connaissance de ce mode vaste et profond \ Ces qualités sont obtenues. . Par profond on entend le Corps de la Loi — vide et non contaminé — et la vacuité de la base et de la voie. Les forces et autres excellences étendues des onze terres constituent le vaste, manifesté dans les Corps de Forme. Avec une bonne connaissance de ces sublimes vertus et la méditation de leur sens le disciple atteindra ces deux aspects du plein éveil. . L4: [322.3. Enseignement sur le Corps d'Émanation] :L4 . \ ### \ 319. En outre, toi qui possèdes le corps immuable, tu quittes (la Terre Joyeuse) pour te rendre dans les trois mondes, \ Et par des émanations révèles la naissance, la paix de l'éveil et la Roue (de la Loi). \ Ainsi, avec compassion tu mènes au-delà des peines \ Tous les mondes aux activités variées enchaînés par les nombreux liens de l'espoir. . Il y a trois principales sortes de Corps d'Émanations: 1. Artisans, musiciens; 2. objets inanimés tels un arbre ou un pont, ou encore comme un animal; 3. maître universel montrant les douze actes d'un Éveillé. Ce dernier type est dit «suprême». C'est de celui-ci dont il est question présentement. Les Corps d'Émanations accomplissent le bien des êtres selon leurs motivations et dispositions, depuis l'accès aux états fortunés jusqu'à la libération et l'omniscience. Sans jamais bouger de l'absorption en l'aséité — sans s'éloigner du Corps de la Loi — un Éveillé apparaît dans les trois mondes souterrain, terrestre et aérien. Son Corps d'Émanation quitte la Terre Joyeuse pour le monde humain, révèle la naissance et les autres actes d'un Vainqueur et met en marche la Roue de la Doctrine en conformité avec les besoins des disciples afin de les introduire dans la cité de l'éveil. Le mot «espoir» au quatrième vers signifie «soif». . L4: [322.4. Établissement d'un véhicule unique] :L4 . Suite à la présentation des trois corps vient celle de l'enseignement intentionnel par l'Éveillé des trois véhicules. . \ ### \ 320. Puisque ici, hors la connaissance de l'aséité il n'y a pas d'autre essentiel pour dissiper toutes les impuretés, \ Et qu'il n'existe pas de division d'aspects de l'aséité des phénomènes, \ L'intelligence ayant l'aséité pour objet n'est pas non plus diverse. \ Par suite, tu as enseigné aux migrants l'indifférencié, l'inégalable véhicule. . La vacuité étant une, son possesseur d'objet, la sagesse fondamentale, n'est pas diverse, on ne peut donc avoir qu'un seul véhicule et non trois. Ainsi qu'il est dit: . ~ Ô Kashyapa, la compréhension de l'égalité de tous les phénomènes est l'au-delà des peines. ~ En outre, (cet au-delà) est un, ni double ni triple. . Et Aryadeva (?) ajoute: . ~ Parce que la sphère de la Loi est indifférenciée ~ II n'y a pas, pour toi, de distinction de véhicule. ~ L'enseignement en trois véhicules ~ A pour but l'introduction des êtres. . L'enseignement de plusieurs véhicules a pour raison la nécessité de guider les disciples. . En effet, . \ ### \ 321. Parce que les migrants possèdent les dégénérescences productrices de fautes, \ Le monde n'entrerait pas dans le très profond domaine d'activité des Éveillés, \ Parce que, ô Allé-en-la-joie, tu possèdes ensemble les moyens de compassion et de connaissance, \ Et parce que tu as décidé «Je libérerai les êtres». . \ ### \ 322. Pour ces raisons, comme le sage qui créa d'agréables cités \ En vue de soulager les fatigues de ses passagers en route vers le Précieux Continent, \ Tu as enseigné le véhicule pour unir l'esprit des Élèves au mode d'apaisement \ Et, séparément (le Grand Véhicule) à ceux qui ont entraîné leur intelligence au complet isolement. . Les migrants sont affligés des cinq dégénérescences: 1. de la vie — dont la durée décline —, 2. des vues — les systèmes erronés prédominent —, 3. des perturbations — dont la force augmente —, 4. du temps — le présent âge est une époque de conflits —, et 5. des êtres — qu'il est difficile de discipliner. Ces conditions adverses rendent le corps et l'esprit inaptes à la pratique, détruisant les hautes aspirations et empêchant la naissance de l'intérêt pour le profond domaine et la sagesse fondamentale d'un Éveillé. Celui Allé-en-la-joie possède à la fois la sagesse habile dans les moyens de contrôler les élèves et la méthode de la compassion qui n'oublie et ne néglige jamais leur bien. En outre, alors qu'il était encore un Héros pour l'éveil, il résolut de libérer tous les êtres de toutes les formes d'insatisfaction. Pour ces raisons, et malgré de nombreux obstacles s'opposant à ce qu'ils entrent dans le Grand Véhicule, il a révélé les chemins pour les établir au-delà des peines. Ainsi, pour réaliser son aspiration, comme le capitaine avisé dont il est question dans le Discours du Lotus Blanc de la Grande Compassion qui créa sur l'océan de merveilleuses cités afin que ses passagers s'y reposent et soient à même de supporter la durée et la difficulté du long voyage jusqu'au Précieux Continent, dans le but d'unir leur esprit à la joie de l'apaisement il a enseigné aux Auditeurs et Réalisateurs solitaires les véhicules leur correspondant. Ensuite, à ceux qui avaient entraîné leur intelligence à la complète séparation d'avec toutes les perturbations du cycle, il révéla le Grand Véhicule unique. . L4: [322.5 Explication des moments de l'éveil manifeste et du séjour] :L4 . \ ### \ 323. Ô Allé-en-la-joie (tu montres) le sublime, excellent éveil \ Pour autant d'âges qu'il y a d'atomes \ Dans les contrées d'Éveillés de tous les champs des régions. \ Mais tu ne divulgues pas ce mystère. . Afin que les êtres qui aspirent à l'éveil suprême soient en mesure d'accumuler d'infinis mérites l'Éveillé le leur révèle. Le nombre de révélations du mode d'obtention de l'éveil par les Corps d'Émanation égale les atomes des sphères existant dans les dix directions, il ne peut être mesuré. Par contre, il se garde de divulguer ce mystère à ceux dont les racines de bien sont insuffisantes et pour lesquels il est difficile de former ce souhait et d'entrer dans le Grand Véhicule. . \ ### \ 324. Tant que tous les mondains ne seront pas arrivés à la paix suprême, \ Tant que l'espace ne sera pas détruit, \ O Vainqueur, issu