The Project Gutenberg EBook of Le Mariage Force, by Moliere [Jean-Baptiste Poquelin] #6 in our series by Moliere [Jean-Baptiste Poquelin] Copyright laws are changing all over the world. Be sure to check the copyright laws for your country before downloading or redistributing this or any other Project Gutenberg eBook. This header should be the first thing seen when viewing this Project Gutenberg file. Please do not remove it. Do not change or edit the header without written permission. Please read the "legal small print," and other information about the eBook and Project Gutenberg at the bottom of this file. Included is important information about your specific rights and restrictions in how the file may be used. You can also find out about how to make a donation to Project Gutenberg, and how to get involved. **Welcome To The World of Free Plain Vanilla Electronic Texts** **eBooks Readable By Both Humans and By Computers, Since 1971** *****These eBooks Were Prepared By Thousands of Volunteers!***** Title: Le Mariage Force Author: Moliere [Jean-Baptiste Poquelin] Release Date: February, 2004 [EBook #5178] [Yes, we are more than one year ahead of schedule] [This file was first posted on May 29, 2002] Edition: 10 Language: French Character set encoding: ASCII *** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK, LE MARIAGE FORCE *** This eBook was produced by Laurent Le Guillou . Title: Le Mariage Force Language: French Encoding: ISO-8859-1 Source: Jean-Baptiste Poquelin (1620-1673), alias Moliere, "Oeuvres de Moliere, avec des notes de tous les commentateurs", Tome Premier, Paris, Librarie de Firmin-Didot et Cie, Imprimeurs de l'Institut, rue Jacob, 56, 1890. Pages 419-448. [Spelling of the 1890 edition. Footnotes have been retained because they provide the meanings of old French words or expressions. Footnote are indicated by numbers in brackets, and are grouped at the end of the Etext. Text encoding is iso-8859-1.] LE MARIAGE FORCE Comedie en un acte (1664) PERSONNAGES ACTEURS Sganarelle. Moliere. Geronimo. La Thorilliere. Dorimene, jeune coquette, promise a Sganarelle. Mlle Du Parc. Alcantor, pere de Dorimene. Bejart. Alcidas, frere de Dorimene. La Grange. Lycaste, amant de Dorimene. Pancrace, docteur aristotelicien. Brecourt. Marphurius, docteur pyrrhonien. Du Croisy. Deux egyptiennes. Mlle Bejart, Mlle de Brie. La scene est dans une place publique. Scene premiere. - Sganarelle. - Sganarelle - (parlant a ceux qui sont dans sa maison.) Je suis de retour dans un moment. Que l'on ait bien soin du logis, et que tout aille comme il faut. Si l'on m'apporte de l'argent, que l'on vienne me querir vite chez le seigneur Geronimo ; et si l'on vient m'en demander, qu'on dise que je suis sorti, et que je ne dois revenir de toute la journee. ----------- Scene II. - Sganarelle, Geronimo. - Geronimo - (ayant entendu les dernieres paroles de Sganarelle.) Voila un ordre fort prudent. - Sganarelle - Ah ! seigneur Geronimo, je vous trouve a propos ; et j'allais chez vous vous chercher. - Geronimo - Et pour quel sujet, s'il vous plait ? - Sganarelle - Pour vous communiquer une affaire que j'ai en tete, et vous prier de m'en dire votre avis. - Geronimo - Tres volontiers. Je suis bien aise de cette rencontre, et nous pouvons parler ici en toute liberte. - Sganarelle - Mettez-donc dessus (1), s'il vous plait. Il s'agit d'une chose de consequence, que l'on m'a proposee ; et il est bon de ne rien faire sans le conseil de ses amis. - Geronimo - Je vous suis oblige de m'avoir choisi pour cela. Vous n'avez qu'a me dire ce que c'est. - Sganarelle - Mais, auparavant, je vous conjure de ne me point flatter du tout, et de me dire nettement votre pensee. - Geronimo - Je le ferai, puisque vous le voulez. - Sganarelle - Je ne vois rien de plus condamnable qu'un ami qui ne nous parle pas franchement. - Geronimo - Vous avez raison. - Sganarelle - Et, dans ce siecle, on trouve peu d'amis sinceres. - Geronimo - Cela est vrai. - Sganarelle - Promettez-moi donc, seigneur Geronimo, de me parler avec toute sorte de franchise. - Geronimo - Je vous le promets. - Sganarelle - Jurez-en votre foi. - Geronimo - Oui, foi d'ami. Dites-moi seulement votre affaire. - Sganarelle - C'est que je veux savoir de vous si je ferai bien de me marier. - Geronimo - Qui, vous ? - Sganarelle - Oui, moi-meme, en propre personne. Quel est votre avis la-dessus ? - Geronimo - Je vous prie auparavant de me dire une chose. - Sganarelle - Et quoi ? - Geronimo - Quel age pouvez-vous bien avoir maintenant ? - Sganarelle - Moi ? - Geronimo - Oui. - Sganarelle - Ma foi, je ne sais ; mais je me porte bien. - Geronimo - Quoi ! vous ne savez pas a peu pres votre age ? - Sganarelle - Non : est-ce qu'on songe a cela ? - Geronimo - Eh ! dites-moi un peu, s'il vous plait : combien aviez-vous d'annees lorsque nous fimes connaissance ? - Sganarelle - Ma foi, je n'avais que vingt ans alors. - Geronimo - Combien fumes-nous ensemble a Rome ? - Sganarelle - Huit ans. - Geronimo - Quel temps avez-vous demeure en Angleterre ? - Sganarelle - Sept ans. - Geronimo - Et en Hollande, ou vous futes ensuite ? - Sganarelle - Cinq ans et demi. - Geronimo - Combien y a-t-il que vous etes revenu ici ? - Sganarelle - Je revins en cinquante-six. - Geronimo - De cinquante-six a soixante-huit, il y a douze ans, ce me semble. Cinq en Hollande font dix-sept, sept ans en Angleterre font vingt-quatre, huit dans notre sejour a Rome font trente-deux, et vingt que vous aviez lorsque nous nous connumes, cela fait justement cinquante-deux. Si bien, seigneur Sganarelle, que, sur votre propre confession, vous etes environ a votre cinquante-deuxieme ou cinquante-troisieme annee. - Sganarelle - Qui, moi ? cela ne se peut pas. - Geronimo - Mon Dieu ! le calcul est juste ; et la-dessus je vous dirai franchement, et en ami, comme vous m'avez fait promettre de vous parler, que le mariage n'est guere votre fait. C'est une chose a laquelle il faut que les jeunes gens pensent bien murement avant que de la faire ; mais les gens de votre age n'y doivent point penser du tout ; et si l'on dit que la plus grande de toutes les folies est celle de se marier, je ne vois rien de plus mal a propos que de la faire, cette folie, dans la saison ou nous devons etre plus sages. Enfin, je vous dis nettement ma pensee. Je ne vous conseille point de songer au mariage ; et je vous trouverais le plus ridicule du monde, si, ayant ete libre jusqu'a cette heure, vous alliez vous charger maintenant de la plus pesante des chaines. - Sganarelle - Et moi, je vous dis que je suis resolu de me marier, et que je ne serai point ridicule en epousant la fille que je recherche. - Geronimo - Ah ! c'est une autre chose. Vous ne m'aviez pas dit cela. - Sganarelle - C'est une fille qui me plait, et que j'aime de tout mon coeur. - Geronimo - Vous l'aimez de tout votre coeur ? - Sganarelle - Sans doute ; et je l'ai demandee a son pere. - Geronimo - Vous l'avez demandee ? - Sganarelle - Oui. C'est un mariage qui doit se conclure ce soir ; et j'ai donne ma parole. - Geronimo - Oh ! mariez-vous donc. Je ne dis plus un mot. - Sganarelle - Je quitterais le dessein que j'ai fait ! Vous semble-t-il, seigneur Geronimo, que je ne sois plus propre a songer a une femme ? Ne parlons point de l'age que je puis avoir ; mais regardons seulement les choses. Y a-t-il homme de trente ans qui paraisse plus frais et plus vigoureux que vous me voyez ? N'ai-je pas tous les mouvements de mon corps aussi bons que jamais ; et