de la mère de sagesse, agissant comme une nourrice compatissante, \ Où trouverais-tu la paix? . La longévité des Vainqueurs s'étend jusqu'à ce que tous les êtres arrivent à la complète purification, jusqu'à ce que l'espace incomposé soit détruit. Autrement dit, l'espace étant permanent, elle est éternelle. Comment les Éveillés, produits de la mère, la perfection de sagesse, animés par la compassion universelle, nourris par elle, pourraient-ils s'installer dans la quiétude tandis que la douleur tourmente les êtres? . Mais, dira-t-on, quelle est cette compassion des Éveillés qui accomplit le bien des migrants en les guérissant? . \ ### \ 325. Ton amour pour la famille des individus mangeurs de nourriture empoisonnée \ En raison des fautes de l'ignorance, \ N'est pas comparable à la détresse d'une mère pour l'enfant aimé qui s'est intoxiqué. \ Par conséquent, les Protecteurs n'entrent pas dans la paix suprême. . L'expression «famille d'individus mangeurs de poison» se réfère à des personnes concevant un «mien». Sous l'emprise de l'ignorance — la conception d'une existence réelle — les êtres s'attachent aux objets des cinq sens et consomment cette nourriture toxique car productrice d'immenses souffrances. Pourquoi les Éveillés n'entrent-ils pas dans l'au-delà des peines? . \ ### \ 326. Parce qu'ils sont inexperts, pour ceux dont l'intelligence adhère aux choses et non-choses \ Lors de la naissance et de la destruction la séparation d'avec l'agréable et là rencontre du désagréable engendrent la douleur. \ (Elle) gagne les migrants fautifs. De ce fait, les mondains étant des objets de (ton) cœur aimant \ O Vainqueur transcendant miséricordieux, ton esprit se détourne de la paix. Pour toi il n'y a pas d'au-delà des peines. . Parce qu'ils sont inexperts en la signification de l'aséité les êtres adhérant à l'existence réelle des choses ont confiance en la causalité et croient aux existences humaines et célestes. Sans aucun doute, ils éprouveront les souffrances des moments de la naissance et de la mort ainsi que celles créées par la nécessité de se séparer des objets agréables et d'être confrontés aux objets désagréables. Quant à ceux qui professent la vue erronée de la négation des choses ils chuteront vers des états infortunés. Pour ces raisons, les Vainqueurs transcendants miséricordieux demeurent dans le monde, refusant de se retirer dans un au-delà des peines, une paix partielle. . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L1: [Mode de composition du traité] :L1 L3: [33. Mode de composition du traité] :L3 . \ ### \ 327. Ce système a été composé d'après le Traité sur le Milieu \ Par le moine Chandrakirti \ En conformité avec les Écritures \ Et les instructions essentielles. . Cette exégèse sans erreur de la pensée du Protecteur Nagarjuna a été composée par le glorieux Chandrakirti d'après le Traité sur le Milieu, intitulé Sagesse, de Nagarjuna, et d'autres textes. Elle est conforme aux Écritures, aux Discours de sens définitif et aux instructions spéciales du noble Nagarjuna. . \ ### \ 328. De même que cette doctrine est absente \ Des autres (traités) hormis celui-ci, \ De même, elle ne se trouve pas dans les autres systèmes présentés ici. \ Que les savants s'en assurent! . De même que cette doctrine que l'on appelle «vacuité» n'est exprimée correctement dans aucun autre traité, à l'exception du Traité sur le Milieu de même elle ne se trouve dans aucun des systèmes avec lesquels nous avons engagés une controverse au cours de ce texte. . Certains Tenants du Milieu affirment que ce qui est ultime pour les Particularistes et Tenants des Discours est relatif pour les Tenants du Milieu. Ces propos émanent de personnes n'ayant pas compris le sens réel du Traité, car une doctrine supramondaine diffère entièrement des doctrines mondaines. Tout ce que nous posons conventionnellement étant privé de nature propre, ce que ces systèmes établissent dans le contexte d'une existence réelle est pour nous totalement inexistant, tant au point de vue relatif qu'ultime. En outre, notre système n'est pas seulement hors du commun par rapport à celui des Idéalistes, mais également au regard des explications par d'autres Tenants du Milieu de la pensée de Nagarjuna et Aryadeva. Il faut, comme Chandrakirti lui-même, accepter la validité de l'œuvre de Buddhapalita et, de même, celle de Shantideva, qui est en parfait accord avec ce dernier. . Parce que le présent mode d'exposition de la pensée de Nagarjuna est unique, ceux qui ne comprennent pas cette pensée, incertains de l'aséité présentée par les Ecritures, s'effraient à la seule vue des mots écrits par les personnes révélant la vacuité et abandonnent cette doctrine supramondaine. C'est la raison pour laquelle ce commentaire a été composé, afin de montrer sans erreur le sens réel du Traité sur le Milieu. L'auteur souligne ainsi sa fidélité aux sources. . \ ### \ 329. Terrifiés par la couleur de l'immense océan de l'intelligence de Nagarjuna, \ Des individus rejettent au loin cet excellent système. \ (Néanmoins), Chandrakirti exauce à présent ses espoirs \ Grâce à l'eau de cette composition qui fait éclore le bouton de (la fleur) kumuda. . Pareils aux individus effrayés à la vue des sombres profondeurs de l'océan, les Idéalistes et autres philosophes terrifiés par l'immensité de l'esprit de Nagarjuna qui pénètre l'aséité, abandonnent cette excellente doctrine. Néanmoins, grâce à l'eau de la composition de l'Entrée au Milieu Chandrakirti — «Celui qui est renommé comme la lune» — provoque l'éclosion de la fleur kumuda — c'est-à-dire l'épanouissement des disciples — qui ne s'ouvre qu'à la lumière de cet astre, exauçant ainsi ses propres désirs. A l'époque de Chandrakirti les doctrines inférieures, et notamment l'Idéalisme, fleurissaient. Par amour des êtres et respect pour Nagarjuna il écrivit ce traité destiné à clarifier sa pensée. . Mais alors, dira-t-on, les grands commentateurs passés qui ne défendaient pas le système du Milieu, tels que Vasubandhu, Dignaga ou Dharmapala, se seraient-ils détournés de cet enseignement du sens correct de la production en dépendance? Quelle que soit la position