voit-on que j'ai besoin de carosse ou de chaise pour cheminer ? N'ai-je pas encore toutes mes dents les meilleures du monde ? (Il montre ses dents.) Ne fais-je pas vigoureusement mes quatre repas par jour, et peut-on voir un estomac qui ait plus de force que le mien ? (Il tousse.) Hem, hem, hem. Eh ! qu'en dites-vous ? - Geronimo - Vous avez raison, je m'etais trompe. Vous ferez bien de vous marier. - Sganarelle - J'y ai repugne autrefois ; mais j'ai maintenant de puissantes raisons pour cela. Outre la joie que j'aurai de posseder une belle femme, qui me fera mille caresses, qui me dorlotera, et me viendra frotter lorsque je serai las ; outre cette joie, dis-je, je considere qu'en demeurant comme je suis, je laisse perir dans le monde la race des Sganarelles ; et qu'en me mariant, je pourrai me voir revivre en d'autres moi-meme ; que j'aurai le plaisir de voir des creatures qui seront sorties de moi, de petites figures qui me ressembleront comme deux gouttes d'eau, qui se joueront continuellement dans la maison, qui m'appelleront leur papa quand je reviendrai de la ville, et me diront de petites folies les plus agreables du monde. Tenez, il me semble deja que j'y suis, et que j'en vois une demi-douzaine autour de moi. - Geronimo - Il n'y a rien de plus agreable que cela ; et je vous conseille de vous marier le plus vite que vous pourrez. - Sganarelle - Tout de bon, vous me le conseillez ? - Geronimo - Assurement. Vous ne sauriez mieux faire. - Sganarelle - Vraiment, je suis ravi que vous me donniez ce conseil en veritable ami. - Geronimo - Eh ! quelle est la personne, s'il vous plait, avec qui vous allez vous marier ? - Sganarelle - Dorimene. - Geronimo - Cette jeune Dorimene, si galante et si bien paree ? - Sganarelle - Oui. - Geronimo - Fille du seigneur Alcantor ? - Sganarelle - Justement. - Geronimo - Et soeur d'un certain Alcidas, qui se mele de porter l'epee ? - Sganarelle - C'est cela. - Geronimo - Vertu de ma vie ! - Sganarelle - Qu'en dites-vous ? - Geronimo - Bon parti ! Mariez-vous promptement. - Sganarelle - N'ai-je pas raison d'avoir fait ce choix ? - Geronimo - Sans doute. Ah ! que vous serez bien marie ! Depechez-vous de l'etre. - Sganarelle - Vous me comblez de joie de me dire cela. Je vous remercie de votre conseil, et je vous invite ce soir a mes noces. - Geronimo - Je n'y manquerai pas ; et je veux y aller en masque, afin de les mieux honorer. - Sganarelle - Serviteur. - Geronimo - (a part.) La jeune Dorimene, fille du seigneur Alcantor, avec le seigneur Sganarelle, qui n'a que cinquante-trois ans ! O le beau mariage ! o le beau mariage ! (Ce qu'il repete plusieurs fois en s'en allant.) ----------- Scene III. - Sganarelle. - Sganarelle - Ce mariage doit etre heureux, car il donne de la joie a tout le monde, et je fais rire tous ceux a qui j'en parle. Me voila maintenant le plus content des hommes. ----------- Scene IV. - Dorimene, Sganarelle. - Dorimene - (dans le fond du theatre, a un petit laquais qui la suit.) Allons, petit garcon, qu'on tienne bien ma queue, et qu'on ne s'amuse pas a badiner. - Sganarelle - (a part, apercevant Dorimene.) Voici ma maitresse qui vient. Ah ! qu'elle est agreable ! Quel air, et quelle taille ! Peut-il y avoir un homme qui n'ait, en la voyant, des demangeaisons de se marier ? (a Dorimene.) Ou allez-vous, belle mignone, chere epouse future de votre epoux futur ? - Dorimene - Je vais faire quelques emplettes. - Sganarelle - Eh bien ! ma belle, c'est maintenant que nous allons etre heureux l'un et l'autre. Vous ne serez plus en droit de me rien refuser ; et je pourrai faire avec vous tout ce qu'il me plaira, sans que personne s'en scandalise. Vous allez etre a moi depuis la tete jusqu'aux pieds, et je serai maitre de tout : de vos petits yeux eveilles, de votre petit nez fripon, de vos levres appetissantes, de vos oreilles amoureuses, de votre petit menton joli, de vos petits tetons rondelets, de votre... Enfin, toute votre personne sera a ma discretion, et je serai a meme de vous caresser comme je voudrai. N'etes-vous pas bien aise de ce mariage, mon aimable pouponne ? - Dorimene - Tout a fait aise, je vous jure. Car enfin la severite de mon pere m'a tenue jusques ici dans une sujetion la plus facheuse du monde. Il y a je ne sais combien que j'enrage du peu de liberte qu'il me donne, et j'ai cent fois souhaite qu'il me mariat, pour sortir promptement de la contrainte ou j'etais avec lui, et me voir en etat de faire ce que je voudrai. Dieu merci, vous etes venu heureusement pour cela, et je me prepare desormais a me donner du divertissement, et a reparer comme il faut le temps que j'ai perdu. Comme vous etes un fort galant homme, et que vous savez comme il faut vivre, je crois que nous ferons le meilleur menage du monde ensemble, et que vous ne serez point de ces maris incommodes qui veulent que leurs femmes vivent comme des loups-garous. Je vous avoue que je ne m'accommoderais pas de cela, et que la solitude me desespere. J'aime le jeu, les visites, les assemblees, les cadeaux (2), et les promenades ; en un mot, toutes les choses de plaisir : et vous devez etre ravi d'avoir une femme de mon humeur. Nous n'aurons jamais aucun demele ensemble, et je ne vous contraindrai point dans vos actions, comme j'espere que, de votre cote, vous ne me contraindrez point dans les miennes ; car, pour moi, je tiens qu'il faut une complaisance mutuelle, et qu'on ne se doit point marier pour se faire enrager l'un l'autre. Enfin, nous vivrons, etant maries, comme deux personnes qui savent leur monde : aucun soupcon jaloux ne nous troublera la cervelle ; et c'est assez que vous serez assure de ma fidelite, comme je serai assure de la votre. Mais qu'avez-vous ? je vous vois tout change de visage. - Sganarelle - Ce sont quelques vapeurs qui me viennent de monter a la tete. - Dorimene - C'est un mal aujourd'hui qui attaque beaucoup de gens, mais notre mariage vous dissipera tout cela. Adieu. Il me tarde deja que je n'aie des habits raisonnables, pour quitter vite ces guenilles. Je m'en vais de ce pas achever d'acheter toutes les choses qu'il me faut, et je vous enverrai les marchands. ----------- Scene V. - Geronimo, Sganarelle. - Geronimo - Ah ! seigneur Sganarelle, je suis ravi de vous trouver encore ici ; et j'ai rencontre un orfevre qui, sur le bruit que vous cherchiez quelque beau diamant en bague pour faire un present a votre epouse, m'a fort prie de venir vous parler pour lui, et de vous dire qu'il en a un a vendre, le plus parfait du monde. - Sganarelle - Mon Dieu ! cela n'est pas presse. - Geronimo - Comment, que veut dire cela ? Ou est l'ardeur que vous montriez tout a l'heure ? - Sganarelle - Il m'est venu, depuis un moment, de petits scrupules sur le mariage. Avant que de passer plus avant, je voudrais bien agiter a fond cette matiere, et que l'on m'expliquat un songe que j'ai fait cette nuit, et qui vient tout a l'heure de me revenir dans l'esprit. Vous savez que les songes sont comme des miroirs, ou l'on decouvre quelquefois tout ce qui nous doit arriver. Il me semblait que j'etais dans un vaisseau, sur une mer bien agitee, et que... - Geronimo - Seigneur Sganarelle, j'ai maintenant quelque petite affaire qui m'empeche de vous ouir. Je n'entend rien du tout aux songes ; et quant au raisonnement du mariage, vous avez deux savants, deux philosophes, vos voisins, qui sont gens a vous debiter tout ce qu'on peut dire sur ce sujet. Comme ils sont de sectes differentes, vous pouvez examiner leurs diverses opinions la-dessus. Pour moi, je me contente de ce que je vous ai dit tantot, et demeure votre serviteur. - Sganarelle - Il a raison. Il faut que je consulte un peu ces gens-la sur l'incertitude ou je suis. ----------- Scene VI. - Pancrace, Sganarelle. - Pancrace - (se tournant du cote ou il est entre, et sans voir Sganarelle.) Allez, vous etes un impertinent, mon ami, un homme [ignare de toute bonne discipline], bannissable de la republique des lettres. - Sganarelle - Ah ! bon. En voici un fort a propos. - Pancrace - (de meme, sans voir Sganarelle.) Oui, je te soutiendrai par vives raisons (3), [je te montrerai par Aristote, le philosophe des philosophes,] que tu es un ignorant, [un] ignorantissime, ignorantifiant et ignorantifie, par tous les cas et les modes imaginables. - Sganarelle - (a part.) Il a pris querelle contre quelqu'un. (A Pancrace.) Seigneur... - Pancrace - (de meme, sans voir Sganarelle.) Tu veux te meler de raisonner, et tu ne sais pas seulement les elements de la raison. - Sganarelle - (a part.) La colere l'empeche de me voir. (A Pancrace.) Seigneur... - Pancrace - (de meme, sans voir Sganarelle.) C'est une proposition condamnable dans toutes les terres de la philosophie. - Sganarelle - (a part.) Il faut qu'on l'ait fort irrite. (A Pancrace.) Je... - Pancrace - (de meme, sans voir Sganarelle.) "Toto coelo, tota via aberras." (4) - Sganarelle - Je baise les mains a monsieur le docteur. - Pancrace - Serviteur. - Sganarelle - Peut-on... - Pancrace - (se retournant vers l'endroit par ou il est entre.) Sais-tu bien ce que tu as fait ? un syllogisme "in balordo". - Sganarelle - Je vous... - Pancrace - (de meme.) La majeure en est inepte, la mineure impertinente, et la conclusion ridicule. - Sganarelle - Je... - Pancrace - (de meme.) Je creverais plutot que d'avouer ce que tu dis ; et je soutiendrai mon opinion jusqu'a la derniere goutte de mon encre. - Sganarelle - Puis-je... - Pancrace - (de meme.) Oui, je defendrai cette proposition, "pugnis et calcibus, unguibus et rostro" (5). - Sganarelle - Seigneur Aristote, peut-on savoir ce qui vous met si fort en colere ? - Pancrace - Un sujet le plus juste du monde. - Sganarelle - Et quoi, encore ? - Pancrace - Un ignorant m'a voulu soutenir une proposition erronee, une proposition epouvantable, effroyable, execrable. - Sganarelle - Puis-je demander ce que c'est ? - Pancrace - Ah ! seigneur Sganarelle, tout est renverse aujourd'hui, et le monde est tombe dans une corruption generale. Une licence epouvantable regne partout ; et les magistrats, qui sont etablis pour maintenir l'ordre dans cet Etat, devraient mourir de honte, en souffrant un scandale aussi intolerable que celui dont je veux parler. (6) - Sganarelle - Quoi donc ? - Pancrace - N'est-ce pas une chose horrible, une chose qui crie vengeance au ciel, que d'endurer qu'on dise publiquement la forme d'un chapeau ? - Sganarelle - Comment ? - Pancrace - Je soutiens qu'il faut dire la figure d'un chapeau, et non pas la forme ; d'autant qu'il y a cette difference entre la forme et la figure, que la forme est la disposition exterieure des corps qui sont animes, et la figure la disposition exterieure des corps qui sont inanimes : et puisque le chapeau est un corps inanime, il faut dire la figure d'un chapeau, et non pas la forme. (Se retournant encore du cote par ou il est entre.) Oui, ignorant que vous etes, c'est comme il faut parler, et ce sont les termes expres d'Aristote dans le chapitre de la qualite. - Sganarelle - (a part.) Je pensais que tout fut perdu. (A Pancrace.) Seigneur docteur, ne songez plus a tout cela. Je ... - Pancrace - Je suis dans une colere, que je ne me sens pas. - Sganarelle - Laissez la forme et le chapeau en paix. J'ai quelque chose a vous communiquer. Je... - Pancrace - Impertinent fieffe (7) ! - Sganarelle - De grace, remettez-vous. Je... - Pancrace - Ignorant ! - Sganarelle - Eh ! mon Dieu. Je... - Pancrace - Me vouloir soutenir une proposition de la sorte ! - Sganarelle - Il a tort. Je... - Pancrace - Une proposition condamnee par Aristote ? - Sganarelle - Cela est vrai. Je... - Pancrace - En termes expres ! - Sganarelle - Vous avez raison. (Se tournant du cote par ou Pancrace est entre.) Oui, vous etes un sot et un impudent, de vouloir disputer contre un docteur qui sait lire et ecrire. (A Pancrace.) Voila qui est fait : je vous prie de m'ecouter. Je viens vous consulter sur une affaire qui m'embarasse. J'ai dessein de prendre une femme, pour me tenir compagnie dans mon menage. La personne est belle et bien faite ; elle me plait beaucoup, et est ravie de m'epouser : son pere me l'a accordee. Mais je crains un peu ce que vous savez, la disgrace dans on ne plaint personne ; et je voudrais bien vous prier, comme philosophe, de me dire votre sentiment. Eh ! quel est votre avis la-dessus ? - Pancrace - Plutot que d'accorder qu'il faille dire la forme d'un chapeau, j'accorderais que "datur in rerum natura" (8), et que je ne suis qu'un bete. - Sganarelle - (a part.) La peste soit de l'homme ! (A Pancrace.) Eh ! monsieur le docteur, ecoutez un peu les gens. On vous parle une heure durant, et vous ne repondez point a ce qu'on vous dit. - Pancrace - Je vous demande pardon. Une juste colere m'occupe l'esprit. - Sganarelle - Eh ! laissez tout cela, et prenez la peine de m'ecouter. - Pancrace - Soit. Que voulez-vous me dire ? - Sganarelle - Je veux vous parler de quelque chose. - Pancrace - Et de quelle langue voulez-vous vous servir avec moi ? - Sganarelle - De quelle langue ? - Pancrace - Oui. - Sganarelle - Parbleu ! de la langue que j'ai dans la bouche. Je crois que je n'irai pas emprunter celle de mon voisin. - Pancrace - Je vous dis, de quel idiome, de quel langage ? - Sganarelle - Ah ! c'est une autre affaire. - Pancrace - Voulez-vous me parler italien ? - Sganarelle - Non. - Pancrace - Espagnol ? - Sganarelle - Non. - Pancrace - Allemand ? - Sganarelle - Non. - Pancrace - Anglais ? - Sganarelle - Non. - Pancrace - Latin ? - Sganarelle - Non. - Pancrace - Grec ? - Sganarelle - Non. - Pancrace - Hebreu ? - Sganarelle - Non. - Pancrace - Syriaque ? - Sganarelle - Non. - Pancrace - Turc ? - Sganarelle - Non. - Pancrace - Arabe ? - Sganarelle - Non, non ; francais [, francais, francais]. - Pancrace - Ah ! francais. - Sganarelle - Fort bien. - Pancrace - Passez donc de l'autre cote ; car cette oreille-ci est destinee pour les langues scientifiques [et etrangeres], et l'autre est pour [la vulgaire et] la maternelle. - Sganarelle - (a part.) Il faut bien des ceremonies avec ces sortes de gens-ci ! - Pancrace - Que voulez-vous ? - Sganarelle - Vous consulter une une petite difficulte. - Pancrace - [Ah ! ah !] sur une difficulte de philosophie, sans doute ? - Sganarelle - Pardonnez-moi. Je... - Pancrace - Vous voulez peut-etre savoir si la substance et l'accident sont termes synonymes ou equivoques a l'egard de l'etre ? - Sganarelle - Point du tout. Je... - Pancrace - Si la logique est un art ou une science ? - Sganarelle - Ce n'est pas cela. Je... - Pancrace - Si elle a pour objet les trois operations de l'esprit, ou la troisieme seulement (9) ? - Sganarelle - Non. Je... - Pancrace - S'il y a dix categories, ou s'il n'y en a qu'une (10) ? - Sganarelle - Point. Je... - Pancrace - Si la conclusion est de l'essence du syllogisme ? - Sganarelle - Nenni. Je... - Pancrace - Si l'essence du bien est mise dans l'appetibilite, ou dans la convenance (11) ? - Sganarelle - Non. Je... - Pancrace - Si le bien se reciproque avec la fin ? - Sganarelle - Eh ! non. Je... - Pancrace - Si la fin nous peut emouvoir par son etre reel, ou par son etre intentionnel (12) ? - Sganarelle - Non, non, non, non, non, de par tous les diables, non. - Pancrace - Expliquez donc votre pensee, car je ne puis pas la deviner. - Sganarelle - Je vous la veux expliquer aussi ; mais il faut m'ecouter. (Pendant que Sganarelle dit :) L'affaire que j'ai a vous dire, c'est que j'ai envie de me marier avec une fille qui est jeune et belle. Je l'aime fort, et l'ai demandee a son pere ; mais comme j'apprehende... - Pancrace - (dit en meme temps, sans ecouter Sganarelle :) La parole a ete donnee a l'homme pour expliquer sa pensee ; et tout ainsi que les pensees sont les portraits des choses, de meme nos paroles sont-elles les portraits de nos pensees. (Sganarelle, impatiente, ferme la bouche du docteur avec sa main a plusieurs reprises, et le docteur continue de parler d'abord que Sganarelle ote sa main.) Mais ces portraits different des autres portraits en ce que les autres portraits sont distingues partout de leurs originaux, et que la parole enferme en soi son original, puisqu'elle n'est autre chose que la pensee expliquee par un signe exterieur ; d'ou vient que ceux qui pensent bien sont aussi ceux qui parlent le mieux. Expliquez-moi donc votre pensee par la parole, qui est le plus intelligible de tous les signes. - Sganarelle - (pousse le docteur dans sa maison, et tire la porte pour l'empecher de sortir.) [Peste de l'homme ! - Pancrace - (au dedans de sa maison.) Oui, la parole est "animi index et speculum" (13). C'est le truchement du coeur, c'est l'image de l'ame. (Il monte a la fenetre et continue.) C'est un miroir qui nous presente naivement les secrets les plus arcanes (14) de nos individus ; et puisque vous avez la faculte de ratiociner et de parler tout ensemble, a quoi tient-il que vous ne vous serviez de la parole pour me faire entendre votre pensee ? - Sganarelle - C'est ce que je veux faire ; mais vous ne voulez pas m'ecouter. - Pancrace - Je vous ecoute, parlez. - Sganarelle - Je dis donc, monsieur le docteur, que... - Pancrace - Mais surtout soyez bref. - Sganarelle - Je le serai. - Pancrace - Evitez la prolixite. - Sganarelle - Eh ! monsi... - Pancrace - Tranchez moi votre discours d'un apophtegme a la laconienne. - Sganarelle - Je vous... - Pancrace - Point d'ambages (15), de circonlution. (Sganarelle, le depit de ne pouvoir parler, ramasse des pierres pour en casser la tete du docteur.) He quoi ! vous vous emportez au lieu de vous expliquer ? Allez, vous etes plus impertinent que celui qui m'a voulu soutenir qu'il faut dire la forme d'un chapeau ; et je vous prouverai, en toute rencontre, par raisons demonstratives et convaincantes, et par arguments "in Barbara", que vous n'etes et ne serez jamais qu'une pecore, et que je suis et serai toujours, "in utroque jure" (16), le docteur Pancrace. - Sganarelle - Quel diable de babillard ! - Pancrace - (en rentrant sur le theatre.) Homme de lettres, homme d'erudition. - Sganarelle - Encore ? - Pancrace - Homme de suffisance, homme de capacite. (S'en allant.) Homme consomme dans toutes les sciences, naturelles, morales et politiques. (Revenant.) Homme savant, savantissime, "per omnes modos et casus" (17). (S'en allant.) Homme qui possede "superlative", fable, mythologie et histoire, (Revenant.) grammaire, poesie, rhetorique, dialectique et sophistique, (S'en allant.) mathematiques, arithmetique, optique, onirocritique (18), physique et metaphysique, (Revenant.) cosmometrie (19), geometrie, architecture, speculoire et speculatoire (20), (S'en allant.) medecine, astronomie, astrologie, physionomie, metoposcopie (21), chiromancie, geomancie (22), etc.] ----------- Scene VII. - Sganarelle. - Sganarelle - Au diable les savants qui ne veulent point ecouter les gens ! On me l'avait dit, que son maitre Aristote n'etait rien qu'un bavard. Il faut que j'aille trouver l'autre ; peut-etre qu'il sera plus pose et plus raisonnable. Hola ! ----------- Scene VIII. - Marphurius, Sganarelle. - Marphurius - Que voulez-vous de moi, Seigneur Sganarelle ? - Sganarelle - Seigneur docteur, j'aurais besoin de votre conseil sur une petite affaire dont il s'agit, et je suis venu ici pour cela. (a part.) Ah ! voila qui va bien. Il ecoute le monde, celui-ci. - Marphurius - Seigneur Sganarelle, changez, s'il vous plait, cette facon de parler. Notre philosophie ordonne de ne point enoncer de proposition decisive, de parler de tout avec incertitude, de suspendre toujours son jugement ; et, par cette raison, vous ne devez pas dire, je suis venu, mais, il me semble que je suis venu. - Sganarelle - Il me semble ? - Marphurius - Oui. - Sganarelle - Parbleu ! il faut bien qu'il me le semble, puisque cela est. - Marphurius - Ce n'est pas une consequence, et il peut vous le sembler, sans que la chose soit veritable. - Sganarelle - Comment ! il n'est pas vrai que je suis venu ? - Marphurius - Cela est incertain, et nous devons douter de tout. - Sganarelle - Quoi ! je ne suis pas ici, et vous ne me parlez pas ? - Marphurius - Il m'apparait que vous etes la, et il me semble que je vous parle ; mais il n'est pas assure que cela soit. - Sganarelle - He ! que diable ! vous vous moquez. Me voila, et vous voila bien nettement, et il n'y a point de "me semble" a tout cela. Laissons ces subtilites, je vous prie, et parlons de mon affaire. Je viens vous dire que j'ai envie de me marier. - Marphurius - Je n'en sais rien. - Sganarelle - Je vous le dis. - Marphurius - Il se peut faire. - Sganarelle - La fille que je veux prendre est fort jeune et fort jolie. - Marphurius - Il n'est pas impossible. - Sganarelle - Ferai-je bien ou mal de l'epouser ? - Marphurius - L'un ou l'autre. - Sganarelle - (a part.) Ah ! ah ! voici une autre musique. (A Marphurius.) Je vous demande si je ferai bien d'epouser la fille dont je vous parle. - Marphurius - Selon la rencontre. - Sganarelle - Ferai-je mal ? - Marphurius - Par aventure. - Sganarelle - De grace, repondez-moi comme il faut. - Marphurius - C'est mon dessein. - Sganarelle - J'ai une grande inclination pour la fille. - Marphurius - Cela peut etre. - Sganarelle - Le pere me l'a accordee. - Marphurius - Il se pourrait. - Sganarelle - Mais, en l'epousant, je crains d'etre cocu. - Marphurius - La chose est faisable. - Sganarelle - Qu'en pensez-vous ? - Marphurius - Il n'y a pas d'impossibilite. - Sganarelle - Mais que feriez-vous, si vous etiez a ma place ? - Marphurius - Je ne sais. - Sganarelle - Que me conseillez-vous de faire ? - Marphurius - Ce qu'il vous plaira. - Sganarelle - J'enrage ! - Marphurius - Je m'en lave les mains. - Sganarelle - Au diable soit le vieux reveur ! - Marphurius - Il en sera ce qui pourra. - Sganarelle - (a part.) La peste du bourreau ! Je te ferai changer de note, chien de philosophe enrage. (Il donne des coups de baton a Marphurius.) - Marphurius - Ah ! ah ! ah ! - Sganarelle - Te voila paye de ton galimatias, et me voila content. - Marphurius - Comment ! Quelle insolence ! M'outrager de la sorte, avoir eu l'audace de battre un philosophe comme moi ! - Sganarelle - Corrigez, s'il vous plait, cette maniere de parler. Il faut douter de toutes choses ; et vous ne devez pas dire que je vous ai battu, mais qu'il vous semble que je vous ai battu. - Marphurius - Ah ! je m'en vais faire ma plainte au commissariat du quartier, des coups que j'ai recus. - Sganarelle - Je m'en lave les mains. - Marphurius - j'en ai les marques sur ma