adoptée par ces maîtres dans leurs écrits, pour des personnes comme moi, Chandrakirti, il est bien malaisé de pénétrer leur pensée profonde. Qui donc connaît le sens profond? Comment affirmer qu'ils se sont fourvoyés ou qu'ils avaient une compréhension sans faille? . \ ### \ 330. Cette profonde, effrayante aséité exposée (plus haut) sera sans doute réalisée par les individus qui en ont une accoutumance ancienne \ Mais les autres, malgré leur vaste érudition, ne la pénétreront pas. \ Par conséquent, ayant vu que (leurs) systèmes, analogues aux doctrines qui expriment un soi, sont des créations de leur propre pensée, \ II faut renoncer à l'attirance pour les textes soutenant les doctrines d'autrui différentes de celle-ci. . Ceux qui ont en eux les imprégnations d'une haute aspiration à la vacuité cultivée au cours d'existences antérieures la réaliseront certainement. La traduction de Nagtso est meilleure: «Plus encore que ceux qui ont la vue d'une existence réelle propre aux doctrines inférieures des Passeurs, on voit que, en vertu de la force causale (la force de l'accoutumance antérieure à la vacuité), ils réalisent la vacuité.» Tout comme les non-bouddhistes, qui n'ont pas placé dans leur continuum les imprégnations d'une aspiration à la réalisation de la vacuité, apaisent temporairement les perturbations manifestes mais ne sont pas à même d'échapper au cycle et, quoique capables d'accéder à d'autres doctrines, ne peuvent aspirer à la vacuité ultime enseignée par l'Éveillé, de même les maîtres des autres systèmes, malgré leur érudition ne comprennent pas le sens profond. Nombre d'enseignements ne propagent que des vues partielles. Par conséquent, les doctrines qui exposent un sens ultime différent de la voie du Milieu ne correspondent pas à l'intention de l'Éveillé mais sont des fabrications personnelles analogues aux systèmes professant un soi des personnes. Après avoir compris cela on les rejettera. . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L1: [Dédicace, Conclusion, Remarques Finales] :L1 L3: [34. Dédicace des vertus de la composition] :L3 . \ ### \ 331. Puisse le mérite de mon exposition de l'excellent système du Protecteur Nagarjuna s'étendre aux limites des régions. \ Par cette obtention semblable à une gemme sur la couronne du serpent de l'esprit ou à la pureté d'une constellation automnale \ Dans l'espace de la conscience obscurci par les perturbations, \ Puissent tous les univers, ayant compris l'aséité progresser rapidement vers la terre de Ceux Allés-enla-joie. . Ceux Allés-en-la-joie ce sont les Éveillés. La terre pure dont il est question ici, appelée «Pleine Lumière», est un nom désignant le plan de la parfaite illumination. . Ayant ainsi élucidé les collections des Écritures et des enseignements de l'excellent Nagarjuna, puissent tous les êtres atteindre rapidement un bonheur durable. . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L2: [4. Conclusion] :L2 L4: [41. À propos de l'auteur] :L4 . \ ### \ L'auteur de ce traité c'est Chandrakirti, le glorieux détenteur de la connaissance, né à Samanta dans le sud de l'Inde. Ayant accédé à la concentration semblable à un mirage il demeura dans le suprême, incomparable véhicule. Doté d'une compassion et d'une sagesse inébranlables, dans le but de détourner les êtres de la croyance à l'existence réelle des phénomènes il fournissait du lait à la Congrégation en trayant une vache dessinée sur un mur. . L4: [42. À propos des traducteurs] :L4 . \ ### \ Traduit en conformité avec les livres du Kashmir par l'abbé indien Tilakakalasha et le traducteur tibétain Patsab Nyima Dragpa au temple de Rinchen Bepa (Rin-chen sbaspa, Ratnaguptavihara) à Drongkyer Pémé (Grong-khyer dpemed, Anupamapura, sans doute Shrinagar) au Kashmir sous le règne du roi Shri Harsadeva. Ultérieurement, au monastère de Ramoché (Ra-mo-che), à Lhasa, l'abbé indien Kanakavarman et Patsab ayant pris connaissance des livres de l'Aparanta oriental apportèrent des corrections et établirent le texte définitif. . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L2: [Remarques finales] :L2 . Selon la tradition tibétaine, après avoir complété l'étude d'un texte on relit quelques stances du début afin de s'ouvrir aux réalisations futures, car il ne s'agit pas là d'une approche historique ou de pure recherche. L'Entrée au Milieu, quelle magnifique expression! Tous les bouddhistes affirment se tenir au milieu entre un extrême de permanence et un extrême d'annihilation, mais les Conséquentialistes ont une manière d'y résider différente de tous les autres systèmes. Il existe beaucoup de «textes sur le milieu», de «tenants du milieu» et autres «doctrines du milieu»; ici, le titre est donné du point de vue du sujet traité, la vacuité. . Un travail comme celui-ci accompli avec une juste motivation porte des résultats inconcevables, plus vastes encore que ceux découlant d'une profusion d'offrandes matérielles faites à un Vainqueur. C'est ce que souligne Aryadeva dans ses Quatre Cents quand il dit que tout questionnement à propos de la vacuité ébranle déjà le cycle. Et même si notre incapacité présente est notoire notre entreprise va dans le sens d'une élévation spirituelle. . D'ordinaire, dans l'application de la voie du Milieu il ne suffit pas d'affirmer l'inexistence des conventions, car une apparence de réalité accompagne toujours la perception d'un objet, une saisie se produit naturellement. Essayez de comprendre ce mode d'apparence en tant que réalité, d'appréhender l'existence du soi. Vous verrez alors que c'est en vain que l'on cherche l'objet désigné. Les choses existent pourtant, mais il est difficile de distinguer entre l'absence de nature propre et l'inexistence. . Nous avons travaillé, maintenant entrons au milieu. . Yonten GYATSO . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L2: [Notes] :L2 . (1) Les dix grandes prières sont explicitées dans le Discours sur les Dix Terres et reprises par Shantideva dans son Compendium des Entraînements, Siksasamucchaya, transi, by C. Bendall and W.H.D. Rouse, Motilal Banarsidass, Delhi, 1971, 265-8. . (2) Sur l'état d'Éveillé: La Somme du Grand Véhicule d'Asanga trad. par E. Lamotte, Institut Orientaliste, Louvain, 1973, tome II, 267-345, Lamotte, Traité, tome III, 1505 et suivantes, J. Takasaki, A Study on the Ratnagotravibhaga (Uttaratantra), ISMEO, Roma, 1966, 310-379. . (3) Sur les vingt-deux souverains ou facultés: Vasubandhu, Trésor, I, 100102, II, 103 et suivantes, et Lamotte, Traité, tome II, 1023-57. . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L1: [Hymne a la production dépendante] :L1 . PAR TSONGKHAPA LOSANG DRAGPA . L2: [Avant-propos] :L2 . Quoique renommé comme érudit et enseignant Tsongkhapa était peu satisfait de sa réalisation personnelle de la vacuité, la nature ultime des phénomènes. Aussi, en 1397 entreprit-il une retraite à Olkha dans le but d'approfondir sa compréhension. Tout en priant intensément le maître, inséparable de Manjushri, il se replongea dans l'étude des principaux commentaires au Traité sur le Milieu: les Paroles Claires de Chandrakirti, Protégé par l'Éveillé (Buddhapalita) par l'auteur du même nom et, les Flammes d'Argumentation de Bhavaviveka. Une nuit il rêva qu'il se trouvait présent à une discussion réunissant, outre Nagarjuna, les principales autorités sur la philosophie du Milieu, Aryadeva, Buddhapalita, Chandrakirti, Bhavaviveka, Nagabodhi, Shantideva. A un certain moment Buddhapalita se leva et le bénit avec un exemplaire de sa propre exégèse au Traité sur le Milieu. Tsongkhapa s'éveilla envahi par un sentiment d'extrême félicité et, alors qu'il consultait le XVIIIe chapitre du commentaire de Buddhapalita, à la lecture du passage où il est dit que le soi n'est ni identique ni différent des agrégats, il obtint spontanément la réalisation directe de la vérité ultime. A l'issue de cette intuition, débordant de foi pour l'Éveillé qui fut le premier à pénétrer et à transmettre l'instruction sur la production dépendante, le même jour il composa cette louange (1). . ******************************************************* ******************************************************* . L2: [Le cœur de l'éloquence: Hymne au seigneur silencieux ou Hymne à la production dépendante] :L2 . \ ### \ Hommage à l'Éveillé parfaitement accompli \ Le suprême Orateur Qui a révélé la production en dépendance: \ Non-production, non-cessation, \ Non-permanence, non-annihilation, \ Non-allée, non-venue, \ Non-identité, non-diversité, \ L'apaisement de la pensée discursive, la béatitude! (2) . \ ### \ 1. Je m'incline devant le Maître sans égal, \ Omniscient de parole et vision, \ Le Vainqueur qui a perçu et enseigné \ La production en dépendance. . \ ### \ 2. Celui qui a vu en l'ignorance \ La racine de toutes les déchéances du monde \ Et s'en est détourné \ A proclamé la production en dépendance. . \ ### \ 3. Comment donc, l'intelligent \ Ne comprendrait-il pas \ Que la voie de la production dépendante \ Est l'essence même de ta Doctrine? . \ ### \ 4. Cela étant, ô Protecteur, \ Qui donc trouverait pour te louer \ Une merveille plus grande \ Que ta parole sur la production en dépendance? . \ ### \ 5. «Ce qui dépend de conditions \ Est vide de nature propre.» \ Comment trouverait-on une méthode d'instruction \ Plus extraordinaire que cette proclamation? . \ ### \ 6. Les hommes puérils qui la saisissent \ Renforcent les liens des conceptions extrêmes, \ Tandis que pour les sages c'est l'ouverture même \ Par où trancher entièrement le filet des pensées discursives. . \ ### \ 7. Puisqu'on ne rencontre pas cette doctrine chez d'autres \ Toi seul est nommé «Maître», \ Un simple mot de flatterie pour les Passeurs, \ Comme celui de lion (attribué) au renard. . \ ### \ 8. Admirable Maître, admirable Refuge, \ Admirable et suprême Orateur, admirable Protecteur, \ Je rends hommage à cet Enseignant \ Qui a proclamé la production dépendante! . \ ### \ 9. Ô Bienfaiteur, \ Afin de soigner les migrants tu as enseigné \ L'incomparable raison qui rend certaine la vacuité, \ L'essence des préceptes. . \ ### \ 10. Comment celui qui perçoit \ L'enchaînement de la production en dépendance \ Comme contradictoire ou non établi, \ Pourra-t-il pénétrer ta méthode? . \ ### \ 11. Pour toi, quand on voit que la vacuité \ A pour sens la production en dépendance \ Le vide de nature propre n'infirme pas \ La validité de l'acte et de l'agent. . \ ### \ 12. Par contre, quand on voit l'opposé de ceci, \ Dans le vide l'activité devient impossible, \ Et dans l'activité le vide paraît inexistant; \ On tombe ainsi dans un abîme d'anxiété. . \ ### \ 13. Par conséquent, dans ta Doctrine \ La vision de la production en dépendance est hautement prônée, \ Mais pas comme totale inexistence \ Ni existence en soi. . \ ### \ 14. La non-dépendance est semblable à une fleur de l'espace. \ Par suite, le non-dépendant n'existe pas. \ Si l'être en soi existait, son existence \ Contredirait la dépendance de causes et conditions. . \ ### \ 15. De ce fait, comme tu as déclaré que rien n'existe \ En dehors d'une production en dépendance, \ Aucun phénomène n'existe \ En dehors d'un vide de nature propre. . \ ### \ 16. Puisque tu as dit «l'être en soi est immuable», \ Si les phénomènes avaient quelque nature propre \ La transcendance de la douleur serait impossible \ Et la pensée discursive immuable. . \ ### \ 17. En conséquence, devant l'assemblée des sages \ Maintes fois tu as poussé le rugissement du lion: \ «Libre de nature propre». \ Qui pourrait le surpasser? . \ ### \ 18. Toutes les présentations sont acceptables \ Lorsque ces deux: la complète absence de nature propre \ Et la production dépendante ne s'opposent pas. \ Quel besoin aurait-on de mentionner leur conjonction? . \ ### \ 19. «La raison de la production dépendante \ Empêche de s'appuyer sur les vues extrêmes.» \ Cette excellente parole est la cause pour laquelle, \ Ô Protecteur, tu es l'Orateur sans égal! . \ ### \ 20. Tout ceci est vide d'être en soi \ Et tel effet naît de telle cause. \ Ces deux certitudes, loin de s'exclure, \ S'associent mutuellement! . \ ### \ 21. Qu'y a-t-il de plus merveilleux que ceci? \ Qu'y a-t-il de plus admirable que ceci? \ Te célébrer selon ce mode \ Cela sert de louange et pas autrement. . \ ### \ 22. Asservis