personne. - Sganarelle - Il se peut faire. - Marphurius - C'est toi qui m'as traite ainsi. - Sganarelle - Il n'y a pas d'impossibilite. - Marphurius - J'aurai un decret contre toi. - Sganarelle - Je n'en sais rien. - Marphurius - Et tu seras condamne en justice. - Sganarelle - Il en sera ce qui pourra. - Marphurius - Laisse-moi faire. ----------- Scene IX. - Sganarelle. - Sganarelle - Comment ! on ne saurait tirer une parole positive de ce chien d'homme-la, et l'on est aussi savant a la fin qu'au commencement. Que dois-je faire, dans l'incertitude des suites de mon mariage ? Jamais homme ne fut plus embarrasse que je suis. Ah ! voici des Egyptiennes ; il faut que je me fasse dire par elles ma bonne aventure. ----------- Scene X. - Deux Egyptiennes, Sganarelle. (Les deux Egyptiennes avec leurs tambours de basque entrent en chantant et en dansant.) - Sganarelle - Elles sont gaillardes. Ecoutez, vous autres, y a-t-il moyen de me dire ma bonne fortune ? - Premiere Egyptienne - Oui, mon bon monsieur ; nous voici deux qui te la dirons. - Deuxieme Egyptienne - Tu n'as seulement qu'a nous donner ta main, avec la croix dedans (23), et nous te dirons quelque chose pour ton bon profit. - Sganarelle - Tenez, les voila toutes deux avec ce que vous demandez. - Premiere Egyptienne - Tu as une bonne physionomie, mon bon monsieur, une bonne physionomie. - Deuxieme Egyptienne - Oui, une bonne physionomie ; physionomie d'un homme qui sera un jour quelque chose. - Premiere Egyptienne - Tu seras marie avant qu'il soit peu, mon bon monsieur, tu seras marie avant qu'il soit peu. - Deuxieme Egyptienne - Tu epouseras une femme gentille, une femme gentille. - Premiere Egyptienne - Oui, une femme qui sera cherie et aimee de tout le monde. - Deuxieme Egyptienne - Une femme qui te fera beaucoup d'amis, mon bon monsieur, qui te fera beaucoup d'amis. - Premiere Egyptienne - Une femme qui fera venir l'abondance chez toi. - Deuxieme Egyptienne - Une femme qui te donnera une grande reputation. - Premiere Egyptienne - Tu seras considere par elle, mon bon monsieur, tu seras considere par elle. - Sganarelle - Voila qui est bien. Mais dites-moi un peu, suis-je menace d'etre cocu. - Deuxieme Egyptienne - Cocu ? - Sganarelle - Oui. - Premiere Egyptienne - Cocu ? - Sganarelle - Oui, si je suis menace d'etre cocu ? (Les deux Egyptiennes dansent et chantent.) Que diable, ce n'est pas la me repondre ! Venez ca. Je vous demande a toutes les deux si je serai cocu ? - Deuxieme Egyptienne - Cocu ? vous ? - Sganarelle - Oui, si je serai cocu ? - Premiere Egyptienne - Vous ? cocu ? - Sganarelle - Oui, si je le serai oui ou non ? (Les deux Egyptiennes sortent en chantant et en dansant.) ----------- Scene XI. - Sganarelle. - Sganarelle - Peste soit des carognes qui me laissent dans l'inquietude ! Il faut absolument que je sache la destinee de mon mariage ; et, pour cela, je veux aller trouver ce grand magicien dont tout le monde parle tant, et qui, par son art admirable, fait voir tout ce que l'on souhaite. Ma foi, je crois que je n'ai que faire d'aller au magicien, et voici qui me montre tout ce que je puis demander. ----------- Scene XII. - Dorimene, Lycaste, Sganarelle, retire dans un coin du theatre sans etre vu. - Lycaste - Quoi ! belle Dorimene, c'est sans raillerie que vous parlez ? - Dorimene - Sans raillerie. - Lycaste - Vous vous mariez tout de bon ? - Dorimene - Tout de bon. - Lycaste - Et vos noces se feront des ce soir ? - Dorimene - Des ce soir. - Lycaste - Et vous pouvez, cruelle que vous etes, oublier de la sorte l'amour que j'ai pour vous, et les obligeantes paroles que vous m'aviez donnees ? - Dorimene - Moi ? point du tout. Je vous considere toujours de meme, et ce mariage ne doit point vous inquieter ; c'est un homme que je n'epouse point par amour, et sa seule richesse me fait resoudre a l'accepter. Je n'ai point de bien, vous n'en avez point aussi, et vous savez que sans cela on passe mal le temps au monde, et qu'a quelque prix que ce soit il faut tacher d'en avoir. J'ai embrasse cette occasion-ci de me mettre a mon aise, et je l'ai fait sur l'esperance de me voir bientot delivree du barbon que je prends. C'est un homme qui mourra avant qu'il soit peu, et qui n'a tout au plus que six mois dans le ventre. Je vous le garantis defunt dans le temps que je dis ; et je n'aurai pas longuement a demander pour moi l'heureux etat de veuve. (A Sganarelle, qu'elle apercoit.) Ah ! nous parlions de vous, et nous en disions tout le bien qu'on en saurait dire. - Lycaste - Est-ce la monsieur ?... - Dorimene - Oui, c'est monsieur qui me prend pour femme. - Lycaste - Agreez, Monsieur, que je vous felicite de votre mariage, et vous presente en meme temps mes tres humbles services : je vous assure que vous epousez la une tres honnete personne. Et vous, Mademoiselle, je me rejouis avec vous aussi de l'heureux choix que vous avez fait : vous ne pouviez pas mieux trouver, et Monsieur a toute la mine d'etre un fort bon mari. Oui, Monsieur, je veux faire amitie avec vous, et lier ensemble un petit commerce de visites et de divertissements. - Dorimene - C'est trop d'honneur que vous nous faites a tous deux. Mais allons, le temps me presse, et nous aurons tout le loisir de nous entretenir ensemble. ----------- Scene XIII. - Sganarelle. - Sganarelle - Me voila tout a fait degoute de mon mariage ; et je crois que je ne ferai pas mal de m'aller degager de ma parole. Il m'en a coute quelque argent ; mais il vaut mieux encore perdre cela que de s'exposer a quelque chose de pis. Tachons adroitement de nous debarrasser de cette affaire. Hola ! (Il frappe a la porte de la maison d'Alcantor.) ----------- Scene XIV. - Alcantor, Sganarelle. - Alcantor - Ah ! mon gendre, soyez le bienvenu ! - Sganarelle - Monsieur, votre serviteur. - Alcantor - Vous venez pour conclure le mariage ? - Sganarelle - Excusez-moi. - Alcantor - Je vous promets que j'en ai autant d'impatience que vous. - Sganarelle - Je viens ici pour un autre sujet. - Alcantor - J'ai donne ordre a toutes les choses necessaires pour cette fete. - Sganarelle - Il n'est pas question de cela. - Alcantor - Les violons sont retenus, le festin est commande, et ma fille est paree pour vous recevoir. - Sganarelle - C'est n'est pas ce qui m'amene. - Alcantor - Enfin, vous allez etre satisfait ; et et rien ne peut retarder votre contentement. - Sganarelle - Mon Dieu ! c'est autre chose. - Alcantor - Allons, entrez donc, mon gendre. - Sganarelle - J'ai un petit mot a vous dire. - Alcantor - Ah ! mon Dieu, ne faisons point de ceremonie ! Entrez vite, s'il vous plait. - Sganarelle - Non, vous dis-je. Je veux vous parler auparavant. - Alcantor - Vous voulez me dire quelque chose ? - Sganarelle - Oui. - Alcantor - Et quoi ? - Sganarelle - Seigneur Alcantor, j'ai demande votre fille en mariage, il est vrai, et vous me l'avez accordee ; mais je me trouve un peu avance en age pour elle, et je considere que je ne suis point du tout son fait. - Alcantor - Pardonnez-moi, ma fille vous trouve bien comme vous etes ; et je suis sur qu'elle vivra fort contente avec vous. - Sganarelle - Point. J'ai des bizarreries epouvantables, et elle aurait trop a souffrir de ma mauvaise humeur. - Alcantor - Ma fille a de la complaisance, et vous verrez qu'elle s'accommodera entierement a vous. - Sganarelle - J'ai quelques infirmites sur mon corps qui pourraient la degouter. - Alcantor - Cela n'est rien. Une honnete femme ne se degoute jamais de son mari. - Sganarelle - Enfin, voulez-vous que je