par l'ignorance \ Certains te détestent. \ Que les mots «absence de nature propre» \ Leur soient insupportables, quoi d'étonnant? . \ ### \ 23. Par contre ceux qui, acceptant la production en dépendance, \ Le précieux trésor de ta parole, \ Ne peuvent soutenir le rugissement de la vacuité \ Me surprennent vraiment! . \ ### \ 24. Sur le nom \ De l'incomparable production en dépendance, \ L'ouverture sur l'absence d'être en soi, \ Ces gens conçoivent un être en soi. . \ ### \ 25. Ils devraient être conduits par quelque moyen \ Sur la bonne voie qui te ravit, \ Le gué sans pareil \ Excellement traversé par les Supérieurs éminents. . \ ### \ 26. L'être en soi est incomposé, autonome, \ Et la production dépendante composée, corrélationnelle. \ Comment ces deux faits s'assembleraient-ils \ Dans une base, sans contradiction? . \ ### \ 27. Par conséquent, toute production en dépendance \ Est depuis toujours isolée d'une nature propre. \ Néanmoins, comme elle apparaît (réelle) \ Tu as déclaré que tout ceci est semblable à une illusion. . \ ### \ 28. De ce fait, on comprendra clairement \ La déclaration (de Nagarjuna) d'après laquelle \ Ceux qui s'opposeraient à ton enseignement \ Ne pourront raisonnablement y trouver de faiblesse. . \ ### \ 29. Pourquoi? \ Parce que ton instruction \ Sur les choses visibles et invisibles \ Rejette au loin les possibilités De surimposition et de rejet (3). . \ ### \ 30. Cette voie de la production dépendante, \ Preuve que ta parole est insurpassable, \ Est cela même qui engendre la conviction \ De la validité de tes autres déclarations. . \ ### \ 31. Ayant perçu le sens tel qu'il est \ Tu l'as bien exposé. \ Qui a ta suite s'entraîne, ayant abandonné la racine de toute erreur, \ Est éloigné de tous les maux. . \ ### \ 32. Mais ceux qui se détournent de ton enseignement, \ En raison d'une vue d'un soi tenace, \ Même après de longues fatigues \ Ultérieurement appellent l'erreur. . \ ### \ 33. Ô merveille! Le sage qui comprend \ La différence entre ces deux (4) \ Comment, du plus profond de lui-même, \ Ne te respecterait-il pas? . \ ### \ 34. Pourquoi mentionner tes multiples enseignements? \ Acquérir une certitude générale, même grossière, \ De la signification d'une simple portion \ Cela seul confère une sublime félicité. . \ ### \ 35. Hélas, mon esprit est dominé par l'ignorance, \ Et bien que je sois venu de loin prendre refuge \ Dans la masse de telles excellences, \ Je n'en ai pas même obtenu une fraction. . \ ### \ 36. Pourtant, lorsque je me dirigerai vers la gueule du Seigneur de la mort \ Et que le courant vital ne sera pas encore épuisé, \ Je me considérerai bien fortuné \ D'avoir quelque confiance en toi. . \ ### \ 37. Parmi les maîtres, le maître de la production en dépendance, \ Parmi les sagesses, celle de la production en dépendance. \ Ces deux sont, dans le monde, comme de puissants Vainqueurs. \ Ô Souverain, ta connaissance est insurpassable! . \ ### \ 38. Tout ce que tu as enseigné \ Est approfondi à partir de la production dépendante; \ Comme cela a pour but de transcender la douleur \ II n'est aucun de tes actes qui n'apporte la paix. . \ ### \ 39. Ô merveille! \ Puisque ceux qui entendent ta Doctrine Accèdent tous à la quiétude, \ Qui donc manquerait de respect \ A ses détenteurs? . \ ### \ 40. Mon enthousiasme croît pour ce système \ Qui triomphe de toutes les oppositions, \ Est libre de contradictions internes \ Et exauce le double propos de l'humanité (5)! . \ ### \ 41. A cette fin, maintes et maintes fois au cours d'âges sans nombre \ A certains tu as offert ton corps, \ A d'autres ta vie, \ Tes proches bien-aimés, tes richesses. . \ ### \ 42. Ayant perçu de telles qualités \ Tu as fait jaillir cette doctrine de ton cœur \ Comme le poisson tiré par l'hameçon. \ Quelle infortune de ne pas l'avoir entendue de ta (bouche)? . \ ### \ 43. Grâce à l'intensité de cette détresse, \ Comme l'esprit d'une mère \ Qui reste attentif à l'enfant aimé, \ Mon esprit ne s'écarte pas (de ta Loi). . \ ### \ 44. Et aussi quand je songe à ta parole \ Pensant: «Ce maître entouré d'un réseau de lumières \ Irradiant de la splendeur des marques et des signes, \ A parlé de cette manière . \ ### \ 45. Avec la voix de Brahma!» \ La simple apparence à l'esprit de l'image du Silencieux \ Me guérit, comme les rayons de la lune \ Soulagent des tourments de la canicule. . \ ### \ 46. Ainsi, quoique cet excellent système \ Soit une merveille, \ Les ignorants s'y empêtrent \ Comme dans des herbes folles. . \ ### \ 47. Ayant vu cette méthode \ J'ai déployé de multiples efforts \ Pour suivre les sages, \ Scrutant encore et encore ton intention. . \ ### \ 48. J'ai alors étudié de nombreux textes \ De nos propres écoles et des autres (6), \ Mais les filets du doute \ Assaillaient mon esprit de toutes parts. . \ ### \ 49. Pourtant, lorsque par la bonté du maître \ Le jardin de lotus kumuda du système de Nagarjuna — \ Annoncé comme l'exégète correct \ De la méthode de ton véhicule suprême . \ ### \ 50. Exempt des extrêmes d'existence et de non-existence — \ Fut éclairé par la blanche guirlande lumineuse \ Des bonnes explications de Chandrakirti \ Dont l'orbe plein de gnose immaculée . \ ### \ 51. Traverse librement l'espace des Écritures, \ Dissipe les ténèbres des cœurs adhérant aux extrêmes, \ Éclipse les étoiles des doctrines erronées, \ Alors, mon esprit guérit de ses fatigues (7). . \ ### \ 52. De tous les actes \ L'acte de la parole est souverain. \ Puisque c'est ainsi, que les sages commémorent \ L'Éveillé pour cela! . \ ### \ 53. Suivant le Maître, j'ai renoncé au monde \ Et ma pratique de la parole du Vainqueur n'est pas médiocre. \ Moi, un moine appliqué ardemment à m'unir au vrai (8) \ Je vénère ainsi le Grand Anachorète (9). . \ ### \ 54. Une telle rencontre avec la Doctrine de l'incomparable \ Enseignant Étant due à la bonté des maîtres, \ Je dédie cette vertu afin que tous les migrants \ Soient soutenus par les saints amis spirituels. . \ ### \ 55. Que, l'enseignement de ce Bienfaiteur jusqu'à la fin du cycle, \ Ne soit pas troublé par le vent des mauvaises conceptions! \ Que s'accroisse la confiance dans le Maître \ Acquise en pénétrant la nature de sa Doctrine! . \ ### \ 56. Dans toutes mes naissances, sans un seul instant de relâchement, \ Puisse-je, par l'abandon même de mon corps et de ma vie, \ Maintenir cet excellent système du Silencieux \ Qui illumine l'aséité de la production en dépendance! . \ ### \ 57. Puisse-je employer mes jours et mes nuits \ A réfléchir aux moyens de propager l'achèvement de ce Guide sublime \ Réalisé au prix de difficultés incommensurables \ En faisant de l'effort l'essence (de ses vies)! . \ ### \ 58. Tandis que je m'attache à ces méthodes avec une haute aspiration \ Puissent Brahma, Indra, les Protecteurs du monde, \ Mahakala et les autres Gardiens \ M'assister sans faillir! . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L2: [Notes] :L2 . (1) Voir R. Thurman, Life and Teachings of Tsongkhapa, Library of Tibetan Works and Archives, Dharamsala, India, 1982. . (2) Ce sont les deux stances d'hommage figurant en tête du Traité sur le Milieu de Nagarjuna. . (3) Surimposition, c'est-à-dire fabrication d'un être en soi là où rien de tel n'existe, et rejet ou négation du relatif là où opère la production dépendante. . (4) Distinguer ceux qui suivent de ceux qui ne suivent pas l'enseignement de l'Eveillé Shakyamuni. . (5) L'accession aux existences humaines et divines et à l'éveil parfait. . (6) Les systèmes bouddhistes et non bouddhistes. . (7) II est dit que les pétales blancs du lotus kumuda éclosent la nuit sous l'effet des rayons de la lune. Chandrakirti signifiant «fameux comme la lune», la métaphore indique que le sens de l'enseignement de Nagarjuna est illuminé par ses commentaires. . (8) En tibétain: mal byor, en sanscrit: yoga, glosé comme «s'unir au vrai», le pratiquant ou yogi étant «la personne appliquée à unifier l'esprit au sens véritable de l'objet de méditation». . 9) En tibétain drang-srong, en sanscrit rishi: celui dont les actions du corps, de la parole et de l'esprit sont droites. . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . L1: [ECONOMIE DU TEXTE] :L1 . -- Hommage préliminaire de Tsongkhapa -- 1. Le sens du titre -- 2. L'hommage des traducteurs -- 3. Le sens du texte -- 31. Expression d'adoration, méthode d'introduction à la composition du traité (1-4 b) -- 311 Louange à la grande compassion indifférenciée (1-2) -- 312. Louange à la grande compassion en distinguant ses aspects (3 à 4 b) -- 312.1. La grande compassion dirigée vers les êtres (3) -- 312.2. La grande compassion dirigée vers les phénomènes et le non-appréhensible (4 ab) -- 32. Le corps du traité proprement dit (4 c à 330) -- 321. Niveau causal (4 c à 283) -- 321.1. Présentation de chacune des dix terres (4 c à 274) -- 321.11. Explication de la première terre: Très joyeuse (4 c à 17) -- 321.111. Bref enseignement sur sa nature (4 c à 5b) -- 321.112. Explication détaillée de ses qualités (5 c à 16) -- 321.112.1. Qualités embellissant notre propre continuum (5 c à 7) -- 321.112.2. Qualités surpassant en splendeur le continuum d'autrui (8) -- 321.112.3. Qualités de générosité supérieure de la première terre (9 à 16) -- 321.112.31. Générosité des résidents en la première terre (9) -- 321.112.32. Générosité des réceptacles inférieurs (10 à 12) -- 321.112.33. Générosité des Héros pour l'éveil (13 à 15) -- 321.112.34. Divisions de la perfection de générosité (16) -- 321.113. Résumé et conclusion (17) -- 321.12. Explication de la deuxième terre: Immaculée (18 à 27) -- 321.121. Pureté complète de l'éthique à ce niveau (18 à 20) -- 321.122. Louange de l'éthique (21 à 24) -- 321.123. Exemple de rejet des conditions contraires à l'éthique (25) -- 321.124. Divisions de la perfection d'éthique (26) -- 321.125. Résumé et conclusion (27) -- 321.13. Explication de la troisième terre: Illuminatrice (28 à 40) -- 321.131. Description (28) -- 321.132. Qualités (29 à 38) -- 321.132.1. Patience supérieure propre à ce niveau (29 à 30) -- 321.132.2. Mode d'application à d'autres patiences (31 à 36) -- 321.132.3. Divisions de la perfection de patience (37) -- 321.132.4. Autres pures vertus de cette terre (38) -- 321.133. Caractéristiques des trois premières perfections (39) -- 321.134. Résumé et conclusion (40) -- 321.14. Explication de la quatrième terre: Radiance (41 à 42) -- 321.141. Persévérance supérieure propre à ce niveau (41) -- 321.142. Description (42 abc) -- 321.143. Particularités d'abandon (42d) -- 321.15. Explication de la cinquième terre: Difficile à vaincre (43) -- 321.151. Description (43 ab) -- 321.152. Méditation supérieure et habileté dans les vérités (43 cd) -- 321.16. Explication de la sixième terre: Orientation (44 à 269) -- 321.161. Description et enseignement sur la perfection de sagesse supérieure (44) -- 321.162. Louange de la perfection de sagesse (45) -- 321.163. Enseignement sur l'aséité par laquelle est perçue la profonde production en dépendance (46 à 266) -- 321.163.1. Promesse d'exposer le sens profond (46) -- 321.163.2. Reconnaissance des supports pour l'enseignement du sens profond (47 à 48 c) -- 321.163.3. Mode d'apparition en eux des qualités issues de cette exposition (48 d à 50 a) -- 321.163.4. Exhorter à l'écoute les récepteurs adéquats (50 bcd) -- 321.163.5. Mode d'exposition de l'aséité de la production en dépendance (51 à 266) -- 321.163.51. Établir la vacuité par le raisonnement (51 à 220) -- 321.163.511. Établir par le raisonnement le non-soi des phénomènes (51 à 161) -- 321.163.511.1. Réfutation d'une production au moyen des quatre extrêmes (51 à 146) -- 321.163.511.11. Présentation de l'assertion d'une absence de production par sa nature propre (51 ab) -- 321.163.511.12. Démonstration par le raisonnement (51 cd à 146) -- 321.163.511.121. Réfutation d'une production à partir de soi-même (51 cd à 56) -- 321.163.511.121.1. Réfutation du système Samkhya -- 321.163.511.121.11. Réfutation d'une production à partir d'une cause de même nature que la chose produite (51 cd à 52) -- 321.163.511.121.12. Réfutation de la nature unique de la cause et de l'effet (53-54) -- 321.163.511.121.2. Réfutation du point de vue de la pratique du monde (55) -- 321.163.511.121.3. Réfutation selon le