vous dise ? Je ne vous conseille pas de me la donner. - Alcantor - Vous moquez-vous ? J'aimerai mieux mourir que d'avoir manque a ma parole. - Sganarelle - Mon Dieu, je vous en dispense, et je... - Alcantor - Point du tout. je vous l'ai promise, et vous l'aurez, en depit de tous ceux qui y pretendent. - Sganarelle - (a part.) Que diable ! - Alcantor - Voyez-vous ? J'ai une estime et une amitie pour vous toute particuliere, et je refuserais ma fille a un prince pour vous la donner. - Sganarelle - Seigneur Alcantor, je vous suis oblige de l'honneur que vous me faites ; mais je vous declare que je ne me veux point marier. - Alcantor - Qui, vous ? - Sganarelle - Oui, moi. - Alcantor - Et la raison ? - Sganarelle - La raison ? C'est que je ne me sens point propre pour le mariage, et que je veux imiter mon pere, et tous ceux de ma race, qui ne se sont jamais voulu marier. - Alcantor - Ecoutez. Les volontes sont libres ; et je suis homme a ne contraindre jamais personne. Vous vous etes engage avec moi pour epouser ma fille, et tout est prepare pour cela ; mais puisque vous voulez retirer votre parole, je vais voir ce qu'il y a a faire ; et vous aurez bientot de mes nouvelles. ----------- Scene XV. - Sganarelle. - Sganarelle - Encore est-il plus raisonnable que je ne pensais, et je croyais avoir bien plus de peine a m'en degager. Ma foi, quand j'y songe, j'ai fait fort sagement de me tirer de cette affaire ; et j'allais faire un pas dont je me serais peut-etre longtemps repenti. Mais voici le fils qui vient me rendre reponse. ----------- Scene XVI. - Alcidas, Sganarelle. - Alcidas - (parlant d'un ton doucereux.) Monsieur, je suis votre serviteur tres humble. - Sganarelle - Monsieur, je suis le votre de tout mon coeur. - Alcidas - (toujours avec le meme ton.) Mon pere m'a dit, Monsieur, que vous vous etiez venu degager de la parole que vous aviez donnee. - Sganarelle - Oui, Monsieur, c'est avec regret ; mais... - Alcidas - Oh ! Monsieur, il n'y a pas de mal a cela. - Sganarelle - J'en suis fache, je vous assure ; et je souhaiterais... - Alcidas - Cela n'est rien, vous dis-je. (Alcidas presente a Sganarelle deux epees.) Monsieur, prenez la peine de choisir, de ces deux epees, laquelle vous voulez. - Sganarelle - De ces deux epees ? - Alcidas - Oui, s'il vous plait. - Sganarelle - A quoi bon ? - Alcidas - Monsieur, comme vous refusez d'epouser ma soeur apres la parole donnee, je crois que vous ne trouverez pas mauvais le petit compliment que je viens vous faire. - Sganarelle - Comment ? - Alcidas - D'autres gens feraient du bruit, et s'emporteraient contre vous ; mais nous sommes personnes a traiter les choses dans la douceur ; et je viens vous dire civilement qu'il faut, si vous le trouvez bon, que nous nous coupions la gorge ensemble. - Sganarelle - Voila un compliment fort mal tourne. - Alcidas - Allons, Monsieur, choisissez, je vous prie. - Sganarelle - Je suis votre valet, je n'ai point de gorge a me couper. (a part.) La vilaine facon de parler que voila ! - Alcidas - Monsieur, il faut que cela soit, s'il vous plait. - Sganarelle - Eh ! Monsieur, rengainez ce compliment, je vous prie. - Alcidas - Depechons vite, Monsieur. J'ai une petite affaire qui m'attend. - Sganarelle - Je ne veux point de cela, vous dis-je. - Alcidas - Vous ne voulez pas vous battre ? - Sganarelle - Nenni, ma foi. - Alcidas - Tout de bon ? - Sganarelle - Tout de bon. - Alcidas - (apres lui avoir donne des coups de baton.) Au moins, Monsieur, vous n'avez pas lieu de vous plaindre ; vous voyez que je fais les choses dans l'ordre. Vous nous manquez de parole, je me veux battre contre vous ; vous refusez de vous battre, je vous donne des coups de baton : tout cela est dans les formes ; et vous etes trop honnete homme pour ne pas approuver mon procede. - Sganarelle - (a part.) Quel diable d'homme est-ce ci ? - Alcidas - (lui presente encore deux epees.) Allons, Monsieur, faites les choses galamment, et sans vous faire tirer l'oreille. - Sganarelle - Encore ? - Alcidas - Monsieur, je ne contrains personne ; mais il faut que vous vous battiez, ou que vous epousiez ma soeur. - Sganarelle - Monsieur, je ne puis faire ni l'un ni l'autre, je vous assure. - Alcidas - Assurement ? - Sganarelle - Assurement. - Alcidas - Avec votre permission, donc... (Alcidas lui donne encore des coups de baton.) - Sganarelle - Ah ! ah ! ah ! - Alcidas - Monsieur, j'ai tous les regrets du monde d'etre oblige d'en user ainsi avec vous ; mais je ne cesserai point, s'il vous plait, que vous n'ayez promis de vous battre, ou d'epouser ma soeur. (Alcidas leve le baton.) - Sganarelle - Eh bien, j'epouserai, j'epouserai. - Alcidas - Ah ! Monsieur, je suis ravi que vous vous mettiez a la raison, et que les choses se passent doucement. Car enfin vous etes l'homme du monde que j'estime le plus, je vous jure ; et j'aurais ete au desespoir que vous m'eussiez contraint a vous maltraiter. Je vais appeler mon pere, pour lui dire que tout est d'accord. (Il va frapper a la porte d'Alcantor.) ----------- Scene XVII. - Alcantor, Dorimene, Alcidas, Sganarelle. - Alcidas - Mon pere, voila Monsieur qui est tout a fait raisonnable. Il a voulu faire les choses de bonne grace, et vous pouvez lui donner ma soeur. - Alcantor - Monsieur, voila sa main ; vous n'avez qu'a donner la votre. Loue soit le ciel ! m'en voila decharge, et c'est vous desormais que regarde le soin de sa conduite. Allons nous rejouir et celebrer cet heureux mariage. FIN DU MARIAGE FORCE. ------------------------------------------------------------------------- Notes [from 1890 edition] ----------- (1) "Mettez donc dessus", pour "mettez donc votre chapeau". Locution elliptique qui n'est plus d'usage, et dont nous avons deja vu un exemple dans l'"Ecole des femmes", acte III, scene IV. ----------- (2) Donner un "cadeau" signifiait autrefois "donner un repas". Le P. Bouhours fait venir ce mot de "cadendo", parce que, dit-il, les buveurs chancellent et tombent et que c'est ordinairement comme finissent les "cadeaux". ----------- (3) Tous les passages places entre deux crochets ne se trouvent que dans l'edition de 1682. ----------- (4) Pancrace rassemble ici en une seule phrase deux expressions proverbiales qu'Erasme a recueillies dans ses "Adages", l'une de Terence, "tota errare via" ; l'autre de Macrobe, "toto coelo errare", et qui toutes deux veulent dire, donner dans la plus grande des erreurs, etre a mille lieues de la verite. Rabelais a traduit litteralement "toto coelo errare" : "Qui aultrement la nomme erre par tout le ciel". (A.) ----------- (5) Des poings, des pieds, des ongles et du bec. ----------- (6) Cet appel a la severite des magistrats fait allusion aux efforts serieux de l'Universite pour obtenir la confirmation de l'arret de 1624, lequel condamnait au banissement les nommes Villon, Bitault et de Claves, pour avoir pense autrement qu'Aristote. ----------- (7) "Fieffe", vient de "Fief". Il se dit de ceux qui ont quelques vices. Dans ce sens, il signifie "acheve", comme qui dirait un homme a qui il ne manque rien d'un tel vice ; de la meme facon qu'il ne manque rien pour posseder un fief a celui qui l'a recu de son seigneur. (Caseneuve.) -- Les precieuses prenaient ce mot en bonne part, et disaient d'un amant bien accueilli des dames, que c'etait "un galant fieffe". ----------- (8) Le vide existe dans le nature. ----------- (9) C'est-a-dire, si elle a pour objet la "perception", le "jugement", et le "raisonnement", ou ce dernier seulement. ----------- (10) Les