Traité de Nagarjuna (56) -- 321.163.511.122. Réfutation d'une production à partir d'autre chose (57 à 139) -- 321.163.511.122.1. Réfutation générale (57 à 87) -- 321.163.511.122.11. Réfutation proprement dite (57 à 64) -- 321.163.511.122.111. Réfutation générale (57 à 59) -- 321.163.511.122.112. Réfutation spécifique (60 à 63) -- 321.163.511.122.112.1. Du point de vue d'une cause antérieure et d'un effet ultérieur (60 à 62) -- 321.163.511.122.112.2. De la simultanéité de la cause et de l'effet (63) -- 321.163.511.122.113. Réfutation au moyen de l'analyse des quatre extrêmes en relation avec l'effet (64) -- 321.163.511.122.12. Abandonner la contradiction du monde (65 à 75) -- 321.163.511.122.121. Par l'assertion d'une production à partir d'autres reconnue dans le monde (65 à 74) -- 321.163.511.122.121.1. Argument (65) -- 321.163.511.122.121.2. Réponse (66 à 74) -- 321.163.511.122.121.21. Présentation générale des deux vérités (66 à 69) -- 321.163.511.122.121.22. Connexion avec la question présente (70) -- 321.163.511.122.121.23. Explication de la nature de chacune des deux vérités (71-72) -- 321.163.511.122.121.231 La vérité relative (71) -- 321.163.511.122.121.232.La vérité ultime (72) -- 321.163.511.122.121.24. Réfutation de la contradiction par le monde (73-74 ab) -- 321.163.511.122.121.25. Mode de contradiction par le monde (74 cd) -- 321.163.511.122.122. Rejeter la contradiction par le monde en montrant que la production en raison d'autres est inexistante même en tant que convention mondaine (75) -- 321.163.511.122.13. Vertus de la réfutation (76) -- 321.163.511.122.14. Enseignement sur l'absence totale de production en soi (77 à 81 b) -- 321.163.511.122.15. Enseignement sur les vertus de la réfutation d'une production en soi selon les deux vérités (81 c à 87) -- 321.163.511.122.151. Qualité d'abandonner aisément les vues de permanence et d'annihilation (81 cd) -- 321.163.511.122.152. Qualité d'extrême validité de la relation de causalité (82 à 87) -- 321.163.511.122.2. Réfutation spécifique du système idéaliste (88 à 136) -- 321.163.511.122.21. Réfutation de l'existence en soi d'une conscience sans objets extérieurs (88 à 113) -- 321.163.511.122.211. Assertions des Idéalistes (88 à 90) -- 321.163.511.122.212. Réfutation détaillée (91 à 112 b) -- 321.163.511.122.212.1. Réfuter les exemples destinés à prouver l'existence en soi d'une conscience sans objets extérieurs (91 à 98) -- 321.163.511.122.212.2. Réfuter la signification d'une production à partir du potentiel des empreintes d'une conscience vide d'objets extérieurs (99 à 111) -- 321.163.511.122.212.3. Montrer que la méditation sur le laid n'est pas contradictoire avec cette réfutation (112 à 114 b) -- 321.163.511.122.213. Résumé et conclusion. (114 cd) -- 321.163.511.122.22. Réfutation de l'être en soi du dépendant (115 à 126) -- 321.163.511.122.221. Réfutation de la conscience qui se connaît elle-même présentée comme la preuve du dépendant (115 à 120) -- 321.163.511.122.222. Montrer que le système idéaliste est en dehors des deux vérités (121) -- 321.163.511.122.223. Par conséquent, il est logique de suivre uniquement le système de Nagarjuna (122-123) -- 321.163.511.122.224. Montrer qu'il est différent de réfuter le dépendant et les conventions mondaines (124 à 126) -- 321.163.511.122.23. Montrer que les objets extérieurs ne sont pas réfutés par le mot seul dans l'expression esprit seul. (127 à 140) -- 321.163.511.122.231. Explication du sens de l'expression esprit seul dans le Discours sur les Dix Terres (127 à 133) -- 321.163.511.122.231.1. Établir par ce Discours que le mot seul ne réfute pas les objets extérieurs (127) -- 321.163.511.122.231.2. Établir ce sens au moyen d'autres Discours (128-129) -- 321.163.511.122.231.3. Établir la primauté de l'esprit par le mot seul (130 à 133) -- 321.163.511.122.232. Montrer que les objets extérieurs et l'esprit intérieur sont solidaires: soit tous deux existent soit aucun n'existe (134 à 136) -- 321.163.511.122.233. Explication de la pensée proclamant l'esprit seul dans le Discours de la Descente à Lanka (137 à 140) -- 321.163.511.122.233.1. Montrer que la déclaration esprit seul sans objet extérieur est de sens indirect (137 à 139) -- 321.163.511.122.233.2. Enseignement sur la méthode pour comprendre les sens indirect et définitif dans les Discours (140) -- 321.163.511.123. Réfutation d'une production à partir de soi et d'autres (141) -- 321.163.511.124. Réfutation d'une production sans cause (142 à 146) -- 321.163.511.13. Sens de la démonstration réfutant une production par les quatre extrêmes (147' ab) -- 321.163.511.2. Abandonner les objections (147 cd à 156) -- 321.163.511.3. Manière de réfuter les conceptions erronées de saisie d'un extrême au moyen de la naissance par la production en dépendance (157 à 159) -- 321.163.511.4. Reconnaître le fruit de l'analyse logique (160 à 162) -- 321.163.512. Établir par le raisonnement le non-soi des personnes (163 à 220) -- 321.163.512.1. Montrer que les aspirants à la libération doivent commencer par réfuter l'existence inhérente du je (163) -- 321.163.512.2. Mode de réfutation de l'existence inhérente du je et mien (164 à 208) -- 321.163.512.21. Mode de réfutation de l'existence inhérente du je (164 à 207) -- 321.163.512.211. Réfuter un je différent en nature des agrégats tel que l'acceptent les non-bouddhistes (164 à 168) -- 321.163.512.211.1. Opinions des Samkhyas et Vaishesikas (164) -- 321.163.512.211.2. Réfutation (165 à 168) -- 321.163.512.212. Réfuter l'assertion de nos propres écoles selon laquelle les agrégats eux-mêmes seraient le je (169 à 184) -- 321.163.512.212.1. Réfuter l'assertion que les agrégats sont le je (169 à 174) -- 321.163.512.212.2. Expliquer l'intention de la déclaration «les agrégats sont le je» (175 à 182) -- 321.163.512.212.21. Expliquer le sens de la déclaration «toutes les vues du je ne se rapportent qu'aux agrégats» (175 à 178 b) -- 321.163.512.212.22. En s'appuyant sur d'autres Discours expliquer que la simple collection des agrégats n'est pas le je (178 cd) -- 321.163.512.212.23. Réfuter que le je est l'arrangement figuré par la simple collection des agrégats (179) -- 321.163.512.212.24. Autres atteintes à l'assertion que le je est la simple collection des agrégats (180) -- 321.163.512.212.25. Le Puissant a déclaré que le je est désigné en dépendance des six éléments, etc. (181-182) -- 321.163.512.212.3. Montrer l'incohérence des autres systèmes (183-184) -- 321.163.512.213. Réfutation des trois autres positions restantes (185 à 188) -- 321.163.512.214. Réfuter l'existence substantielle d'un je inexprimable (189 à 192) -- 321.163.512.215. Expliquer, en accompagnant cette démonstration d'un exemple, que le je est établi en tant que simple désignation dépendante (193 à 202) -- 321.163.512.215.1. Montrer que, bien qu'il n'existe selon aucune des sept alternatives, le je, comme un chariot, est désigné en dépendance (193-194) -- 321.163.512.215.2. Réfutation détaillée des deux positions restantes non expliquées: que le chariot est la collection de ses parties et qu'il est sa seule configuration (195 à 200) -- 321.163.512.215.3. Rejeter les arguments (201) -- 321.163.512.215.4. Établir la signification d'une convention nominale (202) -- 321.163.512.216. Montrer que cette présentation a la qualité de faciliter l'abandon des conceptions extrêmes (203 à 207) -- 321.163.512.216.1. Sens proprement dit (203) -- 321.163.512.216.2. Rejeter les arguments (204) -- 321.163.512.216.3. Appliquer au je conventionnel le sens de l'exemple du chariot (205) -- 321.163.512.216.4. Montrer d'autres qualités de l'assertion d'un je désigné en dépendance (206) -- 321.163.512.216.5. Reconnaître le je, base de la libération des sages et de l'enchaînement des ignorants (207) -- 321.163.512.22. Réfutation de l'existence inhérente du mien (208) -- 321.163.512.23. Montrer que l'analyse du je et du chariot s'applique également aux autres essences (209 à 221) -- 321.163.512.231. Application au vase et autres essences (209-210) -- 321.163.512.232. Application à la causalité (277 à 213) -- 321.163.512.233. Rejet des arguments (274 à 221) -- 321.163.512.233.1. Arguments selon lesquels réfuter l'existence inhérente de la causalité est erroné (274-275) -- 321.163.512.233.2. Réponse montrant qu'il n'en est rien (275 à 227) -- 321.163.52. Explication des divisions de la vacuité (222 à 266) -- 321.163.521. Enseignement résumé (222-223) -- 321.163.522. Exposition détaillée de la division en seize vacuités (224 à 261) -- 321.163.522.1. Les quatre vacuités: de l'intérieur, de l'extérieur, de l'intérieur et de l'extérieur, et vacuité de la vacuité (224 à 229) -- 321.163.522.2. Les quatre vacuités: du grand, de l'ultime, du composé et de l'incomposé (230 à 235) -- 321.163.522.3. Les quatre vacuités: de ce qui est au-delà des extrêmes, de ce qui est sans commencement ni fin, de ce à quoi il ne faut pas renoncer et de nature (236 à 242) -- 321.163.522.4. Les quatre vacuités: de tous les phénomènes, des caractères spécifiques, du non-appréhensible et des non-essences (243 à 261) -- 321.163.522.41. Vacuité de tous les phénomènes (243244 b) -- 321.163.522.42. Vacuité des caractères spécifiques (244 c à 257) -- 321.163.522.421. Enseignement condensé (244 cd) -- 321.163.522.422. Explication développée (245 à 257) -- 321.163.522.422.1. Caractères spécifiques aux données de la base (245 à 247) -- 321.163.522.422.2. Caractères spécifiques aux données de la voie (248 à 252) -- 321.163.522.422.3. Caractères spécifiques aux données du fruit (253 à 257) -- 321.163.522.423. Résumé (258) -- 321.163.522.43. Vacuité du non-appréhensible et vacuité de nature propre des non-choses (259 à 261) -- 321.163.523. Exposition détaillée de la division en quatre vacuités (262 à 266) -- 321.163.523.1. Vacuité des choses (262) -- 321.163.523.2. Vacuité des non-choses (263) -- 321.163.523.3. Vacuité de la nature (264) -- 321.163.523.4. Vacuité de réalité autre (265-266) -- 321.164. Résumé et conclusion sous l'angle de l'expression des qualités de cette terre (257 à 269) -- 321.17. Explication de la septième terre: Qui va loin (270) -- 321.18. Explication de la huitième terre; Immuable (277 à 273) -- 321.181. Aspiration excellente et mode de sortie de la cessation (277-272 a) -- 321.182. Élimination de toutes les perturbations (272 b-273 a) -- 321.183. Obtention des dix pouvoirs (273 bcd) -- 321.19. Explication de la neuvième terre; Excellente intelligence (274) -- 321.20. Explication de la dixième terre: Nuage de la Doctrine (275) -- 321.2. Enseignement sur les qualités des dix terres (275 à 284) -- 321.21. Qualités de la première terre: (275 à 278) -- 321.22. Qualités des six terres suivantes, de la deuxième à la septième (279-280) -- 321.23. Qualités des trois terres pures (281 à 284) -- 322. Niveau résultant (255 à 326) -- 322.1. Originellement, mode d'acquisition du plein épanouissement (285 à 291) -- 322.11. Sens proprement dit (285-286) -- 322.12. Abandon des objections (287 à 291) -- 322.121. Assertion des opposants (287) -- 322.122. Réfutation (288 à 291) -- 322.122.1. Abandon de l'argument selon lequel il serait incorrect que l'aséité soit connue (288) -- 322.122.2. Abandon de l'argument selon lequel il n'y aurait pas de connaissant (289 à 291) -- 322.2. Présentation des Corps et des qualités (292 à 318) -- 322.21. Présentation des Corps (292 à 302) -- 322.211. Le Corps de la Loi (292) -- 322.212. Le Corps de Complète Jouissance (293) -- 322.213. Le Corps d'Émanation (294 à 302) -- 322.22. Présentation des qualités (303 à 318) -- 322.221. Enseignement résumé des dix forces (303 à 305) -- 322.222. Enseignement développé (306 à 315) -- 322.223. Caractère ineffable des qualités (316-317) -- 322.224. Bienfaits de connaître les deux qualités (318) -- 322.3. Enseignement sur le Corps d'Émanation (319) -- 322.4. Établissement d'un véhicule unique (320 à 322) -- 322.5. Explication des moments de l'éveil manifeste et du séjour (323 à 326) -- 33. Mode de composition du traité (327 à 330) -- 34. Dédicace des vertus de la composition (331) -- 4. Conclusion -- 41. A propos de l'auteur du traité -- 42. A propos des traducteurs. -- [End] . ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* ******************************************************* . [End]