categories etaient un moyen de classer toutes les pensees de l'entendement humain. Aristote en comptait dix. ----------- (11) Il s'agit de savoir "si l'essence d'un bien se trouve dans ce qu'on desire ou dans ce qui convient." ----------- (12) Cette question est aussi inintelligible que les precedentes sont ridicules. En recueillant toutes ces subtilites scolastiques, Moliere voulait se moquer du faux savoir, et devenait le vengeur du bon gout, apres l'avoir ete du bon sens. ----------- (13) "L'indice et le miroir de l'ame". C'est ce que Pancrace traduit encore par les mots de "truchement" et d'"image". (A.) ----------- (14) "Arcanes", mot latin francise ; il signifie secret mysterieux. Plus bas, "ratiociner", pour "raisonner", terme de logique qui n'a jamais ete en usage que dans les ecoles. ----------- (15) Point d"ambages", c'est-a-dire, point d'embarras de paroles. ----------- (16) La jurisprudence se composait de deux corps de droit, l'ecclesiastique et le civil. "In utroque jure" veut dire, dans l'un et l'autre droit. Un docteur "In utroque jure" etait donc celui qui professait le droit civil et le droit canon. ----------- (17) Par tous les cas et les modes imaginables. ----------- (18) Art d'interpreter les songes. ----------- (19) Mesure de la terre. ----------- (20) "Speculoire" et "speculatoire". -- La "speculatoire" est l'art d'interpreter les eclairs, le tonnerre, les cometes, et autres meteores ou phenomenes semblables. La "speculoire" est la partie de l'art divinatoire qui consiste a faire voir dans un miroir les personnes ou les choses que l'on desire connaitre. (A.) ----------- (21) Art de conjecturer le sort d'une personne par l'inspection des traits de son visage. Cardan a fait un volume in-folio fort curieux sur cette science chimerique. ----------- (22) "Chiromancie", divination par l'inspection des lignes de la main. -- "Geomancie", art de deviner, soit par des lignes qu'on trace au hasard sur la terre, soit par les fentes naturelles qu'on remarque a sa surface. (A.) ----------- (23) C'est a dire une piece "a la croix", par allusion a la croix representee sur certaine piece de monnaie. ----------- *** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK, LE MARIAGE FORCE *** This file should be named 7marf10.txt or 7marf10.zip Corrected EDITIONS of our eBooks get a new NUMBER, 7marf11.txt VERSIONS based on separate sources get new LETTER, 7marf10a.txt Project Gutenberg eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the US unless a copyright notice is included. Thus, we usually do not keep eBooks in compliance with any particular paper edition. We are now trying to release all our eBooks one year in advance of the official release dates, leaving time for better editing. Please be encouraged to tell us about any error or corrections, even years after the official publication date. Please note neither this listing nor its contents are final til midnight of the last day of the month of any such announcement. The official release date of all Project Gutenberg eBooks is at Midnight, Central Time, of the last day of the stated month. A preliminary version may often be posted for suggestion, comment and editing by those who wish to do so. Most people start at our Web sites at: http://gutenberg.net or http://promo.net/pg These Web sites include award-winning information about Project Gutenberg, including how to donate, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter (free!). Those of you who want to download any eBook before announcement can get to them as follows, and just download by date. This is also a good way to get them instantly upon announcement, as the indexes our cataloguers produce obviously take a while after an announcement goes out in the Project Gutenberg Newsletter. http://www.ibiblio.org/gutenberg/etext03 or ftp://ftp.ibiblio.org/pub/docs/books/gutenberg/etext03 Or /etext02, 01, 00, 99, 98, 97, 96, 95, 94, 93, 92, 92, 91 or 90 Just search by the first five letters of the filename you want, as it appears in our Newsletters. Information about Project Gutenberg (one page) We produce about two million dollars for each hour we work. The time it takes us, a rather conservative estimate, is fifty hours to get any eBook selected, entered, proofread, edited, copyright searched and analyzed, the copyright letters written, etc. Our projected audience is one hundred million readers. If the value per text is nominally estimated at one dollar then we produce $2 million dollars per hour in 2002 as we release over 100 new text files per month: 1240 more eBooks in 2001 for a total of 4000+ We are already on our way to trying for 2000 more eBooks in 2002 If they reach just 1-2% of the world's population then the total will reach over half a trillion eBooks given away by year's end. The Goal of Project Gutenberg is to Give Away 1 Trillion eBooks! This is ten thousand titles each to one hundred million readers, which is only about 4% of the present number of computer users. Here is the briefest record of our progress (* means estimated): eBooks Year Month 1 1971 July 10 1991 January 100 1994 January 1000 1997 August 1500 1998 October 2000 1999 December 2500 2000 December 3000 2001 November 4000 2001 October/November 6000 2002 December* 9000 2003 November* 10000 2004 January* The Project Gutenberg Literary Archive Foundation has been created to secure a future for Project Gutenberg into the next millennium. We need your donations more than ever! As of February, 2002, contributions are being solicited from people and organizations in: Alabama, Alaska, Arkansas, Connecticut, Delaware, District of Columbia, Florida, Georgia, Hawaii, Illinois, Indiana, Iowa, Kansas, Kentucky, Louisiana, Maine, Massachusetts, Michigan, Mississippi, Missouri, Montana, Nebraska, Nevada, New Hampshire, New Jersey, New Mexico, New York, North Carolina, Ohio, Oklahoma, Oregon, Pennsylvania, Rhode Island, South Carolina, South Dakota, Tennessee, Texas, Utah, Vermont, Virginia, Washington, West Virginia, Wisconsin, and Wyoming. We have filed in all 50 states now, but these are the only ones that have responded. As the requirements for other states are met, additions to this list will be made and fund raising will begin in the additional states. Please feel free to ask to check the status of your state. In answer to various questions we have received on this: We are constantly working on finishing the paperwork to legally request donations in all 50 states. If your state is not listed and you would like to know if we have added it since the list you have, just ask. While we cannot solicit donations from people in states where we are not yet registered, we know of no prohibition against accepting donations from donors in these states who approach us with an offer to donate. International donations are accepted, but we don't know ANYTHING about how to make them tax-deductible, or even if they CAN be made deductible, and don't have the staff to handle it even if there are ways. Donations by check or money order may be sent to: Project Gutenberg Literary Archive Foundation PMB 113 1739 University Ave. Oxford, MS 38655-4109 Contact us if you want to arrange for a wire transfer or payment method other than by check or money order. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation has been approved by the US Internal Revenue Service as a 501(c)(3) organization with EIN [Employee Identification Number] 64-622154. Donations are tax-deductible to the maximum extent permitted by law. As fund-raising requirements for other states are met, additions to this list will be made and fund-raising will begin in the additional states. We need your donations more than ever! You can get up to date donation information online at: http://www.gutenberg.net/donation.html *** If you can't reach Project Gutenberg, you can always email directly to: Michael S. Hart Prof. Hart will answer or forward your message. We would prefer to send you information by email. **The Legal Small Print** (Three Pages) ***START**THE SMALL PRINT!**FOR PUBLIC DOMAIN EBOOKS**START*** Why is this "Small Print!" statement here? You know: lawyers. They tell us you might sue us if there is something wrong with your copy of this eBook, even if you got it for free from someone other than us, and even if what's wrong is not our fault. So, among other things, this "Small Print!" statement disclaims most of our liability to you. It also tells you how you may distribute copies of this eBook if you want to. *BEFORE!* YOU USE OR READ THIS EBOOK By using or reading any part of this PROJECT GUTENBERG-tm eBook, you indicate that you understand, agree to and accept this "Small Print!" statement. If you do not, you can receive a refund of the money (if any) you paid for this eBook by sending a request within 30 days of receiving it to the person you got it from. If you received this eBook on a physical medium (such as a disk), you must return it with your request. ABOUT PROJECT GUTENBERG-TM EBOOKS This PROJECT GUTENBERG-tm eBook, like most PROJECT GUTENBERG-tm eBooks, is a "public domain" work distributed by Professor Michael S. Hart through the Project Gutenberg Association (the "Project"). Among other things, this means that no one owns a United States copyright on or for this work, so the Project (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. Special rules, set forth below, apply if you wish to copy and distribute this eBook under the "PROJECT GUTENBERG" trademark. Please do not use the "PROJECT GUTENBERG" trademark to market any commercial products without permission. To create these eBooks, the Project expends considerable efforts to identify, transcribe and proofread public domain works. Despite these efforts, the Project's eBooks and any medium they may be on may contain "Defects". Among other things, Defects may take the form of incomplete, inaccurate or corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual property infringement, a defective or damaged disk or other eBook medium, a computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by your equipment. LIMITED WARRANTY; DISCLAIMER OF DAMAGES But for the "Right of Replacement or Refund" described below, [1] Michael Hart and the Foundation (and any other party you may receive this eBook from as a PROJECT GUTENBERG-tm eBook) disclaims all liability to you for damages, costs and expenses, including legal fees, and [2] YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE OR UNDER STRICT LIABILITY, OR FOR BREACH OF WARRANTY OR CONTRACT, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR INCIDENTAL DAMAGES, EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH DAMAGES. If you discover a Defect in this eBook within 90 days of receiving it, you can receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending an explanatory note within that time to the person you received it from. If you received it on a physical medium, you must return it with your note, and such person may choose to alternatively give you a replacement copy. If you received it electronically, such person may choose to alternatively give you a second opportunity to receive it electronically. THIS EBOOK IS OTHERWISE PROVIDED TO YOU "AS-IS". NO OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, ARE MADE TO YOU AS TO THE EBOOK OR ANY MEDIUM IT MAY BE ON, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR A PARTICULAR PURPOSE. Some states do not allow disclaimers of implied warranties or the exclusion or limitation of consequential damages, so the above disclaimers and exclusions may not apply to you, and you may have other legal rights. INDEMNITY You will indemnify and hold Michael Hart, the Foundation, and its trustees and agents, and any volunteers associated with the production and distribution of Project Gutenberg-tm texts harmless, from all liability, cost and expense, including legal fees, that arise directly or indirectly from any of the following that you do or cause: [1] distribution of this eBook, [2] alteration, modification, or addition to the eBook, or [3] any Defect. DISTRIBUTION UNDER "PROJECT GUTENBERG-tm" You may distribute copies of this eBook electronically, or by disk, book or any other medium if you either delete this "Small Print!" and all other references to Project Gutenberg, or: [1] Only give exact copies of it. Among other things, this requires that you do not remove, alter or modify the eBook or this "small print!" statement. You may however, if you wish, distribute this eBook in machine readable binary, compressed, mark-up, or proprietary form, including any form resulting from conversion by word processing or hypertext software, but only so long as *EITHER*: [*] The eBook, when displayed, is clearly readable, and does *not* contain characters other than those intended by the author of the work, although tilde (~), asterisk (*) and underline (_) characters may be used to convey punctuation intended by the author, and additional characters may be used to indicate hypertext links; OR [*] The eBook may be readily converted by the reader at no expense into plain ASCII, EBCDIC or equivalent form by the program that displays the eBook (as is the case, for instance, with most word processors); OR [*] You provide, or agree to also provide on request at no additional cost, fee or expense, a copy of the eBook in its original plain ASCII form (or in EBCDIC or other equivalent proprietary form). [2] Honor the eBook refund and replacement provisions of this "Small Print!" statement. [3] Pay a trademark license fee to the Foundation of 20% of the gross profits you derive calculated using the method you already use to calculate your applicable taxes. If you don't derive profits, no royalty is due. Royalties are payable to "Project Gutenberg Literary Archive Foundation" the 60 days following each date you prepare (or were legally required to prepare) your annual (or equivalent periodic) tax return. Please contact us beforehand to let us know your plans and to work out the details. WHAT IF YOU *WANT* TO SEND MONEY EVEN IF YOU DON'T HAVE TO? Project Gutenberg is dedicated to increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine readable form. The Project gratefully accepts contributions of money, time, public domain materials, or royalty free copyright licenses. Money should be paid to the: "Project Gutenberg Literary Archive Foundation." If you are interested in contributing scanning equipment or software or other items, please contact Michael Hart at: hart@pobox.com [Portions of this eBook's header and trailer may be reprinted only when distributed free of all fees. Copyright (C) 2001, 2002 by Michael S. Hart. Project Gutenberg is a TradeMark and may not be used in any sales of Project Gutenberg eBooks or other materials be they hardware or software or any other related product without express permission.] *END THE SMALL PRINT! FOR PUBLIC DOMAIN EBOOKS*Ver.02/11/02*END*